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F = "e" féminin
| = césure
LAP_13/LAP172
Victor de LAPRADE
LE LIVRE D'UN PÈRE
1877
XIV
LE CHÂTEAU DE MES SONGES
Quand j’étais plus petit que vous, 8 a
Je contais déjà mon histoire ; 8 b
Heureux des songes les plus fous, 8 a
Je bâtissais ma tour d’ivoire, 8 b
5 J’entassais travaux sur travaux, 8 a
J’atteignais jusqu’au rang suprême… 8 b
Mais de tous mes projets nouveaux, 8 a
La fin était toujours la même. 8 b
Toujours une immense maison, 8 a
10 Un parc immense, à la campagne, 8 b
Apparaissaient à l’horizon 8 a
De tous mes châteaux en Espagne. 8 b
Là, nous vivions tous en commun, 8 a
Beaucoup de sœurs, beaucoup de frères ; 8 b
15 Le soir, il n’en manquait pas un, 8 a
Tantes, petits-cousins, grand’mères ; 8 b
Tous les amis, jusqu’aux derniers, 8 a
Mes joueurs de barre et de quille, 8 b
Vieilles bonnes, vieux jardiniers… 8 a
20 Tous, jusqu’aux chiens de la famille. 8 b
Petits et grands, jeunes et vieux, 8 a
Avaient santé, gaité parfaites ; 8 b
Et l’on s’aimait à qui mieux mieux 8 a
Dans ce manoir toujours en fêtes. 8 b
25 D’épais buissons, à travers champs, 8 a
Formaient sa lointaine ceinture ; 8 b
Les ennuyeux et les méchants 8 a
N’en pouvaient franchir la clôture. 8 b
Toutes les saisons à la fois 8 a
30 Se mêlaient dans ce parc étrange ; 8 b
On y faisait, à chaque mois, 8 a
Les foins, la moisson, la vendange. 8 b
Toujours des fruits, toujours des fleurs 8 a
Au temps de la neige et des bises, 8 b
35 Des fruits de toutes les couleurs, 8 a
Des raisins avec des cerises. 8 b
Donc, un jardin au fond d’un bois, 8 a
Voilà, dans ma longue innocence, 8 b
Ce que j’ai rêvé tant de fois… 8 a
40 Peut-être au delà de l’enfance. 8 b
Et c’est là, dans ce vieux manoir, 8 a
Près du Lignon ou de la Dore, 8 b
Que j’aime si fort à vous voir, 8 a
Chers enfants, quand je rêve encore, 8 b
45 Or, durant ces songes si beaux, 8 a
Dans nos brouillards toujours en cage, 8 b
Mes chers petits, mes chers oiseaux, 8 a
Nous perchons au cinquième étage ! 8 b
Et, dans mon maigre testament, 8 a
50 Faisant à chacun part entière, 8 b
Chers petits, je ne puis vraiment 8 a
Vous laisser château ni chaumière. 8 b
Mais, à défaut de la maison 8 a
Qui jamais, hélas ! ne s’achève, 8 b
55 Près de quitter vie et prison, 8 a
Amis, je vous lègue mon rêve : 8 b
Ce grand manoir sur les sommets 8 a
Devant qui tout n’est que masure, 8 b
Où nos cœurs unis à jamais 8 a
60 S’aimeront sans fin ni mesure ; 8 b
Ce jardin, là-haut, dans le bleu 8 a
Fleuri de soleils et d’étoiles, 8 b
Où nous verrons tous le bon Dieu 8 a
Sans plus de crainte et plus de voiles. 8 b
65 Dans ces murs, faits de diamant, 8 a
Sans que le plancher craque ou tremble, 8 b
Nous pourrons éternellement 8 a
Jouer, sauter, courir ensemble. 8 b
Nul de nous n’en sortira plus ; 8 a
70 Nous aurons de l’air, de l’espace ; 8 b
Tous nos amis, tous nos élus 8 a
Y tiendront à jamais leur place. 8 b
Et moi qui, jadis, tout enfant 8 a
Ai bâti ces heureux mensonges, 8 b
75 Moi, j’aurai, rêveur triomphant, 8 a
Trouvé le château de mes songes. 8 b
mètre profil métrique : 8
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