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LAP_13/LAP189
Victor de LAPRADE
LE LIVRE D'UN PÈRE
1877
XXXI
LES VACANCES
Changeons, pour ces deux mois, de livres et de maîtres. 6+6 a
Que l’encre et le papier se reposent un peu. 6+6 b
Loin de ces sombres murs, sous les pins et les hêtres, 6+6 a
Étudions ensemble à l’école de Dieu. 6+6 b
5 Nous reviendrons pâlir sur les œuvres de l’homme ; 6+6 a
La classe aujourd’hui s’ouvre à travers les buissons, 6+6 b
Après les hauts penseurs de la Grèce et de Rome, 6+6 a
Les oiseaux des forêts nous offrent leurs leçons. 6+6 b
Vous le savez, amis, leur sagesse est bien douce ; 6+6 a
10 Elle entre au fond du cœur avec l’air embaumé. 6+6 b
Nous lirons sans effort, dans l’herbe et dans la mousse, 6+6 a
Le poème éternel sur ce globe imprimé. 6+6 b
À cette heureuse école on apprend mille choses ; 6+6 a
Le disciple endormi s’y retrouve, au réveil, 6+6 b
15 Savant comme le chêne et frais comme les roses, 6+6 a
Rien qu’en ouvrant son âme aux rayons du soleil. 6+6 b
On s’instruit dans les champs, rien qu’à s’y laisser vivre, 6+6 a
Rien qu’à n’y pas fermer obstinément les yeux, 6+6 b
Rien qu’à toucher du doigt les feuillets de ce livre, 6+6 a
20 En écoutant le maître avec le cœur joyeux. 6+6 b
Ce maître, c’est le père ! il vient, heureux et tendre, 6+6 a
Aux portes du collège il attendait son jour ; 6+6 b
Il amassait pour vous, brûlant de le répandre, 6+6 a
Le plus grand des savoirs et le plus pur : l’amour. 6+6 b
25 Il donne une leçon chaque fois qu’il caresse, 6+6 a
Qu’il vous cueille une fleur, qu’il vous montre les cieux, 6+6 b
Qu’avec le souvenir de leur sainte vieillesse, 6+6 a
Il vous transmet, enfants, les baisers des aïeux. 6+6 b
La science est l’écho de leurs âmes bénies, 6+6 a
30 Le fruit de leurs conseils pratiqués tant de fois ; 6+6 b
Et vous l’entendrez mieux mêlée aux harmonies 6+6 a
Qu’ajoute à nos discours le murmure des bois. 6+6 b
Baignés de la fraîcheur des splendides aurores, 6+6 a
Vous conduirez l’étude à la cime des monts 6+6 b
35 Où la lumière en nous filtre par tous les pores, 6+6 a
Où l’arôme des pins se boit à pleins poumons. 6+6 b
Car l’esprit ne vit pas du maigre pain des livres ; 6+6 a
Il se nourrit encor de soleil, de grand air, 6+6 b
Des fluides sacrés dont les forêts sont ivres, 6+6 a
40 Des atomes ardents qui gonflent notre chair. 6+6 b
Il s’anime au contact des choses animées, 6+6 a
Au galop des coursiers, à l’odeur des prés verts, 6+6 b
En passant de l’école aux campagnes aimées, 6+6 a
Et de ces chiffres morts au vivant univers. 6+6 b
45 Tout savoir n’est pas fait de calculs et d’étude ; 6+6 a
La vie excelle, enfants, à nous le dispenser. 6+6 b
Il est bon de gravir par quelque sentier rude, 6+6 a
De sentir et de voir autant que de penser. 6+6 b
Allons prendre conseil de la terre natale ; 6+6 a
50 Interrogeons l’esprit des vallons familiers ; 6+6 b
Pour nous verser à flots sa science vitale, 6+6 a
La nature enseignante attend ses écoliers. 6+6 b
Voici la chasse ouverte et les vignes sont mûres ! 6+6 a
Je veux voir, dans la classe où demain nous entrons, 6+6 b
55 Au lieu d’encre à vos doigts le jus pourpré des mûres, 6+6 a
La poussière à vos pieds et le hâle à vos fronts. 6+6 b
Le livre aimé palpite et s’ouvre à notre approche ; 6+6 a
Il est écrit de fleurs, illustré de soleil. 6+6 b
Chaque pas fait jaillir, de l’herbe et de la roche, 6+6 a
60 Quelque brin de science, une image, un conseil. 6+6 b
Ce vaste mont, fendu de la base à la crête, 6+6 a
Des temps amoncelés nous trahit l’épaisseur ; 6+6 b
Cette plante me livre une vertu secrète ; 6+6 a
La ruse de l’oiseau se transmet au chasseur. 6+6 b
65 Ce pâtre industrieux nous instruit, sur les landes, 6+6 a
Tressant l’osier flexible ou découpant le bois ; 6+6 b
Du lait de ses troupeaux, du miel de ses légendes, 6+6 a
Le rustique chanteur nous abreuve à la fois. 6+6 b
Avec nous le semeur, à l’affût d’un présage, 6+6 a
70 Interroge le ciel si prompt à varier ; 6+6 b
Conduite sous nos yeux, l’œuvre du labourage 6+6 a
Nous apprend le respect de son mâle ouvrier. 6+6 b
Partout c’est un conseil inculqué par l’exemple ; 6+6 a
Et le soir, en rentrant, disciples des forêts, 6+6 b
75 Pleins du vivant esprit qui souffle dans ce temple, 6+6 a
Nous savons mieux prier, voyant Dieu de plus près. 6+6 b
Ainsi, même en nos jeux, l’étude se consomme, 6+6 a
Et, du sombre lycée aux lumineux sommets, 6+6 b
Sur les pas de l’enfant, pour en tirer un homme, 6+6 a
80 Marche un doux précepteur qui ne s’endort jamais. 6+6 b
Venez donc et montons à travers les bruyères, 6+6 a
Aspirant l’air chargé de parfums et d’accords, 6+6 b
Qui, des flots et des fleurs, porte en haut les prières. 6+6 a
Nous travaillons pour l’âme en exerçant le corps. 6+6 b
85 Toute vertu s’accroît de leur mâle équilibre, 6+6 a
Dans ces temps de bassesse et d’appétits sans frein, 6+6 b
Il faut, pour rester juste, il faut, pour rester libre, 6+6 a
Un ferme cœur servi par des membres d’airain. 6+6 b
Aussi bien qu’un penseur le sage est un athlète ; 6+6 a
90 Un fier combat l’attend, à toute heure, en tout lieu. 6+6 b
Il faut, pour lui forger une armure complète, 6+6 a
Que la sainte nature aide l’esprit de Dieu. 6+6 b
Allons nous raviver, nous recréer en elle ! 6+6 a
Nous reviendrons plus forts et mieux prêts au combat, 6+6 b
95 Si nous pressons du cœur la terre maternelle 6+6 a
Qui relève son fils dès que l’ennui l’abat. 6+6 b
Armons-nous, mes amis, pour les luttes prochaines, 6+6 a
Du souffle des hauts lieux sous les pins toujours verts ; 6+6 b
Allons respirer l’air que respirent les chênes 6+6 a
100 Les livres sont fermés et les bois sont ouverts. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite périodique
schéma : 25(abab)
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