LIVRE TROISIÈME |
ARGUMENT
L’OLYMPE OU LE CIEL.
UNION DE L’ÂME HUMAINE AVEC DIEU DANS UNE AUTRE VIE.
L’absence de Psyché attriste l’Amour son époux et fait un
vide dans le ciel. — Éros vient supplier le père des dieux de
mettre un terme aux épreuves et à l’exil de l’âme à laquelle
il doit s’unir éternellement. — Le dieu médiateur, au
moment de la désobéissance de Psyché, avait laissé tomber
la première larme versée par un immortel. — Il pleure de
nouveau, quoique dieu ; il a expié lui-même la faute de
celle qu’il aime en acceptant sa part des douleurs de l’exil.
— Les Grâces, ces augustes messagères des suppliants,
filles de la Piété, personnification du plus doux attribut de
la nature divine, la clémence, les Grâces prient à leur tour
pour Psyché. — Elles révèlent le sens de la faute primitive ;
elles expliquent cette déchéance si amèrement expiée. —
Par la première faute, l’homme, se détachant de l’être infini
et prenant conscience de lui-même, a passé de l’immobilité
dans le mouvement ascensionnel de la vie. — La douleur
était nécessaire à la formation de la personnalité de l’âme
humaine, à cette évolution sublime qui défait ramener
l’humanité dans le sein de Dieu, comme un être distinct,
comme une nouvelle personne admise à participer à la
félicité infinie. — Les dieux, à leur tour, racontent comment
ils ont désiré cet hymen du ciel et de la terre figuré par
leurs amours avec les filles des hommes. — Lorsque le Père
tout-puissant sortit de son repos éternel, il y fut conduit par
un motif d’amour, car l’amour est le motif essentiel de
l’infini. — L’union de Psyché et d’Éros, de l’homme avec
Dieu, est nécessaire, en quelque sorte, pour compléter l’être
et parfaire l’infini. — Jupiter consent au retour de l’âme
dans le ciel, à la réunion des époux mystiques. — Mais
l’âme ne saurait remonter dans le ciel par ses propres
forces et sans un médiateur divin : Éros descend sur la terre
et rapporte dans ses bras Psyché évanouie. — Les noces se
célèbrent dans l’Olympe. — Les Muses font entendre le
chant nuptial. — Au lieu de la première lampe, pâle et
furtive, un astre immortel inonde de lumière la couche de
l’hymen condamné jadis à l’obscurité. — Hymne de
Psyché : Bénie la première faute ! felix culpa ! bénie la
curiosité aujourd’hui satisfaite par la vérité infinie ; béni le
désir assouvi dans l’amour éternel. — La mort est bénie,
car elle a donné naissance à la résurrection ; la vie de la
résurrection est plus belle que la vie d’avant la mort. — De
l’hymen d’Éros et de Psyché, la Volupté naquit dans
l’Olympe. — Le bonheur infini est engendré par l’union de
l’âme et de l’idéal, par le retour de l’humanité au sein de
Dieu. — Les divinités exilées rentrent dans l’Olympe.
L’hymne universel célèbre la vie bienheureuse et
l’anéantissement du mal.
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Un sommet inconnu│ même aux regards de l’aigle, |
6+6 |
a |
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Une belle cité│ dont l’amour est la règle, |
6+6 |
a |
|
Où le parfait accord│ résonne à tous moments. |
6+6 |
b |
|
Où la paix en un seul│ fond tous les éléments, |
6+6 |
b |
5 |
En son immensité│ riante et constellée, |
6+6 |
a |
|
Voit des dieux immortels│ la sereine assemblée. |
6+6 |
a |
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|
Au bord des puits sacrés,│ sources des grandes eaux, |
6+6 |
b |
|
Là, des arbres vivants│ étendent leurs rameaux ; |
6+6 |
b |
|
De leurs fruits lumineux│ et des parfums qu’ils versent, |
6+6 |
a |
10 |
Jusqu’au fond des vallons│ les germes se dispersent. |
6+6 |
a |
|
Là, les astres errant│ avant de flamboyer |
6+6 |
b |
|
Allument leurs rayons│ à l’éternel foyer ; |
6+6 |
b |
|
L’être à flots abondants│ qui jaillit de ce centre |
6+6 |
a |
|
Sans cesse à flots égaux│ comme à son terme y rentre. |
6+6 |
a |
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15 |
Là, tournent gravement,│ d’un pas mélodieux, |
6+6 |
b |
|
Les heures mesurant│ les voluptés aux dieux ; |
6+6 |
b |
|
Et les pieds des Saisons│ dessinent avec elles |
6+6 |
a |
|
Les contours variés│ des danses éternelles. |
6+6 |
a |
|
Chaque Muse à son tour│ de ces groupes charmants |
6+6 |
b |
20 |
Soumet aux rhythmes saints│ les joyeux mouvements, |
6+6 |
b |
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Sur trois modes divers│ régis par les trois Grâces. |
6+6 |
a |
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Un chœur de dieux bondit│ et chante sur leurs traces ; |
6+6 |
a |
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D’autres lancent au loin│ ou le disque ou les traits ; |
6+6 |
b |
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D’autres, dans les détours│ des ombrages secrets, |
6+6 |
b |
25 |
De leur amour fécond│ enivrent les déesses ; |
6+6 |
a |
|
Et tout, les jeux, les chants,│ les danses, les caresses, |
6+6 |
a |
|
Observant des accords│ les souriantes lois, |
6+6 |
b |
|
De mille bruits réglés│ ne forme qu’une voix. |
6+6 |
b |
|
Parfois jusqu’aux humains│ la musique suprême |
6+6 |
a |
30 |
Arrive en se voilant│ à travers quelque emblème, |
6+6 |
a |
|
Pour rendre aux cœurs dans l’ombre│ ici-bas engloutis |
6+6 |
b |
|
L’espoir des lieux sacrés│ dont nous sommes sortis. |
6+6 |
b |
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|
Après les jeux finis,│ et la lutte et la course, |
6+6 |
a |
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Et les bains odorants│ pris à leur tiède source, |
6+6 |
a |
35 |
La splendeur du banquet│ rappelle au loin les dieux |
6+6 |
b |
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Dans les palais d’airain│ aux frontons radieux, |
6+6 |
b |
|
Où, gravant le récit│ des saintes origines, |
6+6 |
a |
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Vulcain sculpta dans l’or│ les histoires divines, |
6+6 |
a |
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Et les lois de l’augure│ et l’antique Destin |
6+6 |
b |
40 |
Oui règne sur l’Olympe│ invisible et certain. |
6+6 |
b |
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|
À sa place choisie│ et qui jamais ne change |
6+6 |
a |
|
Aux pieds du souverain,│ là chaque dieu se range |
6+6 |
a |
|
Dans un cercle, et s’étend│ sur l’ivoire des lits |
6+6 |
b |
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Que la pourpre ondoyante│ inonde de ses plis. |
6+6 |
b |
45 |
Des dieux la soif est grande ;│ il faut, pour y suffire, |
6+6 |
a |
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Qu’un breuvage immortel│ des cuves de porphyre |
6+6 |
a |
|
Jaillisse par torrents│ dans le vase d’Hébé. |
6+6 |
b |
|
Chacun dans le nectar│ de cette urne tombé |
6+6 |
b |
|
Boit aux coupes d’onyx│ l’éternelle jeunesse. |
6+6 |
a |
50 |
Quand la soif est calmée,│ avant qu’elle renaisse, |
6+6 |
a |
|
Recommence le chant ;│ car le chant créateur |
6+6 |
b |
|
Est le devoir des dieux,│ comme il est leur bonheur. |
6+6 |
b |
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|
De son siège plus haut,│ du ciel centre immobile |
6+6 |
a |
|
D’où rayonne à longs traits│ une clarté subtile, |
6+6 |
a |
55 |
Le roi voyait s’unir,│ sous ses yeux adorés, |
6+6 |
b |
|
Les couples bienheureux│ par lui-même engendrés. |
6+6 |
b |
|
Sur tous ces fronts divers,│ pleins d’une même grâce, |
6+6 |
a |
|
Père, il a reconnu│ les beautés de sa face. |
6+6 |
a |
|
Un sourire charmant,│ dont l’Olympe a relui, |
6+6 |
b |
60 |
Du dieu passe à ses fils,│ et de ses fils à lui. |
6+6 |
b |
|
La terre en a sa part ;│ la moisson printanière |
6+6 |
a |
|
Sent d’un soleil plus chaud│ abonder la lumière, |
6+6 |
a |
|
Lui cependant, selon│ qu’ordonne le Destin, |
6+6 |
b |
|
Se complaît avec eux│ au glorieux festin ; |
6+6 |
b |
65 |
Et son jeune échanson│ lui verse à fantaisie |
6+6 |
a |
|
Le nectar qui fait vivre│ et la douce ambroisie. |
6+6 |
a |
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|
Mais une place est vide│ au cercle tout-puissant : |
6+6 |
b |
|
Les yeux des immortels│ semblent chercher l’absent, |
6+6 |
b |
|
Et le festin languit,│ et la joie est moins vive ; |
6+6 |
a |
70 |
Le roi même, inquiet,│ demande ce convive ; |
6+6 |
a |
|
Car dès que son sourire│ à l’Olympe est ôté, |
6+6 |
b |
|
Le front de tous les dieux│ perd sa sérénité. |
6+6 |
b |
|
En de communs transports,│ c’est lui qui les rallie ; |
6+6 |
a |
|
Par lui l’urne d’Hébé│ d’ivresse est mieux remplie ; |
6+6 |
a |
75 |
Il est l’âme du chant ;│ sans lui meurent les jeux ; |
6+6 |
b |
|
La douceur des parfums│ pleut de ses blonds cheveux. |
6+6 |
b |
|
Ouvrant des voluptés│ les sources recelées, |
6+6 |
a |
|
Il fait épanouir│ les déesses voilées. |
6+6 |
a |
|
Par lui peuplant la terre,│ et la mer et le ciel, |
6+6 |
b |
80 |
La vie émane à flots│ du père universel ; |
6+6 |
b |
|
C’est lui par qui l’on aime│ et par qui l’on féconde, |
6+6 |
a |
|
Éros, le jeune dieu,│ charme éternel du monde. |
6+6 |
a |
|
|
Au banquet des heureux│ pourquoi manquer ainsi ? |
6+6 |
b |
|
Quel rêve aux bords lointains│ t’emporte, ou quel souci |
6+6 |
b |
85 |
T’égare chaque jour,│ muet et solitaire, |
6+6 |
a |
|
Des sommets de l’Olympe│ aux vallons de la terre ? |
6+6 |
a |
|
Sous nos joyeux lambris,│ où tu pleures souvent, |
6+6 |
b |
|
On te voit revenir│ le front pâle et rêvant. |
6+6 |
b |
|
Bien des yeux de déesse│ en vain t’offrent leur flamme. |
6+6 |
a |
90 |
De terrestres amours│ ont-ils blessé ton âme ? |
6+6 |
a |
|
De tes ennuis, Éros,│ tu peux nous faire aveu ; |
6+6 |
b |
|
Quelle mortelle ainsi│ peut attrister un dieu ? |
6+6 |
b |
|
Mais c’est la destinée,│ et, tout dieux que nous sommes, |
6+6 |
a |
|
Notre cœur en subit│ la loi comme les hommes, |
6+6 |
a |
95 |
Ces mots erraient mêlés│ au bruit des urnes d’or ; |
6+6 |
b |
|
Et le nom de l’Amour│ retentissait encor, |
6+6 |
b |
|
Quand celui dont les dieux│ invoquaient la présence |
6+6 |
a |
|
Apparut. Sa douleur│ commandait le silence. |
6+6 |
a |
|
Il entre, et nul regard│ n’est cherché par le sien, |
6+6 |
b |
100 |
Traverse avec lenteur│ le cercle olympien, |
6+6 |
b |
|
Et marche au roi des dieux,│ dont l’auguste visage |
6+6 |
a |
|
D’un sourire à son fils│ a jeté le présage. |
6+6 |
a |
|
Le blond adolescent,│ sur son arc appuyé, |
6+6 |
b |
|
Pâle, et baissant son front│ de pleurs mal essuyé, |
6+6 |
b |
105 |
Lève enfin ses yeux bleus│ auxquels rien ne résiste, |
6+6 |
a |
|
Et mêlant de soupirs│ une voix douce et triste : |
6+6 |
a |
|
|
« Ô père ! n’est-ce pas│ l’heure d’être clément ? |
6+6 |
b |
|
D’un regard si rapide,│ hélas ! et si charmant, |
6+6 |
b |
|
Psyché, par tant de pleurs│ et par tant de constance, |
6+6 |
a |
110 |
N’a-t-elle pas assez│ expié l’imprudence, |
6+6 |
a |
|
Et payé d’un grand prix,│ selon vos saints décrets, |
6+6 |
b |
|
L’orgueil prématuré│ d’un dieu vu de trop près ? |
6+6 |
b |
|
Des larmes de ce dieu│ la richesse immortelle |
6+6 |
a |
|
N’a-t-elle pas baigné│ le ciel même pour elle ? |
6+6 |
a |
|
115 |
« Ah ! c’est le temps de rendre│ à ce cœur éprouvé |
6+6 |
b |
|
Son époux et l’Olympe,│ à l’amour réservé. |
6+6 |
b |
|
Fidèle à cet hymen│ qu’elle connut à peine, |
6+6 |
a |
|
À travers les douleurs│ de sa carrière humaine, |
6+6 |
a |
|
Son souvenir jamais│ n’abjura l’idéal. |
6+6 |
b |
120 |
Pleurant l’amant perdu│ plus que son propre mal, |
6+6 |
b |
|
Sous ses haillons d’esclave│ ou sa pourpre splendide, |
6+6 |
a |
|
Son cœur en a toujours│ gardé la place vide ; |
6+6 |
a |
|
Et les trésors qui font│ tout homme ambitieux, |
6+6 |
b |
|
Sans effleurer son âme,│ ont passé sous ses yeux. |
6+6 |
b |
|
125 |
« Dans l’Olympe avec moi│ permets donc qu’elle habite, |
6+6 |
a |
|
Et que le lit d’hymen,│ d’où l’épouse est proscrite, |
6+6 |
a |
|
De son lin parfumé│ lui rouvrant les douceurs, |
6+6 |
b |
|
Pour nous en ces jardins│ se dresse entre les fleurs. |
6+6 |
b |
|
Qu’elle goûte au nectar│ que les déesses boivent ; |
6+6 |
a |
130 |
Que la danse et le chant│ et les jeux la reçoivent ; |
6+6 |
a |
|
Sa voix et sa beauté│ la font digne du ciel : |
6+6 |
b |
|
Elle n’y rompra pas│ l’accord universel. |
6+6 |
b |
|
|
« Si donc je suis ta vie│ et ta joie, ô mon père ! |
6+6 |
a |
|
Et du grand chœur des dieux│ le charme nécessaire ; |
6+6 |
a |
135 |
Si leur puissance augmente│ alors que je souris, |
6+6 |
b |
|
Et si l’Amour absent,│ le ciel même est sans prix, |
6+6 |
b |
|
Ô père ! et vous, ô dieux !│ pour que l’Amour vous reste, |
6+6 |
a |
|
Recevez à jamais│ dans l’empire céleste |
6+6 |
a |
|
Cette âme qui m’implore,│ et qui m’a pour tout bien |
6+6 |
b |
140 |
Car un nœud immortel│ lia mon être au sien. » |
6+6 |
b |
|
|
Il dit, et, quoique dieu,│ supplie avec des larmes. |
6+6 |
a |
|
|
Trois sœurs aux fronts divers,│ mais égales en charmes, |
6+6 |
a |
|
Parurent après lui.│ Des tissus clairs et blancs |
6+6 |
b |
|
Voilent de plis légers│ leur sein chaste et leurs flancs, |
6+6 |
b |
145 |
Et chaque mouvement│ de leurs pas mélodiques |
6+6 |
a |
|
Décèle une beauté│ dans leurs formes pudiques. |
6+6 |
a |
|
D’une voix qui se glisse│ et vibre au fond des cœurs, |
6+6 |
b |
|
Voici ce que disaient│ les Grâces, ces trois sœurs : |
6+6 |
b |
|
|
« Ô dieu, père des dieux,│ qui seul n’as pas d’ancêtres, |
6+6 |
a |
150 |
Rouvre à l’âme ce sein,│ source et terme des êtres ; |
6+6 |
a |
|
Rappelle à nous Psyché ;│ nous qui vivons en toi, |
6+6 |
b |
|
À tes embrassements│ nous l’offrirons, ô roi ! |
6+6 |
b |
|
|
« Tu la laisseras boire,│ au bout de ses épreuves, |
6+6 |
a |
|
Dans les flots du nectar│ où toi-même t’abreuves : |
6+6 |
a |
155 |
Car ton cœur est ouvert│ à notre œil filial : |
6+6 |
b |
|
Nous savons le vrai sens│ de la vie et du mal. |
6+6 |
b |
|
L’homme encourut-il donc│ ta haine et ta vengeance, |
6+6 |
a |
|
Lorsqu’au prix des douleurs│ il conquit la science ; |
6+6 |
a |
|
L’ardeur de voir son dieu,│ ce désir infini, |
6+6 |
b |
160 |
D’un supplice éternel│ doit-il être puni ? |
6+6 |
b |
|
|
« Pourquoi donc mettre en eux│ cette soif de connaître, |
6+6 |
a |
|
Et ce besoin d’amour,│ si tu devais, ô maître ! |
6+6 |
a |
|
Frappant l’humble mortel,│ qui ne peut s’y ravir, |
6+6 |
b |
|
Sans cesse l’exciter,│ et jamais l’assouvir ? |
6+6 |
b |
165 |
L’âme, en suivant sa loi│ par toi-même donnée, |
6+6 |
a |
|
Appela la lumière│ au sein de l’hyménée. |
6+6 |
a |
|
Et qui donc façonna│ ses yeux pour la clarté, |
6+6 |
b |
|
Du baiser à sa lèvre│ apprit la volupté ? |
6+6 |
b |
|
Qui donc fit le désir│ si profond, si sublime, |
6+6 |
a |
170 |
Que le seul infini│ peut en combler l’abîme ? |
6+6 |
a |
|
|
« Peut-être elle a touché│ l’arbre avant la saison |
6+6 |
b |
|
Où le fruit du savoir│ est mûr pour la raison ; |
6+6 |
b |
|
Son cœur vola trop tôt│ vers la suprême joie ; |
6+6 |
a |
|
Il ne s’est pas du moins│ égaré dans sa voie. |
6+6 |
a |
175 |
L’épouse fut fidèle,│ et ses regards si doux |
6+6 |
b |
|
N’étaient pas adressés│ à d’autres qu’à l’époux ; |
6+6 |
b |
|
Et sa lampe indiscrète,│ écartant le mystère, |
6+6 |
a |
|
N’a pas brillé du moins│ sur un lit adultère. |
6+6 |
a |
|
|
« À son nocturne hymen│ si bornant ses désirs, |
6+6 |
b |
180 |
Avec son ignorance│ acceptant ses plaisirs, |
6+6 |
b |
|
Elle eût de l’âge d’or│ gardé la paix oisive, |
6+6 |
a |
|
Son âme aurait manqué│ le but où tout arrive, |
6+6 |
a |
|
Mais elle a, franchissant│ chaque jour un degré, |
6+6 |
b |
|
Suivi de tes desseins│ le mouvement sacré, |
6+6 |
b |
185 |
Et fait sa part aussi│ dans l’œuvre créatrice. |
6+6 |
a |
|
Or le temps est venu│ que son labeur finisse. |
6+6 |
a |
|
|
« Donne-lui le bonheur ;│ elle peut le porter. |
6+6 |
b |
|
Si la seule douleur│ enseigne à le goûter, |
6+6 |
b |
|
S’il faut conquérir l’être│ en un combat suprême, |
6+6 |
a |
190 |
S’il faut avoir lutté│ pour devenir soi-même, |
6+6 |
a |
|
Elle peut s’arracher│ à l’épreuve du mal, |
6+6 |
b |
|
Et rentrer sans s’y perdre│ au sein de l’idéal. |
6+6 |
b |
|
« Comme on doit limiter│ par les contours du moule |
6+6 |
a |
|
La lave du métal│ qui bouillonne et qui coule, |
6+6 |
a |
195 |
Pour imposer à l’or│ dans l’argile arrêté |
6+6 |
b |
|
La figure d’un dieu,│ la vie et la beauté ; |
6+6 |
b |
|
S’il faut que la souffrance│ enveloppe ainsi l’âme, |
6+6 |
a |
|
Qu’une chair misérable│ enveloppe sa flamme, |
6+6 |
a |
|
Afin de condenser│ sa vie et son pouvoir, |
6+6 |
b |
200 |
Pour qu’elle n’aille pas,│ sans force et sans vouloir, |
6+6 |
b |
|
Dans la vaste nature│ et ses métamorphoses, |
6+6 |
a |
|
Comme un fluide éther│ se perdre au sein des choses ; |
6+6 |
a |
|
Si la douleur enfin│ est le moule sacré |
6+6 |
b |
|
Pour cette humaine essence│ avec art préparé, |
6+6 |
b |
205 |
Arrache ta statue│ à sa prison d’argile : |
6+6 |
a |
|
Le métal dans sa forme│ est enfin immobile, |
6+6 |
a |
|
Ô maître ! et près de toi,│ de ton bras paternel, |
6+6 |
b |
|
Pose ta fille d’or│ sur un socle éternel ! |
6+6 |
b |
|
|
« Reçois, reçois cette âme ;│ elle te revient toute : |
6+6 |
a |
210 |
La douleur n’en a pas│ laissé perdre une goutte. |
6+6 |
a |
|
|
« Sur un globe imparfait,│ si c’est pour le finir, |
6+6 |
b |
|
Maître, que tu mis l’âme,│ elle en doit revenir ; |
6+6 |
b |
|
L’ouvrage est achevé ;│ l’ouvrière est assise, |
6+6 |
a |
|
Régnant sur la nature│ à son pouvoir conquise. |
6+6 |
a |
215 |
Vois sa main égalant│ les merveilles des dieux ; |
6+6 |
b |
|
Vois les lions domptés,│ vois les flots furieux, |
6+6 |
b |
|
Les monts portant son joug│ sur leurs têtes tranquilles, |
6+6 |
a |
|
Et la lyre élevant│ les murailles des villes. |
6+6 |
a |
|
Vois le doux olivier,│ parmi les blés épais, |
6+6 |
b |
220 |
Fleurir sur son passage│ avec l’antique paix ; |
6+6 |
b |
|
Vois serf et maître unis│ dans la ronde sacrée, |
6+6 |
a |
|
Ainsi qu’aux jours heureux│ de Saturne et de Rhée. |
6+6 |
a |
|
Vois aux sources du vrai│ l’homme enfin s’abreuvant, |
6+6 |
b |
|
Et l’accord fraternel│ de tout être vivant. |
6+6 |
b |
225 |
C’est Psyché qui marqua│ l’univers de ton signe. |
6+6 |
a |
|
De l’époux idéal│ par son cœur elle est digne ; |
6+6 |
a |
|
Sous ses doigts patients│ pétri jusqu’à ce jour, |
6+6 |
b |
|
Maître, le monde a pris│ la forme de l’amour. |
6+6 |
b |
|
Pour mériter l’hymen│ qu’interrompit sa faute, |
6+6 |
a |
230 |
Imaginerais-tu│ quelque offrande plus haute ! |
6+6 |
a |
|
|
« Ô père ! reçois donc│ Psyché, la veuve en pleurs. |
6+6 |
b |
|
Laisse-nous l’amener,│ nous, les Grâces ses sœurs ; |
6+6 |
b |
|
Nous, tes plus purs rayons ;│ nous, filles du sourire, |
6+6 |
a |
|
Du regard complaisant│ que cette âme a vu luire, |
6+6 |
a |
235 |
Quand du jeune univers│ tu lui faisais le don, |
6+6 |
b |
|
Quand tu jugeais ton œuvre│ en disant : Tout est bon ! |
6+6 |
b |
|
Nous trois qui, par la main│ nous tenant sur tes traces, |
6+6 |
a |
|
Secouons des parfums│ en tous lieux où tu passes : |
6+6 |
a |
|
Qui doucement vers toi│ guidons les suppliants ; |
6+6 |
b |
240 |
Qui, des belles vertus,│ te présentons l’encens ; |
6+6 |
b |
|
Nous, de tes dons sacrés│ les fidèles courrières, |
6+6 |
a |
|
Par qui la Pitié sainte│ et le chœur des Prières |
6+6 |
a |
|
Au mode lydien│ ont cadencé leur chant, |
6+6 |
b |
|
Et levé chastement│ leur voile en t’approchant ; |
6+6 |
b |
245 |
Nous par qui la senteur│ dans l’arbre s’insinue, |
6+6 |
a |
|
Et le tendre penser│ dans la vierge ingénue ; |
6+6 |
a |
|
Nous par qui l’âme aux yeux│ brille à travers le corps, |
6+6 |
b |
|
Par qui tout est rangé│ sous la loi des accords ; |
6+6 |
b |
|
Qui revêtons le bien│ de la beauté suprême : |
6+6 |
a |
250 |
Nous les trois Charités│ qu’on admire et qu’on aime ! » |
6+6 |
a |
|
|
Et de leur coupe pleine│ oublieux un moment, |
6+6 |
b |
|
Les dieux parlaient aussi│ pour l’amante et l’amant. |
6+6 |
b |
|
« Ouvrons, ouvrons l’Olympe│ à la belle mortelle, |
6+6 |
a |
|
Et que le lit d’hymen│ s’y prépare pour elle ; |
6+6 |
a |
255 |
Qu’Éros par ses baisers│ de l’exil soit guéri ; |
6+6 |
b |
|
Quand cet hôte est chagrin│ le ciel est assombri. |
6+6 |
b |
|
|
« Quel Dieu ne s’est troublé│ pour une vierge humaine |
6+6 |
a |
|
Qu’il vit porter l’amphore│ au bord de la fontaine, |
6+6 |
a |
|
Ou qu’il surprit sans voile│ à travers les roseaux, |
6+6 |
b |
260 |
Quand d’un pied rougissant│ elle effleurait les eaux, |
6+6 |
b |
|
Ou quand d’une voix fraîche│ en ses vives cadences, |
6+6 |
a |
|
Sur les gazons en fleur│ elle réglait les danses ! |
6+6 |
a |
|
Qui n’a sous les lauriers,│ et sous les grands épis, |
6+6 |
b |
|
Éveillé d’un baiser│ deux beaux yeux assoupis, |
6+6 |
b |
265 |
Et dormi dans la grotte,│ aux voluptés ouverte, |
6+6 |
a |
|
Entre deux bras d’albâtre│ et sur la mousse verte ? |
6+6 |
a |
|
|
« Retenu loin du ciel│ par d’amoureux liens, |
6+6 |
b |
|
Quel dieu n’a pas connu│ les champs helléniens, |
6+6 |
b |
|
Et n’a vu ni Tempé,│ ni la Crète aux cent villes, |
6+6 |
a |
270 |
Ni l’Arcadie aux bois│ odorants et tranquilles, |
6+6 |
a |
|
Ni le frais Cithéron,│ ni l’Égypte aux grands blés, |
6+6 |
b |
|
Ni les flancs du Taygète│ en cadence foulés ? |
6+6 |
b |
|
« Que de fois, s’égarant│ aux terrestres montagnes, |
6+6 |
a |
|
Des dieux olympiens│ les volages compagnes |
6+6 |
a |
275 |
Ont poursuivi d’amour│ les pasteurs les plus beaux, |
6+6 |
b |
|
Sous le hêtre chantant│ au milieu des troupeaux ! |
6+6 |
b |
|
|
« Que de fois un chasseur,│ au bord de l’Ërymanthe, |
6+6 |
a |
|
Implora sous l’ombrage│ une céleste amante, |
6+6 |
a |
|
Foulant ses javelots│ et son arc oubliés ! |
6+6 |
b |
280 |
Les chiens trouvaient en vain│ le pas des sangliers ; |
6+6 |
b |
|
Vainement fleurs et fruits│ jetés d’entre les saules, |
6+6 |
a |
|
Atteignaient le rêveur│ à ses brunes épaules : |
6+6 |
a |
|
Négligeant Amymone│ et le plaisir certain, |
6+6 |
b |
|
Son cœur suivait Diane│ et le croissant lointain. |
6+6 |
b |
|
285 |
« Que de fois, près du puits│ posant son urne pleine |
6+6 |
a |
|
Sur le métier oisif│ laissant dormir la laine, |
6+6 |
a |
|
Seule à travers les bois,│ et s’écartant des jeux, |
6+6 |
b |
|
D’Argos ou de Corinthe│ une fille aux doux yeux, |
6+6 |
b |
|
Lassant de ses mépris│ des amoureux sans nombre, |
6+6 |
a |
290 |
Rêva d’un jeune dieu│ qu’elle entrevit dans l’ombre ! |
6+6 |
a |
|
|
« Les enfants de la terre│ et les enfants du ciel |
6+6 |
b |
|
Se poursuivent ainsi│ d’un désir mutuel. |
6+6 |
b |
|
|
« Le nectar coule à flots│ dans nos coupes divines ; |
6+6 |
a |
|
Quel vin pareil mûrit,│ ô terre ! en tes collines ? |
6+6 |
a |
295 |
Et pourtant, attirés│ de nos palais d’azur, |
6+6 |
b |
|
Nous dirigeons nos chars│ vers quelque toit obscur ! |
6+6 |
b |
|
Hors des jardins féconds│ du céleste domaine, |
6+6 |
a |
|
Qui pousse ainsi les dieux│ parmi la foule humaine, |
6+6 |
a |
|
Et, quand le lit d’hymen│ abonde en voluptés, |
6+6 |
b |
300 |
Leur fait chercher l’amour│ des terrestres beautés, |
6+6 |
b |
|
Soumettre à la douleur│ leur nature impassible |
6+6 |
a |
|
Pour le cœur d’un enfant,│ quelquefois insensible ; |
6+6 |
a |
|
Subir la faim, le froid,│ tous les travaux du corps : |
6+6 |
b |
|
Et, sanglant, traverser│ le noir séjour des morts ? |
6+6 |
b |
|
305 |
« Sans doute du Destin,│ qui régit le ciel même, |
6+6 |
a |
|
Cet attrait invincible│ est une loi suprême. |
6+6 |
a |
|
Vers le séjour des dieux│ l’homme aspire d’en bas, |
6+6 |
b |
|
Et vers l’homme en secret│ les dieux portent leurs pas. |
6+6 |
b |
|
Par un désir pareil│ nos races attirées |
6+6 |
a |
310 |
Doivent-elles toujours│ être ainsi séparées ? |
6+6 |
a |
|
|
« Sans doute, pour un temps,│ l’homme triste et banni, |
6+6 |
b |
|
Comme nous lui manquons,│ manque à notre infini ; |
6+6 |
b |
|
Et votre hymen, Éros,│ est attendu peut-être, |
6+6 |
a |
|
Pour peupler tout le ciel│ et pour parfaire l’Être. |
6+6 |
a |
315 |
À l’accord idéal│ du chant olympien, |
6+6 |
b |
|
L’homme, pour l’achever,│ doit réunir le sien, |
6+6 |
b |
|
Et lier, de ses mains,│ en y prenant sa place, |
6+6 |
a |
|
|
Le grand cercle dansant│ qui tourne dans l’espace. |
6+6 |
a |
|
« Relève donc, Éros,│ ton front pâle et penché ; |
6+6 |
b |
320 |
Nous voulons partager│ le ciel avec Psyché. |
6+6 |
b |
|
Nous avons comme toi│ souvent gémi sur elle ; |
6+6 |
a |
|
Son sort nous est connu,│ nous savons qu’elle est belle. |
6+6 |
a |
|
Sèche tes yeux, Éros ;│ tes pleurs ont tout guéri. |
6+6 |
b |
|
Vois, le père des dieux│ avec nous t’a souri : |
6+6 |
b |
325 |
Car notre esprit est un,│ nos volontés sont unes, |
6+6 |
a |
|
Et les lois du Destin│ à tous nous sont communes. |
6+6 |
a |
|
Par lui souffrit Psyché ;│ tout ce qu’il fait est bon. |
6+6 |
b |
|
Ton hymen attend l’âme│ et sera son pardon ; |
6+6 |
b |
|
Au banquet immortel│ elle peut prendre place ; |
6+6 |
a |
330 |
Des fleurs neuves au ciel│ germeront sur sa trace ; |
6+6 |
a |
|
Chaque Dieu lui gardant│ son présent le meilleur |
6+6 |
b |
|
La voit avec tes yeux│ et l’aime avec ton cœur. |
6+6 |
b |
|
C’est d’elle que nous vient│ l’attrait plein de mystère |
6+6 |
a |
|
Qui nous invite encore│ à fréquenter la terre ; |
6+6 |
a |
335 |
Elle que nous cherchons ;│ c’est toi, bel être humain, |
6+6 |
b |
|
Que l’amour chez les dieux│ conduira par la main. |
6+6 |
b |
|
|
« À sentir ton retour│ chez nous la joie est grande : |
6+6 |
a |
|
Viens, pour se compléter,│ l’Olympe te demande. |
6+6 |
a |
|
Ta tâche est accomplie,│ et Dieu t’ouvre son sein. |
6+6 |
b |
340 |
Ton œil dans l’idéal│ peut plonger sans larcin ; |
6+6 |
b |
|
Un astre y brille au lieu│ de la lampe première. |
6+6 |
a |
|
Viens connaître l’époux│ sur un lit de lumière ; |
6+6 |
a |
|
Nous nous réjouissons│ d’entendre dans le ciel |
6+6 |
b |
|
Sur vos lèvres chanter│ un baiser éternel ! |
6+6 |
b |
|
345 |
« Vers la terre d’épreuve│ où gît ta pale amante, |
6+6 |
a |
|
Toi, vole, ô jeune Éros !│ sur sa tête charmante |
6+6 |
a |
|
L’extatique désir│ brisé dans son effort |
6+6 |
b |
|
Répand un froid sommeil│ avant-coureur de mort. |
6+6 |
b |
|
Serre-la dans tes bras,│ vole, et nous la ramène ; |
6+6 |
a |
350 |
Ses roses renaîtront│ au feu de ton haleine ; |
6+6 |
a |
|
Les Grâces, la prenant│ à la porte des cieux, |
6+6 |
b |
|
Au son des lyres d’or│ feront ouvrir ses yeux. » |
6+6 |
b |
|
|
|
Le père avec amour│ contemplait sa pensée |
6+6 |
a |
|
En sons harmonieux│ par ses fils retracée. |
6+6 |
a |
355 |
Ses décrets éternels│ par leurs voix ont parlé ; |
6+6 |
b |
|
Et le pardon promis,│ d’un sourire scellé, |
6+6 |
b |
|
De son front abaissé│ sur le dieu qui l’implore, |
6+6 |
a |
|
Comme sur un sommet│ le regard de l’aurore |
6+6 |
a |
|
Tombe, et de ses cheveux│ agités doucement, |
6+6 |
b |
360 |
L’ambrosienne odeur│ pleut à ce mouvement, |
6+6 |
b |
|
Et suit à flots égaux,│ dans la vaste étendue, |
6+6 |
a |
|
L’onduleuse clarté│ de ses yeux répandue. |
6+6 |
a |
|
De ces saintes lueurs│ l’Olympe est radieux ; |
6+6 |
b |
|
Elles ont pénétré│ le cœur même des dieux, |
6+6 |
b |
365 |
Et, glissant sur les flancs│ des hauteurs qu’ils habitent, |
6+6 |
a |
|
Dans la terrestre plaine│ elles se précipitent, |
6+6 |
a |
|
Portent vers les humains│ un message d’amour |
6+6 |
b |
|
Et du soleil antique│ annoncent le retour. |
6+6 |
b |
|
|
À peine ce sourire│ où réside la grâce |
6+6 |
a |
370 |
A du dieu père et roi│ fait flamboyer la face, |
6+6 |
a |
|
Le doux mot de pardon│ sur ses lèvres encor |
6+6 |
b |
|
Coule comme le miel│ versé d’une urne d’or ; |
6+6 |
b |
|
Du signe de ce front│ d’où la splendeur émane |
6+6 |
a |
|
L’éther oscille encore│ en sa mer diaphane ; |
6+6 |
a |
375 |
Et, plus vite qu’un trait│ de son arc d’or chassé, |
6+6 |
b |
|
Déjà vers notre monde│ Éros s’est élancé, |
6+6 |
b |
|
À l’épouse apportant│ des voluptés certaines, |
6+6 |
a |
|
Et la fin de l’espoir│ la plus douce des peines. |
6+6 |
a |
|
|
Au-dessus des cités,│ des golfes, des déserts, |
6+6 |
b |
380 |
La flamme de son aile│ a sillonné les airs. |
6+6 |
b |
|
Telle, au souffle d’Eurus,│ de pourpre et d’or chargée, |
6+6 |
a |
|
Des monts orientaux│ jusqu’à la mer Égée, |
6+6 |
a |
|
La nue au sein fécond│ vole et rougit les flots |
6+6 |
b |
|
À la fois de Samos,│ d’Icare et de Délos, |
6+6 |
b |
385 |
Et va, dans la même heure,│ ouvrir ses flots humides |
6+6 |
a |
|
Et baigner les fruits d’or│ au fond des Hespérides. |
6+6 |
a |
|
|
Tel, et plus promptement,│ vers le cœur plein d’ennui, |
6+6 |
b |
|
Vers l’amante éplorée│ et qui se meurt pour lui, |
6+6 |
b |
|
Descend le jeune Éros.│ Sur la terre émaillée, |
6+6 |
a |
390 |
Psyché gisait encor│ sans s’être réveillée, |
6+6 |
a |
|
Et l’aube au-dessus d’elle│ ouvrant ses yeux en pleurs |
6+6 |
b |
|
Mouillait son corps de marbre│ en abreuvant les fleurs. |
6+6 |
b |
|
|
Sur ses deux bras pliés│ l’époux divin l’enlève ; |
6+6 |
a |
|
Elle dormait toujours│ de son sommeil sans rêve ; |
6+6 |
a |
395 |
Et l’Amour, la gardant│ pour un réveil plus beau, |
6+6 |
b |
|
Non sans mille baisers,│ porte ce doux fardeau, |
6+6 |
b |
|
Par la route éthérée│ aux hommes interdite, |
6+6 |
a |
|
Jusqu’au sommet d’Olympe│ où l’idéal habite. |
6+6 |
a |
|
|
D’ineffables accords,│ quand ils passent le seuil, |
6+6 |
b |
400 |
Des sourires sacrés│ partout leur font accueil ; |
6+6 |
b |
|
Un cortège les suit│ où la lyre résonne. |
6+6 |
a |
|
Déposant l’âme aux pieds│ de celui qui pardonne, |
6+6 |
a |
|
Éros prie, attendant│ le regard paternel, |
6+6 |
b |
|
Le dieu qui fit les cœurs│ pour en peupler le ciel. |
6+6 |
b |
405 |
Pâle encore est Psyché ;│ près d’eux agenouillées, |
6+6 |
a |
|
Les Grâces, blanches sœurs│ aux paupières mouillées, |
6+6 |
a |
|
Soutiennent son beau corps.│ Le père souverain, |
6+6 |
b |
|
Enveloppant Psyché│ d’un sourire serein, |
6+6 |
b |
|
Touchant du doigt ses yeux,│ les rouvre ; la jeune âme |
6+6 |
a |
410 |
S’éveille et resplendit│ dans un cercle de flamme, |
6+6 |
a |
|
Voit l’Olympe et les dieux,│ et sans étonnement |
6+6 |
b |
|
L’invisible conquis│ et l’éternel amant. |
6+6 |
b |
|
|
|
Le Père a prononcé│ l’arrêt clément et juste |
6+6 |
a |
|
Qui du toit nuptial│ ouvre l’asile auguste ; |
6+6 |
a |
415 |
Et les époux, heureux│ des malheurs oubliés, |
6+6 |
b |
|
Chez les dieux à jamais│ par l’amour sont liés |
6+6 |
b |
|
Et les Muses en chœur│ disaient la chanson tendre, |
6+6 |
a |
|
Que le lit de l’hymen│ se réjouit d’entendre : |
6+6 |
a |
|
|
« Des longues voluptés│ l’asile est prêt pour vous ; |
6+6 |
b |
420 |
Une lampe sans ombre│ y sourit aux époux ; |
6+6 |
b |
|
Ouvrant, sans les troubler,│ son œil sur leurs caresses, |
6+6 |
a |
|
Elle porte un jour calme│ au fond de leurs ivresses. |
6+6 |
a |
|
|
« Là, tout désir sans voile│ est saint par son ardeur. |
6+6 |
b |
|
Viens, jeune âme, les dieux│ ignorent la pudeur : |
6+6 |
b |
425 |
L’homme la connaît seul.│ Amours, beautés humaines, |
6+6 |
a |
|
Redoutent la clarté│ comme des ombres vaines. |
6+6 |
a |
|
|
« Là-bas, voir c’est douter,│ c’est désirer le mieux ; |
6+6 |
b |
|
L’amour doit s’y garder│ de l’atteinte des yeux. |
6+6 |
b |
|
C’est par l’endroit secret,│ voilé toujours en elle, |
6+6 |
a |
430 |
Que toute beauté plaît,│ et qu’elle reste belle. |
6+6 |
a |
|
Le soleil n’y paraît│ que d’ombres entouré. |
6+6 |
b |
|
Là, le cœur est puni│ s’il a trop aspiré. |
6+6 |
b |
|
Aux voluptés sans fin│ la force se refuse ; |
6+6 |
a |
|
L’attrait meurt du plaisir,│ la lèvre aux baisers s’use ; |
6+6 |
a |
435 |
Le corps se meurtrit même│ aux roses des coussins ; |
6+6 |
b |
|
Les travaux de l’hymen│ déforment les beaux seins ; |
6+6 |
b |
|
En des yeux alanguis│ s’éteint la jeune grâce, |
6+6 |
a |
|
Et du front qui charmait│ l’enchantement s’efface. |
6+6 |
a |
|
Alors, le cœur s’affaisse│ et s’enfuit l’idéal, |
6+6 |
b |
440 |
Comme un feu trop subtil│ pour ce faible métal, |
6+6 |
b |
|
Qui dans l’urne fragile│ allumé par surprise, |
6+6 |
a |
|
Sous ses flots jaillissants│ la fait fondre ou la brise. |
6+6 |
a |
|
« Au pays d’où tu viens,│ tout désir fort et grand, |
6+6 |
b |
|
Toute soif de bonheur,│ est un mal dévorant ; |
6+6 |
b |
445 |
Une amour combattue,│ aussi bien qu’assouvie, |
6+6 |
a |
|
Ravage également│ les sources de la vie. |
6+6 |
a |
|
Mais dans l’Olympe, oh ! viens│ t’abreuver de ce feu : |
6+6 |
b |
|
Il consume un mortel,│ mais il fait vivre un dieu. |
6+6 |
b |
|
|
« Viens boire à ce torrent│ sans fin et sans mesure. |
6+6 |
a |
450 |
S’abstenir fut la loi│ de l’humaine nature. |
6+6 |
a |
|
Mais, ô déesse ! viens,│ cœur d’amour altéré, |
6+6 |
b |
|
Viens, et plonge en délire│ au fond du flot sacré ! |
6+6 |
b |
|
|
« L’astre qui luit là-bas│ sur la terre profonde |
6+6 |
a |
|
Flétrit s’il fait éclore,│ et brûle s’il féconde ; |
6+6 |
a |
455 |
L’ombre seule conserve│ aux zéphyrs de demain |
6+6 |
b |
|
La fleur dont l’aube ouvrit│ les lèvres de carmin. |
6+6 |
b |
|
Ainsi les fleurs de l’âme│ ont besoin du mystère |
6+6 |
a |
|
Pour garder plus d’un jour│ leur éclat solitaire. |
6+6 |
a |
|
|
« Mais chez les dieux, l’amour,│ ce soleil infini, |
6+6 |
b |
460 |
Père de la beauté,│ n’a jamais rien terni. |
6+6 |
b |
|
Quand un rameau languit,│ son regard le relève ; |
6+6 |
a |
|
Il y verse à la fois│ la chaleur et la sève ; |
6+6 |
a |
|
Et l’arbre en un matin│ ouvre tous ses bourgeons |
6+6 |
b |
|
Sans crainte de tarir│ aux futures saisons. |
6+6 |
b |
|
465 |
« Sans réserve et sans voile│ ici les cœurs se livrent ; |
6+6 |
a |
|
Sans lasser les époux,│ leurs bonheurs les enivrent ; |
6+6 |
a |
|
Rien ne redoute en vous│ le doigt ni le flambeau ; |
6+6 |
b |
|
Le millième baiser│ pour vous sera nouveau. |
6+6 |
b |
|
|
« L’amant vient revêtu│ de sa seule lumière |
6+6 |
a |
470 |
Vers la couche de pourpre,│ où, montant la première, |
6+6 |
a |
|
L’amante de ses bras│ qu’elle dénoue enfin, |
6+6 |
b |
|
Sur les pieds d’or du lit│ laisse tomber le lin. |
6+6 |
b |
|
|
« Ah ! tu peux à présent│ rassasier ta vue |
6+6 |
a |
|
De la divine forme│ autrefois entrevue. |
6+6 |
a |
475 |
Approche-toi, Psyché,│ de ton céleste amant ; |
6+6 |
b |
|
Qu’il soit ton seul spectacle│ et ton seul vêtement. |
6+6 |
b |
|
Toi, jeune Éros, répands│ tes parfums et l’enivre, |
6+6 |
a |
|
Elle qui vit par toi,│ comme elle te fait vivre ; |
6+6 |
a |
|
Et que le soleil vrai,│ saint, fécond, immortel, |
6+6 |
b |
480 |
Ravonnant sur ta couche,│ ô couple aimé du ciel ! |
6+6 |
b |
|
Sur ton amour unique│ aux douceurs variées, |
6+6 |
a |
|
Fasse germer l’émail│ des fleurs multipliées. |
6+6 |
a |
|
Mêlez-vous l’un à l’autre,│ et pour l’éternité, |
6+6 |
b |
|
Sur un lit radieux,│ ô vous, Amour, Beauté ! » |
6+6 |
b |
|
485 |
Hors du cercle des dieux,│ dont les graves sourires |
6+6 |
a |
|
Les suivent longuement│ avec la voix des lyres, |
6+6 |
a |
|
Glissent les deux époux│ vers les toits retirés |
6+6 |
b |
|
Que leur garde l’Hymen│ au fond des bois sacrés. |
6+6 |
b |
|
Se tenant par la main,│ ils vont : les hautes branches |
6+6 |
a |
490 |
S’inclinent pour toucher│ à leurs épaules blanches. |
6+6 |
a |
|
|
Tels on voit s’enfoncer│ à travers les roseaux |
6+6 |
b |
|
Deux cygnes amoureux│ balancés sur les eaux ; |
6+6 |
b |
|
Tels s’effacent au loin│ ces deux corps pleins de grâces |
6+6 |
a |
|
Dans les arbustes verts│ refermés sur leurs traces ; |
6+6 |
a |
495 |
Et la grande foret,│ ouvrant sa profondeur, |
6+6 |
b |
|
Du couple nuptial│ a voilé la splendeur. |
6+6 |
b |
|
|
Quel mode de la lyre,│ et quelle voix humaine |
6+6 |
a |
|
Dira du lit d’hymen│ où ton dieu te ramène, |
6+6 |
a |
|
Ô Psyché ! la douceur│ et les ravissements, |
6+6 |
b |
500 |
Après l’exil souffert,│ les discours des amants, |
6+6 |
b |
|
La sainte volupté│ déliant leurs ceintures, |
6+6 |
a |
|
L’intime fusion│ des divines natures, |
6+6 |
a |
|
Et par les nœuds riants│ des baisers infinis |
6+6 |
b |
|
L’Amour et la Beauté│ dans la lumière unis ? |
6+6 |
b |
505 |
Celui-là pourrait seul│ en retracer quelque ombre |
6+6 |
a |
|
Dont la bouche, abondante│ en puissances sans nombre, |
6+6 |
a |
|
Saurait fondre et mêler,│ dans l’or de ses chansons, |
6+6 |
b |
|
À la fois des clartés,│ des parfums et des sons, |
6+6 |
b |
|
Et dérobant au ciel│ la forme inaccessible, |
6+6 |
a |
510 |
Rendre à chacun des sens│ la parole visible. |
6+6 |
a |
|
Mais quel artiste ainsi│ montre à l’homme charmé, |
6+6 |
b |
|
L’idéal tout entier│ dans son verbe enfermé ? |
6+6 |
b |
|
Celui-là, qui de l’être│ écrivant le poème, |
6+6 |
a |
|
Dans l’espace rempli│ vit en son œuvre même. |
6+6 |
a |
|
|
515 |
Or, les Heures, portant│ deux vases inégaux |
6+6 |
b |
|
Qui versent aux mortels│ et les biens et les maux, |
6+6 |
b |
|
Autour du genre humain│ tournaient dans la durée |
6+6 |
a |
|
D’un pas sombre ou brillant│ par elle mesurée ; |
6+6 |
a |
|
Et l’ivresse d’hymen,│ si rapide chez nous, |
6+6 |
b |
520 |
Coulait intarissable│ aux célestes époux ; |
6+6 |
b |
|
Et dans leur âme encor│ vierge après ces délices, |
6+6 |
a |
|
L’amour éternisait│ la douceur des prémices. |
6+6 |
a |
|
|
Sans qu’un instant jamais│ de la main ou des yeux |
6+6 |
b |
|
L’époux quittât l’épouse,│ en ces bois merveilleux, |
6+6 |
b |
525 |
Où l’ombrage odorant│ luit de leurs auréoles, |
6+6 |
a |
|
Souvent ils s’en allaient,│ échangeant leurs paroles. |
6+6 |
a |
|
L’Olympe recueillait│ leur souffle dans ses fleurs, |
6+6 |
b |
|
Et le bruit de leur voix│ dans ses oiseaux chanteurs. |
6+6 |
b |
|
|
À travers les clartés│ d’une existence neuve, |
6+6 |
a |
530 |
Psyché revoit les temps│ du deuil et de l’épreuve ; |
6+6 |
a |
|
Le présent s’embellit│ de tous les maux passés, |
6+6 |
b |
|
Des tableaux de l’exil│ à l’époux retracés ; |
6+6 |
b |
|
Et l’âme, alors, planant│ d’une sphère plus haute, |
6+6 |
a |
|
Rend grâce du bonheur│ à la première faute. |
6+6 |
a |
|
535 |
« Oh ! comme ton regard,│ séchant mes yeux en pleurs, |
6+6 |
b |
|
A tari vite en moi│ la source des douleurs ! |
6+6 |
b |
|
Comme il a dissipé│ la nuit et ses mensonges, |
6+6 |
a |
|
Et fait fuir tous mes maux│ dans le pays des songes ! |
6+6 |
a |
|
|
« Laisse de tes rayons│ mon cœur enveloppé ! |
6+6 |
b |
540 |
Des neiges de l’exil│ pauvre oiseau tout trempé, |
6+6 |
b |
|
Frileux, et tout meurtri│ par les vents et les grêles, |
6+6 |
a |
|
Ce doux soleil essuie│ et réchauffe mes ailes. |
6+6 |
a |
|
|
« Regarde-moi toujours !│ C’est à travers tes yeux |
6+6 |
b |
|
Que coule en mon esprit│ la lumière des cieux ; |
6+6 |
b |
545 |
C’est par leurs rayons seuls│ que s’allume la flamme |
6+6 |
a |
|
Pour s’élancer vers toi│ du foyer de mon âme. |
6+6 |
a |
|
|
« Reste sous mes regards,│ comme moi sous les tiens ! |
6+6 |
b |
|
Si ta vie est ma vie,│ et si tu m’appartiens, |
6+6 |
b |
|
Laisse errer sur ton sein│ mes yeux que tu ranimes ; |
6+6 |
a |
550 |
Ouvre-moi de ton cœur│ les asiles intimes. |
6+6 |
a |
|
Posséder tout l’Olympe,│ être immortel et roi, |
6+6 |
b |
|
Être heureux, ô mon Dieu !│ ce n’est que voir en toi ! |
6+6 |
b |
|
|
« Mais moi, pour satisfaire│ à ta vue éternelle, |
6+6 |
a |
|
Me suis-je assez parée,│ et rendue assez belle ? |
6+6 |
a |
555 |
Suis-je pour quelque chose│ au moins dans ton bonheur ? |
6+6 |
b |
|
T’ai-je payé celui│ que tu mets dans mon cœur ? |
6+6 |
b |
|
Pour valoir à tes yeux,│ pour gagner quelques charmes, |
6+6 |
a |
|
Je recommencerais│ et la vie et mes larmes ! |
6+6 |
a |
|
|
« Bénie entre les nuits,│ celle où mon jeune instinct |
6+6 |
b |
560 |
M’arma de ce flambeau│ voulu par le Destin, |
6+6 |
b |
|
Troubla de ses lueurs│ nos voluptés obscures, |
6+6 |
a |
|
Et conquit l’avenir│ en bravant les augures ; |
6+6 |
a |
|
Et, même entre tes bras,│ me lassant du plaisir, |
6+6 |
b |
|
D’un hymen plus parfait│ mit en moi le désir ! |
6+6 |
b |
|
565 |
« Si le bonheur des sens│ eût dompté ton amante, |
6+6 |
a |
|
De l’ivresse du corps│ et de l’ombre contente ; |
6+6 |
a |
|
Si, pour un temps, mon cœur│ de ton âme altéré, |
6+6 |
b |
|
Du miel de tes baisers│ n’avait été sevré, |
6+6 |
b |
|
Psyché ne connaîtrait│ qu’à travers les ténèbres |
6+6 |
a |
570 |
Son dieu toujours voilé│ par des terreurs funèbres ; |
6+6 |
a |
|
Et, d’un étroit jardin│ faisant son univers, |
6+6 |
b |
|
N’eût jamais vu l’Olympe│ et ses palais ouverts ! |
6+6 |
b |
|
Jamais, en toi plongeant,│ ce cœur qui te pénètre |
6+6 |
a |
|
Ne se fût à loisir│ enivré de ton être ! |
6+6 |
a |
|
575 |
« T’admirer longuement,│ jouir de nos amours |
6+6 |
b |
|
Sans qu’ils soient divisés│ par des nuits ou des jours ; |
6+6 |
b |
|
Boire avec toi du ciel│ l’extase ardente et pure, |
6+6 |
a |
|
Sans que le Temps avare│ à nos cœurs la mesure : |
6+6 |
a |
|
N’être avec toi qu’un dieu !│… je le dois à l’orgueil |
6+6 |
b |
580 |
Qui, dans l’antique nuit,│ de mon âme ouvrit l’œil ; |
6+6 |
b |
|
Et, las de tout plaisir│ que le soleil n’éclaire, |
6+6 |
a |
|
Accepta la douleur│ au prix de la lumière. |
6+6 |
a |
|
« Peut-être un cœur plus humble│ et par les sens guidé, |
6+6 |
b |
|
Satisfait de l’époux│ à demi possédé, |
6+6 |
b |
585 |
Sans chercher de l’amour│ l’entière plénitude, |
6+6 |
a |
|
De l’ombre et du sommeil│ eût gardé l’habitude. |
6+6 |
a |
|
Mais un esprit plus fier│ habita dans mon sein, |
6+6 |
b |
|
Et tu choisis Psyché│ pour un plus grand dessein. |
6+6 |
b |
|
Goûter dans l’ignorance│ une volupté molle, |
6+6 |
a |
590 |
C’est le lot du troupeau│ des êtres sans parole, |
6+6 |
a |
|
De l’argile pétrie,│ en qui ne vit nul feu ; |
6+6 |
b |
|
Il fallait autre chose│ à l’amante d’un dieu ! |
6+6 |
b |
|
|
« J’ai bien maudit ma lampe│ et la clarté nouvelle, |
6+6 |
a |
|
Car en moi la douleur│ s’introduisit par elle. |
6+6 |
a |
595 |
L’heure où je l’allumai│ reçut un nom fatal ; |
6+6 |
b |
|
La science passa│ pour la mère du mal, |
6+6 |
b |
|
Et de l’orgueil sacré│ la terre fit un crime. |
6+6 |
a |
|
Mais, pour le ciel conquis,│ pour notre hymen sublime, |
6+6 |
a |
|
Pour le flot de splendeur│ qui m’inonde aujourd’hui, |
6+6 |
b |
600 |
Je bénis cet orgueil,│ car tout est né de lui ! |
6+6 |
b |
|
|
« Désirs, brûlants désirs│ de sentir, de connaître, |
6+6 |
a |
|
Par qui Psyché monta│ vers les sources de l’être ; |
6+6 |
a |
|
Orgueil, ô Volupté !│ soif des biens infinis, |
6+6 |
b |
|
Vous, blasphémés jadis,│ enfin, soyez bénis ! |
6+6 |
b |
605 |
Du triste genre humain│ le malheur vous accuse ; |
6+6 |
a |
|
Mais le désir demeure,│ et la souffrance s’use. |
6+6 |
a |
|
Désirs, vous êtes saints ;│ car saint est votre but ; |
6+6 |
b |
|
Et l’Olympe, après tout,│ vous doit payer tribut. |
6+6 |
b |
|
À travers tous les maux,│ l’homme est né pour vous suivre ; |
6+6 |
a |
610 |
Avant vous j’existais,│ et vous m’avez fait vivre ! |
6+6 |
a |
|
|
« Dans la première nuit│ je ramperais encor, |
6+6 |
b |
|
Orgueil et Volupté,│ sans vos deux ailes d’or. |
6+6 |
b |
|
|
« Jouissant du bonheur│ de l’aveugle matière, |
6+6 |
a |
|
L’hymen ne m’eût montré│ que sa forme grossière ; |
6+6 |
a |
615 |
J’ignorerais encor│ ses secrets les plus doux, |
6+6 |
b |
|
Et je ne verrais pas│ que j’ai dieu pour époux ! |
6+6 |
b |
|
Par vous, ô saints désirs,│ sur la terre inféconde, |
6+6 |
a |
|
Un éclair descendu│ révèle un meilleur monde. |
6+6 |
a |
|
Tout ce qui vit, par vous│ arrive au port caché. |
6+6 |
b |
620 |
Par vous, le seuil des dieux│ s’est ouvert à Psyché ; |
6+6 |
b |
|
Et l’amant idéal,│ cédant à votre audace, |
6+6 |
a |
|
À l’amante mortelle│ a dévoilé sa face. » |
6+6 |
a |
|
|
Entre les jeux, souvent,│ les baisers, le repos, |
6+6 |
b |
|
Mêlant le discours grave│ et les tendres propos, |
6+6 |
b |
625 |
Comme sur l’oranger│ aux branches étoilées |
6+6 |
a |
|
Avec l’or des fruits mûrs│ les jeunes fleurs mêlées, |
6+6 |
a |
|
À la langue du ciel│ empruntant ses doux sons, |
6+6 |
b |
|
L’épouse se parait│ d’abondantes chansons. |
6+6 |
b |
|
|
Déployant sur son cœur│ les caresses divines, |
6+6 |
a |
630 |
Comme de chauds rayons│ sur les vertes collines, |
6+6 |
a |
|
L’époux lui répondait,│ et versait à son tour |
6+6 |
b |
|
Le chaste enivrement│ des paroles d’amour. |
6+6 |
b |
|
Non, jamais au printemps,│ quand la vierge encor pure, |
6+6 |
a |
|
S’abreuve de l’espoir│ qu’exhale la nature, |
6+6 |
a |
635 |
Et des premiers aveux,│ avec l’air plein d’encens, |
6+6 |
b |
|
Aspire la musique│ à travers tous ses sens ; |
6+6 |
b |
|
Même à l’heure où, laissant│ tomber ses bras pudiques |
6+6 |
a |
|
Éperdue, elle cède│ aux prières magiques ; |
6+6 |
a |
|
Où tous les sons divins,│ voix des flots, bruit du vent, |
6+6 |
b |
640 |
Tout semble avoir passé│ dans la voix de l’amant, |
6+6 |
b |
|
Jamais femme ici-bas│ n’ouït choses pareilles |
6+6 |
a |
|
À la voix, ô Psyché !│ qui charmait tes oreilles ! |
6+6 |
a |
|
|
Leur extase ainsi coule│ en paisibles discours, |
6+6 |
b |
|
Comme un flot non troublé,│ mais qui parle en son cours : |
6+6 |
b |
645 |
Et chaque heure embellit│ ce fleuve au bord sonore |
6+6 |
a |
|
Des mille fleurs sans nom│ que le ciel voit éclore. |
6+6 |
a |
|
Tantôt des voluptés│ les asiles lointains |
6+6 |
b |
|
Abritent leur amour ;│ ou, dans les gais festins, |
6+6 |
b |
|
Parmi les immortels│ qui cherchent leur sourire, |
6+6 |
a |
650 |
Ils échangent tous deux│ et la coupe et la lyre ; |
6+6 |
a |
|
Ou la flûte conduit│ leurs pas entrelacés |
6+6 |
b |
|
Sur les modes divers│ à la danse tracés. |
6+6 |
b |
|
|
Tantôt penchés ensemble│ au bord des sources vives, |
6+6 |
a |
|
Ils tiennent sur les flots│ leurs âmes attentives ; |
6+6 |
a |
655 |
Des nids et des bourgeons│ surprenant les secrets, |
6+6 |
b |
|
Ils écoutent germer│ les célestes forêts. |
6+6 |
b |
|
Convive du nectar,│ à l’Amour même unie, |
6+6 |
a |
|
Psyché revêt des dieux│ la nature infinie. |
6+6 |
a |
|
Tous ses jours, mesurés│ comme on mesure au ciel, |
6+6 |
b |
660 |
Ne forment qu’un instant,│ mais il est éternel. |
6+6 |
b |
|
Sans s’épuiser jamais│ aux plaisirs qu’elle goûte |
6+6 |
a |
|
Des biens déjà sentis│ la volupté s’ajoute ; |
6+6 |
a |
|
Et, des fleuves d’en haut│ merveilleux réservoir, |
6+6 |
b |
|
Son cœur toujours rempli,│ peut toujours recevoir. |
6+6 |
b |
|
|
665 |
Or, selon les destins,│ Psyché devint féconde, |
6+6 |
a |
|
Et l’épouse d’Éros│ mit une fille au monde, |
6+6 |
a |
|
Enfant donnée aux cieux│ pour en charmer la paix, |
6+6 |
b |
|
Mais cachée aux mortels│ sous des voiles épais. |
6+6 |
b |
|
Sans jamais l’entrevoir,│ nous aspirons vers elle ; |
6+6 |
a |
670 |
Du peuple des vivants,│ c’est la soif éternelle, |
6+6 |
a |
|
L’attrait par qui tout être│ au but est excité ; |
6+6 |
b |
|
Mais l’homme n’en sait rien│ que son nom : Volupté ! |
6+6 |
b |
|
Nom qu’usurpent chez nous│ d’éphémères ivresses ! |
6+6 |
a |
|
Nul n’en goûte ici-bas│ les suprêmes caresses ; |
6+6 |
a |
675 |
Elle habite un Olympe│ à l’abri du désir ; |
6+6 |
b |
|
On n’en voit rien que l’ombre│ à travers le plaisir. |
6+6 |
b |
|
L’amour seul, aux instants│ d’extase la plus pure, |
6+6 |
a |
|
En révèle à nos cœurs│ l’idée encore obscure. |
6+6 |
a |
|
|
ÉPILOGUE |
|
Chaque fois que je vis,│ rêveur adolescent, |
6+6 |
b |
680 |
Comme une aube aux doux feux,│ mais éteinte en naissant |
6+6 |
b |
|
Flotter à l’horizon│ ta robe purpurine, |
6+6 |
a |
|
Soudain au fond du ciel,│ sur la vague marine, |
6+6 |
a |
|
Tes pieds comme un éclair│ glissaient, ô Volupté ! |
6+6 |
b |
|
Et, sur la pale mer,│ alors, de mon côté, |
6+6 |
b |
685 |
Une figure en deuil│ s’avançait à ta place : |
6+6 |
a |
|
Sa grande ombre effaçait│ les roses de ta trace. |
6+6 |
a |
|
L’ache et le nénuphar,│ dans ses cheveux séchés, |
6+6 |
b |
|
Se posaient sur mon front│ en couronne attachés. |
6+6 |
b |
|
Autour d’elle un essaim│ de noires mélodies |
6+6 |
a |
690 |
Heurtait en voltigeant│ mes tempes engourdies ; |
6+6 |
a |
|
Et comme un flot des mers│ affaissé sous son poids, |
6+6 |
b |
|
Mon cœur cessait de battre│ au toucher de ses doigts. |
6+6 |
b |
|
|
Sombre Mélancolie !│ ô fatale déesse |
6+6 |
a |
|
Qu’à sa place en fuyant│ la Volupté nous laisse, |
6+6 |
a |
695 |
De tes pavots amers│ goutte à goutte abreuvé, |
6+6 |
b |
|
Nul homme plus que moi│ sur ton sein n’a rêvé ; |
6+6 |
b |
|
Nul n’a vu si souvent,│ frappé de ton vertige, |
6+6 |
a |
|
Fruits ou fleurs avorter│ dès qu’il touchait leur tige ; |
6+6 |
a |
|
Nul, malgré les rayons│ pendant l’aube aperçus, |
6+6 |
b |
700 |
N’a plus d’ombre en son âme│ et plus d’espoirs déçus ; |
6+6 |
b |
|
Nul n’a mieux, en tout temps,│ reconnu sur sa voie |
6+6 |
a |
|
La tristesse présente│ au fond de toute joie. |
6+6 |
a |
|
|
Mais oublie, ô poète !│ et monte avec tes vers, |
6+6 |
b |
|
Puisqu’ils portent Psyché│ dans un autre univers ; |
6+6 |
b |
705 |
Puisqu’au nombre des dieux│ tu l’as déjà placée, |
6+6 |
a |
|
Ah ! parle-nous du ciel│ sans arrière-pensée ! |
6+6 |
a |
|
Parle-nous d’idéal,│ de l’époux inconnu, |
6+6 |
b |
|
Et du jour de l’hymen,│ qu’il soit ou non venu ! |
6+6 |
b |
|
Oublie une heure encore,│ et fais trêve à la plainte. |
6+6 |
a |
710 |
Laisse arriver à nous│ l’écho de l’hymne sainte |
6+6 |
a |
|
Qu’à la fille d’Ëros,│ tout étant consommé, |
6+6 |
b |
|
Au bruit des lyres d’or,│ dit l’Olympe charmé. |
6+6 |
b |
|
Le chœur olympien,│ voix suprême du monde, |
6+6 |
a |
|
Chante, ô couple attendu !│ sur ta couche féconde : |
6+6 |
a |
715 |
Car le retour de l’âme│ à l’époux amoureux |
6+6 |
b |
|
Nous réjouit autant,│ nous parfaits, nous les dieux, |
6+6 |
b |
|
Impassibles, sereins,│ éternels que nous sommes, |
6+6 |
a |
|
Que l’aube réjouit│ la tristesse des hommes. |
6+6 |
a |
|
|
Le ciel même, ô Psyché !│ s’éclaire à ton regard. |
6+6 |
b |
720 |
Déjà depuis mille ans│ convives du nectar, |
6+6 |
b |
|
Nous en goûtions l’ivresse│ et tu n’étais pas née : |
6+6 |
a |
|
Et pourtant chez les dieux│ ta beauté ramenée |
6+6 |
a |
|
Ajoute à ce bonheur│ à qui rien ne manquait. |
6+6 |
b |
|
Tu fixeras Ëros│ au céleste banquet. |
6+6 |
b |
725 |
Notre vie est en lui,│ nous respirons sa flamme ; |
6+6 |
a |
|
Par lui nous t’épousons,│ et nous t’aimons, jeune âme ! |
6+6 |
a |
|
Tout être a tressailli│ du baiser nuptial |
6+6 |
b |
|
Qui relie en vous deux│ la terre et l’idéal ; |
6+6 |
b |
|
Et, des mêmes désirs│ calmant les saintes fièvres, |
6+6 |
a |
730 |
L’homme et dieu dans le ciel│ s’embrassent par vos lèvres ; |
6+6 |
a |
|
|
Ce berceau nous sourit│ d’une fille par vous, |
6+6 |
b |
|
Parure de l’Olympe,│ enfant chéri de tous, |
6+6 |
b |
|
Né de la Beauté même,│ avec l’Amour unie. |
6+6 |
a |
|
Volupté, Volupté,│ doux fruit de l’harmonie ! |
6+6 |
a |
735 |
Joyeux autour de toi,│ des plus belles chansons |
6+6 |
b |
|
Chacun te salûra ;│ comme au jour des moissons |
6+6 |
b |
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Un chœur sacré, de fleurs│ couronné pour la danse, |
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Chante autour de Cérès│ espoir de l’abondance. |
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Dieux des bois, dieux des mers,│ rentrez, ô dieux épars ! |
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740 |
Dieu qui dans l’air guidez│ l’or brûlant de vos chars, |
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b |
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Dieux répandus partout,│ l’Olympe vous rappelle ; |
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Revenez, saluez│ la déesse nouvelle ! |
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Des vieux chênes, des flots,│ des antres souterrains, |
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Dieux, ministres de l’Être,│ ô Cyclopes, Sylvains, |
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b |
745 |
Nymphes, Zéphyrs, Tritons,│ dieux légers, dieux énormes, |
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a |
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Esprits universels│ qui supportez les formes : |
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Rentrez dans votre ciel,│ dieux exilés là-bas ! |
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Et vous, Titans, l’Olympe│ est ouvert sans combats ! |
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Entre les dieux rivaux,│ toute haine s’oublie ; |
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750 |
Leur chaîne par tes mains│ à ses deux bouts se lie, |
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Ô Psyché ! toi par qui│ l’amour est triomphant ! |
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La ronde au pied sonore│ entoure ton enfant, |
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Et la couvre de fleurs,│ et chante, et la dit reine, |
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Et respire à longs traits│ sa grâce souveraine. |
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755 |
Esprits des éléments,│ loin du foyer bannis, |
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Chantez, ô dieux ! chantez,│ vos travaux sont finis ! |
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Esprits du feu, de l’air,│ de la terre et des fleuves, |
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Serfs ou tyrans de l’homme,│ instruments des épreuves, |
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Par qui l’âme a senti,│ souffert, lutté, vaincu, |
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760 |
Venez ! assez de jours│ la Discorde a vécu. |
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L’amour a tout guéri ;│ l’être a retrouvé l’être ; |
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Cet hymen est fécond,│ Volupté vient de naître ! |
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Elle rassemble autour│ de son berceau sacré |
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Le grand peuple des dieux│ pour un temps séparé. |
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b |
765 |
Prenez-vous par la main,│ formez la danse unique, |
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a |
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Chantez à l’unisson│ l’éternelle musique. |
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a |
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Dans l’Olympe natal│ revenez tous, ô Dieux ! |
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Comme y revient Psyché.│ Flots épars en tous lieux |
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b |
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Où l’exilée a bu,│ revenez à la source. |
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770 |
Oiseaux, rentrez au nid.│ Rayons qui de sa course |
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a |
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Éclairiez les détours,│ ô peuple universel ! |
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b |
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Rentrez dans l’unité│ de l’astre paternel. |
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Et vous, voiles, tombez ;│ songes, vapeurs, chimères, |
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a |
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Pales ombres de l’être,│ ô formes éphémères ! |
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a |
775 |
Ô voiles de l’époux,│ l’âme a su vous percer. |
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b |
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Sur son sein qu’à loisir│ elle peut embrasser, |
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b |
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Elle voit désormais│ l’éternelle substance, |
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Et l’amour la nourrit│ sans fin de son essence ; |
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a |
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Elle touche au réel.│ Apparences, tombez ! |
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780 |
À toi vont tous les flots,│ en un flot absorbés, |
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b |
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Ô vaste Olympe ! étends│ tes plaines sans limite, |
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Puisque l’amour brisa│ ta barrière interdite. |
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Tout un peuple t’arrive ;│ oh ! pour le recevoir, |
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Grandis, sois infini│ comme était son espoir ! |
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785 |
Ouvre à tous les vivants│ ta voûte heureuse et sainte ; |
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Rien ne doit exister│ par delà ton enceinte. |
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a |
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Vous, mondes ; vous, soleil ;│ toi, globe des humains, |
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b |
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Germes errants dans l’air│ sans trouver vos chemins, |
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Âmes des feux éteints,│ fleurs sèches, races mortes, |
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790 |
Venez à flots pressés,│ l’Olympe ouvre ses portes ; |
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a |
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Habitez en un seul│ réunis pour toujours ; |
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b |
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Il n’est plus aujourd’hui│ deux peuples, deux séjours : |
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b |
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Ici joie et clarté ;│ là souffrance et mystère, |
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Dans l’azur un Olympe│ et dans l’ombre une terre. |
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a |
795 |
Pour l’éternel palais│ de l’Être universel, |
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Il n’est plus qu’un seul monde,│ et ce monde est le Ciel. |
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b |
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Dans l’Olympe nouveau│ que toute vie habite ! |
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a |
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Vers votre enfant, Ëros,│ l’heureux peuple gravite. |
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Règne, ô fille d’amour !│ sur le chaos dompté ; |
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800 |
Règne dans l’harmonie,│ ô sainte Volupté ! |
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b |
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Et toi meurs, ô Douleur !│ vieille reine des hommes ! |
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Leur terre est arrivée│ avec eux où nous sommes : |
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Tout vit là d’où jamais│ tu ne pus approcher : |
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Quel asile te reste,│ ô Mal ! pour t’y cacher ? |
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805 |
Meurs ! Psyché brave ici│ ta poursuite fatale ; |
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Le dieu qui la rend mère│ en a fait son égale. |
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Meurs ! La Volupté nait│ de leur hymen puissant. |
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Tu ne fus rien, ô Mal !│ que l’idéal absent, |
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Et caché par l’époux│ aux âmes qu’il éprouve ; |
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810 |
Tu n’es rien, maintenant│ que Psyché le retrouve, |
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Rien près de cette couche,│ aux transports infinis, |
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Où l’éternel baiser│ les garde réunis. |
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Meurs donc ! Mais, ô Douleur !│ simple absence de l’être, |
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Tu n’as pas à mourir,│ ô Mal ! pour disparaître. |
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815 |
Qu’es-tu ? vide et néant,│ ombre sans fixité |
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b |
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Des choses que le jour│ frappait d’un seul côté. |
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b |
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Meurs ! Tout baigne aujourd’hui│ dans la clarté suprême, |
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Et l’être abonde ici,│ c’est un monde où l’on aime ; |
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a |
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Monde en qui tout afflue│ et qui contient tous lieux. |
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b |
820 |
Expire donc, ô Mal !│ il n’est plus que des dieux ! |
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b |
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mètre |
profil métrique : 6+6
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forme globale |
type : suite de distiques
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schéma : 410((aa))
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