Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAP_13/LAP164
Victor de LAPRADE
LE LIVRE D'UN PÈRE
1877
VI
AMBITION
Des vœux plus inquiets que tous mes jeunes rêves 6+6 a
Depuis que je vieillis m’ont agité sans trêves ; 6+6 a
Mon cœur, exempt d’orgueil, libre des passions, 6+6 b
S’étonne, par moments, de ses ambitions ; 6+6 b
5 Je me fais, en dehors de la route commune, 6+6 a
Des chimères de gloire et de haute fortune ; 6+6 a
J’entasse des travaux et j’en médite encor, 6+6 b
Et je me surprends même à remuer de l’or ! 6+6 b
Je bâtis — moi, logé comme les hirondelles — 6+6 a
10 Des châteaux sur le roc, presque des citadelles ; 6+6 a
De sévères portraits tapissent le dedans, 6+6 b
Et l’honneur des aïeux y parle aux descendants. 6+6 b
On y suspend aux murs de vaillantes épées ; 6+6 a
Les regards sont joyeux, les mains sont occupées. 6+6 a
15 On a réparé là le temps que j’ai perdu ; 6+6 b
J’y compte des lauriers dont aucun ne m’est dû. 6+6 b
J’aime les habitants de ce donjon de marbre, 6+6 a
Car ils sortent de moi comme les fleurs de l’arbre ; 6+6 a
Autant que par le bras ils valent par l’esprit ; 6+6 b
20 Leur plume a fait pâlir mon plus brillant écrit, 6+6 b
Et, d’un coup, trouvé l’art et l’illustre matière 6+6 a
Que j’ai cherchés en vain durant ma vie entière. 6+6 a
Là fleurit le bonheur à côté du devoir. 6+6 b
Tout les trésors qu’on rêve et qu’on ne peut avoir, 6+6 b
25 Tous ceux que j’ai perdus et tous ceux que j’envie, 6+6 a
Tout ce qui m’a manqué dans cette rude vie, 6+6 a
L’espoir, enfin, s’ouvrant sur un vaste horizon, 6+6 b
Tout ce qui grandit l’âme, emplit cette maison. 6+6 b
Lorsque après un combat le soldat s’y désarme, 6+6 a
30 La tendresse l’accueille, un sourire le charme ; 6+6 a
L’élégance y rayonne, et la simplicité, 6+6 b
Et la grâce qui rend plus douce la beauté. 6+6 b
Quand j’imagine ainsi, dans mes trop longues veilles, 6+6 a
Ces hôtes, ce manoir et toutes ces merveilles, 6+6 a
35 Amis, ne croyez pas qu’oubliant la raison, 6+6 b
Je rêve d’habiter cette chère maison ! 6+6 b
J’ai vécu, je sais mieux quelle est ma destinée ; 6+6 a
J’avais ma tâche, enfants, et je l’ai terminée. 6+6 a
Je ne prétends pas vivre en ce manoir si beau ; 6+6 b
40 Je l’aperçois, de loin, par delà mon tombeau. 6+6 b
Vous savez bien pour qui j’ai ces vastes pensées, 6+6 a
Et ces ambitions autrefois repoussées. 6+6 a
Vous savez si, cherchant ou le pouvoir ou l’or, 6+6 b
Autre part qu’en vos cœurs j’ai placé mon trésor ! 6+6 b
45 Mais, pour mes bien-aimés, je suis insatiable. 6+6 a
Qu’importent mes vieux jours que la souffrance accable, 6+6 a
Si, comblé par le ciel dans mes vœux les plus doux, 6+6 b
Tout ce que je n’eus pas, je vous le donne à vous ! 6+6 b
Si, travaillant d’accord avec la Providence, 6+6 a
50 Je laisse aux chers petits la joie et l’abondance ! 6+6 a
Si je les ai faits tels, si fiers, si généreux, 6+6 b
Que l’honneur de mon nom s’agrandisse par eux ! 6+6 b
S’ils gardent mieux que moi, tout en suivant ma trace, 6+6 a
Les solides vertus qui fondent une race ! 6+6 a
55 Si, de plusieurs degrés rehaussant la maison, 6+6 b
Ils se font de leurs mains un solide blason ! 6+6 b
Jadis j’avais rêvé d’ennoblir mes ancêtres, 6+6 a
Je me réglais sur eux, je les prenais pour maîtres… 6+6 a
Il me serait, au prix des efforts que je fis, 6+6 b
60 Bien doux d’être à mon tour ennobli par mes fils ! 6+6 b
Je sais que peu de noms s’inscrivent dans l’histoire ; 6+6 a
Mais on acquiert l’honneur à défaut de la gloire : 6+6 a
On se voit estimé des esprits exigeants ; 6+6 b
Si l’on n’a pas la foule, on a les braves gens. 6+6 b
65 Fallût-il renoncer à ce lustre modeste, 6+6 a
Le bonheur est possible et la vertu nous reste ; 6+6 a
Et, sous son toit obscur, l’honnête homme a du moins 6+6 b
Les âmes de ses morts et son Dieu pour témoins ! 6+6 b
J’applaudirais d’en haut vos victoires secrètes… 6+6 a
70 Mais je reprends mon rêve, et je vous vois poètes. 6+6 a
Soldats, penseurs, guidant les cités d’un bras fort. 6+6 b
Et, de plus, satisfaits de vous comme du sort ; 6+6 b
Puis, joyeux, animés d’une secrète flamme, 6+6 a
Capables de goûter les voluptés de l’âme, 6+6 a
75 Atteignant de votre art le suprême degré, 6+6 b
Et touchant les hauteurs où j’ai tant aspiré. 6+6 b
Voilà de quels espoirs s’aiguise mon courage ; 6+6 a
Voilà pourquoi je lutte et m’excite à l’ouvrage ; 6+6 a
Voilà quels rêves d’or, dans mes nuits sans sommeil, 6+6 b
80 Me font, sans un murmure, attendre le soleil. 6+6 b
Enfants ! mon cher secours en mes peines amères, 6+6 a
Je vous bénis encor pour toutes ces chimères ; 6+6 a
Mon souci paternel m’est doux et bienfaisant, 6+6 b
Car il aide mon cœur à fuir loin du présent. 6+6 b
85 Ainsi, grâce à vous tous, et grâce à ma tendresse, 6+6 a
Je puis porter encor mes maux et la vieillesse, 6+6 a
Et, par vos douces mains tiré de ma langueur, 6+6 b
Retrouver quelquefois mon esprit et mon cœur. 6+6 b
Peut-être, aidé par vous, j’achèverai ce livre ; 6+6 a
90 Vous êtes ma raison d’espérer et de vivre. 6+6 a
Vienne donc la douleur ! Je saurai la braver, 6+6 b
Ayant gardé par vous la force de rêver ; 6+6 b
Voyant, à l’horizon, au bout de mes souffrances, 6+6 a
Mûrir en gerbes d’or mes belles espérances. 6+6 a
95 Qu’importe le passé, mon travail imparfait, 6+6 b
Si vous faites, demain, ce que je n’ai pas fait ! 6+6 b
J’accepte également, et d’une âme ravie, 6+6 a
Le combat de la mort ou celui de la vie ; 6+6 a
J’aurai bien accompli mon devoir et ma loi, 6+6 b
100 Si vous êtes meilleurs et plus heureux que moi. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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