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F = "e" féminin
| = césure
LAP_13/LAP183
Victor de LAPRADE
LE LIVRE D'UN PÈRE
1877
XXV
LES ENFANTS SONT PARTIS
Ils sont partis !… un lourd silence 8 a
Envahit toute la maison ; 8 b
Ces murs qu’éclairait leur présence 8 a
Se font noirs comme une prison. 8 b
5 Moi, je m’en vais, pauvre âme en peine, 8 a
Par les chambres, les corridors, 8 b
Ramassant un jouet qui traîne, 8 a
Rangeant tous leurs menus trésors. 8 b
Sur les tables, près des lits vides, 8 a
10 J’ai fermé les livres ouverts ; 8 b
Et j’arpente, les yeux humides 8 a
Le dortoir, l’atelier, déserts. 8 b
Les rois de ces petits royaumes, 8 a
Où sont-ils, mes oiseaux joyeux ? 8 b
15 Je crois voir de sombres fantômes 8 a
Dans les coins où brillaient leurs yeux. 8 b
Adieu le bruit, les jeux… les trêves 8 a
Où mes maux étaient adoucis ; 8 b
Me voilà seul avec mes rêves… 8 a
20 Je veux dire avec mes soucis. 8 b
Il faut, hélas ! que je vous voie, 8 a
Pour vivre un peu, mes chers petits ! 8 b
Vous êtes ma force et ma joie, 8 a
Enfants ! et vous voilà partis. 8 b
25 Mais vous allez dans la montagne 8 a
Remplir de fleurs votre panier, 8 b
Et mon esprit vous accompagne, 8 a
Si mon corps reste prisonnier. 8 b
Laissez-moi les trottoirs moroses, 8 a
30 Courez, joyeux, au fond des bois ; 8 b
Goûtez au miel des grandes choses 8 a
Où je m’abreuvais autrefois. 8 b
Je reste avec mes lourdes chaînes 8 a
Que Dieu n’a pas voulu briser ; 8 b
35 Allez de ma part sous les chênes 8 a
Rendre à la Muse son baiser. 8 b
Allez ! c’est votre tour de vivre 8 a
Et de fréquenter les hauts lieux, 8 b
De lire, ailleurs que dans un livre, 8 a
40 La parole qui vient des cieux. 8 b
Que je sois triste et que je reste 8 a
Dans la ville avec les moqueurs, 8 b
Pourvu qu’aux champs la fleur céleste 8 a
Fleurisse dans vos petits cœurs ! 8 b
45 Quand la chaude haleine du hâle 8 a
Brunit vos cous, vos bras chéris, 8 b
Qu’importe que mon front soit pâle 8 a
Et mes vieux os endoloris ? 8 b
Ma tâche est presque terminée ; 8 a
50 Encor quelques heures d’efforts… 8 b
Vous, au début de la journée, 8 a
Vous avez besoin d’être forts. 8 b
Vous grandissez pour la vengeance 8 a
Et pour l’honneur de vos aïeux. 8 b
55 Aimez comme moi notre France, 8 a
Et tâchez de la servir mieux ! 8 b
Sur les sommets des vieilles Gaules 8 a
Respirant notre air nourricier, 8 b
Faites-vous de fermes épaules, 8 a
60 Des bras de fer, des pieds d’acier. 8 b
Après cette école champêtre, 8 a
Il faudra, mes coureurs hardis, 8 b
Que j’hésite à vous reconnaître, 8 a
Tant je vous trouverai grandis. 8 b
65 Si ce jour-là je vous embrasse, 8 a
Dorés, brûlés par le soleil ; 8 b
Et si vous rentrez à la classe 8 a
L’œil brillant et le teint vermeil ; 8 b
Si le sang, plus pur dans vos veines, 8 a
70 Échauffe des cœurs plus ardents ; 8 b
Si vos lèvres sont toutes pleines 8 a
De joyeux récits débordants ; 8 b
Si, dans vos jeux, dans vos querelles, 8 a
Aux yeux du vaincu, du vainqueur, 8 b
75 Je vois jaillir ces étincelles 8 a
Qui promettent l’homme de cœur ; 8 b
Pour vous faire une âme plus pure, 8 a
Un cœur sans haine et sans effroi, 8 b
Si là-haut la grande nature 8 a
80 Fut un meilleur maître que moi… 8 b
Libre, alors, de l’inquiétude 8 a
Dont ces longs jours sont obsédés, 8 b
Je bénirai ma solitude 8 a
Et Dieu qui vous aura gardés. 8 b
mètre profil métrique : 8
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