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LAP_4/LAP11
Victor de LAPRADE
ODES ET POÈMES
1844
LIVRE PREMIER
V
SUNIUM
Sagesse des vieux jours, vierge mélodieuse. 6+6 a
Muse vêtue encor de la pourpre du ciel. 6+6 b
Manne que distillait une bouche pieuse, 6+6 a
Science des enfants, faite d’ambre et de miel ! 6+6 b
5 La lumière et l’amour ruisselaient, ô déesse, 6+6 a
Sur ta chaste poitrine en un même ruisseau, 6+6 b
Et l’homme entre tes bras buvait avec ivresse 6+6 a
Le breuvage du vrai dans la coupe du beau. 6+6 b
Nul livre n’abaissait ta main droite étendue ; 6+6 a
10 Le passé, dans tes chants, racontait l’avenir, 6+6 b
Et, de l’éternité naguère descendue, 6+6 a
Tu n’avais pour parler qu’à te ressouvenir. 6+6 b
Ô vérité ! ton âme habitait dans la lyre, 6+6 a
L’esprit avec le son y chantait à la fois ; 6+6 b
15 Mais de ses flancs brisés où l’homme voulait lire, 6+6 a
Il a fait envoler la pensée et la voix. 6+6 b
Sainte inspiration, la terre t’a bannie ! 6+6 a
La science à pas lourds y creuse ses sillons ; 6+6 b
Le sage n’entend plus murmurer un génie ; 6+6 a
20 Dieu voile sa splendeur aux yeux des nations. 6+6 b
Mais, ô divin Platon, fils des vieux sanctuaires, 6+6 a
Lorsqu’au fond de l’éther vous sommeilliez encor, 6+6 b
La muse vous nourrit des saints électuaires, 6+6 a
Et toucha votre bouche avec ses lèvres d’or. 6+6 b
25 Elle vous fit ainsi poète entre les sages ; 6+6 a
Tous les autres parlaient, et vous avez chanté ! 6+6 b
La myrrhe au sein de l’or se garde après des âges : 6+6 a
Tous vos enseignements vivront dans la beauté. 6+6 b
Je vous vois, ô vieillard, assis sous les portiques, 6+6 a
30 Et marchant lentement sous les platanes verts, 6+6 b
Et sur un lit d’ivoire en ces festins antiques 6+6 a
Où coulaient à la fois le nectar et les vers. 6+6 b
Là, couronné de fleurs, ô hiérophante, ô prêtre ! 6+6 a
Vous découvriez le seuil d’un monde radieux ; 6+6 b
35 Vos amis se pressaient, beaux comme leur beau maître, 6+6 a
Et leurs regards suivaient le chemin de vos yeux. 6+6 b
Ainsi qu’un vin béni que l’on boit à la ronde, 6+6 a
Vous répandiez sur eux un discours embaumé, 6+6 b
En flattant sous vos doigts la chevelure blonde 6+6 a
40 D’un jeune Athénien immobile et charmé. 6+6 b
Après venait un chœur de femmes d’Ionie ; 6+6 a
La flûte cadençait leurs pas mélodieux ; 6+6 b
Puis, ô Grecs ! enivrés d’amour et d’harmonie 6+6 a
Vous chantiez sur la lyre un hymne pour les dieux. 6+6 b
45 Sunium ! Sunium, ô divin promontoire 6+6 a
Que la mer de Myrtho baigne amoureusement, 6+6 b
Ta cime a vu trôner le sage dans sa gloire ! 6+6 a
Il a mêlé sa voix à ton gémissement ! 6+6 b
Il venait là s’asseoir sur la roche dorée, 6+6 a
50 Le poète ! il parlait avec un front riant ; 6+6 b
Parfois, comme pour lire une page inspirée, 6+6 a
Il s’arrêtait, les yeux plongés dans l’Orient. 6+6 b
Ses disciples, drapés dans leurs manteaux de laine, 6+6 a
Dans les myrthes en fleurs se groupant au hasard, 6+6 b
55 Recevaient en leurs cœurs, muets et sans haleine, 6+6 a
Le baume qui coulait des lèvres du vieillard. 6+6 b
Sunium ! Sunium ! as-tu fait à sa place 6+6 a
Fleurir un laurier-rose ou quelque arbre inconnu ? 6+6 b
As-tu plus de parfums pour la brise qui passe ? 6+6 a
60 Tes échos chantent-ils depuis qu’il est venu ? 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite périodique
schéma : 15(abab)
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