LIVRE PREMIER |
ARGUMENT
ÉDEN OU L’AGE D’OR. — BONHEUR PRIMITIF.
CHUTE DE L’HOMME.
I. Psyché s’éveille dans les jardins de l’Amour. — L’âme
humaine est placée par Dieu au sein d’une merveilleuse
nature appropriée à tous nos besoins. — L’être nouveau-né
sent la parole éclore sur ses lèvres, et répond de lui-même
aux harmonies du monde extérieur, qui le salue comme son
frère et comme son roi. — Toute la création parle à Psyché
d’un maître invisible et tout puissant, d’un époux à qui elle
est destinée. — Les pressentiments de l’âme, la révélation
intérieure lui avaient déjà promis cet époux divin. — Toutes
les voix de la nature, messagères de Dieu, annoncent à la
jeune fille la venue d’Éros. — Le soir, leurs noces mystiques
sont célébrées dans un palais ténébreux. — Il est interdit à
Psyché de chercher à voir son époux.
II. Bonheur de Psyché dans cette union de l’innocence et
de l’amour. — Félicité primitive de l’Éden fondée sur
l’ignorance du bien et du mal. — Intimité de l’homme avec
la nature et avec Dieu, dont il reçoit une révélation obscure
encore et incomplète par la voix de tous les êtres. —
Dialogue de Psyché avec les créatures toutes amies et
pacifiques ; elle les interroge sur l’époux invisible. —
L’attrait de l’inconnu, le besoin de l’infini, naturels au cœur
de l’homme, commencent à agiter l’épouse d’Éros au
milieu des douceurs de son union mystérieuse.
III. En vain le nocturne amant revient consoler Psyché ;
l’inquiétude de l’esprit et du cœur augmente. — Le désir de
connaître l’idéal invisible, de posséder l’infini trouble les
délices du chaste hymen. — En vain toute la nature invite
l’âme à la soumission, à la confiance ; l’implacable besoin
de savoir et de sentir, une curiosité mêlée de concupiscence
et d’orgueil l’emportent dans le cœur de Psyché sur la
tendresse et sur la crainte. — Elle transgresse l’ordre de
son époux et les lois du destin ; la lampe fatale est allumée.
— Psyché reconnaît, dans le Dieu qui la visite chaque nuit,
l’Amour, le plus beau, le plus puissant des dieux. — Touché
par une goutte d’huile brûlante, Éros se réveille et
prononce l’arrêt qui bannit Psyché et termine l’âge d’or. —
Ainsi s’est consommée la première faute à laquelle se
rattache l’origine de tout mal ; Ève a mangé le fruit
défendu ; la boîte de Pandore est ouverte ; la douleur est
entrée dans le monde. — Mais en proclamant la déchéance,
le dieu fait entrevoir un présage de réhabilitation. En
annonçant à Psyché les épreuves de l’exil, Éros laisse
tomber une larme, et, avec cette larme, la promesse de la
rédemption.
|
I |
|
Le matin rougissant,⎟ dans sa fraîcheur première, |
6+6 |
a |
|
Change les pleurs de l’aube⎟ en gouttes de lumière, |
6+6 |
a |
|
Et la forêt joyeuse,⎟ au bruit des flots chanteurs, |
6+6 |
b |
|
Exhale, à son réveil,⎟ ses humides senteurs. |
6+6 |
b |
5 |
La terre est vierge encor,⎟ mais déjà dévoilée, |
6+6 |
a |
|
Et sourit au soleil⎟ sous la brume envolée. |
6+6 |
a |
|
|
Entre les fleurs, Psyché,⎟ dormant au bord de l’eau, |
6+6 |
b |
|
S’anime, ouvre les yeux⎟ à ce monde nouveau ; |
6+6 |
b |
|
Et, baigné des vapeurs⎟ d’un sommeil qui s’achève, |
6+6 |
a |
10 |
Son regard luit pourtant⎟ comme après un doux rêve. |
6+6 |
a |
|
La terre avec amour⎟ porte la blonde enfant ; |
6+6 |
b |
|
Des rameaux par la brise⎟ agités doucement, |
6+6 |
b |
|
Le murmure et l’odeur⎟ s’épanchent sur sa couche ; |
6+6 |
a |
|
Le jour pose, en naissant,⎟ un rayon sur sa bouche. |
6+6 |
a |
15 |
D’une main supportant⎟ son corps demi-penché, |
6+6 |
b |
|
Rejetant de son front⎟ ses longs cheveux, Psyché |
6+6 |
b |
|
Écarte l’herbe haute⎟ et les fleurs autour d’elle, |
6+6 |
a |
|
Respire, et sent la vie,⎟ et voit la terre belle ; |
6+6 |
a |
|
Et, blanche, se dressant⎟ dans sa robe aux longs plis, |
6+6 |
b |
20 |
Hors du gazon touffu⎟ monte comme un grand lis. |
6+6 |
b |
|
Les arômes, les bruits⎟ et les clartés naissantes, |
6+6 |
a |
|
Les émanations⎟ de partout jaillissantes, |
6+6 |
a |
|
Ont envahi son âme,⎟ ébranlée un moment ; |
6+6 |
b |
|
Et devant la nature⎟ elle hésite en l’aimant. |
6+6 |
b |
25 |
Dans une langue, alors,⎟ que la vierge surprise |
6+6 |
a |
|
Sut comprendre et parler⎟ sans qu’elle l’eût apprise, |
6+6 |
a |
|
Les fleurs et les oiseaux⎟ étant là seuls vivants, |
6+6 |
b |
|
Un invisible chœur⎟ chantait avec les vents : |
6+6 |
b |
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|
CHŒUR INVISIBLE
|
« Viens, nous t’aimons déjà ;⎟ viens, ô douce inconnue ! |
6+6 |
a |
30 |
La terre où tu manquais⎟ tressaille à ta venue. |
6+6 |
a |
|
Viens, habite avec nous⎟ ce monde jeune et pur ; |
6+6 |
b |
|
Nul être malfaisant⎟ n’en trouble encor l’azur. |
6+6 |
b |
|
Prends avec nous ta part⎟ de ses faveurs fécondes, |
6+6 |
a |
|
Goûte avec amitié⎟ ses épis et ses ondes. |
6+6 |
a |
35 |
Ses arbres innocents⎟ n’ont pas de fruits amers, |
6+6 |
b |
|
Et la douceur du miel⎟ coule au fond de ses mers. |
6+6 |
b |
|
Mêle au sien ton bonheur,⎟ et ta grâce à ses grâces ; |
6+6 |
a |
|
Ses germes de beauté⎟ fleuriront sur tes traces. |
6+6 |
a |
|
Sois belle, sans rougir,⎟ dans ton jardin natal ; |
6+6 |
b |
40 |
On n’y connaît pas plus⎟ la pudeur que le mal. |
6+6 |
b |
|
Viens ! De tes frais pensers⎟ ne fais point de mystères |
6+6 |
a |
|
A ces plantes, tes sœurs ;⎟ à ces oiseaux, tes frères. » |
6+6 |
a |
|
|
PSYCHÉ
|
« Que la lumière est douce !⎟ et que l’air plein d’encens |
6+6 |
b |
|
Baigne d’un flot sonore⎟ et pénètre mes sens ! |
6+6 |
b |
45 |
Quel souffle harmonieux⎟ me caresse et m’enivre ! |
6+6 |
a |
|
Et si la vie est telle,⎟ oh ! qu’il est bon de vivre ! |
6+6 |
a |
|
Vivais-je avant cette heure ?⎟ ai-je vu ce soleil ? |
6+6 |
b |
|
N’est-ce pas ma naissance⎟ et mon premier réveil ? |
6+6 |
b |
|
J’ai bien, au fond du cœur,⎟ j’ai de vagues images ; |
6+6 |
a |
50 |
Je revois des vallons,⎟ des fleuves, des rivages, |
6+6 |
a |
|
Où, le front couronné,⎟ j’allais, fille de roi, |
6+6 |
b |
|
Guidant au bord des eaux⎟ des vierges comme moi. |
6+6 |
b |
|
Mais dans ce pâle monde⎟ aux formes indécises, |
6+6 |
a |
|
Ni chansons, ni parfums⎟ ne flottaient sur les brises ; |
6+6 |
a |
55 |
La terre était muette⎟ et le ciel sans clarté ; |
6+6 |
b |
|
Et je n’y sentais pas⎟ la vie et la beauté. |
6+6 |
b |
|
Ah ! j’ai dormi peut-être !⎟ En un rêve encor sombre, |
6+6 |
a |
|
De ce monde promis⎟ j’aurai vu passer l’ombre. |
6+6 |
a |
|
Chœur des vivants, salut !⎟ Salut, ô monde vrai, |
6+6 |
b |
60 |
En qui je me réveille⎟ et dans qui je vivrai ! |
6+6 |
b |
|
Terre, fleuves, oiseaux,⎟ divin peuple des êtres, |
6+6 |
a |
|
Êtes-vous, dites-moi,⎟ mes hôtes ou mes maîtres ? |
6+6 |
a |
|
Bruits, souffles embaumés,⎟ rayons, charme des yeux, |
6+6 |
b |
|
Faut-il que je t’adore,⎟ ô monde harmonieux ! » |
6+6 |
b |
|
|
CHŒUR INVISIBLE
65 |
« Nous entourons d’amour⎟ la couche où tu reposes, |
6+6 |
a |
|
Enfant, toi la plus belle⎟ et la reine des choses. |
6+6 |
a |
|
Vois ! partout, dans ces bois,⎟ ces prés, sur ces hauteurs, |
6+6 |
b |
|
Dans ces fleuves, il est⎟ pour toi des serviteurs. » |
6+6 |
b |
|
|
PSYCHÉ
|
« La terre à mon réveil⎟ portait, déjà parée, |
6+6 |
a |
70 |
Les chênes, peuple antique,⎟ et la moisson dorée ; |
6+6 |
a |
|
Ces flots avaient coulé,⎟ ces rochers étaient vieux, |
6+6 |
b |
|
Et la plus jeune fleur⎟ s’ouvrit avant mes yeux. |
6+6 |
b |
|
Sans moi l’herbe a verdi,⎟ l’onde a trouvé sa pente ; |
6+6 |
a |
|
Un autre ordonna tout,⎟ avant mon âme absente ; |
6+6 |
a |
75 |
Un maître ici se cache,⎟ et si ce n’est pas toi, |
6+6 |
b |
|
Ô voix de ces beaux lieux !⎟ quel est donc notre roi ? |
6+6 |
b |
|
|
CHŒUR INVISIBLE
|
« Réglant l’être et la vie⎟ en un accord suprême, |
6+6 |
a |
|
Le roi de cet empire⎟ asservit les dieux même ; |
6+6 |
a |
|
Par lui, le fier lion⎟ rugit dans les forêts, |
6+6 |
b |
80 |
Et les monstres des mers⎟ bondissent sous ses traits. |
6+6 |
b |
|
Nous, tour à tour chantant,⎟ voix joyeuses ou graves |
6+6 |
a |
|
Venant de lui vers toi,⎟ nous sommes ses esclaves. » |
6+6 |
a |
|
|
PSYCHÉ
|
« J’ai gardé du sommeil⎟ un rêve, un rêve aimé, |
6+6 |
b |
|
Éclos à la même heure⎟ où mon cœur fut formé : |
6+6 |
b |
85 |
Une voix qui semblait⎟ descendre des collines |
6+6 |
a |
|
M’appelait, m’invitait⎟ à des noces divines. |
6+6 |
a |
|
Les vierges me paraient⎟ pour un hymen certain. |
6+6 |
b |
|
Vers l’époux inconnu,⎟ roi d’un pays lointain, |
6+6 |
b |
|
Entraînée, et cédant⎟ à d’invisibles charmes, |
6+6 |
a |
90 |
J’allais avec amour,⎟ mais non sans quelques larmes. |
6+6 |
a |
|
Le réveil, ces beaux lieux,⎟ ce jour qui luit sur moi, |
6+6 |
b |
|
De mes désirs craintifs⎟ ont redoublé l’émoi. » |
6+6 |
b |
|
|
CHŒUR INVISIBLE
|
« Espère ! À son vrai but,⎟ comme la source vive |
6+6 |
a |
|
À l’éternelle mer,⎟ toute espérance arrive. |
6+6 |
a |
95 |
Chaque rêve et chaque ombre⎟ ont leur réalité. |
6+6 |
b |
|
Viens ! par le jeune époux⎟ ce monde est habité ; |
6+6 |
b |
|
C’est lui qui nous envoie,⎟ abrégeant ton attente, |
6+6 |
a |
|
Au seuil de son palais⎟ saluer son amante. » |
6+6 |
a |
|
Et la voix s’éteignit ;⎟ mais le son prolongé |
6+6 |
b |
100 |
Flottait encor dans l’air,⎟ de musique chargé. |
6+6 |
b |
|
Sur l’haleine de l’onde⎟ et de l’herbe attiédie, |
6+6 |
a |
|
Comme un soupir du sol⎟ montait la mélodie. » |
6+6 |
a |
|
|
Psyché, livrant son âme⎟ aux souffles merveilleux, |
6+6 |
b |
|
Aux accords, aux rayons⎟ émanés de ces lieux, |
6+6 |
b |
105 |
S’avance au bord du fleuve,⎟ et, dans sa marche lente, |
6+6 |
a |
|
Écoute chaque oiseau,⎟ répond à chaque plante. |
6+6 |
a |
|
La tendre sympathie⎟ illumine son œil ; |
6+6 |
b |
|
Les cygnes et les lis⎟ lui rendent son accueil ; |
6+6 |
b |
|
Flots et feuilles, près d’elle,⎟ ont un plus frais murmure, |
6+6 |
a |
110 |
La terre abondamment⎟ exhale une odeur pure. |
6+6 |
a |
|
Tous les êtres domptés⎟ semblent, pour sa douceur, |
6+6 |
b |
|
L’adorer comme reine⎟ et l’aimer comme sœur. |
6+6 |
b |
|
L’enfant partage entre eux⎟ les grâces du sourire, |
6+6 |
a |
|
Et prend possession⎟ du fraternel empire ; |
6+6 |
a |
115 |
Sa main des grands lions⎟ flatte les crins épais, |
6+6 |
b |
|
— Car rien n’avait alors⎟ troublé l’antique paix ; |
6+6 |
b |
|
Tout ce qui vit formait⎟ une seule famille. — |
6+6 |
a |
|
Mille oiseaux par les bois⎟ suivent la jeune fille ; |
6+6 |
a |
|
La mousse s’épaissit⎟ lorsqu’elle y veut s’asseoir. |
6+6 |
b |
|
120 |
Ainsi dans la vallée⎟ elle erra jusqu’au soir, |
6+6 |
b |
|
Admirant tout, les fleurs,⎟ les cieux, et l’air sonore, |
6+6 |
a |
|
Et rêvant de ce roi⎟ qui se cachait encore. |
6+6 |
a |
|
Or la nuit, déployant⎟ ses ailes de vapeurs, |
6+6 |
b |
|
Ramène vers Psyché⎟ les invisibles chœurs ; |
6+6 |
b |
125 |
C’est d’abord sur la brume⎟ une rumeur qui vole, |
6+6 |
a |
|
Et le son rapproché⎟ devient une parole |
6+6 |
a |
|
|
CHŒUR INVISIBLE
|
« Voici l’heure d’hymen !⎟ Nous précédons l’époux ; |
6+6 |
b |
|
Il éteint les flambeaux⎟ de son bonheur jaloux. |
6+6 |
b |
|
Revêtant ses plaisirs⎟ de calme et de mystère, |
6+6 |
a |
130 |
Il attend pour aimer⎟ l’heure où s’endort la terre. |
6+6 |
a |
|
Les petits des oiseaux,⎟ l’un sur l’autre serrés, |
6+6 |
b |
|
Et l’abeille en sa ruche,⎟ et la cigale aux prés, |
6+6 |
b |
|
Et les nappes d’azur⎟ que nuls souffles ne plissent, |
6+6 |
a |
|
Et le vent dans sa grotte,⎟ et les bois s’assoupissent. |
6+6 |
a |
135 |
Sur les insectes d’or⎟ les lis sont déjà clos, |
6+6 |
b |
|
Et le dernier rayon⎟ est rentré sous les flots, |
6+6 |
b |
|
Sans que bruits ou lueurs⎟ troublent sa paix suprême, |
6+6 |
a |
|
La sainte volupté⎟ peut jouir d’elle-même. |
6+6 |
a |
|
Que l’ombre sur ton front⎟ pleuve sans t’alarmer ; |
6+6 |
b |
140 |
Viens, l’inconnu t’attend,⎟ viens, c’est l’heure d’aimer ! » |
6+6 |
b |
|
|
Devant elle glissant⎟ comme un zéphyr paisible, |
6+6 |
a |
|
Le chœur, chaînant toujours⎟ et toujours invisible, |
6+6 |
a |
|
Sur sa trace écartait⎟ doucement les rameaux ; |
6+6 |
b |
|
Et Psyché, telle on voit⎟ sur l’écume des eaux, |
6+6 |
b |
145 |
Derrière un grand navire⎟ une fleur qui surnage, |
6+6 |
a |
|
Suivait à son insu⎟ l’harmonieux sillage. |
6+6 |
a |
|
Et le flot la porta⎟ vers le palais heureux ; |
6+6 |
b |
|
Par la vertu des chants,⎟ il s’ouvrit devant eux. |
6+6 |
b |
|
|
Or, sous les toits déserts⎟ les mêmes voix mystiques |
6+6 |
a |
150 |
La conduisaient encore⎟ à travers les portiques ; |
6+6 |
a |
|
Elle y semblait voguer⎟ sur des courants secrets ; |
6+6 |
b |
|
Tel, sur le lac tombé,⎟ le rameau des forêts, |
6+6 |
b |
|
Par des eaux qu’on dirait⎟ immobiles, sereines, |
6+6 |
a |
|
Est poussé jusqu’au fond⎟ des grottes souterraines. |
6+6 |
a |
155 |
La vierge ainsi s’avance,⎟ effleurant les tapis, |
6+6 |
b |
|
Entre les murs jaspés⎟ de marbre et de lapis, |
6+6 |
b |
|
Où de mille flambeaux,⎟ sous l’azur des arcades, |
6+6 |
a |
|
L’or étincelle au front⎟ des blanches colonnades. |
6+6 |
a |
|
Et l’invisible guide⎟ a déposé Psyché |
6+6 |
b |
160 |
Sur le lit nuptial⎟ dans la pourpre caché. |
6+6 |
b |
|
La voix expire alors,⎟ le palais devient sombre : |
6+6 |
a |
|
L’enfant s’étonne et tremble,⎟ et pleure au sein de l’ombre ; |
6+6 |
a |
|
Rien ne la distrait plus⎟ du trouble intérieur. |
6+6 |
b |
|
Son innocence ajoute⎟ encore à sa frayeur. |
6+6 |
b |
|
165 |
Une autre voix bientôt⎟ monta dans ce silence, |
6+6 |
a |
|
Un chant si doux, si plein⎟ de grâce et de puissance, |
6+6 |
a |
|
Qu’auprès de sa musique,⎟ ornement de la nuit, |
6+6 |
b |
|
Les premières chansons⎟ n’étaient rien qu’un vain bruit. |
6+6 |
b |
|
C’est l’invisible roi⎟ du vallon de délices, |
6+6 |
a |
170 |
Il vient de l’âme en fleur⎟ posséder les prémices ; |
6+6 |
a |
|
C’est l’archer qui répand⎟ ses flèches en tout lieu, |
6+6 |
b |
|
C’est l’époux, c’est Êros,⎟ c’est vous, ô jeune Dieu ! |
6+6 |
b |
|
|
Ne crains pas, ô Psyché !⎟ Dans cette nuit propice, |
6+6 |
a |
|
Souffre en toi que l’espoir⎟ avec l’amour se glisse. |
6+6 |
a |
175 |
Voici, voici l’époux :⎟ son visage est voilé, |
6+6 |
b |
|
Mais son cœur à tes yeux⎟ s’est déjà révélé, |
6+6 |
b |
|
Et tu peux, à travers⎟ l’ombre qui l’environne, |
6+6 |
a |
|
Juger par ses trésors⎟ celui qui te les donne. |
6+6 |
a |
|
Vois cette heureuse terre !⎟ Est-ce un dieu sans amour |
6+6 |
b |
180 |
Qui, pour don nuptial,⎟ t’offrit ce doux séjour ? |
6+6 |
b |
|
Toute chose est à toi⎟ dans ce fécond royaume : |
6+6 |
a |
|
Le chêne t’y doit l’ombre,⎟ et la rose le baume ; |
6+6 |
a |
|
Le vent, l’onde et l’oiseau,⎟ tous bruits mélodieux, |
6+6 |
b |
|
Sont nés pour ton oreille,⎟ et le ciel pour tes yeux ; |
6+6 |
b |
185 |
Pour tes lèvres le miel,⎟ le lait, ce qui ruisselle |
6+6 |
a |
|
A flot de chaque ruche⎟ et de chaque mamelle ; |
6+6 |
a |
|
La mousse pour tes pieds,⎟ les gazons caressants, |
6+6 |
b |
|
Tout est fait pour payer⎟ un tribut à tes sens. |
6+6 |
b |
|
Lorsque tu parleras,⎟ partout dans les campagnes |
6+6 |
a |
190 |
Des voix te répondront,⎟ tes fidèles compagnes. |
6+6 |
a |
|
Chez les êtres vivants⎟ avec toi conviés, |
6+6 |
b |
|
Tu pourras à ton gré⎟ choisir des amitiés. |
6+6 |
b |
|
Durant le jour, souvent,⎟ la voix de l’époux même |
6+6 |
a |
|
Te fera souvenir⎟ qu’il te suit et qu’il t’aime ; |
6+6 |
a |
195 |
Et chaque soir ici⎟ tu viendras reposer |
6+6 |
b |
|
Sur sa douce poitrine⎟ et goûter son baiser. |
6+6 |
b |
|
Mais si tu ne veux voir⎟ s’effacer comme un songe |
6+6 |
a |
|
Ces beaux lieux et l’extase⎟ où ce baiser te plonge, |
6+6 |
a |
|
Ô Psyché ! n’ose pas,⎟ d’un flambeau curieux, |
6+6 |
b |
200 |
Interroger d’hymen⎟ le lit mystérieux. |
6+6 |
b |
|
Le destin plus puissant,⎟ et, sans doute, plus sage, |
6+6 |
a |
|
Ne veut pas de l’époux⎟ te montrer le visage ; |
6+6 |
a |
|
Mais livre-lui ton âme,⎟ enfant, et tu verras |
6+6 |
b |
|
S’éveiller tout un monde⎟ éclos entre ses bras. |
6+6 |
b |
|
205 |
Et les lèvres d’Éros⎟ touchant son front pudique |
6+6 |
a |
|
Y déposent le sceau⎟ de l’union mystique. |
6+6 |
a |
|
Bientôt la vierge laisse,⎟ en son trouble charmant, |
6+6 |
b |
|
Sa ceinture tomber⎟ sous les doigts de l’amant, |
6+6 |
b |
|
Et, parmi les soupirs⎟ et les baisers sans nombre, |
6+6 |
a |
210 |
Les rites de l’hymen⎟ s’accomplirent dans l’ombre. |
6+6 |
a |
|
|
Le palais nuptial⎟ brillait, plein de soleil, |
6+6 |
b |
|
Au matin, quand Psyché,⎟ secouant le sommeil, |
6+6 |
b |
|
Cherchait près d’elle Éros⎟ et lui parlait encore ; |
6+6 |
a |
|
Mais le nocturne époux⎟ avait fui dès l’aurore. |
6+6 |
a |
|
|
|
II |
215 |
Sur l’herbe encore humide⎟ et les cailloux d’argent, |
6+6 |
b |
|
Psyché pose au hasard⎟ ses pieds, et va songeant, |
6+6 |
b |
|
Et suit du souvenir⎟ la pente involontaire. |
6+6 |
a |
|
Les plaisirs de la nuit,⎟ ces terreurs, ce mystère, |
6+6 |
a |
|
Revivent à la fois⎟ dans son cœur retracés ; |
6+6 |
b |
220 |
Elle tremble et rougit⎟ à ses propres pensers. |
6+6 |
b |
|
La terre, ce matin,⎟ semble à ses yeux nouvelle, |
6+6 |
a |
|
Et, sur les flots penchée,⎟ elle s’y voit plus belle ; |
6+6 |
a |
|
Elle cherche avec crainte,⎟ avec ravissement, |
6+6 |
b |
|
Les vestiges sacrés⎟ de l’invisible amant. |
6+6 |
b |
225 |
Elle va regardant⎟ sous les eaux diaphanes, |
6+6 |
a |
|
Dans les creux de rochers⎟ couverts par les lianes, |
6+6 |
a |
|
Dans les touffes de fleurs,⎟ et dans l’ombre des bois, |
6+6 |
b |
|
En tout lieu d’où s’échappe⎟ un parfum, une voix ; |
6+6 |
b |
|
Et partout, du gazon,⎟ de l’eau, de la feuillée, |
6+6 |
a |
230 |
Une voix lui répond⎟ par la sienne éveillée. |
6+6 |
a |
|
|
PSYCHÉ
|
« C’est bien la même terre,⎟ et le même printemps |
6+6 |
b |
|
Y verse un jour pareil⎟ aux mêmes habitants. |
6+6 |
b |
|
Entre les mêmes fleurs,⎟ le fleuve aux couleurs tendres. |
6+6 |
a |
|
De son mobile azur⎟ promène les méandres. |
6+6 |
a |
235 |
Hier, un chant planait⎟ déjà sur ces roseaux ; |
6+6 |
b |
|
La pourpre et l’or paraient⎟ les plumes des oiseaux ; |
6+6 |
b |
|
Et cependant la nuit,⎟ sans m’en dire la cause, |
6+6 |
a |
|
Semble avoir à ce monde⎟ ajouté quelque chose. |
6+6 |
a |
|
J’ai vu ces gais bouvreuils,⎟ cet aigle au regard fier ; |
6+6 |
b |
240 |
Tout m’est nouveau pourtant,⎟ tout m’est plus beau qu’hier |
6+6 |
b |
|
Plus qu’hier la nature⎟ et me charme et m’invite ; |
6+6 |
a |
|
Et comme dans mon cœur⎟ la sève y court plus vite ! » |
6+6 |
a |
|
|
CHŒUR INVISIBLE
|
« C’est que le roi nous a⎟ visités cette nuit, |
6+6 |
b |
|
L’époux mystérieux⎟ vers ta couche conduit ! |
6+6 |
b |
245 |
C’est qu’il a, pour te voir,⎟ traversé son empire, |
6+6 |
a |
|
Et répandu sur nous⎟ l’éclat de son sourire : |
6+6 |
a |
|
Et chaque fois qu’il vient,⎟ puissant avec bonté, |
6+6 |
b |
|
Il sème à pleines mains⎟ la vie et la beauté. » |
6+6 |
b |
|
|
LES OISEAUX
|
« Il est des jours où l’air⎟ supporte mieux nos ailes ; |
6+6 |
a |
250 |
Un mouvement plus doux⎟ berce les rameaux frêles ; |
6+6 |
a |
|
Les grains au bord des champs⎟ s’épanchent par milliers, |
6+6 |
b |
|
Et les fruits sont plus mûrs⎟ aux arbres familiers. |
6+6 |
b |
|
Nos appels amoureux⎟ de plus loin se répondent ; |
6+6 |
a |
|
Près des nids à bâtir⎟ mousse et duvets abondent. |
6+6 |
a |
255 |
Les brebis ont laissé⎟ plus de laine aux buissons ; |
6+6 |
b |
|
Les chênes sont peuplés⎟ de joyeuses chansons. |
6+6 |
b |
|
Au roi qui fait pleuvoir⎟ tant de biens sur ses traces, |
6+6 |
a |
|
A l’amant de Psyché,⎟ les oiseaux rendent grâces. » |
6+6 |
a |
|
|
LES PLANTES
|
« Il est aussi pour nous⎟ des jours où tout fleurit |
6+6 |
b |
260 |
Au souffle calme et chaud⎟ d’un invisible esprit ; |
6+6 |
b |
|
Une poussière d’or⎟ jaunit les étamines, |
6+6 |
a |
|
Des sucs plus nourrissants⎟ abreuvent les racines, |
6+6 |
a |
|
L’épi laiteux jaillit⎟ et s’enfle sur le blé, |
6+6 |
b |
|
Le nombre des bourgeons⎟ sur la branche est doublé |
6+6 |
b |
265 |
Et, dans le sein des fleurs⎟ apportant des délices, |
6+6 |
a |
|
Un doux vent l’un sur l’autre⎟ incline nos calices. |
6+6 |
a |
|
Ce qu’alors nous puisons⎟ dans la terre ou le ciel, |
6+6 |
b |
|
En nos veines devient⎟ parfum, couleur et miel ; |
6+6 |
b |
|
La lumière et la sève⎟ à nos tiges affluent… |
6+6 |
a |
270 |
Ô roi jeune et fécond,⎟ les plantes te saluent ! » |
6+6 |
a |
|
|
LES SOURCES
|
« Il est des jours sacrés,⎟ des jours que nous aimons, |
6+6 |
b |
|
Où la source descend⎟ plus pure au pied des monts ; |
6+6 |
b |
|
Où, sur le sable fin,⎟ sans pluie et sans tourmente, |
6+6 |
a |
|
L’onde semble dormir,⎟ et pourtant suit sa pente. |
6+6 |
a |
275 |
Alors, nul flot n’écume⎟ et ne gronde en marchant ; |
6+6 |
b |
|
Le peuple des forêts⎟ s’égaie à notre chant ; |
6+6 |
b |
|
Le vent ne jette rien⎟ que fleur et vert feuillage |
6+6 |
a |
|
Sur l’argent des graviers,⎟ sur l’or des coquillages ; |
6+6 |
a |
|
Et mille êtres, mêlés⎟ par un amour fécond, |
6+6 |
b |
280 |
S’agitent sous les eaux⎟ sans en troubler le fond. |
6+6 |
b |
|
Et tu seras béni⎟ des sources éternelles, |
6+6 |
a |
|
Toi qui gardes le calme⎟ et la fraîcheur en elles ; |
6+6 |
a |
|
Toi qui, dans un seul lit,⎟ sais faire parvenir |
6+6 |
b |
|
Toutes les gouttes d’eau⎟ se cherchant pour s’unir ; |
6+6 |
b |
285 |
Toi par qui nous sentons,⎟ en notre onde ravie, |
6+6 |
a |
|
Descendre la lumière⎟ et palpiter la vie. » |
6+6 |
a |
|
|
PSYCHÉ
|
« Oh ! tout ce que j’entends⎟ et tout ce que je vois, |
6+6 |
b |
|
Oiseaux, sources, forêts,⎟ mystérieuses voix, |
6+6 |
b |
|
Oh ! dites-moi son nom,⎟ parlez-moi de mon maître ! |
6+6 |
a |
290 |
Plus heureux que Psyché,⎟ vous l’avez vu peut-être ? |
6+6 |
a |
|
Comme il charme le cœur,⎟ il doit charmer les yeux, |
6+6 |
b |
|
Et sans doute il est bon,⎟ puisqu’il vous rend heureux. » |
6+6 |
b |
|
|
LES OISEAUX
|
« S’il croît comme un grand chêne⎟ ou coule comme une onde, |
6+6 |
a |
|
S’il descend comme l’air⎟ et le jour sur le monde, |
6+6 |
a |
295 |
S’il habite le sein⎟ des grottes et des fleurs, |
6+6 |
b |
|
S’il revêt comme nous⎟ la plume aux cent couleurs, |
6+6 |
b |
|
S’il a tes cheveux d’or,⎟ ton front blanc et superbe, |
6+6 |
a |
|
Sur deux pieds gracieux⎟ s’il effleure ainsi l’herbe, |
6+6 |
a |
|
Ce n’est pas des oiseaux⎟ que tu peux le savoir ; |
6+6 |
b |
300 |
Car nous l’avons aimé⎟ sans chercher à le voir. |
6+6 |
b |
|
Mais nous reconnaissons⎟ à des signes fidèles, |
6+6 |
a |
|
A l’air plus frémissant⎟ qui fait battre nos ailes, |
6+6 |
a |
|
A notre chant plus pur,⎟ à nos baisers plus doux, |
6+6 |
b |
|
Qu’un céleste pouvoir⎟ s’est approché de nous. » |
6+6 |
b |
|
|
LES PLANTES
305 |
« Des habitants divers⎟ qui vivent à son ombre, |
6+6 |
a |
|
Des oiseaux et des fleurs⎟ chaque arbre sait le nombre ; |
6+6 |
a |
|
Il sait d’où vient le flot⎟ qui passe auprès de lui, |
6+6 |
b |
|
D’où le vent a soufflé,⎟ d’où le soleil a lui. |
6+6 |
b |
|
Pour un vieux chêne, il est⎟ peu de choses cachées ; |
6+6 |
a |
310 |
Nous avons vu beaucoup,⎟ quoique au sol attachées. |
6+6 |
a |
|
Mais les plantes des monts,⎟ ni les plantes des eaux, |
6+6 |
b |
|
Le cèdre ni le thym,⎟ pas plus que les roseaux, |
6+6 |
b |
|
N’ont de celui qui t’aime⎟ aperçu le visage ; |
6+6 |
a |
|
Chaque feuille pourtant⎟ tressaille à son passage. » |
6+6 |
a |
|
|
LES SOURCES
315 |
« Les sources de la terre⎟ ont traversé les flancs, |
6+6 |
b |
|
Et les antres d’Éole,⎟ et les métaux brûlants, |
6+6 |
b |
|
Et creusé leur passage⎟ en des canaux de pierre, |
6+6 |
a |
|
Bien avant de jaillir⎟ et de voir la lumière. |
6+6 |
a |
|
Jusqu’au vaste Océan,⎟ avant de s’y plonger, |
6+6 |
b |
320 |
Par des détours sans fin,⎟ il leur faut voyager : |
6+6 |
b |
|
Ruisseaux, fleuves et lacs,⎟ fontaines, mers sans bornes, |
6+6 |
a |
|
Elles ont réfléchi⎟ bien des jours clairs ou mornes. |
6+6 |
a |
|
Neige ou pluie, elles ont⎟ visité les hauteurs, |
6+6 |
b |
|
Et monté jusqu’au ciel⎟ en subtiles vapeurs. |
6+6 |
b |
325 |
Des germes créateurs⎟ l’onde est le véhicule ; |
6+6 |
a |
|
Par elle toute sève⎟ et toute âme circule ; |
6+6 |
a |
|
Elle voit les vivants⎟ arriver par essaim, |
6+6 |
b |
|
Pour se purifier⎟ et boire dans son sein, |
6+6 |
b |
|
Mais de l’époux sacré,⎟ par qui l’onde palpite, |
6+6 |
a |
330 |
Aux sources, comme à toi,⎟ la vue est interdite ; |
6+6 |
a |
|
Tout esprit n’en connaît⎟ que ce qu’il en ressent : |
6+6 |
b |
|
Nous ne t’en dirons rien,⎟ sinon qu’il est puissant. » |
6+6 |
b |
|
|
CHŒUR INVISIBLE
|
« Nous l’avons contemplé⎟ le dieu que tu réclames ; |
6+6 |
a |
|
C’est nous qui lui portons⎟ les prémices des âmes ; |
6+6 |
a |
335 |
La vierge qu’il choisit⎟ et qu’il doit visiter |
6+6 |
b |
|
Se pare sous nos mains⎟ et nous entend chanter. |
6+6 |
b |
|
Du lin et des parfums⎟ nous ornâmes la couche |
6+6 |
a |
|
Où le premier baiser⎟ se posa sur ta bouche. |
6+6 |
a |
|
Serviteurs de l’époux,⎟ nous gardons ses secrets ; |
6+6 |
b |
340 |
Nous ne lèverons pas⎟ le voile de ses traits. |
6+6 |
b |
|
Qui d’ailleurs oserait⎟ le peindre en ton langage, |
6+6 |
a |
|
Ne tracerait de lui⎟ qu’une infidèle image. |
6+6 |
a |
|
Tu ne comprendrais pas⎟ son nom mystérieux… |
6+6 |
b |
|
Et ce que nous voyons⎟ n’est pas fait pour tes yeux. » |
6+6 |
b |
|
|
PSYCHÉ
345 |
« Sans ôter pleinement⎟ le voile à sa nature, |
6+6 |
a |
|
Dites-moi qu’il est beau,⎟ que sa jeune figure |
6+6 |
a |
|
Peut d’une ombre douteuse⎟ écarter le secours ; |
6+6 |
b |
|
Que son regard est tendre⎟ ainsi que ses discours ; |
6+6 |
b |
|
Et que la nuit est bonne,⎟ et qu’au fond des ténèbres |
6+6 |
a |
350 |
Ne glisse autour de vous⎟ nul spectre aux pieds funèbres ; |
6+6 |
a |
|
Que ce monde est pour moi⎟ peuplé d’êtres amis ; |
6+6 |
b |
|
Que l’époux m’aime enfin,⎟ comme il me l’a promis ; |
6+6 |
b |
|
Qu’il ne me berça pas⎟ d’une ivresse illusoire. |
6+6 |
a |
|
J’ai besoin de bonheur :⎟ je suis prête à vous croire ! » |
6+6 |
a |
|
|
CHŒUR INVISIBLE
355 |
« En ces lieux que l’époux⎟ gouverne sans rival, |
6+6 |
b |
|
Le soleil quelque part⎟ t’a-t-il montré le mal ? |
6+6 |
b |
|
La même âme régit⎟ la nuit et la lumière. |
6+6 |
a |
|
Tu viens d’interroger⎟ les hôtes de la terre ; |
6+6 |
a |
|
As-tu trouvé chez eux⎟ doute, amertume, effroi ? |
6+6 |
b |
360 |
Est-ce un peuple incertain⎟ de l’amour de son roi ? |
6+6 |
b |
|
|
Psyché recueille ainsi⎟ les chansons dispersées, |
6+6 |
a |
|
Et respire avec l’air⎟ de sereines pensées. |
6+6 |
a |
|
La nature paisible⎟ et dans sa fraîche fleur, |
6+6 |
b |
|
Verse le calme en elle⎟ et l’invite au bonheur ; |
6+6 |
b |
365 |
Et l’enfant, de sa bouche⎟ acceptant l’espérance, |
6+6 |
a |
|
— Tant le premier amour⎟ est plein de confiance, — |
6+6 |
a |
|
Par des nœuds éternels⎟ sentit son cœur lié, |
6+6 |
b |
|
Et l’effroi d’un moment⎟ fut bien vite oublié. |
6+6 |
b |
|
|
Chaque jour se passait⎟ aux longues rêveries, |
6+6 |
a |
370 |
Aux bains des lacs, aux fruits⎟ des vergers, aux prairies, |
6+6 |
a |
|
À la danse, au sommeil,⎟ à ce divin concert, |
6+6 |
b |
|
Qu’avec l’homme amoureux⎟ font les voix du désert ; |
6+6 |
b |
|
À réveiller l’écho⎟ des grottes endormies, |
6+6 |
a |
|
À redire aux oiseaux,⎟ aux gazelles amies |
6+6 |
a |
375 |
Et ses songes d’amante,⎟ et même, aveu plus doux, |
6+6 |
b |
|
Les secrets de la couche⎟ et les mots de l’époux. |
6+6 |
b |
|
Chaque nuit ramenait,⎟ dès les premières ombres, |
6+6 |
a |
|
Glissant comme un vent frais⎟ sous les portiques sombres |
6+6 |
a |
|
L’époux mystérieux,⎟ et jadis effrayant, |
6+6 |
b |
380 |
Qu’on implore aujourd’hui⎟ d’un cœur impatient : |
6+6 |
b |
|
Mais après chaque nuit,⎟ si remplie et si brève, |
6+6 |
a |
|
Du lit aux cent baisers,⎟ il fuyait comme un rêve. |
6+6 |
a |
|
|
|
III |
|
Le plaisir tombe en toi⎟ comme un fleuve à la mer, |
6+6 |
b |
|
Sans te remplir, ô cœur !⎟ il y devient amer. |
6+6 |
b |
385 |
Les plus fortes amours⎟ meurent dans l’habitude ; |
6+6 |
a |
|
Rien chez l’homme ne dure,⎟ hormis l’inquiétude, |
6+6 |
a |
|
Le désir éternel⎟ de l’idéal caché, |
6+6 |
b |
|
Et l’antique vautour⎟ à nos flancs attaché. |
6+6 |
b |
|
|
Quel bonheur plus d’un jour⎟ est resté sans mélange ? |
6+6 |
a |
390 |
Cependant, ô plaisir,⎟ ce n’est pas toi qui change. |
6+6 |
a |
|
Près de l’homme enivré,⎟ le vin à flots pareils |
6+6 |
b |
|
Coule des mêmes ceps⎟ entre tes doigts vermeils ; |
6+6 |
b |
|
Du vase offert par toi⎟ l’écume est aussi douce |
6+6 |
a |
|
Qu’on y trempe sa lèvre⎟ ou bien qu’on le repousse. |
6+6 |
a |
395 |
Quand l’odorat lassé⎟ refuse leurs senteurs, |
6+6 |
b |
|
C’est le même parfum⎟ qui monte à nous des fleurs. |
6+6 |
b |
|
Quand l’air trop répété⎟ de la chanson qu’on aime |
6+6 |
a |
|
Amène au bout l’ennui,⎟ la musique est la même : |
6+6 |
a |
|
Le dégoût à l’extase⎟ a trop tôt succédé, |
6+6 |
b |
400 |
Et tout trésor est vil⎟ dès qu’on l’a possédé ! |
6+6 |
b |
|
|
Rien de l’heureux vallon⎟ n’a troublé les délices ; |
6+6 |
a |
|
La rosée aussi pure⎟ y blanchit les calices, |
6+6 |
a |
|
Et le miel abondant,⎟ les fruits, l’ombrage frais, |
6+6 |
b |
|
Les bruits mélodieux⎟ s’épanchent des forêts. |
6+6 |
b |
405 |
Par tous les habitants⎟ de l’air, des mousses vertes, |
6+6 |
a |
|
Les mêmes amitiés⎟ à l’âme sont offertes. |
6+6 |
a |
|
Pourquoi rester muette⎟ à leur appel joyeux ? |
6+6 |
b |
|
Psyché, mille regards⎟ sollicitent tes yeux. |
6+6 |
b |
|
Pourquoi marches-tu seule,⎟ et de larmes baignée, |
6+6 |
a |
410 |
Sans un mot pour ta mère,⎟ avec eux dédaignée ? |
6+6 |
a |
|
Vois : la terre sourit⎟ d’un rire bienveillant |
6+6 |
b |
|
Comme tu souriais⎟ toi-même en t’éveillant. |
6+6 |
b |
|
Vallon qu’elle admirait,⎟ nature toujours belle, |
6+6 |
a |
|
Quel nuage entre vous⎟ et Psyché s’amoncelle ? |
6+6 |
a |
415 |
Charme des premiers jours,⎟ qu’êtes-vous devenu ? |
6+6 |
b |
|
Ah ! c’est qu’elle a senti⎟ l’attrait de l’inconnu ! |
6+6 |
b |
|
Ce monde est à ses yeux⎟ caché par l’invisible ; |
6+6 |
a |
|
Elle a voulu connaître…⎟ Aimer n’est plus possible ! |
6+6 |
a |
|
|
Près d’elle chaque soir⎟ Éros vient se poser ; |
6+6 |
b |
420 |
Douce est toujours sa voix,⎟ et plus doux son baiser ! |
6+6 |
b |
|
Mais Psyché, froidement,⎟ l’a reçu sans le rendre, |
6+6 |
a |
|
Sans réjouir l’amant⎟ d’une parole tendre. |
6+6 |
a |
|
Et ne songe, malgré⎟ le châtiment prédit, |
6+6 |
b |
|
Qu’à voir l’époux mystique⎟ à ses yeux interdit. |
6+6 |
b |
|
425 |
Quelquefois, pour donner⎟ le change à ses pensées, |
6+6 |
a |
|
À travers la nature,⎟ en fougues insensées, |
6+6 |
a |
|
Elle répand son âme.⎟ Au fond des horizons, |
6+6 |
b |
|
Aussi loin que le jour⎟ peut darder ses rayons, |
6+6 |
b |
|
Elle aspire, elle vole,⎟ et son esprit se pose |
6+6 |
a |
430 |
Sur les monts d’où descend⎟ l’aurore aux pieds de rose, |
6+6 |
a |
|
Ses yeux suivent les flots⎟ dans les gouffres roulants ; |
6+6 |
b |
|
Elle veut des glaciers⎟ percer les vastes flancs, |
6+6 |
b |
|
Et, plongeant jusqu’au fond,⎟ voir quels hôtes recèlent |
6+6 |
a |
|
Les cavernes d’azur⎟ d’où les ondes ruissellent. |
6+6 |
a |
435 |
Souvent, lasse d’errer⎟ dans l’inconnu lointain, |
6+6 |
b |
|
Elle s’assied, et pleure,⎟ et maudit son destin ; |
6+6 |
b |
|
Et l’amour la relève,⎟ et le doute la brise : |
6+6 |
a |
|
« Elle n’est pas aimée,⎟ et l’époux la méprise ; |
6+6 |
a |
|
Car deux cœurs peuvent-ils,⎟ quand leurs amours sontvrais. |
6+6 |
b |
440 |
Sur le lit nuptial⎟ se cacher leurs secrets ? » |
6+6 |
b |
|
|
La passion, le doute,⎟ et la soif de connaître, |
6+6 |
a |
|
Et l’orgueil et l’effroi⎟ troublent ainsi son être. |
6+6 |
a |
|
|
« S’il est beau, pourquoi fuir⎟ la lumière du jour ? |
6+6 |
b |
|
Il craint que la terreur⎟ n’efface en moi l’amour. |
6+6 |
b |
445 |
Quelque monstre hideux,⎟ masqué par les ténèbres, |
6+6 |
a |
|
M’apporte chaque nuit⎟ ses caresses funèbres. |
6+6 |
a |
|
Pourtant, comme ils sont doux⎟ ces champs dont il est roi ! |
6+6 |
b |
|
Quels peuples gracieux⎟ grandissent sous sa loi ! |
6+6 |
b |
|
Et lui seul resterait,⎟ en qui la force abonde, |
6+6 |
a |
450 |
Privé de la beauté⎟ qu’il répand sur le monde ! |
6+6 |
a |
|
Non ! sa forme est divine⎟ autant que son pouvoir ; |
6+6 |
b |
|
Celui-là devient dieu⎟ qui peut l’apercevoir ; |
6+6 |
b |
|
Le connaître en plein jour,⎟ c’est voir la beauté pure ! |
6+6 |
a |
|
Pourquoi donc me cacher⎟ sa céleste figure |
6+6 |
a |
455 |
S’il m’aime, et si son cœur,⎟ heureux de mes désirs, |
6+6 |
b |
|
De mon propre bonheur⎟ sent doubler ses plaisirs ? |
6+6 |
b |
|
|
« L’admirer dans mes bras,⎟ ô volupté sacrée ! |
6+6 |
a |
|
Être par tous les sens⎟ à la fois enivrée ; |
6+6 |
a |
|
Quand la flamme languit,⎟ dans ses yeux l’attiser ! |
6+6 |
b |
460 |
Ce charme à mon amour⎟ peux-tu le refuser ? |
6+6 |
b |
|
C’est l’orgueil, le dédain⎟ qui te voilent peut-être : |
6+6 |
a |
|
Au lieu d’un jeune époux,⎟ n’ai-je donc rien qu’un maître |
6+6 |
a |
|
Qui se fait du mystère⎟ un vêtement royal, |
6+6 |
b |
|
Et peut-être en Psyché⎟ redoute son égal ? |
6+6 |
b |
465 |
Car je suis belle aussi :⎟ la forêt, la fontaine, |
6+6 |
a |
|
Les oiseaux m’ont souvent⎟ donné le nom de reine ; |
6+6 |
a |
|
Quand j’approche du lac,⎟ l’eau baise mes pieds nus ; |
6+6 |
b |
|
Au bord pour m’adorer⎟ les cygnes sont venus ; |
6+6 |
b |
|
Le vent courbe les fleurs⎟ quand je passe près d’elles, |
6+6 |
a |
470 |
Et, douces, devant moi,⎟ se couchent les gazelles. » |
6+6 |
a |
|
|
Mais, par toutes ses voix,⎟ le monde adolescent |
6+6 |
b |
|
Lui disait de garder⎟ son bonheur innocent. |
6+6 |
b |
|
|
LES OISEAUX
|
« Sur la terre abondante,⎟ où nul ennui n’existe, |
6+6 |
a |
|
Pourquoi son plus bel hôte⎟ est-il devenu triste ? |
6+6 |
a |
475 |
Vois les oiseaux joyeux⎟ planer dans les cieux purs. |
6+6 |
b |
|
S’entr’aimer et goûter⎟ aux arbres les fruits mûrs ; |
6+6 |
b |
|
De leurs lointaines sœurs⎟ apporter les nouvelles |
6+6 |
a |
|
Aux plantes, et semer⎟ la graine des plus belles. |
6+6 |
a |
|
Quand les blés sont dorés,⎟ l’eau bleue et le ciel clair, |
6+6 |
b |
480 |
Que l’aile en des parfums⎟ se baigne au sein de l’air, |
6+6 |
b |
|
Sous les fruits et les fleurs⎟ que toutes branches ploient, |
6+6 |
a |
|
Qu’est-il besoin de voir⎟ plus que nos yeux ne voient ? » |
6+6 |
a |
|
|
LES PLANTES
|
« Bois la blanche rosée,⎟ et, sans désir jaloux, |
6+6 |
b |
|
Laisse-toi par le vent⎟ bercer ainsi que nous ; |
6+6 |
b |
485 |
Au zéphir caressant,⎟ d’où que son baiser vienne, |
6+6 |
a |
|
Les fleurs livrent leur âme…⎟ Enfant, livre la tienne ! » |
6+6 |
a |
|
|
LES SOURCES
|
« Trempe tes pieds de nacre⎟ en nos sables d’or fin, |
6+6 |
b |
|
Et laisse-nous toucher⎟ l’ivoire de ton sein, |
6+6 |
b |
|
Et monter à flot doux⎟ vers ta lèvre vermeille, |
6+6 |
a |
490 |
Et chanter en glissant⎟ au bord de ton oreille. |
6+6 |
a |
|
L’eau sur tes flancs polis⎟ dort avec volupté. |
6+6 |
b |
|
Reste ! Quel bras mortel,⎟ errant sur ta beauté, |
6+6 |
b |
|
Comme l’onde enlaçant⎟ ta blancheur qu’elle azure, |
6+6 |
a |
|
Flatterait tout ton corps⎟ d’une étreinte plus pure ? |
6+6 |
a |
|
495 |
Reste ! Nous te dirons :⎟ Sois paisible toujours, |
6+6 |
b |
|
Nous sages qui coulons⎟ depuis les anciens jours ; |
6+6 |
b |
|
Car au fond de l’eau vive⎟ une prudence habite. |
6+6 |
a |
|
Nous savons que, portée⎟ ou lentement ou vite, |
6+6 |
a |
|
Quand de l’antre natal⎟ elle a franchi le seuil, |
6+6 |
b |
500 |
Chaque goutte, malgré⎟ le rocher ou l’écueil |
6+6 |
b |
|
Remontant, s’il le faut,⎟ pluie, ou neige, ou rosée, |
6+6 |
a |
|
Dans le grand Océan⎟ est enfin déposée ! » |
6+6 |
a |
|
|
Mais l’antique serpent⎟ chez tout homme caché, |
6+6 |
b |
|
L’orgueil, l’adroit orgueil,⎟ tient le cœur de Psyché, |
6+6 |
b |
505 |
Avec son noir venin⎟ y répand goutte à goutte |
6+6 |
a |
|
La fureur de connaître,⎟ et le trouble et le doute, |
6+6 |
a |
|
Et des sens révoltés⎟ l’implacable désir, |
6+6 |
b |
|
Et l’ennui curieux,⎟ mortel à tout plaisir. |
6+6 |
b |
|
|
Elle fuit la nature,⎟ et n’en sent plus les charmes ; |
6+6 |
a |
510 |
Dans le palais désert⎟ elle va tout en larmes, |
6+6 |
a |
|
Ni les divins tableaux⎟ sur le marbre gravés, |
6+6 |
b |
|
Ni dans l’or et l’onyx⎟ les breuvages trouvés, |
6+6 |
b |
|
Ni l’acier des miroirs,⎟ ni la lyre d’ivoire, |
6+6 |
a |
|
Rien ne distrait l’enfant⎟ de sa tristesse noire ; |
6+6 |
a |
515 |
Et ses pas, tour à tour⎟ lents ou précipités, |
6+6 |
b |
|
Trahissent de son cœur⎟ les rêves agités. |
6+6 |
b |
|
|
Sur les marbres secrets⎟ d’une salle lointaine, |
6+6 |
a |
|
Qu’en ses jours de bonheur,⎟ elle approchait à peine, |
6+6 |
a |
|
— D’où venait un tel don,⎟ nouveau, mystérieux ? » — |
6+6 |
b |
520 |
Une lampe, un poignard,⎟ se trouvent sous ses yeux. |
6+6 |
b |
|
Elle s’arrête, et croit⎟ ouïr dans le silence : |
6+6 |
a |
|
« Ta main peut conquérir⎟ la force et la science. » |
6+6 |
a |
|
De ces seuls mots jetés⎟ tout son être a frémi, |
6+6 |
b |
|
Ces murs ont-ils couvert⎟ les pas d’un ennemi ! |
6+6 |
b |
525 |
Est-ce un instinct fatal⎟ dont la voix parle en elle ? |
6+6 |
a |
|
Un sombre esprit, chez nous⎟ funeste sentinelle, |
6+6 |
a |
|
Pousse-t-il l’âme au mal,⎟ jaloux de son bonheur, |
6+6 |
b |
|
Ou l’homme n’a-t-il d’autre⎟ ennemi que son cœur ?… |
6+6 |
b |
|
Mais Psyché, tout entière⎟ au désir qui l’obsède, |
6+6 |
a |
530 |
Laisse la voix monter,⎟ et l’écoute, et lui cède : |
6+6 |
a |
|
Et, dans un lieu caché,⎟ pour s’en armer plus tard, |
6+6 |
b |
|
Pose, hélas ! en tremblant,⎟ la lampe et le poignard. |
6+6 |
b |
|
|
Le chant accoutumé,⎟ suivi des odeurs pures ; |
6+6 |
a |
|
Pénètre avec le soir⎟ sous les voûtes obscures ; |
6+6 |
a |
535 |
De l’époux qui descend⎟ c’est l’amoureux signal ; |
6+6 |
b |
|
Il ramène Psyché⎟ vers le lit nuptial. |
6+6 |
b |
|
|
CHŒUR INVISIBLE
|
« Voici la nuit portant⎟ sur ses ailes paisibles |
6+6 |
a |
|
La rosée et l’amour⎟ tous les deux invisibles, |
6+6 |
a |
|
Mais que sentent bientôt⎟ couler avec douceur |
6+6 |
b |
540 |
La fleur dans son calice⎟ et l’homme dans son cœur ; |
6+6 |
b |
|
Car leur souffle s’amasse⎟ et se métamorphose |
6+6 |
a |
|
En doux soupirs dans l’âme,⎟ en perles sur la rose. |
6+6 |
a |
|
|
Laisse ton cœur chanter⎟ sous l’invisible doigt ; |
6+6 |
b |
|
Bois les pleurs de la nuit⎟ comme une fleur les boit. |
6+6 |
b |
545 |
Si l’harmonie est douce⎟ et le flot pur, qu’importe |
6+6 |
a |
|
Quel point du ciel les verse,⎟ et quel vent les apporte ? |
6+6 |
a |
|
Le cygne, ivre d’amour,⎟ frémit sur le flot pur, |
6+6 |
b |
|
Sans connaître le fond⎟ de sa couche d’azur ; |
6+6 |
b |
|
L’oiseau qui pour la rose⎟ a des chansons divines, |
6+6 |
a |
550 |
De la fleur adorée⎟ a-t-il vu les racines ? |
6+6 |
a |
|
Aime, ainsi, sans savoir,⎟ aime au sein de la nuit ; |
6+6 |
b |
|
Le jour a des éclats⎟ que la volupté fuit. |
6+6 |
b |
|
Sans que les yeux distraits⎟ fassent trembler le vase, |
6+6 |
a |
|
Le cœur, pendant la nuit⎟ recueille mieux l’extase. |
6+6 |
a |
555 |
Vois ; quand le dieu du jour,⎟ au palais de la mer, |
6+6 |
b |
|
Va chercher le repos,⎟ et plonge pour aimer, |
6+6 |
b |
|
Avant de s’approcher⎟ de la couche odorante, |
6+6 |
a |
|
Il éteint ses rayons⎟ au seuil de son amante. » |
6+6 |
a |
|
|
Les voix ont répandu⎟ le chant mélodieux, |
6+6 |
b |
560 |
Sans guérir de Psyché⎟ les désirs curieux ; |
6+6 |
b |
|
Et l’orgueil et le doute,⎟ et la soif de science |
6+6 |
a |
|
S’agitent à la fois⎟ dans son âme en démence. |
6+6 |
a |
|
|
Sur les coussins de pourpre,⎟ à côté d’elle assis, |
6+6 |
b |
|
Éros, par les baisers,⎟ combattant ses soucis. |
6+6 |
b |
565 |
Lui tient de doux propos⎟ sur sa tristesse étrange, |
6+6 |
a |
|
Et l’ardeur du plaisir⎟ renaît dans cet échange. |
6+6 |
a |
|
|
ÉROS
|
« Tu pleures ; tu me fuis⎟ et reviens tour à tour ! |
6+6 |
b |
|
Ce cœur bat, ô Psyché !⎟ mais ce n’est pas d’amour. |
6+6 |
b |
|
En des bonds inégaux⎟ ton sein monte et s’abaisse ; |
6+6 |
a |
570 |
Il semble s’agiter⎟ sous un poids qui l’oppresse. |
6+6 |
a |
|
Ma lèvre étouffe en vain⎟ tes soupirs renaissants ; |
6+6 |
b |
|
Une crainte, un désir,⎟ se disputent tes sens. |
6+6 |
b |
|
Que veux-tu ? N’as-tu pas⎟ une royauté douce ? |
6+6 |
a |
|
Tu vois dans les forêts⎟ sur ton trône de mousse, |
6+6 |
a |
575 |
Les vivants saluer⎟ ta grâce et t’adorer. |
6+6 |
b |
|
Les perles et les fleurs⎟ s’offrent pour te parer ; |
6+6 |
b |
|
À la terre qui t’aime,⎟ et qui t’appartient toute, |
6+6 |
a |
|
Aux charmes de mon lit⎟ que faut-il que j’ajoute ? » |
6+6 |
a |
|
|
PSYCHÉ
|
« Oh ! vous ne m’aimez pas,⎟ et la triste Psyché |
6+6 |
b |
580 |
N’est pour vous qu’un jouet⎟ par instant recherché. |
6+6 |
b |
|
Pourquoi, me dérobant⎟ votre aspect que j’implore, |
6+6 |
a |
|
Venir avec la nuit,⎟ partir avec l’aurore, |
6+6 |
a |
|
Et ne laisser jamais⎟ les rayons d’un beau jour |
6+6 |
b |
|
Illuminer pour moi⎟ ce lit de notre amour ? |
6+6 |
b |
585 |
Le jour va caresser⎟ les grillons dans la gerbe, |
6+6 |
a |
|
Mille insectes unis⎟ sous la mousse et sous l’herbe. |
6+6 |
a |
|
Les oiseaux et les fleurs⎟ s’aiment en plein soleil : |
6+6 |
b |
|
Le soir sur chaque nid⎟ pose un flambeau vermeil |
6+6 |
b |
|
Vous seul gardez, malgré⎟ mes plaintes échappées, |
6+6 |
a |
590 |
Nos furtives amours,⎟ dans l’ombre enveloppées. » |
6+6 |
a |
|
|
ÉROS
|
« D’un dieu plus fort que moi,⎟ c’est l’inflexible arrêt, |
6+6 |
b |
|
Ne gâtons pas du moins⎟ notre bonheur secret ; |
6+6 |
b |
|
Meure sous les baisers⎟ ta folle inquiétude ! |
6+6 |
a |
|
A ton front délicat⎟ ma lèvre est-elle rude ? |
6+6 |
a |
595 |
Comprends-tu plus d’amour⎟ dans la voix d’un époux, |
6+6 |
b |
|
Plus de jeunesse ardente⎟ et des baisers plus doux ? |
6+6 |
b |
|
Reste ainsi ! Quand tes yeux⎟ auraient vu mon visage, |
6+6 |
a |
|
Mon cœur ne pourrait pas⎟ te donner davantage. » |
6+6 |
a |
|
|
PSYCHÉ
|
« Lorsqu’en serrant ta main,⎟ j’entends ta voix de près, |
6+6 |
b |
600 |
Que je sens de ton cœur⎟ les battements secrets, |
6+6 |
b |
|
Mon âme oublie encore,⎟ ivre de ton empire, |
6+6 |
a |
|
Cette ardeur de te voir,⎟ puisqu’elle te respire. |
6+6 |
a |
|
Mais quand seule je marche⎟ à travers la clarté |
6+6 |
b |
|
Qui sur le moindre oiseau⎟ verse tant de beauté ; |
6+6 |
b |
605 |
Quand je rêve à ces nuits,⎟ à nos baisers de flamme, |
6+6 |
a |
|
Sans avoir une image⎟ à parer dans mon âme ; |
6+6 |
a |
|
Lorsque je vois la terre⎟ et le ciel radieux : |
6+6 |
b |
|
Alors tout désir cède⎟ au désir de mes yeux. » |
6+6 |
b |
|
|
ÉROS
|
« Étouffe cette envie,⎟ ô Psyché ! si tu m’aimes ; |
6+6 |
a |
610 |
Espère et te résigne,⎟ ou crains des maux extrêmes. |
6+6 |
a |
|
Mais viens, ouvre tes bras ;⎟ goûtons jusqu’au matin, |
6+6 |
b |
|
Cette part de bonheur⎟ que permet le destin. » |
6+6 |
b |
|
Comme un chant de cigale⎟ éteint sous une gerbe, |
6+6 |
a |
|
À travers le baiser⎟ expira leur doux verbe : |
6+6 |
a |
615 |
Et sur le lit de pourpre,⎟ aux pieds d’argent sculpté, |
6+6 |
b |
|
Dans l’ombre commença⎟ l’hymne de volupté, |
6+6 |
b |
|
Soupirs, cris étouffés,⎟ syllabes inouïes, |
6+6 |
a |
|
Fleurs sonores d’amour,⎟ dans l’ombre épanouies. |
6+6 |
a |
|
La curieuse ardeur⎟ des regards impuissants, |
6+6 |
b |
620 |
Abandonnant l’esprit⎟ a passé dans les sens, |
6+6 |
b |
|
L’inconnu l’aiguillonne :⎟ avide et provocante, |
6+6 |
a |
|
Psyché donne à l’époux⎟ des baisers de bacchante, |
6+6 |
a |
|
Et cherche avec fureur,⎟ trompant le vrai désir, |
6+6 |
b |
|
Cet infini caché⎟ qu’elle n’a pu saisir. |
6+6 |
b |
|
625 |
Ah ! la volupté même⎟ a sa pudeur divine, |
6+6 |
a |
|
Quand le corps règne ainsi,⎟ c’est que l’ame décline ; |
6+6 |
a |
|
Que le souffle idéal⎟ est là-haut remonté ! |
6+6 |
b |
|
Tu meurs avec l’amour,⎟ ô fleur de chasteté ! |
6+6 |
b |
|
Adieu la sainte ivresse,⎟ où le réel s’oublie. |
6+6 |
a |
630 |
Au calice des sens⎟ on boit jusqu’à la lie, |
6+6 |
a |
|
Et dans l’épais breuvage⎟ où n’est plus l’eau du ciel, |
6+6 |
b |
|
De la première goutte⎟ on cherche en vain le miel ; |
6+6 |
b |
|
Le cœur n’y goûte plus⎟ la tendresse et l’extase, |
6+6 |
a |
|
Et la lèvre en vain s’use⎟ aux bords amers du vase. |
6+6 |
a |
|
635 |
Or le sommeil qui suit⎟ le plaisir prodigué |
6+6 |
b |
|
Versait ses lourds pavots⎟ sur l’amant fatigué. |
6+6 |
b |
|
Mais Psyché veille, hélas !⎟ Qui peut enchaîner l’âme, |
6+6 |
a |
|
Pour assoupir le doute,⎟ où cueillir un dictame ? |
6+6 |
a |
|
Quel lit sait endormir⎟ les désirs de l’orgueil |
6+6 |
b |
640 |
Et l’ardeur de savoir ?⎟… Pas même le cercueil ! |
6+6 |
b |
|
|
Des bras de son époux,⎟ dont l’étreinte amollie |
6+6 |
a |
|
Sous son adroite main⎟ doucement se délie, |
6+6 |
a |
|
Psyché glisse, et du lit⎟ descend d’un pied furtif. |
6+6 |
b |
|
Elle écoute ; son souffle⎟ en son sein est captif, |
6+6 |
b |
645 |
Et, sur l’épais tapis⎟ muet contre la dalle, |
6+6 |
a |
|
Elle sort à pas lents⎟ et sans bruit de la salle. |
6+6 |
a |
|
Elle brave l’effroi⎟ des dédales obscurs, |
6+6 |
b |
|
Et dans l’ombre, guidée⎟ en s’appuyant aux murs |
6+6 |
b |
|
Jusqu’à l’endroit secret⎟ où son arme est fermée, |
6+6 |
a |
650 |
Elle y prend le poignard⎟ et la lampe allumée. |
6+6 |
a |
|
Longuement elle hésite⎟ aux approches du lit ; |
6+6 |
b |
|
Son cœur bat, son regard⎟ se trouble ; elle pâlit. |
6+6 |
b |
|
Elle va donc le voir⎟ Elle craint, elle espère, |
6+6 |
a |
|
N’ose encor sur l’époux⎟ projeter sa lumière. |
6+6 |
a |
655 |
Elle se penche enfin…⎟ Et qui frappe ses yeux ! |
6+6 |
b |
|
L’Amour !… le dieu puissant,⎟ et beau parmi les dieux ! |
6+6 |
b |
|
A peine elle aperçoit⎟ sa face inattendue, |
6+6 |
a |
|
Toute force lui manque ;⎟ elle tremble, éperdue. |
6+6 |
a |
|
L’œil mortel ne saurait⎟ porter tant d’idéal. |
6+6 |
b |
660 |
Sous le poids fléchissant,⎟ vers le lit nuptial, |
6+6 |
b |
|
Ses genoux ont frémi…⎟ La lampe vacillante |
6+6 |
a |
|
A versé sur l’époux⎟ une goutte brûlante. |
6+6 |
a |
|
Le dieu, de son repos⎟ brusquement réveillé, |
6+6 |
b |
|
Profané par les yeux,⎟ et par l’huile souillé, |
6+6 |
b |
665 |
Se dresse avec courroux,⎟ voit l’amante coupable, |
6+6 |
a |
|
Et, cachant sa pitié,⎟ de cet arrêt l’accable : |
6+6 |
a |
|
|
EROS
|
« Ah ! ce regard détruit⎟ le bonheur de tous deux ! |
6+6 |
b |
|
Tu romps entre nos cœurs⎟ les invisibles nœuds, |
6+6 |
b |
|
Et ta lampe grossière⎟ éteint la pure flamme |
6+6 |
a |
670 |
Par qui l’âme d’en haut⎟ pénétrait dans ton âme. |
6+6 |
a |
|
Mon front te restera⎟ caché comme autrefois, |
6+6 |
b |
|
Et tu perds mes baisers,⎟ mes caresses, ma voix. |
6+6 |
b |
|
Je ne descendrai plus⎟ dans ta nuit solitaire ; |
6+6 |
a |
|
Tu n’auras plus l’amour,⎟ mais toujours le mystère. |
6+6 |
a |
675 |
Le secret de mon nom,⎟ dans mon sommeil surpris, |
6+6 |
b |
|
Du divin idéal⎟ ne t’aura rien appris. |
6+6 |
b |
|
Ce vallon, ce palais⎟ d’où t’exile ta faute, |
6+6 |
a |
|
Avec toi, condamnés,⎟ n’ont plus un dieu pour hôte. |
6+6 |
a |
|
Marche dans la douleur ;⎟ chez les pâles humains, |
6+6 |
b |
680 |
Tes pieds nus traceront⎟ de pénibles chemins ; |
6+6 |
b |
|
La faim enchaînera,⎟ dans les travaux serviles, |
6+6 |
a |
|
La blancheur de tes mains⎟ et tes ailes mobiles. |
6+6 |
a |
|
Pour t’aider à porter⎟ l’exil austère et lourd, |
6+6 |
b |
|
Tu crieras vers l’époux ;⎟ mais l’époux sera sourd. |
6+6 |
b |
685 |
La nuit entre nous deux⎟ épaissira ses ombres, |
6+6 |
a |
|
Et tes rêves s’iront⎟ heurter à des murs sombres, |
6+6 |
a |
|
Sans trouver hors du doute⎟ une issue à tes pas ; |
6+6 |
b |
|
Car ton flambeau d’orgueil⎟ brûle et n’éclaire pas. » |
6+6 |
b |
|
L’immuable destin⎟ a dicté ces menaces |
6+6 |
a |
690 |
À ce cœur pacifique⎟ où résident les grâces. |
6+6 |
a |
|
Mais toujours une larme,⎟ aux yeux du triste amant, |
6+6 |
b |
|
À chaque mot cruel,⎟ jaillit et le dément ; |
6+6 |
b |
|
Et si Psyché tremblante⎟ eût pu voir ce visage, |
6+6 |
a |
|
Si de ses sens l’effroi⎟ n’eût pas troublé l’usage, |
6+6 |
a |
695 |
Des tourments à souffrir⎟ et de l’arrêt porté, |
6+6 |
b |
|
Devant tant de douleur,⎟ son âme aurait douté. |
6+6 |
b |
|
Mais trop faible à sentir⎟ d’une bouche si chère |
6+6 |
a |
|
Ces traits inattendus⎟ lancés par la colère, |
6+6 |
a |
|
Mourante, elle s’affaisse⎟ et tombe aux pieds du dieu. |
6+6 |
b |
700 |
Et lui ! Comme son cœur⎟ saigne â quitter ce lieu ! |
6+6 |
b |
|
Qu’il voudrait y laisser⎟ sa parole meilleure !… |
6+6 |
a |
|
Le destin a parlé…⎟ L’Amour fuit… mais il pleure ! |
6+6 |
a |
|
Et, douce, entre les pleurs⎟ que sa pitié versa, |
6+6 |
b |
|
Sur le sein de l’épouse⎟ une larme glissa… |
6+6 |
b |
705 |
Germe consolateur,⎟ graine du ciel tombée |
6+6 |
a |
|
Dans le sillon récent⎟ par cette âme absorbée, |
6+6 |
a |
|
Et qui devait porter,⎟ en ce champ de douleur, |
6+6 |
b |
|
Sous la ronce et l’épine⎟ une immortelle fleur. |
6+6 |
b |
|
C’est toi, belle espérance,⎟ ô fleur que rien n’arrache ! |
6+6 |
a |
710 |
Ô le plus vrai témoin⎟ de ce dieu qui se cache, |
6+6 |
a |
|
Souvenir qu’à Psyché⎟ l’époux lègue en partant, |
6+6 |
b |
|
Moisson lente à mûrir,⎟ mais que l’amour attend ! |
6+6 |
b |
|
|
|
ÉPILOGUE |
|
Nuit féconde, où l’esprit⎟ grandit pour la lumière, |
6+6 |
a |
|
Et qu’embaume en sa fleur⎟ l’innocence première ; |
6+6 |
a |
715 |
Mystère ! ô gardien⎟ qui veille également |
6+6 |
b |
|
Sur l’âme du fidèle⎟ et celle de l’amant ; |
6+6 |
b |
|
De leurs saintes ardeurs⎟ éternisant le zèle, |
6+6 |
a |
|
Tu caches la pudeur⎟ et la foi sous ton aile ! |
6+6 |
a |
|
Tout bonheur ici-bas⎟ revêt ton voile obscur, |
6+6 |
b |
720 |
Et toi seul maintiens pur⎟ ce que Dieu créa pur. |
6+6 |
b |
|
Tu donnes à l’autel⎟ ses majestés sans nombre, |
6+6 |
a |
|
Et le lit nuptial⎟ s’embellit de ton ombre. |
6+6 |
a |
|
Ah ! malheur au mortel⎟ contre toi révolté, |
6+6 |
b |
|
Qui, possédant le calme,⎟ aspire à la clarté ! |
6+6 |
b |
725 |
Maudit soit ce flambeau⎟ qui met l’amour en fuite ! |
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Pâle orgueil du savoir !⎟ le mal vient à ta suite. |
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Dans un cœur innocent⎟ comme en un vallon frais, |
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Sitôt qu’ont pénétré⎟ tes rayons indiscrets, |
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Adieu sur le beau lis⎟ les perles matinales, |
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730 |
Et la sérénité⎟ des pudeurs virginales ! |
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Quel songe n’a pas fait,⎟ et que n’a pas tenté |
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L’âme que tu séduis,⎟ ô Curiosité ! |
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Pour tendre à l’impossible,⎟ à l’inconnu qu’elle aime ; |
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Lasse des biens réels,⎟ elle a fui son Dieu même. |
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735 |
A l’arbre offert par toi⎟ cueillant le fruit fatal, |
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Du souffle de ta bouche⎟ Ève enfanta le mal. |
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b |
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Par toi, des noirs fléaux⎟ l’urne, captive encore, |
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Épancha ses torrents⎟ sous la main de Pandore. |
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Tu prêtas à Psyché⎟ sa lampe et son poignard, |
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740 |
Comme pour forcer Dieu⎟ de subir ton regard : |
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Oubliant que l’amour⎟ est la seule puissance |
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a |
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Qui force l’idéal⎟ à souffrir violence ! |
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Vois ton œuvre aujourd’hui,⎟ vois ces jardins déserts, |
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Vois la veuve immortelle,⎟ errant sur l’univers. |
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745 |
Sur les pas de Psyché⎟ tu vas régner en maître, |
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Ô toi qui perdis l’âme !⎟ ô désir de connaître ! |
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a |
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Par les fureurs du corps⎟ et celle de l’orgueil |
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Tu conduis le troupeau⎟ des humains au cercueil : |
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Les uns, pâles, penchés⎟ vers toute chose obscure, |
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Sourds aux voix de l’esprit,⎟ dissèquent la nature ; |
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a |
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D’autres plongent, sans frein,⎟ au fond des voluptés, |
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Cherchant leur infini⎟ dans les sens exaltés : |
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b |
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Tous blasphémant l’amour⎟ et la beauté féconde, |
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Ces hôtes merveilleux⎟ qu’ils ont chassé du monde ; |
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Prolongeant jusqu’au bout⎟ votre éternel péché, |
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Ève, ô sein trop fécond !⎟ Pandore ! et toi Psyché ! |
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b |
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mètre |
profil métrique : 6+6
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