Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LAP_14/LAP208
Victor de LAPRADE
VARIA
1844-1879
III
LE BAPTÊME DE LA CLOCHE
A MON AMI B. DE SAINT-BONNET.
I
Monte à la tour sonore, ô reine des cantiques ! 6+6 a
Répands les grands soupirs de ton sein débordant ! 6+6 b
Dieu touchait d'un feu pur les lèvres prophétiques ; 6+6 a
Il t'a fait naître aussi dans les charbons ardents. 6+6 b
5 Le temple t'accueillit tiède encoreencor de la flamme ; 6+6 a
Comme un fils des humains, d'eau, d'encens e : de sel, 6+6 b
Le prêtre te baptise en te donnant une âme ; 6+6 a
Prends désormais ta place au chœur universel. 6+6 b
Tu reçois la parole, auguste ministère : 6+6 a
10 Sur ton front, comme au front d'un pontife ou d'un roi. 6+6 b
L'huile sainte, en coulant, livre à ta bouche austère 6+6 a
Le droit de réunir un peuple autour de toi. 6+6 b
Monte pour dominer de plus haut nos murmures ; 6+6 a
Pour verser, de ton urne aux flancs mélodieux. 6+6 b
15 Tes notes, s'épanchant plus fraîches et plus pures, 6+6 a
En des flots d'air puisés plus avant dans les cieux. 6+6 b
Vers la cime où ton maître à jamais t'a placée. 6+6 a
Mille bruits monteront du hameau, du désert, 6+6 b
Toi tu feras, fidèle à sa grande pensée. 6+6 a
20 Un accord immuable en ce changeant concert. 6+6 b
A tes pieds, les rumeurs et les échos varient ; 6+6 a
Du sein de ces forêts et des prés d'alentour 6+6 b
S'élèvent bien des voix qui pleurent ou qui rient ; 6+6 a
Les chants et les soupirs en montent tour à tour 6+6 b
25 Dans la chapelle, ici, gémissent les prières ; 6+6 a
Près du mur, des passants se disputent entre eux ; 6+6 b
Des baisers ont frémi sur le bord des clairières ; 6+6 a
Là-bas le laboureur excite ses grands bœufs. 6+6 b
Ainsi l'homme se mêle aux sons que tu disperses ! 6+6 a
30 Et, dans le calme essor de tes vibrations, 6+6 b
Ainsi meurt et renaît, en des notes diverses, 6+6 a
Le bruit de nos travaux et de nos passions. 6+6 b
Et la nature aussi, cette voix éternelle. 6+6 a
Ce clavier infini que nul n'a mesuré, 6+6 b
35 Des tons, en un moment, parcourt la grande échelle, 6+6 a
Gémit, gronde et sourit après avoir pleuré. 6+6 b
Selon que la forêt ou grandit ou décline. 6+6 a
Le vallon rend là-bas des accords différents ! 6+6 b
Dans ces ravins, coulant de la même colline, 6+6 a
40 L'eau soupire en ruisseau ou gémit en torrents. 6+6 b
La nature avec nous regrette, invoque, aspire ; 6+6 a
Tour à tour, doute, espoir ou crainte y sont vainqueurs 6+6 b
Et, pour longtemps encor, sur cette immense lyre 6+6 a
L'harmonie est changeante, ainsi que dans nos cœurs. 6+6 b
45 Toi pourtant, quels que soient la saison, le jour, l'heure 6+6 a
Dans le calme ou l'orage ayant le même son. 6+6 b
Tu nous diras, du haut de la sainte demeure, 6+6 a
Toujours le même mot et la même leçon. 6+6 b
Parole incorruptible, enseignements suprêmes ! 6+6 a
50 Grande voix dominant tous les bruits d'ici-bas, 6+6 b
Semblable à cette voix qui parle dans nous-mêmes, 6+6 a
Nous suit, et cependant ne nous appartient pas ! 6+6 b
Ce mot qui te remplit, ce nom que tu proclames, 6+6 a
Pensée à ton métal mêlée au sein du feu, 6+6 b
55 Souffle d'éternité qui soulève nos âmes, 6+6 a
C'est le nom, la pensée et le souffle de Dieu. 6+6 b
Et tu la sèmeras ton immuable idée, 6+6 a
Des cités aux forêts, des sommets aux vallons ; 6+6 b
Et, comme d'harmonie une mer débordée, 6+6 a
60 Ta voix nous poursuivra partout où nous allons. 6+6 b
De l'encens et du sel si le prêtre t'honore, 6+6 a
C'est qu'il consacre en toi le psaume fait airain ; 6+6 b
De tous les instruments, tu n'es le plus sonore 6+6 a
Que pour proclamer Dieu d'un ton plus souverain. 6+6 b
65 Répands donc, répands donc, par toute la nature, 6+6 a
Ce nom qu'au fond du cœur chaque homme doit sentir. 6+6 b
Et qu'il ne soit pas d'antre et d'âme assez impure, 6+6 a
Où ton pieux écho n'aille au loin retentir. 6+6 b
II
Et moi, l'oisif amant des bois et des prairies, 6+6 a
70 Qui, de leurs doux esprits enivré trop souvent, 6+6 b
Laisse fuir ma pensée en molles rêveries. 6+6 a
Et disperse ma vie au souffle de tout vent ; 6+6 b
Moi qu'avec un bruit d'onde, une haleine des roses, 6+6 a
La brise, dont ce tremble à peine est agité. 6+6 b
75 Mêlant mon âme errante avec l'âme des choses, 6+6 a
Peut emporter si loin hors de l'humanité ; 6+6 b
Lorsque j'irai, perdu dans les forêts prochaines. 6+6 a
Des actives cités déserteur affaibli. 6+6 b
Enviant le repos des rochers et des chênes 6+6 a
80 Et laissant là ma tâche et ma vie en oubli ; 6+6 b
Alors tu parleras, voix de la vieille église, 6+6 a
Voix comprise de tous comme un appel humain, 6+6 b
Et tu m'éveilleras, et mon âme indécise 6+6 a
S'arrachant au désert prendra le vrai chemin. 6+6 b
85 Et je n'entendrai plus la Sirène énervante 6+6 a
Qui chante avec le vent, les rameaux, le flot bleu ; 6+6 b
Un plus ferme conseil m'arrêtant sur ma pente, 6+6 a
Je me rapprocherai des hommes et de Dieu. 6+6 b
Car ta voix c'est la voix des hommes agrandie, 6+6 a
90 Leurs sueurs ont coulé pour fondre ton métal ; 6+6 b
C'est leur esprit qui parle avec ta mélodie ; 6+6 a
Ton front reçut comme eux le baptême natal. 6+6 b
A la cité des cœurs cette voix me convie, 6+6 a
Me dit que je suis homme et dois porter mes fers, 6+6 b
95 Et me ramène, enfin, au combat de la vie, 6+6 a
Que j'ai tenté de fuir pour la paix des déserts. 6+6 b
Par toi chantent l'appel des travaux, des prières, 6+6 a
Et l'écho solennel de la joie et des pleurs ; 6+6 b
En t'écoutant, j'irai demander à mes frères 6+6 a
100 Ma part de leurs destins, surtout de leurs douleurs. 6+6 b
III
Va donc, fille du feu, sur les tombeaux assise ! 6+6 a
Donne à chacun sa place en tes hymnes fervents ; 6+6 b
Chante pour ceux à qui la lumière est promise ; 6+6 a
Parle aux vivants des morts comme aux morts des vivants ! 6+6 b
105 Prends ton poste au donjon, sonore sentinelle, 6+6 a
Veille sur ces vallons, veille sur ces sommets ; 6+6 b
Garde à ces bois chéris une paix éternelle ; 6+6 a
Que la sainte amitié les habite à jamais. 6+6 b
Qu'au loin en t'écoutant la terre soit bénie ; 6+6 a
110 Comme à la voix de Dieu, qu'elle enfante à ta voix ; 6+6 b
L'abondance du ciel tombe avec l'harmonie : 6+6 a
Verse aux sillons le grain et le feuillage aux bois. 6+6 b
Garde cette maison, tu dois chérir son hôte. 6+6 a
Grand cœur où, comme en toi, l'esprit divin descend ; 6+6 b
115 C'est lui qui t'a bâti la tour solide et haute : 6+6 a
Il est de l'œuvre sainte un ouvrier puissant. 6+6 b
Et tous nous aimerons vos deux voix fraternelles ; 6+6 a
Car Dieu sur ce sommet, qui voit poindre le jour, 6+6 b
Vous mit pour nous parler des choses éternelles. 6+6 a
120 Et saluer de loin le règne de l'amour. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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