Métrique en Ligne
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LAP_3/LAP4
Victor de LAPRADE
PSYCHÉ
1841
LIVRE PREMIER
ARGUMENT
ÉDEN OU L’AGE D’OR. — BONHEUR PRIMITIF.
CHUTE DE L’HOMME.

I. Psyché s’éveille dans les jardins de l’Amour. — L’âme humaine est placée par Dieu au sein d’une merveilleuse nature appropriée à tous nos besoins. — L’être nouveau-né sent la parole éclore sur ses lèvres, et répond de lui-même aux harmonies du monde extérieur, qui le salue comme son frère et comme son roi. — Toute la création parle à Psyché d’un maître invisible et tout puissant, d’un époux à qui elle est destinée. — Les pressentiments de l’âme, la révélation intérieure lui avaient déjà promis cet époux divin. — Toutes les voix de la nature, messagères de Dieu, annoncent à la jeune fille la venue d’Éros. — Le soir, leurs noces mystiques sont célébrées dans un palais ténébreux. — Il est interdit à Psyché de chercher à voir son époux. II. Bonheur de Psyché dans cette union de l’innocence et de l’amour. — Félicité primitive de l’Éden fondée sur l’ignorance du bien et du mal. — Intimité de l’homme avec la nature et avec Dieu, dont il reçoit une révélation obscure encore et incomplète par la voix de tous les êtres. — Dialogue de Psyché avec les créatures toutes amies et pacifiques ; elle les interroge sur l’époux invisible. — L’attrait de l’inconnu, le besoin de l’infini, naturels au cœur de l’homme, commencent à agiter l’épouse d’Éros au milieu des douceurs de son union mystérieuse. III. En vain le nocturne amant revient consoler Psyché ; l’inquiétude de l’esprit et du cœur augmente. — Le désir de connaître l’idéal invisible, de posséder l’infini trouble les délices du chaste hymen. — En vain toute la nature invite l’âme à la soumission, à la confiance ; l’implacable besoin de savoir et de sentir, une curiosité mêlée de concupiscence et d’orgueil l’emportent dans le cœur de Psyché sur la tendresse et sur la crainte. — Elle transgresse l’ordre de son époux et les lois du destin ; la lampe fatale est allumée. — Psyché reconnaît, dans le Dieu qui la visite chaque nuit, l’Amour, le plus beau, le plus puissant des dieux. — Touché par une goutte d’huile brûlante, Éros se réveille et prononce l’arrêt qui bannit Psyché et termine l’âge d’or. — Ainsi s’est consommée la première faute à laquelle se rattache l’origine de tout mal ; Ève a mangé le fruit défendu ; la boîte de Pandore est ouverte ; la douleur est entrée dans le monde. — Mais en proclamant la déchéance, le dieu fait entrevoir un présage de réhabilitation. En annonçant à Psyché les épreuves de l’exil, Éros laisse tomber une larme, et, avec cette larme, la promesse de la rédemption.
I
Le matin rougissant, dans sa fraîcheur première, 6+6 a
Change les pleurs de l’aube en gouttes de lumière, 6+6 a
Et la forêt joyeuse, au bruit des flots chanteurs, 6+6 b
Exhale, à son réveil, ses humides senteurs. 6+6 b
5 La terre est vierge encor, mais déjà dévoilée, 6+6 a
Et sourit au soleil sous la brume envolée. 6+6 a
Entre les fleurs, Psyché, dormant au bord de l’eau, 6+6 b
S’anime, ouvre les yeux à ce monde nouveau ; 6+6 b
Et, baigné des vapeurs d’un sommeil qui s’achève, 6+6 a
10 Son regard luit pourtant comme après un doux rêve. 6+6 a
La terre avec amour porte la blonde enfant ; 6+6 b
Des rameaux par la brise agités doucement, 6+6 b
Le murmure et l’odeur s’épanchent sur sa couche ; 6+6 a
Le jour pose, en naissant, un rayon sur sa bouche. 6+6 a
15 D’une main supportant son corps demi-penché, 6+6 b
Rejetant de son front ses longs cheveux, Psyché 6+6 b
Écarte l’herbe haute et les fleurs autour d’elle, 6+6 a
Respire, et sent la vie, et voit la terre belle ; 6+6 a
Et, blanche, se dressant dans sa robe aux longs plis, 6+6 b
20 Hors du gazon touffu monte comme un grand lis. 6+6 b
Les arômes, les bruits et les clartés naissantes, 6+6 a
Les émanations de partout jaillissantes, 6+6 a
Ont envahi son âme, ébranlée un moment ; 6+6 b
Et devant la nature elle hésite en l’aimant. 6+6 b
25 Dans une langue, alors, que la vierge surprise 6+6 a
Sut comprendre et parler sans qu’elle l’eût apprise, 6+6 a
Les fleurs et les oiseaux étant là seuls vivants, 6+6 b
Un invisible chœur chantait avec les vents : 6+6 b
CHŒUR INVISIBLE
« Viens, nous t’aimons déjà ; viens, ô douce inconnue ! 6+6 a
30 La terre où tu manquais tressaille à ta venue. 6+6 a
Viens, habite avec nous ce monde jeune et pur ; 6+6 b
Nul être malfaisant n’en trouble encor l’azur. 6+6 b
Prends avec nous ta part de ses faveurs fécondes, 6+6 a
Goûte avec amitié ses épis et ses ondes. 6+6 a
35 Ses arbres innocents n’ont pas de fruits amers, 6+6 b
Et la douceur du miel coule au fond de ses mers. 6+6 b
Mêle au sien ton bonheur, et ta grâce à ses grâces ; 6+6 a
Ses germes de beauté fleuriront sur tes traces. 6+6 a
Sois belle, sans rougir, dans ton jardin natal ; 6+6 b
40 On n’y connaît pas plus la pudeur que le mal. 6+6 b
Viens ! De tes frais pensers ne fais point de mystères 6+6 a
A ces plantes, tes sœurs ; à ces oiseaux, tes frères. » 6+6 a
PSYCHÉ
« Que la lumière est douce ! et que l’air plein d’encens 6+6 b
Baigne d’un flot sonore et pénètre mes sens ! 6+6 b
45 Quel souffle harmonieux me caresse et m’enivre ! 6+6 a
Et si la vie est telle, oh ! qu’il est bon de vivre ! 6+6 a
Vivais-je avant cette heure ? ai-je vu ce soleil ? 6+6 b
N’est-ce pas ma naissance et mon premier réveil ? 6+6 b
J’ai bien, au fond du cœur, j’ai de vagues images ; 6+6 a
50 Je revois des vallons, des fleuves, des rivages, 6+6 a
Où, le front couronné, j’allais, fille de roi, 6+6 b
Guidant au bord des eaux des vierges comme moi. 6+6 b
Mais dans ce pâle monde aux formes indécises, 6+6 a
Ni chansons, ni parfums ne flottaient sur les brises ; 6+6 a
55 La terre était muette et le ciel sans clarté ; 6+6 b
Et je n’y sentais pas la vie et la beauté. 6+6 b
Ah ! j’ai dormi peut-être ! En un rêve encor sombre, 6+6 a
De ce monde promis j’aurai vu passer l’ombre. 6+6 a
Chœur des vivants, salut ! Salut, ô monde vrai, 6+6 b
60 En qui je me réveille et dans qui je vivrai ! 6+6 b
Terre, fleuves, oiseaux, divin peuple des êtres, 6+6 a
Êtes-vous, dites-moi, mes hôtes ou mes maîtres ? 6+6 a
Bruits, souffles embaumés, rayons, charme des yeux, 6+6 b
Faut-il que je t’adore, ô monde harmonieux ! » 6+6 b
CHŒUR INVISIBLE
65 « Nous entourons d’amour la couche où tu reposes, 6+6 a
Enfant, toi la plus belle et la reine des choses. 6+6 a
Vois ! partout, dans ces bois, ces prés, sur ces hauteurs, 6+6 b
Dans ces fleuves, il est pour toi des serviteurs. » 6+6 b
PSYCHÉ
« La terre à mon réveil portait, déjà parée, 6+6 a
70 Les chênes, peuple antique, et la moisson dorée ; 6+6 a
Ces flots avaient coulé, ces rochers étaient vieux, 6+6 b
Et la plus jeune fleur s’ouvrit avant mes yeux. 6+6 b
Sans moi l’herbe a verdi, l’onde a trouvé sa pente ; 6+6 a
Un autre ordonna tout, avant mon âme absente ; 6+6 a
75 Un maître ici se cache, et si ce n’est pas toi, 6+6 b
Ô voix de ces beaux lieux ! quel est donc notre roi ? 6+6 b
CHŒUR INVISIBLE
« Réglant l’être et la vie en un accord suprême, 6+6 a
Le roi de cet empire asservit les dieux même ; 6+6 a
Par lui, le fier lion rugit dans les forêts, 6+6 b
80 Et les monstres des mers bondissent sous ses traits. 6+6 b
Nous, tour à tour chantant, voix joyeuses ou graves 6+6 a
Venant de lui vers toi, nous sommes ses esclaves. » 6+6 a
PSYCHÉ
« J’ai gardé du sommeil un rêve, un rêve aimé, 6+6 b
Éclos à la même heure où mon cœur fut formé : 6+6 b
85 Une voix qui semblait descendre des collines 6+6 a
M’appelait, m’invitait à des noces divines. 6+6 a
Les vierges me paraient pour un hymen certain. 6+6 b
Vers l’époux inconnu, roi d’un pays lointain, 6+6 b
Entraînée, et cédant à d’invisibles charmes, 6+6 a
90 J’allais avec amour, mais non sans quelques larmes. 6+6 a
Le réveil, ces beaux lieux, ce jour qui luit sur moi, 6+6 b
De mes désirs craintifs ont redoublé l’émoi. » 6+6 b
CHŒUR INVISIBLE
« Espère ! À son vrai but, comme la source vive 6+6 a
À l’éternelle mer, toute espérance arrive. 6+6 a
95 Chaque rêve et chaque ombre ont leur réalité. 6+6 b
Viens ! par le jeune époux ce monde est habité ; 6+6 b
C’est lui qui nous envoie, abrégeant ton attente, 6+6 a
Au seuil de son palais saluer son amante. » 6+6 a
Et la voix s’éteignit ; mais le son prolongé 6+6 b
100 Flottait encor dans l’air, de musique chargé. 6+6 b
Sur l’haleine de l’onde et de l’herbe attiédie, 6+6 a
Comme un soupir du sol montait la mélodie. » 6+6 a
Psyché, livrant son âme aux souffles merveilleux, 6+6 b
Aux accords, aux rayons émanés de ces lieux, 6+6 b
105 S’avance au bord du fleuve, et, dans sa marche lente, 6+6 a
Écoute chaque oiseau, répond à chaque plante. 6+6 a
La tendre sympathie illumine son œil ; 6+6 b
Les cygnes et les lis lui rendent son accueil ; 6+6 b
Flots et feuilles, près d’elle, ont un plus frais murmure, 6+6 a
110 La terre abondamment exhale une odeur pure. 6+6 a
Tous les êtres domptés semblent, pour sa douceur, 6+6 b
L’adorer comme reine et l’aimer comme sœur. 6+6 b
L’enfant partage entre eux les grâces du sourire, 6+6 a
Et prend possession du fraternel empire ; 6+6 a
115 Sa main des grands lions flatte les crins épais, 6+6 b
— Car rien n’avait alors troublé l’antique paix ; 6+6 b
Tout ce qui vit formait une seule famille. — 6+6 a
Mille oiseaux par les bois suivent la jeune fille ; 6+6 a
La mousse s’épaissit lorsqu’elle y veut s’asseoir. 6+6 b
120 Ainsi dans la vallée elle erra jusqu’au soir, 6+6 b
Admirant tout, les fleurs, les cieux, et l’air sonore, 6+6 a
Et rêvant de ce roi qui se cachait encore. 6+6 a
Or la nuit, déployant ses ailes de vapeurs, 6+6 b
Ramène vers Psyché les invisibles chœurs ; 6+6 b
125 C’est d’abord sur la brume une rumeur qui vole, 6+6 a
Et le son rapproché devient une parole 6+6 a
CHŒUR INVISIBLE
« Voici l’heure d’hymen ! Nous précédons l’époux ; 6+6 b
Il éteint les flambeaux de son bonheur jaloux. 6+6 b
Revêtant ses plaisirs de calme et de mystère, 6+6 a
130 Il attend pour aimer l’heure où s’endort la terre. 6+6 a
Les petits des oiseaux, l’un sur l’autre serrés, 6+6 b
Et l’abeille en sa ruche, et la cigale aux prés, 6+6 b
Et les nappes d’azur que nuls souffles ne plissent, 6+6 a
Et le vent dans sa grotte, et les bois s’assoupissent. 6+6 a
135 Sur les insectes d’or les lis sont déjà clos, 6+6 b
Et le dernier rayon est rentré sous les flots, 6+6 b
Sans que bruits ou lueurs troublent sa paix suprême, 6+6 a
La sainte volupté peut jouir d’elle-même. 6+6 a
Que l’ombre sur ton front pleuve sans t’alarmer ; 6+6 b
140 Viens, l’inconnu t’attend, viens, c’est l’heure d’aimer ! » 6+6 b
Devant elle glissant comme un zéphyr paisible, 6+6 a
Le chœur, chaînant toujours et toujours invisible, 6+6 a
Sur sa trace écartait doucement les rameaux ; 6+6 b
Et Psyché, telle on voit sur l’écume des eaux, 6+6 b
145 Derrière un grand navire une fleur qui surnage, 6+6 a
Suivait à son insu l’harmonieux sillage. 6+6 a
Et le flot la porta vers le palais heureux ; 6+6 b
Par la vertu des chants, il s’ouvrit devant eux. 6+6 b
Or, sous les toits déserts les mêmes voix mystiques 6+6 a
150 La conduisaient encore à travers les portiques ; 6+6 a
Elle y semblait voguer sur des courants secrets ; 6+6 b
Tel, sur le lac tombé, le rameau des forêts, 6+6 b
Par des eaux qu’on dirait immobiles, sereines, 6+6 a
Est poussé jusqu’au fond des grottes souterraines. 6+6 a
155 La vierge ainsi s’avance, effleurant les tapis, 6+6 b
Entre les murs jaspés de marbre et de lapis, 6+6 b
Où de mille flambeaux, sous l’azur des arcades, 6+6 a
L’or étincelle au front des blanches colonnades. 6+6 a
Et l’invisible guide a déposé Psyché 6+6 b
160 Sur le lit nuptial dans la pourpre caché. 6+6 b
La voix expire alors, le palais devient sombre : 6+6 a
L’enfant s’étonne et tremble, et pleure au sein de l’ombre ; 6+6 a
Rien ne la distrait plus du trouble intérieur. 6+6 b
Son innocence ajoute encore à sa frayeur. 6+6 b
165 Une autre voix bientôt monta dans ce silence, 6+6 a
Un chant si doux, si plein de grâce et de puissance, 6+6 a
Qu’auprès de sa musique, ornement de la nuit, 6+6 b
Les premières chansons n’étaient rien qu’un vain bruit. 6+6 b
C’est l’invisible roi du vallon de délices, 6+6 a
170 Il vient de l’âme en fleur posséder les prémices ; 6+6 a
C’est l’archer qui répand ses flèches en tout lieu, 6+6 b
C’est l’époux, c’est Êros, c’est vous, ô jeune Dieu ! 6+6 b
Ne crains pas, ô Psyché ! Dans cette nuit propice, 6+6 a
Souffre en toi que l’espoir avec l’amour se glisse. 6+6 a
175 Voici, voici l’époux : son visage est voilé, 6+6 b
Mais son cœur à tes yeux s’est déjà révélé, 6+6 b
Et tu peux, à travers l’ombre qui l’environne, 6+6 a
Juger par ses trésors celui qui te les donne. 6+6 a
Vois cette heureuse terre ! Est-ce un dieu sans amour 6+6 b
180 Qui, pour don nuptial, t’offrit ce doux séjour ? 6+6 b
Toute chose est à toi dans ce fécond royaume : 6+6 a
Le chêne t’y doit l’ombre, et la rose le baume ; 6+6 a
Le vent, l’onde et l’oiseau, tous bruits mélodieux, 6+6 b
Sont nés pour ton oreille, et le ciel pour tes yeux ; 6+6 b
185 Pour tes lèvres le miel, le lait, ce qui ruisselle 6+6 a
A flot de chaque ruche et de chaque mamelle ; 6+6 a
La mousse pour tes pieds, les gazons caressants, 6+6 b
Tout est fait pour payer un tribut à tes sens. 6+6 b
Lorsque tu parleras, partout dans les campagnes 6+6 a
190 Des voix te répondront, tes fidèles compagnes. 6+6 a
Chez les êtres vivants avec toi conviés, 6+6 b
Tu pourras à ton gré choisir des amitiés. 6+6 b
Durant le jour, souvent, la voix de l’époux même 6+6 a
Te fera souvenir qu’il te suit et qu’il t’aime ; 6+6 a
195 Et chaque soir ici tu viendras reposer 6+6 b
Sur sa douce poitrine et goûter son baiser. 6+6 b
Mais si tu ne veux voir s’effacer comme un songe 6+6 a
Ces beaux lieux et l’extase où ce baiser te plonge, 6+6 a
Ô Psyché ! n’ose pas, d’un flambeau curieux, 6+6 b
200 Interroger d’hymen le lit mystérieux. 6+6 b
Le destin plus puissant, et, sans doute, plus sage, 6+6 a
Ne veut pas de l’époux te montrer le visage ; 6+6 a
Mais livre-lui ton âme, enfant, et tu verras 6+6 b
S’éveiller tout un monde éclos entre ses bras. 6+6 b
205 Et les lèvres d’Éros touchant son front pudique 6+6 a
Y déposent le sceau de l’union mystique. 6+6 a
Bientôt la vierge laisse, en son trouble charmant, 6+6 b
Sa ceinture tomber sous les doigts de l’amant, 6+6 b
Et, parmi les soupirs et les baisers sans nombre, 6+6 a
210 Les rites de l’hymen s’accomplirent dans l’ombre. 6+6 a
Le palais nuptial brillait, plein de soleil, 6+6 b
Au matin, quand Psyché, secouant le sommeil, 6+6 b
Cherchait près d’elle Éros et lui parlait encore ; 6+6 a
Mais le nocturne époux avait fui dès l’aurore. 6+6 a
II
215 Sur l’herbe encore humide et les cailloux d’argent, 6+6 b
Psyché pose au hasard ses pieds, et va songeant, 6+6 b
Et suit du souvenir la pente involontaire. 6+6 a
Les plaisirs de la nuit, ces terreurs, ce mystère, 6+6 a
Revivent à la fois dans son cœur retracés ; 6+6 b
220 Elle tremble et rougit à ses propres pensers. 6+6 b
La terre, ce matin, semble à ses yeux nouvelle, 6+6 a
Et, sur les flots penchée, elle s’y voit plus belle ; 6+6 a
Elle cherche avec crainte, avec ravissement, 6+6 b
Les vestiges sacrés de l’invisible amant. 6+6 b
225 Elle va regardant sous les eaux diaphanes, 6+6 a
Dans les creux de rochers couverts par les lianes, 6+6 a
Dans les touffes de fleurs, et dans l’ombre des bois, 6+6 b
En tout lieu d’où s’échappe un parfum, une voix ; 6+6 b
Et partout, du gazon, de l’eau, de la feuillée, 6+6 a
230 Une voix lui répond par la sienne éveillée. 6+6 a
PSYCHÉ
« C’est bien la même terre, et le même printemps 6+6 b
Y verse un jour pareil aux mêmes habitants. 6+6 b
Entre les mêmes fleurs, le fleuve aux couleurs tendres. 6+6 a
De son mobile azur promène les méandres. 6+6 a
235 Hier, un chant planait déjà sur ces roseaux ; 6+6 b
La pourpre et l’or paraient les plumes des oiseaux ; 6+6 b
Et cependant la nuit, sans m’en dire la cause, 6+6 a
Semble avoir à ce monde ajouté quelque chose. 6+6 a
J’ai vu ces gais bouvreuils, cet aigle au regard fier ; 6+6 b
240 Tout m’est nouveau pourtant, tout m’est plus beau qu’hier 6+6 b
Plus qu’hier la nature et me charme et m’invite ; 6+6 a
Et comme dans mon cœur la sève y court plus vite ! » 6+6 a
CHŒUR INVISIBLE
« C’est que le roi nous a visités cette nuit, 6+6 b
L’époux mystérieux vers ta couche conduit ! 6+6 b
245 C’est qu’il a, pour te voir, traversé son empire, 6+6 a
Et répandu sur nous l’éclat de son sourire : 6+6 a
Et chaque fois qu’il vient, puissant avec bonté, 6+6 b
Il sème à pleines mains la vie et la beauté. » 6+6 b
LES OISEAUX
« Il est des jours où l’air supporte mieux nos ailes ; 6+6 a
250 Un mouvement plus doux berce les rameaux frêles ; 6+6 a
Les grains au bord des champs s’épanchent par milliers, 6+6 b
Et les fruits sont plus mûrs aux arbres familiers. 6+6 b
Nos appels amoureux de plus loin se répondent ; 6+6 a
Près des nids à bâtir mousse et duvets abondent. 6+6 a
255 Les brebis ont laissé plus de laine aux buissons ; 6+6 b
Les chênes sont peuplés de joyeuses chansons. 6+6 b
Au roi qui fait pleuvoir tant de biens sur ses traces, 6+6 a
A l’amant de Psyché, les oiseaux rendent grâces. » 6+6 a
LES PLANTES
« Il est aussi pour nous des jours où tout fleurit 6+6 b
260 Au souffle calme et chaud d’un invisible esprit ; 6+6 b
Une poussière d’or jaunit les étamines, 6+6 a
Des sucs plus nourrissants abreuvent les racines, 6+6 a
L’épi laiteux jaillit et s’enfle sur le blé, 6+6 b
Le nombre des bourgeons sur la branche est doublé 6+6 b
265 Et, dans le sein des fleurs apportant des délices, 6+6 a
Un doux vent l’un sur l’autre incline nos calices. 6+6 a
Ce qu’alors nous puisons dans la terre ou le ciel, 6+6 b
En nos veines devient parfum, couleur et miel ; 6+6 b
La lumière et la sève à nos tiges affluent… 6+6 a
270 Ô roi jeune et fécond, les plantes te saluent ! » 6+6 a
LES SOURCES
« Il est des jours sacrés, des jours que nous aimons, 6+6 b
Où la source descend plus pure au pied des monts ; 6+6 b
Où, sur le sable fin, sans pluie et sans tourmente, 6+6 a
L’onde semble dormir, et pourtant suit sa pente. 6+6 a
275 Alors, nul flot n’écume et ne gronde en marchant ; 6+6 b
Le peuple des forêts s’égaie à notre chant ; 6+6 b
Le vent ne jette rien que fleur et vert feuillage 6+6 a
Sur l’argent des graviers, sur l’or des coquillages ; 6+6 a
Et mille êtres, mêlés par un amour fécond, 6+6 b
280 S’agitent sous les eaux sans en troubler le fond. 6+6 b
Et tu seras béni des sources éternelles, 6+6 a
Toi qui gardes le calme et la fraîcheur en elles ; 6+6 a
Toi qui, dans un seul lit, sais faire parvenir 6+6 b
Toutes les gouttes d’eau se cherchant pour s’unir ; 6+6 b
285 Toi par qui nous sentons, en notre onde ravie, 6+6 a
Descendre la lumière et palpiter la vie. » 6+6 a
PSYCHÉ
« Oh ! tout ce que j’entends et tout ce que je vois, 6+6 b
Oiseaux, sources, forêts, mystérieuses voix, 6+6 b
Oh ! dites-moi son nom, parlez-moi de mon maître ! 6+6 a
290 Plus heureux que Psyché, vous l’avez vu peut-être ? 6+6 a
Comme il charme le cœur, il doit charmer les yeux, 6+6 b
Et sans doute il est bon, puisqu’il vous rend heureux. » 6+6 b
LES OISEAUX
« S’il croît comme un grand chêne ou coule comme une onde, 6+6 a
S’il descend comme l’air et le jour sur le monde, 6+6 a
295 S’il habite le sein des grottes et des fleurs, 6+6 b
S’il revêt comme nous la plume aux cent couleurs, 6+6 b
S’il a tes cheveux d’or, ton front blanc et superbe, 6+6 a
Sur deux pieds gracieux s’il effleure ainsi l’herbe, 6+6 a
Ce n’est pas des oiseaux que tu peux le savoir ; 6+6 b
300 Car nous l’avons aimé sans chercher à le voir. 6+6 b
Mais nous reconnaissons à des signes fidèles, 6+6 a
A l’air plus frémissant qui fait battre nos ailes, 6+6 a
A notre chant plus pur, à nos baisers plus doux, 6+6 b
Qu’un céleste pouvoir s’est approché de nous. » 6+6 b
LES PLANTES
305 « Des habitants divers qui vivent à son ombre, 6+6 a
Des oiseaux et des fleurs chaque arbre sait le nombre ; 6+6 a
Il sait d’où vient le flot qui passe auprès de lui, 6+6 b
D’où le vent a soufflé, d’où le soleil a lui. 6+6 b
Pour un vieux chêne, il est peu de choses cachées ; 6+6 a
310 Nous avons vu beaucoup, quoique au sol attachées. 6+6 a
Mais les plantes des monts, ni les plantes des eaux, 6+6 b
Le cèdre ni le thym, pas plus que les roseaux, 6+6 b
N’ont de celui qui t’aime aperçu le visage ; 6+6 a
Chaque feuille pourtant tressaille à son passage. » 6+6 a
LES SOURCES
315 « Les sources de la terre ont traversé les flancs, 6+6 b
Et les antres d’Éole, et les métaux brûlants, 6+6 b
Et creusé leur passage en des canaux de pierre, 6+6 a
Bien avant de jaillir et de voir la lumière. 6+6 a
Jusqu’au vaste Océan, avant de s’y plonger, 6+6 b
320 Par des détours sans fin, il leur faut voyager : 6+6 b
Ruisseaux, fleuves et lacs, fontaines, mers sans bornes, 6+6 a
Elles ont réfléchi bien des jours clairs ou mornes. 6+6 a
Neige ou pluie, elles ont visité les hauteurs, 6+6 b
Et monté jusqu’au ciel en subtiles vapeurs. 6+6 b
325 Des germes créateurs l’onde est le véhicule ; 6+6 a
Par elle toute sève et toute âme circule ; 6+6 a
Elle voit les vivants arriver par essaim, 6+6 b
Pour se purifier et boire dans son sein, 6+6 b
Mais de l’époux sacré, par qui l’onde palpite, 6+6 a
330 Aux sources, comme à toi, la vue est interdite ; 6+6 a
Tout esprit n’en connaît que ce qu’il en ressent : 6+6 b
Nous ne t’en dirons rien, sinon qu’il est puissant. » 6+6 b
CHŒUR INVISIBLE
« Nous l’avons contemplé le dieu que tu réclames ; 6+6 a
C’est nous qui lui portons les prémices des âmes ; 6+6 a
335 La vierge qu’il choisit et qu’il doit visiter 6+6 b
Se pare sous nos mains et nous entend chanter. 6+6 b
Du lin et des parfums nous ornâmes la couche 6+6 a
Où le premier baiser se posa sur ta bouche. 6+6 a
Serviteurs de l’époux, nous gardons ses secrets ; 6+6 b
340 Nous ne lèverons pas le voile de ses traits. 6+6 b
Qui d’ailleurs oserait le peindre en ton langage, 6+6 a
Ne tracerait de lui qu’une infidèle image. 6+6 a
Tu ne comprendrais pas son nom mystérieux… 6+6 b
Et ce que nous voyons n’est pas fait pour tes yeux. » 6+6 b
PSYCHÉ
345 « Sans ôter pleinement le voile à sa nature, 6+6 a
Dites-moi qu’il est beau, que sa jeune figure 6+6 a
Peut d’une ombre douteuse écarter le secours ; 6+6 b
Que son regard est tendre ainsi que ses discours ; 6+6 b
Et que la nuit est bonne, et qu’au fond des ténèbres 6+6 a
350 Ne glisse autour de vous nul spectre aux pieds funèbres ; 6+6 a
Que ce monde est pour moi peuplé d’êtres amis ; 6+6 b
Que l’époux m’aime enfin, comme il me l’a promis ; 6+6 b
Qu’il ne me berça pas d’une ivresse illusoire. 6+6 a
J’ai besoin de bonheur : je suis prête à vous croire ! » 6+6 a
CHŒUR INVISIBLE
355 « En ces lieux que l’époux gouverne sans rival, 6+6 b
Le soleil quelque part t’a-t-il montré le mal ? 6+6 b
La même âme régit la nuit et la lumière. 6+6 a
Tu viens d’interroger les hôtes de la terre ; 6+6 a
As-tu trouvé chez eux doute, amertume, effroi ? 6+6 b
360 Est-ce un peuple incertain de l’amour de son roi ? 6+6 b
Psyché recueille ainsi les chansons dispersées, 6+6 a
Et respire avec l’air de sereines pensées. 6+6 a
La nature paisible et dans sa fraîche fleur, 6+6 b
Verse le calme en elle et l’invite au bonheur ; 6+6 b
365 Et l’enfant, de sa bouche acceptant l’espérance, 6+6 a
— Tant le premier amour est plein de confiance, — 6+6 a
Par des nœuds éternels sentit son cœur lié, 6+6 b
Et l’effroi d’un moment fut bien vite oublié. 6+6 b
Chaque jour se passait aux longues rêveries, 6+6 a
370 Aux bains des lacs, aux fruits des vergers, aux prairies, 6+6 a
À la danse, au sommeil, à ce divin concert, 6+6 b
Qu’avec l’homme amoureux font les voix du désert ; 6+6 b
À réveiller l’écho des grottes endormies, 6+6 a
À redire aux oiseaux, aux gazelles amies 6+6 a
375 Et ses songes d’amante, et même, aveu plus doux, 6+6 b
Les secrets de la couche et les mots de l’époux. 6+6 b
Chaque nuit ramenait, dès les premières ombres, 6+6 a
Glissant comme un vent frais sous les portiques sombres 6+6 a
L’époux mystérieux, et jadis effrayant, 6+6 b
380 Qu’on implore aujourd’hui d’un cœur impatient : 6+6 b
Mais après chaque nuit, si remplie et si brève, 6+6 a
Du lit aux cent baisers, il fuyait comme un rêve. 6+6 a
III
Le plaisir tombe en toi comme un fleuve à la mer, 6+6 b
Sans te remplir, ô cœur ! il y devient amer. 6+6 b
385 Les plus fortes amours meurent dans l’habitude ; 6+6 a
Rien chez l’homme ne dure, hormis l’inquiétude, 6+6 a
Le désir éternel de l’idéal caché, 6+6 b
Et l’antique vautour à nos flancs attaché. 6+6 b
Quel bonheur plus d’un jour est resté sans mélange ? 6+6 a
390 Cependant, ô plaisir, ce n’est pas toi qui change. 6+6 a
Près de l’homme enivré, le vin à flots pareils 6+6 b
Coule des mêmes ceps entre tes doigts vermeils ; 6+6 b
Du vase offert par toi l’écume est aussi douce 6+6 a
Qu’on y trempe sa lèvre ou bien qu’on le repousse. 6+6 a
395 Quand l’odorat lassé refuse leurs senteurs, 6+6 b
C’est le même parfum qui monte à nous des fleurs. 6+6 b
Quand l’air trop répété de la chanson qu’on aime 6+6 a
Amène au bout l’ennui, la musique est la même : 6+6 a
Le dégoût à l’extase a trop tôt succédé, 6+6 b
400 Et tout trésor est vil dès qu’on l’a possédé ! 6+6 b
Rien de l’heureux vallon n’a troublé les délices ; 6+6 a
La rosée aussi pure y blanchit les calices, 6+6 a
Et le miel abondant, les fruits, l’ombrage frais, 6+6 b
Les bruits mélodieux s’épanchent des forêts. 6+6 b
405 Par tous les habitants de l’air, des mousses vertes, 6+6 a
Les mêmes amitiés à l’âme sont offertes. 6+6 a
Pourquoi rester muette à leur appel joyeux ? 6+6 b
Psyché, mille regards sollicitent tes yeux. 6+6 b
Pourquoi marches-tu seule, et de larmes baignée, 6+6 a
410 Sans un mot pour ta mère, avec eux dédaignée ? 6+6 a
Vois : la terre sourit d’un rire bienveillant 6+6 b
Comme tu souriais toi-même en t’éveillant. 6+6 b
Vallon qu’elle admirait, nature toujours belle, 6+6 a
Quel nuage entre vous et Psyché s’amoncelle ? 6+6 a
415 Charme des premiers jours, qu’êtes-vous devenu ? 6+6 b
Ah ! c’est qu’elle a senti l’attrait de l’inconnu ! 6+6 b
Ce monde est à ses yeux caché par l’invisible ; 6+6 a
Elle a voulu connaître… Aimer n’est plus possible ! 6+6 a
Près d’elle chaque soir Éros vient se poser ; 6+6 b
420 Douce est toujours sa voix, et plus doux son baiser ! 6+6 b
Mais Psyché, froidement, l’a reçu sans le rendre, 6+6 a
Sans réjouir l’amant d’une parole tendre. 6+6 a
Et ne songe, malgré le châtiment prédit, 6+6 b
Qu’à voir l’époux mystique à ses yeux interdit. 6+6 b
425 Quelquefois, pour donner le change à ses pensées, 6+6 a
À travers la nature, en fougues insensées, 6+6 a
Elle répand son âme. Au fond des horizons, 6+6 b
Aussi loin que le jour peut darder ses rayons, 6+6 b
Elle aspire, elle vole, et son esprit se pose 6+6 a
430 Sur les monts d’où descend l’aurore aux pieds de rose, 6+6 a
Ses yeux suivent les flots dans les gouffres roulants ; 6+6 b
Elle veut des glaciers percer les vastes flancs, 6+6 b
Et, plongeant jusqu’au fond, voir quels hôtes recèlent 6+6 a
Les cavernes d’azur d’où les ondes ruissellent. 6+6 a
435 Souvent, lasse d’errer dans l’inconnu lointain, 6+6 b
Elle s’assied, et pleure, et maudit son destin ; 6+6 b
Et l’amour la relève, et le doute la brise : 6+6 a
« Elle n’est pas aimée, et l’époux la méprise ; 6+6 a
Car deux cœurs peuvent-ils, quand leurs amours sontvrais. 6+6 b
440 Sur le lit nuptial se cacher leurs secrets ? » 6+6 b
La passion, le doute, et la soif de connaître, 6+6 a
Et l’orgueil et l’effroi troublent ainsi son être. 6+6 a
« S’il est beau, pourquoi fuir la lumière du jour ? 6+6 b
Il craint que la terreur n’efface en moi l’amour. 6+6 b
445 Quelque monstre hideux, masqué par les ténèbres, 6+6 a
M’apporte chaque nuit ses caresses funèbres. 6+6 a
Pourtant, comme ils sont doux ces champs dont il est roi ! 6+6 b
Quels peuples gracieux grandissent sous sa loi ! 6+6 b
Et lui seul resterait, en qui la force abonde, 6+6 a
450 Privé de la beauté qu’il répand sur le monde ! 6+6 a
Non ! sa forme est divine autant que son pouvoir ; 6+6 b
Celui-là devient dieu qui peut l’apercevoir ; 6+6 b
Le connaître en plein jour, c’est voir la beauté pure ! 6+6 a
Pourquoi donc me cacher sa céleste figure 6+6 a
455 S’il m’aime, et si son cœur, heureux de mes désirs, 6+6 b
De mon propre bonheur sent doubler ses plaisirs ? 6+6 b
« L’admirer dans mes bras, ô volupté sacrée ! 6+6 a
Être par tous les sens à la fois enivrée ; 6+6 a
Quand la flamme languit, dans ses yeux l’attiser ! 6+6 b
460 Ce charme à mon amour peux-tu le refuser ? 6+6 b
C’est l’orgueil, le dédain qui te voilent peut-être : 6+6 a
Au lieu d’un jeune époux, n’ai-je donc rien qu’un maître 6+6 a
Qui se fait du mystère un vêtement royal, 6+6 b
Et peut-être en Psyché redoute son égal ? 6+6 b
465 Car je suis belle aussi : la forêt, la fontaine, 6+6 a
Les oiseaux m’ont souvent donné le nom de reine ; 6+6 a
Quand j’approche du lac, l’eau baise mes pieds nus ; 6+6 b
Au bord pour m’adorer les cygnes sont venus ; 6+6 b
Le vent courbe les fleurs quand je passe près d’elles, 6+6 a
470 Et, douces, devant moi, se couchent les gazelles. » 6+6 a
Mais, par toutes ses voix, le monde adolescent 6+6 b
Lui disait de garder son bonheur innocent. 6+6 b
LES OISEAUX
« Sur la terre abondante, où nul ennui n’existe, 6+6 a
Pourquoi son plus bel hôte est-il devenu triste ? 6+6 a
475 Vois les oiseaux joyeux planer dans les cieux purs. 6+6 b
S’entr’aimer et goûter aux arbres les fruits mûrs ; 6+6 b
De leurs lointaines sœurs apporter les nouvelles 6+6 a
Aux plantes, et semer la graine des plus belles. 6+6 a
Quand les blés sont dorés, l’eau bleue et le ciel clair, 6+6 b
480 Que l’aile en des parfums se baigne au sein de l’air, 6+6 b
Sous les fruits et les fleurs que toutes branches ploient, 6+6 a
Qu’est-il besoin de voir plus que nos yeux ne voient ? » 6+6 a
LES PLANTES
« Bois la blanche rosée, et, sans désir jaloux, 6+6 b
Laisse-toi par le vent bercer ainsi que nous ; 6+6 b
485 Au zéphir caressant, d’où que son baiser vienne, 6+6 a
Les fleurs livrent leur âme… Enfant, livre la tienne ! » 6+6 a
LES SOURCES
« Trempe tes pieds de nacre en nos sables d’or fin, 6+6 b
Et laisse-nous toucher l’ivoire de ton sein, 6+6 b
Et monter à flot doux vers ta lèvre vermeille, 6+6 a
490 Et chanter en glissant au bord de ton oreille. 6+6 a
L’eau sur tes flancs polis dort avec volupté. 6+6 b
Reste ! Quel bras mortel, errant sur ta beauté, 6+6 b
Comme l’onde enlaçant ta blancheur qu’elle azure, 6+6 a
Flatterait tout ton corps d’une étreinte plus pure ? 6+6 a
495 Reste ! Nous te dirons : Sois paisible toujours, 6+6 b
Nous sages qui coulons depuis les anciens jours ; 6+6 b
Car au fond de l’eau vive une prudence habite. 6+6 a
Nous savons que, portée ou lentement ou vite, 6+6 a
Quand de l’antre natal elle a franchi le seuil, 6+6 b
500 Chaque goutte, malgré le rocher ou l’écueil 6+6 b
Remontant, s’il le faut, pluie, ou neige, ou rosée, 6+6 a
Dans le grand Océan est enfin déposée ! » 6+6 a
Mais l’antique serpent chez tout homme caché, 6+6 b
L’orgueil, l’adroit orgueil, tient le cœur de Psyché, 6+6 b
505 Avec son noir venin y répand goutte à goutte 6+6 a
La fureur de connaître, et le trouble et le doute, 6+6 a
Et des sens révoltés l’implacable désir, 6+6 b
Et l’ennui curieux, mortel à tout plaisir. 6+6 b
Elle fuit la nature, et n’en sent plus les charmes ; 6+6 a
510 Dans le palais désert elle va tout en larmes, 6+6 a
Ni les divins tableaux sur le marbre gravés, 6+6 b
Ni dans l’or et l’onyx les breuvages trouvés, 6+6 b
Ni l’acier des miroirs, ni la lyre d’ivoire, 6+6 a
Rien ne distrait l’enfant de sa tristesse noire ; 6+6 a
515 Et ses pas, tour à tour lents ou précipités, 6+6 b
Trahissent de son cœur les rêves agités. 6+6 b
Sur les marbres secrets d’une salle lointaine, 6+6 a
Qu’en ses jours de bonheur, elle approchait à peine, 6+6 a
— D’où venait un tel don, nouveau, mystérieux ? » — 6+6 b
520 Une lampe, un poignard, se trouvent sous ses yeux. 6+6 b
Elle s’arrête, et croit ouïr dans le silence : 6+6 a
« Ta main peut conquérir la force et la science. » 6+6 a
De ces seuls mots jetés tout son être a frémi, 6+6 b
Ces murs ont-ils couvert les pas d’un ennemi ! 6+6 b
525 Est-ce un instinct fatal dont la voix parle en elle ? 6+6 a
Un sombre esprit, chez nous funeste sentinelle, 6+6 a
Pousse-t-il l’âme au mal, jaloux de son bonheur, 6+6 b
Ou l’homme n’a-t-il d’autre ennemi que son cœur ?… 6+6 b
Mais Psyché, tout entière au désir qui l’obsède, 6+6 a
530 Laisse la voix monter, et l’écoute, et lui cède : 6+6 a
Et, dans un lieu caché, pour s’en armer plus tard, 6+6 b
Pose, hélas ! en tremblant, la lampe et le poignard. 6+6 b
Le chant accoutumé, suivi des odeurs pures ; 6+6 a
Pénètre avec le soir sous les voûtes obscures ; 6+6 a
535 De l’époux qui descend c’est l’amoureux signal ; 6+6 b
Il ramène Psyché vers le lit nuptial. 6+6 b
CHŒUR INVISIBLE
« Voici la nuit portant sur ses ailes paisibles 6+6 a
La rosée et l’amour tous les deux invisibles, 6+6 a
Mais que sentent bientôt couler avec douceur 6+6 b
540 La fleur dans son calice et l’homme dans son cœur ; 6+6 b
Car leur souffle s’amasse et se métamorphose 6+6 a
En doux soupirs dans l’âme, en perles sur la rose. 6+6 a
Laisse ton cœur chanter sous l’invisible doigt ; 6+6 b
Bois les pleurs de la nuit comme une fleur les boit. 6+6 b
545 Si l’harmonie est douce et le flot pur, qu’importe 6+6 a
Quel point du ciel les verse, et quel vent les apporte ? 6+6 a
Le cygne, ivre d’amour, frémit sur le flot pur, 6+6 b
Sans connaître le fond de sa couche d’azur ; 6+6 b
L’oiseau qui pour la rose a des chansons divines, 6+6 a
550 De la fleur adorée a-t-il vu les racines ? 6+6 a
Aime, ainsi, sans savoir, aime au sein de la nuit ; 6+6 b
Le jour a des éclats que la volupté fuit. 6+6 b
Sans que les yeux distraits fassent trembler le vase, 6+6 a
Le cœur, pendant la nuit recueille mieux l’extase. 6+6 a
555 Vois ; quand le dieu du jour, au palais de la mer, 6+6 b
Va chercher le repos, et plonge pour aimer, 6+6 b
Avant de s’approcher de la couche odorante, 6+6 a
Il éteint ses rayons au seuil de son amante. » 6+6 a
Les voix ont répandu le chant mélodieux, 6+6 b
560 Sans guérir de Psyché les désirs curieux ; 6+6 b
Et l’orgueil et le doute, et la soif de science 6+6 a
S’agitent à la fois dans son âme en démence. 6+6 a
Sur les coussins de pourpre, à côté d’elle assis, 6+6 b
Éros, par les baisers, combattant ses soucis. 6+6 b
565 Lui tient de doux propos sur sa tristesse étrange, 6+6 a
Et l’ardeur du plaisir renaît dans cet échange. 6+6 a
ÉROS
« Tu pleures ; tu me fuis et reviens tour à tour ! 6+6 b
Ce cœur bat, ô Psyché ! mais ce n’est pas d’amour. 6+6 b
En des bonds inégaux ton sein monte et s’abaisse ; 6+6 a
570 Il semble s’agiter sous un poids qui l’oppresse. 6+6 a
Ma lèvre étouffe en vain tes soupirs renaissants ; 6+6 b
Une crainte, un désir, se disputent tes sens. 6+6 b
Que veux-tu ? N’as-tu pas une royauté douce ? 6+6 a
Tu vois dans les forêts sur ton trône de mousse, 6+6 a
575 Les vivants saluer ta grâce et t’adorer. 6+6 b
Les perles et les fleurs s’offrent pour te parer ; 6+6 b
À la terre qui t’aime, et qui t’appartient toute, 6+6 a
Aux charmes de mon lit que faut-il que j’ajoute ? » 6+6 a
PSYCHÉ
« Oh ! vous ne m’aimez pas, et la triste Psyché 6+6 b
580 N’est pour vous qu’un jouet par instant recherché. 6+6 b
Pourquoi, me dérobant votre aspect que j’implore, 6+6 a
Venir avec la nuit, partir avec l’aurore, 6+6 a
Et ne laisser jamais les rayons d’un beau jour 6+6 b
Illuminer pour moi ce lit de notre amour ? 6+6 b
585 Le jour va caresser les grillons dans la gerbe, 6+6 a
Mille insectes unis sous la mousse et sous l’herbe. 6+6 a
Les oiseaux et les fleurs s’aiment en plein soleil : 6+6 b
Le soir sur chaque nid pose un flambeau vermeil 6+6 b
Vous seul gardez, malgré mes plaintes échappées, 6+6 a
590 Nos furtives amours, dans l’ombre enveloppées. » 6+6 a
ÉROS
« D’un dieu plus fort que moi, c’est l’inflexible arrêt, 6+6 b
Ne gâtons pas du moins notre bonheur secret ; 6+6 b
Meure sous les baisers ta folle inquiétude ! 6+6 a
A ton front délicat ma lèvre est-elle rude ? 6+6 a
595 Comprends-tu plus d’amour dans la voix d’un époux, 6+6 b
Plus de jeunesse ardente et des baisers plus doux ? 6+6 b
Reste ainsi ! Quand tes yeux auraient vu mon visage, 6+6 a
Mon cœur ne pourrait pas te donner davantage. » 6+6 a
PSYCHÉ
« Lorsqu’en serrant ta main, j’entends ta voix de près, 6+6 b
600 Que je sens de ton cœur les battements secrets, 6+6 b
Mon âme oublie encore, ivre de ton empire, 6+6 a
Cette ardeur de te voir, puisqu’elle te respire. 6+6 a
Mais quand seule je marche à travers la clarté 6+6 b
Qui sur le moindre oiseau verse tant de beauté ; 6+6 b
605 Quand je rêve à ces nuits, à nos baisers de flamme, 6+6 a
Sans avoir une image à parer dans mon âme ; 6+6 a
Lorsque je vois la terre et le ciel radieux : 6+6 b
Alors tout désir cède au désir de mes yeux. » 6+6 b
ÉROS
« Étouffe cette envie, ô Psyché ! si tu m’aimes ; 6+6 a
610 Espère et te résigne, ou crains des maux extrêmes. 6+6 a
Mais viens, ouvre tes bras ; goûtons jusqu’au matin, 6+6 b
Cette part de bonheur que permet le destin. » 6+6 b
Comme un chant de cigale éteint sous une gerbe, 6+6 a
À travers le baiser expira leur doux verbe : 6+6 a
615 Et sur le lit de pourpre, aux pieds d’argent sculpté, 6+6 b
Dans l’ombre commença l’hymne de volupté, 6+6 b
Soupirs, cris étouffés, syllabes inouïes, 6+6 a
Fleurs sonores d’amour, dans l’ombre épanouies. 6+6 a
La curieuse ardeur des regards impuissants, 6+6 b
620 Abandonnant l’esprit a passé dans les sens, 6+6 b
L’inconnu l’aiguillonne : avide et provocante, 6+6 a
Psyché donne à l’époux des baisers de bacchante, 6+6 a
Et cherche avec fureur, trompant le vrai désir, 6+6 b
Cet infini caché qu’elle n’a pu saisir. 6+6 b
625 Ah ! la volupté même a sa pudeur divine, 6+6 a
Quand le corps règne ainsi, c’est que l’ame décline ; 6+6 a
Que le souffle idéal est là-haut remonté ! 6+6 b
Tu meurs avec l’amour, ô fleur de chasteté ! 6+6 b
Adieu la sainte ivresse, où le réel s’oublie. 6+6 a
630 Au calice des sens on boit jusqu’à la lie, 6+6 a
Et dans l’épais breuvage où n’est plus l’eau du ciel, 6+6 b
De la première goutte on cherche en vain le miel ; 6+6 b
Le cœur n’y goûte plus la tendresse et l’extase, 6+6 a
Et la lèvre en vain s’use aux bords amers du vase. 6+6 a
635 Or le sommeil qui suit le plaisir prodigué 6+6 b
Versait ses lourds pavots sur l’amant fatigué. 6+6 b
Mais Psyché veille, hélas ! Qui peut enchaîner l’âme, 6+6 a
Pour assoupir le doute, où cueillir un dictame ? 6+6 a
Quel lit sait endormir les désirs de l’orgueil 6+6 b
640 Et l’ardeur de savoir ?… Pas même le cercueil ! 6+6 b
Des bras de son époux, dont l’étreinte amollie 6+6 a
Sous son adroite main doucement se délie, 6+6 a
Psyché glisse, et du lit descend d’un pied furtif. 6+6 b
Elle écoute ; son souffle en son sein est captif, 6+6 b
645 Et, sur l’épais tapis muet contre la dalle, 6+6 a
Elle sort à pas lents et sans bruit de la salle. 6+6 a
Elle brave l’effroi des dédales obscurs, 6+6 b
Et dans l’ombre, guidée en s’appuyant aux murs 6+6 b
Jusqu’à l’endroit secret où son arme est fermée, 6+6 a
650 Elle y prend le poignard et la lampe allumée. 6+6 a
Longuement elle hésite aux approches du lit ; 6+6 b
Son cœur bat, son regard se trouble ; elle pâlit. 6+6 b
Elle va donc le voir Elle craint, elle espère, 6+6 a
N’ose encor sur l’époux projeter sa lumière. 6+6 a
655 Elle se penche enfin… Et qui frappe ses yeux ! 6+6 b
L’Amour !… le dieu puissant, et beau parmi les dieux ! 6+6 b
A peine elle aperçoit sa face inattendue, 6+6 a
Toute force lui manque ; elle tremble, éperdue. 6+6 a
L’œil mortel ne saurait porter tant d’idéal. 6+6 b
660 Sous le poids fléchissant, vers le lit nuptial, 6+6 b
Ses genoux ont frémi… La lampe vacillante 6+6 a
A versé sur l’époux une goutte brûlante. 6+6 a
Le dieu, de son repos brusquement réveillé, 6+6 b
Profané par les yeux, et par l’huile souillé, 6+6 b
665 Se dresse avec courroux, voit l’amante coupable, 6+6 a
Et, cachant sa pitié, de cet arrêt l’accable : 6+6 a
EROS
« Ah ! ce regard détruit le bonheur de tous deux ! 6+6 b
Tu romps entre nos cœurs les invisibles nœuds, 6+6 b
Et ta lampe grossière éteint la pure flamme 6+6 a
670 Par qui l’âme d’en haut pénétrait dans ton âme. 6+6 a
Mon front te restera caché comme autrefois, 6+6 b
Et tu perds mes baisers, mes caresses, ma voix. 6+6 b
Je ne descendrai plus dans ta nuit solitaire ; 6+6 a
Tu n’auras plus l’amour, mais toujours le mystère. 6+6 a
675 Le secret de mon nom, dans mon sommeil surpris, 6+6 b
Du divin idéal ne t’aura rien appris. 6+6 b
Ce vallon, ce palais d’où t’exile ta faute, 6+6 a
Avec toi, condamnés, n’ont plus un dieu pour hôte. 6+6 a
Marche dans la douleur ; chez les pâles humains, 6+6 b
680 Tes pieds nus traceront de pénibles chemins ; 6+6 b
La faim enchaînera, dans les travaux serviles, 6+6 a
La blancheur de tes mains et tes ailes mobiles. 6+6 a
Pour t’aider à porter l’exil austère et lourd, 6+6 b
Tu crieras vers l’époux ; mais l’époux sera sourd. 6+6 b
685 La nuit entre nous deux épaissira ses ombres, 6+6 a
Et tes rêves s’iront heurter à des murs sombres, 6+6 a
Sans trouver hors du doute une issue à tes pas ; 6+6 b
Car ton flambeau d’orgueil brûle et n’éclaire pas. » 6+6 b
L’immuable destin a dicté ces menaces 6+6 a
690 À ce cœur pacifique où résident les grâces. 6+6 a
Mais toujours une larme, aux yeux du triste amant, 6+6 b
À chaque mot cruel, jaillit et le dément ; 6+6 b
Et si Psyché tremblante eût pu voir ce visage, 6+6 a
Si de ses sens l’effroi n’eût pas troublé l’usage, 6+6 a
695 Des tourments à souffrir et de l’arrêt porté, 6+6 b
Devant tant de douleur, son âme aurait douté. 6+6 b
Mais trop faible à sentir d’une bouche si chère 6+6 a
Ces traits inattendus lancés par la colère, 6+6 a
Mourante, elle s’affaisse et tombe aux pieds du dieu. 6+6 b
700 Et lui ! Comme son cœur saigne â quitter ce lieu ! 6+6 b
Qu’il voudrait y laisser sa parole meilleure !… 6+6 a
Le destin a parlé… L’Amour fuit… mais il pleure ! 6+6 a
Et, douce, entre les pleurs que sa pitié versa, 6+6 b
Sur le sein de l’épouse une larme glissa… 6+6 b
705 Germe consolateur, graine du ciel tombée 6+6 a
Dans le sillon récent par cette âme absorbée, 6+6 a
Et qui devait porter, en ce champ de douleur, 6+6 b
Sous la ronce et l’épine une immortelle fleur. 6+6 b
C’est toi, belle espérance, ô fleur que rien n’arrache ! 6+6 a
710 Ô le plus vrai témoin de ce dieu qui se cache, 6+6 a
Souvenir qu’à Psyché l’époux lègue en partant, 6+6 b
Moisson lente à mûrir, mais que l’amour attend ! 6+6 b
ÉPILOGUE
Nuit féconde, où l’esprit grandit pour la lumière, 6+6 a
Et qu’embaume en sa fleur l’innocence première ; 6+6 a
715 Mystère ! ô gardien qui veille également 6+6 b
Sur l’âme du fidèle et celle de l’amant ; 6+6 b
De leurs saintes ardeurs éternisant le zèle, 6+6 a
Tu caches la pudeur et la foi sous ton aile ! 6+6 a
Tout bonheur ici-bas revêt ton voile obscur, 6+6 b
720 Et toi seul maintiens pur ce que Dieu créa pur. 6+6 b
Tu donnes à l’autel ses majestés sans nombre, 6+6 a
Et le lit nuptial s’embellit de ton ombre. 6+6 a
Ah ! malheur au mortel contre toi révolté, 6+6 b
Qui, possédant le calme, aspire à la clarté ! 6+6 b
725 Maudit soit ce flambeau qui met l’amour en fuite ! 6+6 a
Pâle orgueil du savoir ! le mal vient à ta suite. 6+6 a
Dans un cœur innocent comme en un vallon frais, 6+6 b
Sitôt qu’ont pénétré tes rayons indiscrets, 6+6 b
Adieu sur le beau lis les perles matinales, 6+6 a
730 Et la sérénité des pudeurs virginales ! 6+6 a
Quel songe n’a pas fait, et que n’a pas tenté 6+6 b
L’âme que tu séduis, ô Curiosité ! 6+6 b
Pour tendre à l’impossible, à l’inconnu qu’elle aime ; 6+6 a
Lasse des biens réels, elle a fui son Dieu même. 6+6 a
735 A l’arbre offert par toi cueillant le fruit fatal, 6+6 b
Du souffle de ta bouche Ève enfanta le mal. 6+6 b
Par toi, des noirs fléaux l’urne, captive encore, 6+6 a
Épancha ses torrents sous la main de Pandore. 6+6 a
Tu prêtas à Psyché sa lampe et son poignard, 6+6 b
740 Comme pour forcer Dieu de subir ton regard : 6+6 b
Oubliant que l’amour est la seule puissance 6+6 a
Qui force l’idéal à souffrir violence ! 6+6 a
Vois ton œuvre aujourd’hui, vois ces jardins déserts, 6+6 b
Vois la veuve immortelle, errant sur l’univers. 6+6 b
745 Sur les pas de Psyché tu vas régner en maître, 6+6 a
Ô toi qui perdis l’âme ! ô désir de connaître ! 6+6 a
Par les fureurs du corps et celle de l’orgueil 6+6 b
Tu conduis le troupeau des humains au cercueil : 6+6 b
Les uns, pâles, penchés vers toute chose obscure, 6+6 a
750 Sourds aux voix de l’esprit, dissèquent la nature ; 6+6 a
D’autres plongent, sans frein, au fond des voluptés, 6+6 b
Cherchant leur infini dans les sens exaltés : 6+6 b
Tous blasphémant l’amour et la beauté féconde, 6+6 a
Ces hôtes merveilleux qu’ils ont chassé du monde ; 6+6 a
755 Prolongeant jusqu’au bout votre éternel péché, 6+6 b
Ève, ô sein trop fécond ! Pandore ! et toi Psyché ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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