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| = césure
LAP_14/LAP220
Victor de LAPRADE
VARIA
1844-1879
XV
A LA BRETAGNE
A MON AMI ÉMILE CRIMAUD
Potius niori quara fœdari.
Tu ne me connais pas, chère et sainte Armorique ; 6+6 a
D'un moins noble pays je suis le barde obscur ; 6+6 b
Je n'ai jamais encor respiré ton air pur 6+6 b
Et courbé mes genoux sur ton sol héroïque. 6+6 a
5 Moi, l'amoureux de l'ombre et l'écho des grands bois 6+6 a
Fidèle au gui sacré, couronné de verveines. 6+6 b
Je n'ai pas visi tes vieux temples gaulois, 6+6 a
« O terre de granit recouverte de chênes ! »1 6+6 b
Mais, du fond des cités et surtout des déserts, 6+6 a
10 Hôte ignoré de toi, j'ai fréquenté ton âme ; 6+6 b
J'ai vécu de ta vie et brillé de ta flamme. 6+6 b
J'ai rendu témoignage au vrai Dieu que tu sers. 6+6 a
Combien parmi tes fils n'ai-je pas eu de frères, 6+6 a
Toi qui nous mis à tous notre harpe à la main ! 6+6 b
15 Tes bardes, les premiers, m'ont tracé le chemin, 6+6 b
Et je glane après eux dans le champ de vos pères. 6+6 a
Ma Musc, en butinant le seigle et le blé noir, 6+6 a
Suivit, sous les pommiers, sur la lande fleurie, 6+6 b
L'abeille de Brizeux au jardin de Marie ; 6+6 b
20 Elle a bu de ton cidre au seuil du vieux manoir. 6+6 a
Que de fois j'ai serré cette main franche et brusque ! 6+6 a
Et comme avec amour, au soleil de ses vers. 6+6 b
Je cueille et je respire, en dépit des hivers, 6+6 b
Ta fleur d'or radieuse en son beau vase étrusque ! 6+6 a
25 Jeune encore et tremblant, j'approchai de celui 6+6 a
Qui menait le grand deuil des dieux et des ancêtres ; 6+6 b
J'ai vu René sourire en son sublime ennui ; 6+6 a
Moi chétif, j'entendis ce maître de nos maîtres. 6+6 b
Tout un siècle a germé de ce cœur soucieux ! 6+6 a
30 Son vol dans l'idéal nous a frayé la route ; 6+6 b
Aux froids ricanements du blasphème et du doute 6+6 b
Il arracha la Muse et lui rouvrit les cieux. 6+6 a
Sois fière et dans ce fils reconnais ton génie ! 6+6 a
Il montra le premier, fidèle à tous les droits, 6+6 b
35 Un citoyen debout devant la tyrannie, 6+6 a
Un poète, un penseur courbé devant la croix. 6+6 b
Je veux, mère des saints, des héros et des bardes, 6+6 a
M'unir par un hommage à tes vaillants esprits : 6+6 b
J'honore à deux genoux ceux que Dieu t'a repris. 6+6 b
40 Et je tends mes deux mains à ceux que tu nous gardes. 6+6 a
Accueille, au milieu d'eux, vassal ou compagnon, 6+6 a
Ce pèlerin, venu de la pauvre contrée 6+6 b
Où d'Urfé promena les bergers de l'Astrée. 6+6 b
Dans ton large Océan reçois notre Lignon. 6+6 a
45 Je viens comme l'idylle aux pieds de l'époe. 6+6 a
Comme le pâtre admis devant le chevalier, 6+6 b
Soldat du même Dieu, docile et familier. 6+6 b
J'incline mon bâton devant ta grande ée. 6+6 a
Nous avons eu, pourtant, nos martyrs, nos héros ; 6+6 a
50 Les vieux murs de Lyon en savent quelque chose. 6+6 b
Durant vos grands combats et pour la même cause. 6+6 b
Notre sang a cou sous les mêmes bourreaux. 6+6 a
Au pays de Forez, où ma Muse chemine. 6+6 a
De plus humbles échos s'éveillent sous ses pas, 6+6 b
55 O terre de la gloire, et nous ne portons pas 6+6 b
La couronne ducale et le manteau d'hermine. 6+6 a
Mais, tandis que chacun dans l'or voit le bonheur, 6+6 a
Chez nous, comme chez toi, c'est plus haut que l'on vise 6+6 b
Et nous avons peut-être, ô terre de l'honneur. 6+6 a
60 Le droit d'inscrire aussi ta sublime devise. 6+6 b
Nous bravons, comme toi, les faux dieux triomphants ; 6+6 a
Sous le sayon rustique et sous la noble armure, 6+6 b
Eh face des combats promis à nos enfants, 6+6 a
Nous leur disons : « La mort plutôt qu'une souillure. » 6+6 b
65 Toi, tu seras toujours le soldat obstiné, 6+6 a
La terre d u vieux droit rebelle aux nouveaux maîtres. 6+6 b
Comme en ton dur granit un chêne enraciné, 6+6 a
Tu retiens dans tes flancs la foi de tes ancêtres. 6+6 b
De nul vainqueur jamais tu n'as suivi le char, 6+6 a
70 La dernière soumise et libre la première ! 6+6 b
Ton sol a reje les traces de César ; 6+6 a
Le Christ seul t'imposa son joug fait de lumière. 6+6 b
Tout ce qui touche à toi s'empreint d'éternité. 6+6 a
Les pierres des dolmens fondront comme du sable, 6+6 b
75 Avant qu'on ne t'ébranle en ton âme indomptable ; 6+6 b
Rien n'en extirpera Dieu ni la liberté. 6+6 a
Quand tout s'abaisserait sous la force usurpée, 6+6 a
Vous seuls sur ce granit, Bretons au cœur féal. 6+6 b
Vous resteriez debout, gardant à l'idéal 6+6 b
80 Une lyre toujours et toujours une ée. 6+6 a
 Vers de Brizeux.
mètre profil métrique : 6+6
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