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12 longueur métrique
6-6 mètre
LAP_3/LAP6
Victor de LAPRADE
PSYCHÉ
1841
LIVRE TROISIÈME
ARGUMENT
L’OLYMPE OU LE CIEL.
UNION DE L’ÂME HUMAINE AVEC DIEU DANS UNE AUTRE VIE.

L’absence de Psyché attriste l’Amour son époux et fait un vide dans le ciel. — Éros vient supplier le père des dieux de mettre un terme aux épreuves et à l’exil de l’âme à laquelle il doit s’unir éternellement. — Le dieu médiateur, au moment de la désobéissance de Psyché, avait laissé tomber la première larme versée par un immortel. — Il pleure de nouveau, quoique dieu ; il a expié lui-même la faute de celle qu’il aime en acceptant sa part des douleurs de l’exil. — Les Grâces, ces augustes messagères des suppliants, filles de la Piété, personnification du plus doux attribut de la nature divine, la clémence, les Grâces prient à leur tour pour Psyché. — Elles révèlent le sens de la faute primitive ; elles expliquent cette déchéance si amèrement expiée. — Par la première faute, l’homme, se détachant de l’être infini et prenant conscience de lui-même, a passé de l’immobilité dans le mouvement ascensionnel de la vie. — La douleur était nécessaire à la formation de la personnalité de l’âme humaine, à cette évolution sublime qui défait ramener l’humanité dans le sein de Dieu, comme un être distinct, comme une nouvelle personne admise à participer à la félicité infinie. — Les dieux, à leur tour, racontent comment ils ont désiré cet hymen du ciel et de la terre figuré par leurs amours avec les filles des hommes. — Lorsque le Père tout-puissant sortit de son repos éternel, il y fut conduit par un motif d’amour, car l’amour est le motif essentiel de l’infini. — L’union de Psyché et d’Éros, de l’homme avec Dieu, est nécessaire, en quelque sorte, pour compléter l’être et parfaire l’infini. — Jupiter consent au retour de l’âme dans le ciel, à la réunion des époux mystiques. — Mais l’âme ne saurait remonter dans le ciel par ses propres forces et sans un médiateur divin : Éros descend sur la terre et rapporte dans ses bras Psyché évanouie. — Les noces se célèbrent dans l’Olympe. — Les Muses font entendre le chant nuptial. — Au lieu de la première lampe, pâle et furtive, un astre immortel inonde de lumière la couche de l’hymen condamné jadis à l’obscurité. — Hymne de Psyché : Bénie la première faute ! felix culpa ! bénie la curiosité aujourd’hui satisfaite par la vérité infinie ; béni le désir assouvi dans l’amour éternel. — La mort est bénie, car elle a donné naissance à la résurrection ; la vie de la résurrection est plus belle que la vie d’avant la mort. — De l’hymen d’Éros et de Psyché, la Volupté naquit dans l’Olympe. — Le bonheur infini est engendré par l’union de l’âme et de l’idéal, par le retour de l’humanité au sein de Dieu. — Les divinités exilées rentrent dans l’Olympe. L’hymne universel célèbre la vie bienheureuse et l’anéantissement du mal.
Un sommet inconnumême aux regards de l’aigle, 6+6 a
Une belle citédont l’amour est la règle, 6+6 a
le parfait accordrésonne à tous moments. 6+6 b
la paix en un seulfond tous les éléments, 6+6 b
5 En son immensitériante et constellée, 6+6 a
Voit des dieux immortelsla sereine assemblée. 6+6 a
Au bord des puits sacrés,sources des grandes eaux, 6+6 b
Là, des arbres vivantsétendent leurs rameaux ; 6+6 b
De leurs fruits lumineuxet des parfums qu’ils versent, 6+6 a
10 Jusqu’au fond des vallonsles germes se dispersent. 6+6 a
Là, les astres errantavant de flamboyer 6+6 b
Allument leurs rayonsà l’éternel foyer ; 6+6 b
L’être à flots abondantsqui jaillit de ce centre 6+6 a
Sans cesse à flots égauxcomme à son terme y rentre. 6+6 a
15 Là, tournent gravement,d’un pas mélodieux, 6+6 b
Les heures mesurantles voluptés aux dieux ; 6+6 b
Et les pieds des Saisonsdessinent avec elles 6+6 a
Les contours variésdes danses éternelles. 6+6 a
Chaque Muse à son tourde ces groupes charmants 6+6 b
20 Soumet aux rhythmes saintsles joyeux mouvements, 6+6 b
Sur trois modes diversrégis par les trois Grâces. 6+6 a
Un chœur de dieux bonditet chante sur leurs traces ; 6+6 a
D’autres lancent au loinou le disque ou les traits ; 6+6 b
D’autres, dans les détoursdes ombrages secrets, 6+6 b
25 De leur amour fécondenivrent les déesses ; 6+6 a
Et tout, les jeux, les chants,les danses, les caresses, 6+6 a
Observant des accordsles souriantes lois, 6+6 b
De mille bruits réglésne forme qu’une voix. 6+6 b
Parfois jusqu’aux humainsla musique suprême 6+6 a
30 Arrive en se voilantà travers quelque emblème, 6+6 a
Pour rendre aux cœurs dans l’ombreici-bas engloutis 6+6 b
L’espoir des lieux sacrésdont nous sommes sortis. 6+6 b
Après les jeux finis,et la lutte et la course, 6+6 a
Et les bains odorantspris à leur tiède source, 6+6 a
35 La splendeur du banquetrappelle au loin les dieux 6+6 b
Dans les palais d’airainaux frontons radieux, 6+6 b
, gravant le récitdes saintes origines, 6+6 a
Vulcain sculpta dans l’orles histoires divines, 6+6 a
Et les lois de l’augureet l’antique Destin 6+6 b
40 Oui règne sur l’Olympeinvisible et certain. 6+6 b
À sa place choisieet qui jamais ne change 6+6 a
Aux pieds du souverain,là chaque dieu se range 6+6 a
Dans un cercle, et s’étendsur l’ivoire des lits 6+6 b
Que la pourpre ondoyanteinonde de ses plis. 6+6 b
45 Des dieux la soif est grande ;il faut, pour y suffire, 6+6 a
Qu’un breuvage immorteldes cuves de porphyre 6+6 a
Jaillisse par torrentsdans le vase d’Hébé. 6+6 b
Chacun dans le nectarde cette urne tombé 6+6 b
Boit aux coupes d’onyxl’éternelle jeunesse. 6+6 a
50 Quand la soif est calmée,avant qu’elle renaisse, 6+6 a
Recommence le chant ;car le chant créateur 6+6 b
Est le devoir des dieux,comme il est leur bonheur. 6+6 b
De son siège plus haut,du ciel centre immobile 6+6 a
D’ rayonne à longs traitsune clarté subtile, 6+6 a
55 Le roi voyait s’unir,sous ses yeux adorés, 6+6 b
Les couples bienheureuxpar lui-même engendrés. 6+6 b
Sur tous ces fronts divers,pleins d’une même grâce, 6+6 a
Père, il a reconnules beautés de sa face. 6+6 a
Un sourire charmant,dont l’Olympe a relui, 6+6 b
60 Du dieu passe à ses fils,et de ses fils à lui. 6+6 b
La terre en a sa part ;la moisson printanière 6+6 a
Sent d’un soleil plus chaudabonder la lumière, 6+6 a
Lui cependant, selonqu’ordonne le Destin, 6+6 b
Se complt avec euxau glorieux festin ; 6+6 b
65 Et son jeune échansonlui verse à fantaisie 6+6 a
Le nectar qui fait vivreet la douce ambroisie. 6+6 a
Mais une place est videau cercle tout-puissant : 6+6 b
Les yeux des immortelssemblent chercher l’absent, 6+6 b
Et le festin languit,et la joie est moins vive ; 6+6 a
70 Le roi même, inquiet,demande ce convive ; 6+6 a
Car dès que son sourireà l’Olympe est ôté, 6+6 b
Le front de tous les dieuxperd sa sérénité. 6+6 b
En de communs transports,c’est lui qui les rallie ; 6+6 a
Par lui l’urne d’Hébéd’ivresse est mieux remplie ; 6+6 a
75 Il est l’âme du chant ;sans lui meurent les jeux ; 6+6 b
La douceur des parfumspleut de ses blonds cheveux. 6+6 b
Ouvrant des voluptésles sources recelées, 6+6 a
Il fait épanouirles déesses voilées. 6+6 a
Par lui peuplant la terre,et la mer et le ciel, 6+6 b
80 La vie émane à flotsdu père universel ; 6+6 b
C’est lui par qui l’on aimeet par qui l’on féconde, 6+6 a
Éros, le jeune dieu,charme éternel du monde. 6+6 a
Au banquet des heureuxpourquoi manquer ainsi ? 6+6 b
Quel rêve aux bords lointainst’emporte, ou quel souci 6+6 b
85 T’égare chaque jour,muet et solitaire, 6+6 a
Des sommets de l’Olympeaux vallons de la terre ? 6+6 a
Sous nos joyeux lambris, tu pleures souvent, 6+6 b
On te voit revenirle front pâle et rêvant. 6+6 b
Bien des yeux de déesseen vain t’offrent leur flamme. 6+6 a
90 De terrestres amoursont-ils blessé ton âme ? 6+6 a
De tes ennuis, Éros,tu peux nous faire aveu ; 6+6 b
Quelle mortelle ainsipeut attrister un dieu ? 6+6 b
Mais c’est la destinée,et, tout dieux que nous sommes, 6+6 a
Notre cœur en subitla loi comme les hommes, 6+6 a
95 Ces mots erraient mêlésau bruit des urnes d’or ; 6+6 b
Et le nom de l’Amourretentissait encor, 6+6 b
Quand celui dont les dieuxinvoquaient la présence 6+6 a
Apparut. Sa douleurcommandait le silence. 6+6 a
Il entre, et nul regardn’est cherché par le sien, 6+6 b
100 Traverse avec lenteurle cercle olympien, 6+6 b
Et marche au roi des dieux,dont l’auguste visage 6+6 a
D’un sourire à son filsa jeté le présage. 6+6 a
Le blond adolescent,sur son arc appuyé, 6+6 b
Pâle, et baissant son frontde pleurs mal essuyé, 6+6 b
105 Lève enfin ses yeux bleusauxquels rien ne résiste, 6+6 a
Et mêlant de soupirsune voix douce et triste : 6+6 a
« Ô père ! n’est-ce pasl’heure d’être clément ? 6+6 b
D’un regard si rapide,hélas ! et si charmant, 6+6 b
Psyché, par tant de pleurset par tant de constance, 6+6 a
110 N’a-t-elle pas assezexpié l’imprudence, 6+6 a
Et payé d’un grand prix,selon vos saints décrets, 6+6 b
L’orgueil prématuréd’un dieu vu de trop près ? 6+6 b
Des larmes de ce dieula richesse immortelle 6+6 a
N’a-t-elle pas baignéle ciel même pour elle ? 6+6 a
115 « Ah ! c’est le temps de rendreà ce cœur éprouvé 6+6 b
Son époux et l’Olympe,à l’amour réservé. 6+6 b
Fidèle à cet hymenqu’elle connut à peine, 6+6 a
À travers les douleursde sa carrière humaine, 6+6 a
Son souvenir jamaisn’abjura l’idéal. 6+6 b
120 Pleurant l’amant perduplus que son propre mal, 6+6 b
Sous ses haillons d’esclaveou sa pourpre splendide, 6+6 a
Son cœur en a toujoursgardé la place vide ; 6+6 a
Et les trésors qui fonttout homme ambitieux, 6+6 b
Sans effleurer son âme,ont passé sous ses yeux. 6+6 b
125 « Dans l’Olympe avec moipermets donc qu’elle habite, 6+6 a
Et que le lit d’hymen,d’ l’épouse est proscrite, 6+6 a
De son lin parfumélui rouvrant les douceurs, 6+6 b
Pour nous en ces jardinsse dresse entre les fleurs. 6+6 b
Qu’elle gte au nectarque les déesses boivent ; 6+6 a
130 Que la danse et le chantet les jeux la reçoivent ; 6+6 a
Sa voix et sa beautéla font digne du ciel : 6+6 b
Elle n’y rompra pasl’accord universel. 6+6 b
« Si donc je suis ta vieet ta joie, ô mon père ! 6+6 a
Et du grand chœur des dieuxle charme nécessaire ; 6+6 a
135 Si leur puissance augmentealors que je souris, 6+6 b
Et si l’Amour absent,le ciel même est sans prix, 6+6 b
Ô père ! et vous, ô dieux !pour que l’Amour vous reste, 6+6 a
Recevez à jamaisdans l’empire céleste 6+6 a
Cette âme qui m’implore,et qui m’a pour tout bien 6+6 b
140 Car un nœud immortellia mon être au sien. » 6+6 b
Il dit, et, quoique dieu,supplie avec des larmes. 6+6 a
Trois sœurs aux fronts divers,mais égales en charmes, 6+6 a
Parurent après lui.Des tissus clairs et blancs 6+6 b
Voilent de plis légersleur sein chaste et leurs flancs, 6+6 b
145 Et chaque mouvementde leurs pas mélodiques 6+6 a
Décèle une beautédans leurs formes pudiques. 6+6 a
D’une voix qui se glisseet vibre au fond des cœurs, 6+6 b
Voici ce que disaientles Grâces, ces trois sœurs : 6+6 b
« Ô dieu, père des dieux,qui seul n’as pas d’ancêtres, 6+6 a
150 Rouvre à l’âme ce sein,source et terme des êtres ; 6+6 a
Rappelle à nous Psyché ;nous qui vivons en toi, 6+6 b
À tes embrassementsnous l’offrirons, ô roi ! 6+6 b
« Tu la laisseras boire,au bout de ses épreuves, 6+6 a
Dans les flots du nectar toi-même t’abreuves : 6+6 a
155 Car ton cœur est ouvertà notre œil filial : 6+6 b
Nous savons le vrai sensde la vie et du mal. 6+6 b
L’homme encourut-il doncta haine et ta vengeance, 6+6 a
Lorsqu’au prix des douleursil conquit la science ; 6+6 a
L’ardeur de voir son dieu,ce désir infini, 6+6 b
160 D’un supplice éterneldoit-il être puni ? 6+6 b
« Pourquoi donc mettre en euxcette soif de conntre, 6+6 a
Et ce besoin d’amour,si tu devais, ô mtre ! 6+6 a
Frappant l’humble mortel,qui ne peut s’y ravir, 6+6 b
Sans cesse l’exciter,et jamais l’assouvir ? 6+6 b
165 L’âme, en suivant sa loipar toi-même donnée, 6+6 a
Appela la lumièreau sein de l’hyménée. 6+6 a
Et qui donc façonnases yeux pour la clarté, 6+6 b
Du baiser à sa lèvreapprit la volupté ? 6+6 b
Qui donc fit le désirsi profond, si sublime, 6+6 a
170 Que le seul infinipeut en combler l’abîme ? 6+6 a
« Peut-être elle a touchél’arbre avant la saison 6+6 b
le fruit du savoirest mûr pour la raison ; 6+6 b
Son cœur vola trop tôtvers la suprême joie ; 6+6 a
Il ne s’est pas du moinségaré dans sa voie. 6+6 a
175 L’épouse fut fidèle,et ses regards si doux 6+6 b
N’étaient pas adressésà d’autres qu’à l’époux ; 6+6 b
Et sa lampe indiscrète,écartant le mystère, 6+6 a
N’a pas brillé du moinssur un lit adultère. 6+6 a
« À son nocturne hymensi bornant ses désirs, 6+6 b
180 Avec son ignoranceacceptant ses plaisirs, 6+6 b
Elle t de l’âge d’orgardé la paix oisive, 6+6 a
Son âme aurait manquéle but tout arrive, 6+6 a
Mais elle a, franchissantchaque jour un degré, 6+6 b
Suivi de tes desseinsle mouvement sacré, 6+6 b
185 Et fait sa part aussidans l’œuvre créatrice. 6+6 a
Or le temps est venuque son labeur finisse. 6+6 a
« Donne-lui le bonheur ;elle peut le porter. 6+6 b
Si la seule douleurenseigne à le gter, 6+6 b
S’il faut conquérir l’êtreen un combat suprême, 6+6 a
190 S’il faut avoir luttépour devenir soi-même, 6+6 a
Elle peut s’arracherà l’épreuve du mal, 6+6 b
Et rentrer sans s’y perdreau sein de l’idéal. 6+6 b
« Comme on doit limiterpar les contours du moule 6+6 a
La lave du métalqui bouillonne et qui coule, 6+6 a
195 Pour imposer à l’ordans l’argile arrêté 6+6 b
La figure d’un dieu,la vie et la beauté ; 6+6 b
S’il faut que la souffranceenveloppe ainsi l’âme, 6+6 a
Qu’une chair misérableenveloppe sa flamme, 6+6 a
Afin de condensersa vie et son pouvoir, 6+6 b
200 Pour qu’elle n’aille pas,sans force et sans vouloir, 6+6 b
Dans la vaste natureet ses métamorphoses, 6+6 a
Comme un fluide étherse perdre au sein des choses ; 6+6 a
Si la douleur enfinest le moule sacré 6+6 b
Pour cette humaine essenceavec art préparé, 6+6 b
205 Arrache ta statueà sa prison d’argile : 6+6 a
Le métal dans sa formeest enfin immobile, 6+6 a
Ô mtre ! et près de toi,de ton bras paternel, 6+6 b
Pose ta fille d’orsur un socle éternel ! 6+6 b
« Reçois, reçois cette âme ;elle te revient toute : 6+6 a
210 La douleur n’en a paslaissé perdre une goutte. 6+6 a
« Sur un globe imparfait,si c’est pour le finir, 6+6 b
Mtre, que tu mis l’âme,elle en doit revenir ; 6+6 b
L’ouvrage est achevé ;l’ouvrière est assise, 6+6 a
Régnant sur la natureà son pouvoir conquise. 6+6 a
215 Vois sa main égalantles merveilles des dieux ; 6+6 b
Vois les lions domptés,vois les flots furieux, 6+6 b
Les monts portant son jougsur leurs têtes tranquilles, 6+6 a
Et la lyre élevantles murailles des villes. 6+6 a
Vois le doux olivier,parmi les blés épais, 6+6 b
220 Fleurir sur son passageavec l’antique paix ; 6+6 b
Vois serf et mtre unisdans la ronde sacrée, 6+6 a
Ainsi qu’aux jours heureuxde Saturne et de Rhée. 6+6 a
Vois aux sources du vrail’homme enfin s’abreuvant, 6+6 b
Et l’accord fraternelde tout être vivant. 6+6 b
225 C’est Psyché qui marqual’univers de ton signe. 6+6 a
De l’époux idéalpar son cœur elle est digne ; 6+6 a
Sous ses doigts patientspétri jusqu’à ce jour, 6+6 b
Mtre, le monde a prisla forme de l’amour. 6+6 b
Pour mériter l’hymenqu’interrompit sa faute, 6+6 a
230 Imaginerais-tuquelque offrande plus haute ! 6+6 a
« Ô père ! reçois doncPsyché, la veuve en pleurs. 6+6 b
Laisse-nous l’amener,nous, les Grâces ses sœurs ; 6+6 b
Nous, tes plus purs rayons ;nous, filles du sourire, 6+6 a
Du regard complaisantque cette âme a vu luire, 6+6 a
235 Quand du jeune universtu lui faisais le don, 6+6 b
Quand tu jugeais ton œuvreen disant : Tout est bon ! 6+6 b
Nous trois qui, par la mainnous tenant sur tes traces, 6+6 a
Secouons des parfumsen tous lieux tu passes : 6+6 a
Qui doucement vers toiguidons les suppliants ; 6+6 b
240 Qui, des belles vertus,te présentons l’encens ; 6+6 b
Nous, de tes dons sacrésles fidèles courrières, 6+6 a
Par qui la Pitié sainteet le chœur des Prières 6+6 a
Au mode lydienont cadencé leur chant, 6+6 b
Et levé chastementleur voile en t’approchant ; 6+6 b
245 Nous par qui la senteurdans l’arbre s’insinue, 6+6 a
Et le tendre penserdans la vierge ingénue ; 6+6 a
Nous par qui l’âme aux yeuxbrille à travers le corps, 6+6 b
Par qui tout est rangésous la loi des accords ; 6+6 b
Qui revêtons le biende la beauté suprême : 6+6 a
250 Nous les trois Charitésqu’on admire et qu’on aime ! » 6+6 a
Et de leur coupe pleineoublieux un moment, 6+6 b
Les dieux parlaient aussipour l’amante et l’amant. 6+6 b
« Ouvrons, ouvrons l’Olympeà la belle mortelle, 6+6 a
Et que le lit d’hymens’y prépare pour elle ; 6+6 a
255 Qu’Éros par ses baisersde l’exil soit guéri ; 6+6 b
Quand cet hôte est chagrinle ciel est assombri. 6+6 b
« Quel Dieu ne s’est troublépour une vierge humaine 6+6 a
Qu’il vit porter l’amphoreau bord de la fontaine, 6+6 a
Ou qu’il surprit sans voileà travers les roseaux, 6+6 b
260 Quand d’un pied rougissantelle effleurait les eaux, 6+6 b
Ou quand d’une voix frcheen ses vives cadences, 6+6 a
Sur les gazons en fleurelle réglait les danses ! 6+6 a
Qui n’a sous les lauriers,et sous les grands épis, 6+6 b
Éveillé d’un baiserdeux beaux yeux assoupis, 6+6 b
265 Et dormi dans la grotte,aux voluptés ouverte, 6+6 a
Entre deux bras d’albâtreet sur la mousse verte ? 6+6 a
« Retenu loin du cielpar d’amoureux liens, 6+6 b
Quel dieu n’a pas connules champs helléniens, 6+6 b
Et n’a vu ni Tempé,ni la Crète aux cent villes, 6+6 a
270 Ni l’Arcadie aux boisodorants et tranquilles, 6+6 a
Ni le frais Cithéron,ni l’Égypte aux grands blés, 6+6 b
Ni les flancs du Taygèteen cadence foulés ? 6+6 b
« Que de fois, s’égarantaux terrestres montagnes, 6+6 a
Des dieux olympiensles volages compagnes 6+6 a
275 Ont poursuivi d’amourles pasteurs les plus beaux, 6+6 b
Sous le hêtre chantantau milieu des troupeaux ! 6+6 b
« Que de fois un chasseur,au bord de l’Ërymanthe, 6+6 a
Implora sous l’ombrageune céleste amante, 6+6 a
Foulant ses javelotset son arc oubliés ! 6+6 b
280 Les chiens trouvaient en vainle pas des sangliers ; 6+6 b
Vainement fleurs et fruitsjetés d’entre les saules, 6+6 a
Atteignaient le rêveurà ses brunes épaules : 6+6 a
Négligeant Amymoneet le plaisir certain, 6+6 b
Son cœur suivait Dianeet le croissant lointain. 6+6 b
285 « Que de fois, près du puitsposant son urne pleine 6+6 a
Sur le métier oisiflaissant dormir la laine, 6+6 a
Seule à travers les bois,et s’écartant des jeux, 6+6 b
D’Argos ou de Corintheune fille aux doux yeux, 6+6 b
Lassant de ses méprisdes amoureux sans nombre, 6+6 a
290 Rêva d’un jeune dieuqu’elle entrevit dans l’ombre ! 6+6 a
« Les enfants de la terreet les enfants du ciel 6+6 b
Se poursuivent ainsid’un désir mutuel. 6+6 b
« Le nectar coule à flotsdans nos coupes divines ; 6+6 a
Quel vin pareil mûrit,ô terre ! en tes collines ? 6+6 a
295 Et pourtant, attirésde nos palais d’azur, 6+6 b
Nous dirigeons nos charsvers quelque toit obscur ! 6+6 b
Hors des jardins fécondsdu céleste domaine, 6+6 a
Qui pousse ainsi les dieuxparmi la foule humaine, 6+6 a
Et, quand le lit d’hymenabonde en voluptés, 6+6 b
300 Leur fait chercher l’amourdes terrestres beautés, 6+6 b
Soumettre à la douleurleur nature impassible 6+6 a
Pour le cœur d’un enfant,quelquefois insensible ; 6+6 a
Subir la faim, le froid,tous les travaux du corps : 6+6 b
Et, sanglant, traverserle noir séjour des morts ? 6+6 b
305 « Sans doute du Destin,qui régit le ciel même, 6+6 a
Cet attrait invincibleest une loi suprême. 6+6 a
Vers le séjour des dieuxl’homme aspire d’en bas, 6+6 b
Et vers l’homme en secretles dieux portent leurs pas. 6+6 b
Par un désir pareilnos races attirées 6+6 a
310 Doivent-elles toujoursêtre ainsi séparées ? 6+6 a
« Sans doute, pour un temps,l’homme triste et banni, 6+6 b
Comme nous lui manquons,manque à notre infini ; 6+6 b
Et votre hymen, Éros,est attendu peut-être, 6+6 a
Pour peupler tout le cielet pour parfaire l’Être. 6+6 a
315 À l’accord idéaldu chant olympien, 6+6 b
L’homme, pour l’achever,doit réunir le sien, 6+6 b
Et lier, de ses mains,en y prenant sa place, 6+6 a
Le grand cercle dansantqui tourne dans l’espace. 6+6 a
« Relève donc, Éros,ton front pâle et penché ; 6+6 b
320 Nous voulons partagerle ciel avec Psyché. 6+6 b
Nous avons comme toisouvent gémi sur elle ; 6+6 a
Son sort nous est connu,nous savons qu’elle est belle. 6+6 a
Sèche tes yeux, Éros ;tes pleurs ont tout guéri. 6+6 b
Vois, le père des dieuxavec nous t’a souri : 6+6 b
325 Car notre esprit est un,nos volontés sont unes, 6+6 a
Et les lois du Destinà tous nous sont communes. 6+6 a
Par lui souffrit Psyché ;tout ce qu’il fait est bon. 6+6 b
Ton hymen attend l’âmeet sera son pardon ; 6+6 b
Au banquet immortelelle peut prendre place ; 6+6 a
330 Des fleurs neuves au cielgermeront sur sa trace ; 6+6 a
Chaque Dieu lui gardantson présent le meilleur 6+6 b
La voit avec tes yeuxet l’aime avec ton cœur. 6+6 b
C’est d’elle que nous vientl’attrait plein de mystère 6+6 a
Qui nous invite encoreà fréquenter la terre ; 6+6 a
335 Elle que nous cherchons ;c’est toi, bel être humain, 6+6 b
Que l’amour chez les dieuxconduira par la main. 6+6 b
« À sentir ton retourchez nous la joie est grande : 6+6 a
Viens, pour se compléter,l’Olympe te demande. 6+6 a
Ta tâche est accomplie,et Dieu t’ouvre son sein. 6+6 b
340 Ton œil dans l’idéalpeut plonger sans larcin ; 6+6 b
Un astre y brille au lieude la lampe première. 6+6 a
Viens conntre l’épouxsur un lit de lumière ; 6+6 a
Nous nous réjouissonsd’entendre dans le ciel 6+6 b
Sur vos lèvres chanterun baiser éternel ! 6+6 b
345 « Vers la terre d’épreuve gît ta pale amante, 6+6 a
Toi, vole, ô jeune Éros !sur sa tête charmante 6+6 a
L’extatique désirbrisé dans son effort 6+6 b
Répand un froid sommeilavant-coureur de mort. 6+6 b
Serre-la dans tes bras,vole, et nous la ramène ; 6+6 a
350 Ses roses rentrontau feu de ton haleine ; 6+6 a
Les Grâces, la prenantà la porte des cieux, 6+6 b
Au son des lyres d’orferont ouvrir ses yeux. » 6+6 b
Le père avec amourcontemplait sa pensée 6+6 a
En sons harmonieuxpar ses fils retracée. 6+6 a
355 Ses décrets éternelspar leurs voix ont parlé ; 6+6 b
Et le pardon promis,d’un sourire scellé, 6+6 b
De son front abaissésur le dieu qui l’implore, 6+6 a
Comme sur un sommetle regard de l’aurore 6+6 a
Tombe, et de ses cheveuxagités doucement, 6+6 b
360 L’ambrosienne odeurpleut à ce mouvement, 6+6 b
Et suit à flots égaux,dans la vaste étendue, 6+6 a
L’onduleuse clartéde ses yeux répandue. 6+6 a
De ces saintes lueursl’Olympe est radieux ; 6+6 b
Elles ont pénétréle cœur même des dieux, 6+6 b
365 Et, glissant sur les flancsdes hauteurs qu’ils habitent, 6+6 a
Dans la terrestre plaineelles se précipitent, 6+6 a
Portent vers les humainsun message d’amour 6+6 b
Et du soleil antiqueannoncent le retour. 6+6 b
À peine ce sourire réside la grâce 6+6 a
370 A du dieu père et roifait flamboyer la face, 6+6 a
Le doux mot de pardonsur ses lèvres encor 6+6 b
Coule comme le mielversé d’une urne d’or ; 6+6 b
Du signe de ce frontd’ la splendeur émane 6+6 a
L’éther oscille encoreen sa mer diaphane ; 6+6 a
375 Et, plus vite qu’un traitde son arc d’or chassé, 6+6 b
Déjà vers notre mondeÉros s’est élancé, 6+6 b
À l’épouse apportantdes voluptés certaines, 6+6 a
Et la fin de l’espoirla plus douce des peines. 6+6 a
Au-dessus des cités,des golfes, des déserts, 6+6 b
380 La flamme de son ailea sillonné les airs. 6+6 b
Telle, au souffle d’Eurus,de pourpre et d’or chargée, 6+6 a
Des monts orientauxjusqu’à la mer Égée, 6+6 a
La nue au sein fécondvole et rougit les flots 6+6 b
À la fois de Samos,d’Icare et de Délos, 6+6 b
385 Et va, dans la même heure,ouvrir ses flots humides 6+6 a
Et baigner les fruits d’orau fond des Hespérides. 6+6 a
Tel, et plus promptement,vers le cœur plein d’ennui, 6+6 b
Vers l’amante éploréeet qui se meurt pour lui, 6+6 b
Descend le jeune Éros.Sur la terre émaillée, 6+6 a
390 Psyché gisait encorsans s’être réveillée, 6+6 a
Et l’aube au-dessus d’elleouvrant ses yeux en pleurs 6+6 b
Mouillait son corps de marbreen abreuvant les fleurs. 6+6 b
Sur ses deux bras pliésl’époux divin l’enlève ; 6+6 a
Elle dormait toujoursde son sommeil sans rêve ; 6+6 a
395 Et l’Amour, la gardantpour un réveil plus beau, 6+6 b
Non sans mille baisers,porte ce doux fardeau, 6+6 b
Par la route éthéréeaux hommes interdite, 6+6 a
Jusqu’au sommet d’Olympe l’idéal habite. 6+6 a
D’ineffables accords,quand ils passent le seuil, 6+6 b
400 Des sourires sacréspartout leur font accueil ; 6+6 b
Un cortège les suit la lyre résonne. 6+6 a
Déposant l’âme aux piedsde celui qui pardonne, 6+6 a
Éros prie, attendantle regard paternel, 6+6 b
Le dieu qui fit les cœurspour en peupler le ciel. 6+6 b
405 Pâle encore est Psyché ;près d’eux agenouillées, 6+6 a
Les Grâces, blanches sœursaux paupières mouillées, 6+6 a
Soutiennent son beau corps.Le père souverain, 6+6 b
Enveloppant Psychéd’un sourire serein, 6+6 b
Touchant du doigt ses yeux,les rouvre ; la jeune âme 6+6 a
410 S’éveille et resplenditdans un cercle de flamme, 6+6 a
Voit l’Olympe et les dieux,et sans étonnement 6+6 b
L’invisible conquiset l’éternel amant. 6+6 b
Le Père a prononcél’arrêt clément et juste 6+6 a
Qui du toit nuptialouvre l’asile auguste ; 6+6 a
415 Et les époux, heureuxdes malheurs oubliés, 6+6 b
Chez les dieux à jamaispar l’amour sont liés 6+6 b
Et les Muses en chœurdisaient la chanson tendre, 6+6 a
Que le lit de l’hymense réjouit d’entendre : 6+6 a
« Des longues voluptésl’asile est prêt pour vous ; 6+6 b
420 Une lampe sans ombrey sourit aux époux ; 6+6 b
Ouvrant, sans les troubler,son œil sur leurs caresses, 6+6 a
Elle porte un jour calmeau fond de leurs ivresses. 6+6 a
« Là, tout désir sans voileest saint par son ardeur. 6+6 b
Viens, jeune âme, les dieuxignorent la pudeur : 6+6 b
425 L’homme la connt seul.Amours, beautés humaines, 6+6 a
Redoutent la clartécomme des ombres vaines. 6+6 a
« Là-bas, voir c’est douter,c’est désirer le mieux ; 6+6 b
L’amour doit s’y garderde l’atteinte des yeux. 6+6 b
C’est par l’endroit secret,voilé toujours en elle, 6+6 a
430 Que toute beauté plt,et qu’elle reste belle. 6+6 a
Le soleil n’y partque d’ombres entouré. 6+6 b
Là, le cœur est punis’il a trop aspiré. 6+6 b
Aux voluptés sans finla force se refuse ; 6+6 a
L’attrait meurt du plaisir,la lèvre aux baisers s’use ; 6+6 a
435 Le corps se meurtrit mêmeaux roses des coussins ; 6+6 b
Les travaux de l’hymendéforment les beaux seins ; 6+6 b
En des yeux alanguiss’éteint la jeune grâce, 6+6 a
Et du front qui charmaitl’enchantement s’efface. 6+6 a
Alors, le cœur s’affaisseet s’enfuit l’idéal, 6+6 b
440 Comme un feu trop subtilpour ce faible métal, 6+6 b
Qui dans l’urne fragileallumé par surprise, 6+6 a
Sous ses flots jaillissantsla fait fondre ou la brise. 6+6 a
« Au pays d’ tu viens,tout désir fort et grand, 6+6 b
Toute soif de bonheur,est un mal dévorant ; 6+6 b
445 Une amour combattue,aussi bien qu’assouvie, 6+6 a
Ravage égalementles sources de la vie. 6+6 a
Mais dans l’Olympe, oh ! vienst’abreuver de ce feu : 6+6 b
Il consume un mortel,mais il fait vivre un dieu. 6+6 b
« Viens boire à ce torrentsans fin et sans mesure. 6+6 a
450 S’abstenir fut la loide l’humaine nature. 6+6 a
Mais, ô déesse ! viens,cœur d’amour altéré, 6+6 b
Viens, et plonge en délireau fond du flot sacré ! 6+6 b
« L’astre qui luit là-bassur la terre profonde 6+6 a
Flétrit s’il fait éclore,et brûle s’il féconde ; 6+6 a
455 L’ombre seule conserveaux zéphyrs de demain 6+6 b
La fleur dont l’aube ouvritles lèvres de carmin. 6+6 b
Ainsi les fleurs de l’âmeont besoin du mystère 6+6 a
Pour garder plus d’un jourleur éclat solitaire. 6+6 a
« Mais chez les dieux, l’amour,ce soleil infini, 6+6 b
460 Père de la beauté,n’a jamais rien terni. 6+6 b
Quand un rameau languit,son regard le relève ; 6+6 a
Il y verse à la foisla chaleur et la sève ; 6+6 a
Et l’arbre en un matinouvre tous ses bourgeons 6+6 b
Sans crainte de tariraux futures saisons. 6+6 b
465 « Sans réserve et sans voileici les cœurs se livrent ; 6+6 a
Sans lasser les époux,leurs bonheurs les enivrent ; 6+6 a
Rien ne redoute en vousle doigt ni le flambeau ; 6+6 b
Le millième baiserpour vous sera nouveau. 6+6 b
« L’amant vient revêtude sa seule lumière 6+6 a
470 Vers la couche de pourpre,, montant la première, 6+6 a
L’amante de ses brasqu’elle dénoue enfin, 6+6 b
Sur les pieds d’or du litlaisse tomber le lin. 6+6 b
« Ah ! tu peux à présentrassasier ta vue 6+6 a
De la divine formeautrefois entrevue. 6+6 a
475 Approche-toi, Psyché,de ton céleste amant ; 6+6 b
Qu’il soit ton seul spectacleet ton seul vêtement. 6+6 b
Toi, jeune Éros, répandstes parfums et l’enivre, 6+6 a
Elle qui vit par toi,comme elle te fait vivre ; 6+6 a
Et que le soleil vrai,saint, fécond, immortel, 6+6 b
480 Ravonnant sur ta couche,ô couple aimé du ciel ! 6+6 b
Sur ton amour uniqueaux douceurs variées, 6+6 a
Fasse germer l’émaildes fleurs multipliées. 6+6 a
Mêlez-vous l’un à l’autre,et pour l’éternité, 6+6 b
Sur un lit radieux,ô vous, Amour, Beauté ! » 6+6 b
485 Hors du cercle des dieux,dont les graves sourires 6+6 a
Les suivent longuementavec la voix des lyres, 6+6 a
Glissent les deux épouxvers les toits retirés 6+6 b
Que leur garde l’Hymenau fond des bois sacrés. 6+6 b
Se tenant par la main,ils vont : les hautes branches 6+6 a
490 S’inclinent pour toucherà leurs épaules blanches. 6+6 a
Tels on voit s’enfoncerà travers les roseaux 6+6 b
Deux cygnes amoureuxbalancés sur les eaux ; 6+6 b
Tels s’effacent au loinces deux corps pleins de grâces 6+6 a
Dans les arbustes vertsrefermés sur leurs traces ; 6+6 a
495 Et la grande foret,ouvrant sa profondeur, 6+6 b
Du couple nuptiala voilé la splendeur. 6+6 b
Quel mode de la lyre,et quelle voix humaine 6+6 a
Dira du lit d’hymen ton dieu te ramène, 6+6 a
Ô Psyché ! la douceuret les ravissements, 6+6 b
500 Après l’exil souffert,les discours des amants, 6+6 b
La sainte voluptédéliant leurs ceintures, 6+6 a
L’intime fusiondes divines natures, 6+6 a
Et par les nœuds riantsdes baisers infinis 6+6 b
L’Amour et la Beautédans la lumière unis ? 6+6 b
505 Celui-là pourrait seulen retracer quelque ombre 6+6 a
Dont la bouche, abondanteen puissances sans nombre, 6+6 a
Saurait fondre et mêler,dans l’or de ses chansons, 6+6 b
À la fois des clartés,des parfums et des sons, 6+6 b
Et dérobant au ciella forme inaccessible, 6+6 a
510 Rendre à chacun des sensla parole visible. 6+6 a
Mais quel artiste ainsimontre à l’homme charmé, 6+6 b
L’idéal tout entierdans son verbe enfermé ? 6+6 b
Celui-là, qui de l’êtreécrivant le poème, 6+6 a
Dans l’espace remplivit en son œuvre même. 6+6 a
515 Or, les Heures, portantdeux vases inégaux 6+6 b
Qui versent aux mortelset les biens et les maux, 6+6 b
Autour du genre humaintournaient dans la durée 6+6 a
D’un pas sombre ou brillantpar elle mesurée ; 6+6 a
Et l’ivresse d’hymen,si rapide chez nous, 6+6 b
520 Coulait intarissableaux célestes époux ; 6+6 b
Et dans leur âme encorvierge après ces délices, 6+6 a
L’amour éternisaitla douceur des prémices. 6+6 a
Sans qu’un instant jamaisde la main ou des yeux 6+6 b
L’époux quittât l’épouse,en ces bois merveilleux, 6+6 b
525 l’ombrage odorantluit de leurs auréoles, 6+6 a
Souvent ils s’en allaient,échangeant leurs paroles. 6+6 a
L’Olympe recueillaitleur souffle dans ses fleurs, 6+6 b
Et le bruit de leur voixdans ses oiseaux chanteurs. 6+6 b
À travers les clartésd’une existence neuve, 6+6 a
530 Psyché revoit les tempsdu deuil et de l’épreuve ; 6+6 a
Le présent s’embellitde tous les maux passés, 6+6 b
Des tableaux de l’exilà l’époux retracés ; 6+6 b
Et l’âme, alors, planantd’une sphère plus haute, 6+6 a
Rend grâce du bonheurà la première faute. 6+6 a
535 « Oh ! comme ton regard,séchant mes yeux en pleurs, 6+6 b
A tari vite en moila source des douleurs ! 6+6 b
Comme il a dissipéla nuit et ses mensonges, 6+6 a
Et fait fuir tous mes mauxdans le pays des songes ! 6+6 a
« Laisse de tes rayonsmon cœur enveloppé ! 6+6 b
540 Des neiges de l’exilpauvre oiseau tout trempé, 6+6 b
Frileux, et tout meurtripar les vents et les grêles, 6+6 a
Ce doux soleil essuieet réchauffe mes ailes. 6+6 a
« Regarde-moi toujours !C’est à travers tes yeux 6+6 b
Que coule en mon espritla lumière des cieux ; 6+6 b
545 C’est par leurs rayons seulsque s’allume la flamme 6+6 a
Pour s’élancer vers toidu foyer de mon âme. 6+6 a
« Reste sous mes regards,comme moi sous les tiens ! 6+6 b
Si ta vie est ma vie,et si tu m’appartiens, 6+6 b
Laisse errer sur ton seinmes yeux que tu ranimes ; 6+6 a
550 Ouvre-moi de ton cœurles asiles intimes. 6+6 a
Posséder tout l’Olympe,être immortel et roi, 6+6 b
Être heureux, ô mon Dieu !ce n’est que voir en toi ! 6+6 b
« Mais moi, pour satisfaireà ta vue éternelle, 6+6 a
Me suis-je assez parée,et rendue assez belle ? 6+6 a
555 Suis-je pour quelque choseau moins dans ton bonheur ? 6+6 b
T’ai-je payé celuique tu mets dans mon cœur ? 6+6 b
Pour valoir à tes yeux,pour gagner quelques charmes, 6+6 a
Je recommenceraiset la vie et mes larmes ! 6+6 a
« Bénie entre les nuits,celle mon jeune instinct 6+6 b
560 M’arma de ce flambeauvoulu par le Destin, 6+6 b
Troubla de ses lueursnos voluptés obscures, 6+6 a
Et conquit l’aveniren bravant les augures ; 6+6 a
Et, même entre tes bras,me lassant du plaisir, 6+6 b
D’un hymen plus parfaitmit en moi le désir ! 6+6 b
565 « Si le bonheur des senst dompté ton amante, 6+6 a
De l’ivresse du corpset de l’ombre contente ; 6+6 a
Si, pour un temps, mon cœurde ton âme altéré, 6+6 b
Du miel de tes baisersn’avait été sevré, 6+6 b
Psyché ne conntraitqu’à travers les ténèbres 6+6 a
570 Son dieu toujours voilépar des terreurs funèbres ; 6+6 a
Et, d’un étroit jardinfaisant son univers, 6+6 b
N’t jamais vu l’Olympeet ses palais ouverts ! 6+6 b
Jamais, en toi plongeant,ce cœur qui te pénètre 6+6 a
Ne se fût à loisirenivré de ton être ! 6+6 a
575 « T’admirer longuement,jouir de nos amours 6+6 b
Sans qu’ils soient diviséspar des nuits ou des jours ; 6+6 b
Boire avec toi du ciell’extase ardente et pure, 6+6 a
Sans que le Temps avareà nos cœurs la mesure : 6+6 a
N’être avec toi qu’un dieu !… je le dois à l’orgueil 6+6 b
580 Qui, dans l’antique nuit,de mon âme ouvrit l’œil ; 6+6 b
Et, las de tout plaisirque le soleil n’éclaire, 6+6 a
Accepta la douleurau prix de la lumière. 6+6 a
« Peut-être un cœur plus humbleet par les sens guidé, 6+6 b
Satisfait de l’épouxà demi possédé, 6+6 b
585 Sans chercher de l’amourl’entière plénitude, 6+6 a
De l’ombre et du sommeilt gardé l’habitude. 6+6 a
Mais un esprit plus fierhabita dans mon sein, 6+6 b
Et tu choisis Psychépour un plus grand dessein. 6+6 b
Gter dans l’ignoranceune volupté molle, 6+6 a
590 C’est le lot du troupeaudes êtres sans parole, 6+6 a
De l’argile pétrie,en qui ne vit nul feu ; 6+6 b
Il fallait autre choseà l’amante d’un dieu ! 6+6 b
« J’ai bien maudit ma lampeet la clarté nouvelle, 6+6 a
Car en moi la douleurs’introduisit par elle. 6+6 a
595 L’heure je l’allumaireçut un nom fatal ; 6+6 b
La science passapour la mère du mal, 6+6 b
Et de l’orgueil sacréla terre fit un crime. 6+6 a
Mais, pour le ciel conquis,pour notre hymen sublime, 6+6 a
Pour le flot de splendeurqui m’inonde aujourd’hui, 6+6 b
600 Je bénis cet orgueil,car tout est né de lui ! 6+6 b
« Désirs, brûlants désirsde sentir, de conntre, 6+6 a
Par qui Psyché montavers les sources de l’être ; 6+6 a
Orgueil, ô Volupté !soif des biens infinis, 6+6 b
Vous, blasphémés jadis,enfin, soyez bénis ! 6+6 b
605 Du triste genre humainle malheur vous accuse ; 6+6 a
Mais le désir demeure,et la souffrance s’use. 6+6 a
Désirs, vous êtes saints ;car saint est votre but ; 6+6 b
Et l’Olympe, après tout,vous doit payer tribut. 6+6 b
À travers tous les maux,l’homme est né pour vous suivre ; 6+6 a
610 Avant vous j’existais,et vous m’avez fait vivre ! 6+6 a
« Dans la première nuitje ramperais encor, 6+6 b
Orgueil et Volupté,sans vos deux ailes d’or. 6+6 b
« Jouissant du bonheurde l’aveugle matière, 6+6 a
L’hymen ne m’t montréque sa forme grossière ; 6+6 a
615 J’ignorerais encorses secrets les plus doux, 6+6 b
Et je ne verrais pasque j’ai dieu pour époux ! 6+6 b
Par vous, ô saints désirs,sur la terre inféconde, 6+6 a
Un éclair descendurévèle un meilleur monde. 6+6 a
Tout ce qui vit, par vousarrive au port caché. 6+6 b
620 Par vous, le seuil des dieuxs’est ouvert à Psyché ; 6+6 b
Et l’amant idéal,cédant à votre audace, 6+6 a
À l’amante mortellea dévoilé sa face. » 6+6 a
Entre les jeux, souvent,les baisers, le repos, 6+6 b
Mêlant le discours graveet les tendres propos, 6+6 b
625 Comme sur l’orangeraux branches étoilées 6+6 a
Avec l’or des fruits mûrsles jeunes fleurs mêlées, 6+6 a
À la langue du cielempruntant ses doux sons, 6+6 b
L’épouse se paraitd’abondantes chansons. 6+6 b
Déployant sur son cœurles caresses divines, 6+6 a
630 Comme de chauds rayonssur les vertes collines, 6+6 a
L’époux lui répondait,et versait à son tour 6+6 b
Le chaste enivrementdes paroles d’amour. 6+6 b
Non, jamais au printemps,quand la vierge encor pure, 6+6 a
S’abreuve de l’espoirqu’exhale la nature, 6+6 a
635 Et des premiers aveux,avec l’air plein d’encens, 6+6 b
Aspire la musiqueà travers tous ses sens ; 6+6 b
Même à l’heure , laissanttomber ses bras pudiques 6+6 a
Éperdue, elle cèdeaux prières magiques ; 6+6 a
tous les sons divins,voix des flots, bruit du vent, 6+6 b
640 Tout semble avoir passédans la voix de l’amant, 6+6 b
Jamais femme ici-basn’ouït choses pareilles 6+6 a
À la voix, ô Psyché !qui charmait tes oreilles ! 6+6 a
Leur extase ainsi couleen paisibles discours, 6+6 b
Comme un flot non troublé,mais qui parle en son cours : 6+6 b
645 Et chaque heure embellitce fleuve au bord sonore 6+6 a
Des mille fleurs sans nomque le ciel voit éclore. 6+6 a
Tantôt des voluptésles asiles lointains 6+6 b
Abritent leur amour ;ou, dans les gais festins, 6+6 b
Parmi les immortelsqui cherchent leur sourire, 6+6 a
650 Ils échangent tous deuxet la coupe et la lyre ; 6+6 a
Ou la flûte conduitleurs pas entrelacés 6+6 b
Sur les modes diversà la danse tracés. 6+6 b
Tantôt penchés ensembleau bord des sources vives, 6+6 a
Ils tiennent sur les flotsleurs âmes attentives ; 6+6 a
655 Des nids et des bourgeonssurprenant les secrets, 6+6 b
Ils écoutent germerles célestes forêts. 6+6 b
Convive du nectar,à l’Amour même unie, 6+6 a
Psyché revêt des dieuxla nature infinie. 6+6 a
Tous ses jours, mesuréscomme on mesure au ciel, 6+6 b
660 Ne forment qu’un instant,mais il est éternel. 6+6 b
Sans s’épuiser jamaisaux plaisirs qu’elle gte 6+6 a
Des biens déjà sentisla volupté s’ajoute ; 6+6 a
Et, des fleuves d’en hautmerveilleux réservoir, 6+6 b
Son cœur toujours rempli,peut toujours recevoir. 6+6 b
665 Or, selon les destins,Psyché devint féconde, 6+6 a
Et l’épouse d’Érosmit une fille au monde, 6+6 a
Enfant donnée aux cieuxpour en charmer la paix, 6+6 b
Mais cachée aux mortelssous des voiles épais. 6+6 b
Sans jamais l’entrevoir,nous aspirons vers elle ; 6+6 a
670 Du peuple des vivants,c’est la soif éternelle, 6+6 a
L’attrait par qui tout êtreau but est excité ; 6+6 b
Mais l’homme n’en sait rienque son nom : Volupté ! 6+6 b
Nom qu’usurpent chez nousd’éphémères ivresses ! 6+6 a
Nul n’en gte ici-basles suprêmes caresses ; 6+6 a
675 Elle habite un Olympeà l’abri du désir ; 6+6 b
On n’en voit rien que l’ombreà travers le plaisir. 6+6 b
L’amour seul, aux instantsd’extase la plus pure, 6+6 a
En révèle à nos cœursl’idée encore obscure. 6+6 a
ÉPILOGUE
Chaque fois que je vis,rêveur adolescent, 6+6 b
680 Comme une aube aux doux feux,mais éteinte en naissant 6+6 b
Flotter à l’horizonta robe purpurine, 6+6 a
Soudain au fond du ciel,sur la vague marine, 6+6 a
Tes pieds comme un éclairglissaient, ô Volupté ! 6+6 b
Et, sur la pale mer,alors, de mon côté, 6+6 b
685 Une figure en deuils’avançait à ta place : 6+6 a
Sa grande ombre effaçaitles roses de ta trace. 6+6 a
L’ache et le nénuphar,dans ses cheveux séchés, 6+6 b
Se posaient sur mon fronten couronne attachés. 6+6 b
Autour d’elle un essaimde noires mélodies 6+6 a
690 Heurtait en voltigeantmes tempes engourdies ; 6+6 a
Et comme un flot des mersaffaissé sous son poids, 6+6 b
Mon cœur cessait de battreau toucher de ses doigts. 6+6 b
Sombre Mélancolie !ô fatale déesse 6+6 a
Qu’à sa place en fuyantla Volupté nous laisse, 6+6 a
695 De tes pavots amersgoutte à goutte abreuvé, 6+6 b
Nul homme plus que moisur ton sein n’a rêvé ; 6+6 b
Nul n’a vu si souvent,frappé de ton vertige, 6+6 a
Fruits ou fleurs avorterdès qu’il touchait leur tige ; 6+6 a
Nul, malgré les rayonspendant l’aube apeus, 6+6 b
700 N’a plus d’ombre en son âmeet plus d’espoirs déçus ; 6+6 b
Nul n’a mieux, en tout temps,reconnu sur sa voie 6+6 a
La tristesse présenteau fond de toute joie. 6+6 a
Mais oublie, ô poète !et monte avec tes vers, 6+6 b
Puisqu’ils portent Psychédans un autre univers ; 6+6 b
705 Puisqu’au nombre des dieuxtu l’as déjà placée, 6+6 a
Ah ! parle-nous du cielsans arrière-pensée ! 6+6 a
Parle-nous d’idéal,de l’époux inconnu, 6+6 b
Et du jour de l’hymen,qu’il soit ou non venu ! 6+6 b
Oublie une heure encore,et fais trêve à la plainte. 6+6 a
710 Laisse arriver à nousl’écho de l’hymne sainte 6+6 a
Qu’à la fille d’Ëros,tout étant consommé, 6+6 b
Au bruit des lyres d’or,dit l’Olympe charmé. 6+6 b
Le chœur olympien,voix suprême du monde, 6+6 a
Chante, ô couple attendu !sur ta couche féconde : 6+6 a
715 Car le retour de l’âmeà l’époux amoureux 6+6 b
Nous réjouit autant,nous parfaits, nous les dieux, 6+6 b
Impassibles, sereins,éternels que nous sommes, 6+6 a
Que l’aube réjouitla tristesse des hommes. 6+6 a
Le ciel même, ô Psyché !s’éclaire à ton regard. 6+6 b
720 Déjà depuis mille ansconvives du nectar, 6+6 b
Nous en gtions l’ivresseet tu n’étais pas née : 6+6 a
Et pourtant chez les dieuxta beauté ramenée 6+6 a
Ajoute à ce bonheurà qui rien ne manquait. 6+6 b
Tu fixeras Ërosau céleste banquet. 6+6 b
725 Notre vie est en lui,nous respirons sa flamme ; 6+6 a
Par lui nous t’épousons,et nous t’aimons, jeune âme ! 6+6 a
Tout être a tressaillidu baiser nuptial 6+6 b
Qui relie en vous deuxla terre et l’idéal ; 6+6 b
Et, des mêmes désirscalmant les saintes fièvres, 6+6 a
730 L’homme et dieu dans le ciels’embrassent par vos lèvres ; 6+6 a
Ce berceau nous souritd’une fille par vous, 6+6 b
Parure de l’Olympe,enfant chéri de tous, 6+6 b
Né de la Beauté même,avec l’Amour unie. 6+6 a
Volupté, Volupté,doux fruit de l’harmonie ! 6+6 a
735 Joyeux autour de toi,des plus belles chansons 6+6 b
Chacun te salûra ;comme au jour des moissons 6+6 b
Un chœur sacré, de fleurscouronné pour la danse, 6+6 a
Chante autour de Cérèsespoir de l’abondance. 6+6 a
Dieux des bois, dieux des mers,rentrez, ô dieux épars ! 6+6 b
740 Dieu qui dans l’air guidezl’or brûlant de vos chars, 6+6 b
Dieux répandus partout,l’Olympe vous rappelle ; 6+6 a
Revenez, saluezla déesse nouvelle ! 6+6 a
Des vieux chênes, des flots,des antres souterrains, 6+6 b
Dieux, ministres de l’Être,ô Cyclopes, Sylvains, 6+6 b
745 Nymphes, Zéphyrs, Tritons,dieux légers, dieux énormes, 6+6 a
Esprits universelsqui supportez les formes : 6+6 a
Rentrez dans votre ciel,dieux exilés là-bas ! 6+6 b
Et vous, Titans, l’Olympeest ouvert sans combats ! 6+6 b
Entre les dieux rivaux,toute haine s’oublie ; 6+6 a
750 Leur chne par tes mainsà ses deux bouts se lie, 6+6 a
Ô Psyché ! toi par quil’amour est triomphant ! 6+6 b
La ronde au pied sonoreentoure ton enfant, 6+6 b
Et la couvre de fleurs,et chante, et la dit reine, 6+6 a
Et respire à longs traitssa grâce souveraine. 6+6 a
755 Esprits des éléments,loin du foyer bannis, 6+6 b
Chantez, ô dieux ! chantez,vos travaux sont finis ! 6+6 b
Esprits du feu, de l’air,de la terre et des fleuves, 6+6 a
Serfs ou tyrans de l’homme,instruments des épreuves, 6+6 a
Par qui l’âme a senti,souffert, lutté, vaincu, 6+6 b
760 Venez ! assez de joursla Discorde a vécu. 6+6 b
L’amour a tout guéri ;l’être a retrouvé l’être ; 6+6 a
Cet hymen est fécond,Volupté vient de ntre ! 6+6 a
Elle rassemble autourde son berceau sacré 6+6 b
Le grand peuple des dieuxpour un temps séparé. 6+6 b
765 Prenez-vous par la main,formez la danse unique, 6+6 a
Chantez à l’unissonl’éternelle musique. 6+6 a
Dans l’Olympe natalrevenez tous, ô Dieux ! 6+6 b
Comme y revient Psyché.Flots épars en tous lieux 6+6 b
l’exilée a bu,revenez à la source. 6+6 a
770 Oiseaux, rentrez au nid.Rayons qui de sa course 6+6 a
Éclairiez les détours,ô peuple universel ! 6+6 b
Rentrez dans l’unitéde l’astre paternel. 6+6 b
Et vous, voiles, tombez ;songes, vapeurs, chimères, 6+6 a
Pales ombres de l’être,ô formes éphémères ! 6+6 a
775 Ô voiles de l’époux,l’âme a su vous percer. 6+6 b
Sur son sein qu’à loisirelle peut embrasser, 6+6 b
Elle voit désormaisl’éternelle substance, 6+6 a
Et l’amour la nourritsans fin de son essence ; 6+6 a
Elle touche au réel.Apparences, tombez ! 6+6 b
780 À toi vont tous les flots,en un flot absorbés, 6+6 b
Ô vaste Olympe ! étendstes plaines sans limite, 6+6 a
Puisque l’amour brisata barrière interdite. 6+6 a
Tout un peuple t’arrive ;oh ! pour le recevoir, 6+6 b
Grandis, sois infinicomme était son espoir ! 6+6 b
785 Ouvre à tous les vivantsta vte heureuse et sainte ; 6+6 a
Rien ne doit existerpar delà ton enceinte. 6+6 a
Vous, mondes ; vous, soleil ;toi, globe des humains, 6+6 b
Germes errants dans l’airsans trouver vos chemins, 6+6 b
Âmes des feux éteints,fleurs sèches, races mortes, 6+6 a
790 Venez à flots pressés,l’Olympe ouvre ses portes ; 6+6 a
Habitez en un seulréunis pour toujours ; 6+6 b
Il n’est plus aujourd’huideux peuples, deux séjours : 6+6 b
Ici joie et clarté ;là souffrance et mystère, 6+6 a
Dans l’azur un Olympeet dans l’ombre une terre. 6+6 a
795 Pour l’éternel palaisde l’Être universel, 6+6 b
Il n’est plus qu’un seul monde,et ce monde est le Ciel. 6+6 b
Dans l’Olympe nouveauque toute vie habite ! 6+6 a
Vers votre enfant, Ëros,l’heureux peuple gravite. 6+6 a
Règne, ô fille d’amour !sur le chaos dompté ; 6+6 b
800 Règne dans l’harmonie,ô sainte Volupté ! 6+6 b
Et toi meurs, ô Douleur !vieille reine des hommes ! 6+6 a
Leur terre est arrivéeavec eux nous sommes : 6+6 a
Tout vit là d’ jamaistu ne pus approcher : 6+6 b
Quel asile te reste,ô Mal ! pour t’y cacher ? 6+6 b
805 Meurs ! Psyché brave icita poursuite fatale ; 6+6 a
Le dieu qui la rend mèreen a fait son égale. 6+6 a
Meurs ! La Volupté naitde leur hymen puissant. 6+6 b
Tu ne fus rien, ô Mal !que l’idéal absent, 6+6 b
Et caché par l’épouxaux âmes qu’il éprouve ; 6+6 a
810 Tu n’es rien, maintenantque Psyché le retrouve, 6+6 a
Rien près de cette couche,aux transports infinis, 6+6 b
l’éternel baiserles garde réunis. 6+6 b
Meurs donc ! Mais, ô Douleur !simple absence de l’être, 6+6 a
Tu n’as pas à mourir,ô Mal ! pour dispartre. 6+6 a
815 Qu’es-tu ? vide et néant,ombre sans fixité 6+6 b
Des choses que le jourfrappait d’un seul côté. 6+6 b
Meurs ! Tout baigne aujourd’huidans la clarté suprême, 6+6 a
Et l’être abonde ici,c’est un monde l’on aime ; 6+6 a
Monde en qui tout afflueet qui contient tous lieux. 6+6 b
820 Expire donc, ô Mal !il n’est plus que des dieux ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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