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LAP_4/LAP16
Victor de LAPRADE
ODES ET POÈMES
1844
LIVRE DEUXIÈME
V
CONTRE LE REPOS
Va ! marche au but suprême où marche toute chose : 6+6 a
Vois, d’un souffle divin l’espace est tourmenté ; 6+6 b
Quel globe est endormi ? Quel astre se repose ? 6+6 a
Toi seul tu prétendrais à l’immobilité ! 6+6 b
5 Attends-tu là, couché, que le désert t’apporte 6+6 a
Ses fontaines d’eau vive où tu veux t’étancher ; 6+6 b
Et, venu pour toi seul, que Dieu frappe à ta porte, 6+6 a
Sans que tu daignes faire un pas pour le chercher ? 6+6 b
Ses bras te sont tendus ; va toi-même, et réclame 6+6 a
10 La part qui te revient d’air pur et de soleil ; 6+6 b
Et s’il pleut quelque part de la manne pour l’âme, 6+6 a
Sache, pour la cueillir, t’arracher au sommeil. 6+6 b
Suis l’instinct qui t’invite à sortir de toi-même, 6+6 a
Si tu veux croître en force, en sagesse, en beauté ; 6+6 b
15 Vois le saint univers qui t’appelle et qui t’aime : 6+6 a
Cherche en lui ce qui manque à ta divinité. 6+6 b
Monte sur les sommets, fouille dans les cavernes ; 6+6 a
Aux astres, aux volcans, allume tes flambeaux ; 6+6 b
Agrandis chaque jour l’empire où tu gouvernes ; 6+6 a
20 De ton sceptre brisé réunis les lambeaux. 6+6 b
Dompte les éléments et rends-les tributaires ; 6+6 a
Mets aux chaînes Protée ; emploie à tes desseins 6+6 b
La nymphe des glaciers et l’esprit des cratères ; 6+6 a
Multiplie, ô Titan ! tes sublimes larcins. 6+6 b
25 Du vol de la pensée aide tes bras trop frêles ; 6+6 a
La volonté des monts sait courber les sommets ; 6+6 b
Fatigue tour à tour ou tes pieds ou tes ailes, 6+6 a
Et rampe, s’il le faut, mais ne t’assieds jamais. 6+6 b
Lève-toi ! Dieu maudit les races accroupies 6+6 a
30 Des stagnantes cités respirant l’air mauvais ; 6+6 b
Le doute et le repos aujourd’hui sont impies : 6+6 a
Homme, sache trouver ce qu’enfant tu rêvais. 6+6 b
Marche seul, si ton frère en chemin t’abandonne 6+6 a
Et des désirs sacrés ne sent plus l’aiguillon. 6+6 b
35 Vois là-bas, au désert, ce champ que Dieu te donne : 6+6 a
Au sol de l’inconnu va creuser ton sillon. 6+6 b
Souffre et combats ; la lutte a des palmes certaines ! 6+6 a
C’est trop peu d’en gémir, il faut dompter le mal ; 6+6 b
Il faut chercher et vaincre, au bout des mers lointaines, 6+6 a
40 Le monstre vigilant qui garde l’idéal. 6+6 b
Passe, et n’écoute pas qui taxe de mensonge 6+6 a
Cet invincible espoir, ton guide et ton soutien : 6+6 b
Tout abîme à sa perte ; et quand le cœur y plonge, 6+6 a
Sous l’horrible douleur il trouve encor le bien. 6+6 b
45 Va, sans le renier, jusqu’au bout de ton rêve, 6+6 a
Qu’aperçois-tu, mon âme ? Au fond, n’est-ce pas Dieu ? 6+6 b
Tu vas à lui. Crains-tu d’échouer sur la grève ? 6+6 a
Est-ce pour te tromper qu’y luit son œil de feu ? 6+6 b
Pars, recueillant les bruits sous les chênes prophètes, 6+6 a
50 Les parfums, les rayons que darde l’avenir ; 6+6 b
Demande au vin sacré que versent les poètes 6+6 a
L’ardeur de proclamer celui qui doit venir ! 6+6 b
Remplis donc à deux mains la coupe où tu t’enivres ; 6+6 a
Puise dans le désert, puise dans la cité. 6+6 b
55 Va ! lis dans la nature, et même dans les livres ; 6+6 a
Où l’amour n’est-il pas ? où n’est pas la beauté ? 6+6 b
Prends à la terre, aux flots, tout ce qui s’en exhale ; 6+6 a
Emporte dans ton vol les rumeurs des chemins ; 6+6 b
Prends aux fleurs des sommets l’haleine matinale ; 6+6 a
60 Respire-la mêlée à celle des humains ! 6+6 b
Vole au terme entrevu de tes courses fécondes, 6+6 a
Sans t’arrêter ici, car le but est ailleurs : 6+6 b
Car, ô souffle immortel, tu dois à d’autres mondes 6+6 a
Porter ce que le nôtre a d’atomes meilleurs. 6+6 b
65 Va donc, homme, va donc ! ta moisson n’est pas mûre ; 6+6 a
Tu n’as pas tout aimé, tu n’as pas tout compris ; 6+6 b
Tu n’as pas accompli, sous l’œil de la nature, 6+6 a
Les rites de l’hymen avec tous ses esprits ! 6+6 b
Marche sans t’endormir, même parmi les roses, 6+6 a
70 Pour aller, quand la terre aura repris tes os, 6+6 b
Vers l’être que tu sens à travers toutes choses, 6+6 a
Te reposer en lui… s’il connaît le repos ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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