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| = césure
LAP_11/LAP150
Victor de LAPRADE
POÈMES CIVIQUES
1873
LIVRE DEUXIÈME
XII
A LA FRANCE
Lève ton front sanglant | et montre ta blessure, 6+6 a
Mère ! nous sommes prêts | pour de nouveaux combats. 6+6 b
Lance un dernier appel | avec une foi sûre, 6+6 a
A ton Dieu dans le ciel, | à ton peuple ici-bas. 6+6 b
5 Sois fière des enfants | issus de tes entrailles ; 6+6 a
Tous ont ta flamme au cœur | et feront leur devoir. 6+6 b
Dussions-nous perdre encor | mille et mille batailles, 6+6 a
Tu peux garder, ô France, | un invincible espoir. 6+6 b
Frappe d'un pied certain | cette terre héroïque, 6+6 a
10 Des soldats en sont nés ! | vois-les tous accourir, 6+6 b
Sous les chênes bretons, | sous les palmiers d'Afrique, 6+6 a
Tous ayant fait serment | de vaincre ou de mourir. 6+6 b
Tous égaux par l'honneur, | ouvrier, gentilhomme. 6+6 a
Matelot, laboureur | soulevé des sillons… 6+6 b
15 Et, devant eux, le prêtre, | armé du Dieu fait homme, 6+6 a
A la mort des martyrs | conduit leurs bataillons. 6+6 b
Les mères et les sœurs, | pâles, mais sans murmures, 6+6 a
Serrant le havre-sac | travaillé de leurs doigts, 6+6 b
Bouclent aux flancs des fils | les rustiques armures, 6+6 a
20 Et revêtent leurs fronts | du signe de la croix. 6+6 b
Les vieux pères courbés | qui maudissent leur âge, 6+6 a
Donnant leur dernier souffle | aux efforts belliqueux. 6+6 b
Vont porter les brancards | sur le champ du carnage, 6+6 a
Pour ramasser leurs fils | ou tomber avec eux. 6+6 b
25 Le deuil vaillant, assis | au foyer de famille, 6+6 a
Unit le saint travail | à ses saintes douleurs ; 6+6 b
Pour les chers combattants | l'infatigable aiguille 6+6 a
Court avec la prière | et se mouille de pleurs. 6+6 b
Ainsi d'humble courage | et de vertu secrète 6+6 a
30 Un muet sacrifice | est offert en tout lieu… 6+6 b
Femmes, ne pleurez pas ! | la palme est toute prête : 6+6 a
Ces hommes sont martyrs, | s'il est un juste Dieu. 6+6 b
Croyons à la vertu | du noble sang qui coule, 6+6 a
Au pouvoir de ces vœux | poussés avec ardeur : 6+6 b
35 Ces victimes de choix | qui se donnent en foule 6+6 a
Ainsi que ton salut | assurent ta grandeur. 6+6 b
Tu resteras la France | et la tête du monde, 6+6 a
Le vrai peuple choisi | pour montrer le chemin. 6+6 b
Le peuple fraternel | en qui l'amour abonde. 6+6 a
40 Ouvrant à tous son cœur | et sa loyale main. 6+6 b
Car ton génie à toi, | c'est l'humanité même, 6+6 a
L'âme du Dieu martyr | saignant sur ton autel ; 6+6 b
Accepte avec orgueil | cette lutte suprême, 6+6 a
Peuple, sois patient ! |… je te sais immortel. 6+6 b
45 Tourne-toi vers le Christ | trop oublié naguère, 6+6 a
Ce Dieu des chevaliers | et non des conquérants, 6+6 b
Qui t'employa, mille ans, | à ses gestes de guerre… 6+6 a
Pour son œuvre de paix | il a besoin des Francs. 6+6 b
Si tu cessais un jour | de marcher la première, 6+6 a
50 Si tu manquais au Dieu | qui t'aime et te conduit. 6+6 b
Si les ombres du Nord | étouffaient ta lumière, 6+6 a
C'est que le genre humain | rentrerait dans la nuit. 6+6 b
Poursuis donc ce combat | sans haine, mais sans crainte : 6+6 a
Puisqu'il est à l'amour, | l'avenir est à toi. 6+6 b
55 Seule, sans alliés, | poursuis ta guerre sainte ; 6+6 a
Car nul ne t'aidera, | pas mieux peuple que roi. 6+6 b
Qu'ils gardent tous leur sang, | et que Dieu seul t'assiste ! 6+6 a
Qu'ils rêvent ta dépouille | et te raillent entre eux : 6+6 b
Nui sang n'est assez pur | dans l'Europe égoïste 6+6 a
60 Pour couler près du tien | sur ton sol généreux. 6+6 b
Tu le donnais à flots | pour le salut des autres, 6+6 a
Ce sang qui fait partout | germer la liberté ; 6+6 b
Mais il en reste encore | à tes soldats-apôtres 6+6 a
Pour toi, pour l'idéal | et pour l'humanité. 6+6 b
65 Combats loyalement | ces armes déloyales, 6+6 a
Ces sauvages pillards | au cœur sordide et froid. 6+6 b
Et montre aux nations, | tes jalouses rivales, 6+6 a
Où sont les vrais soutiens | de l'honneur et du droit. 6+6 b
Tandis qu'il va, ce roi, | ce lâche incendiaire. 6+6 a
70 Écraser les berceaux | et les femmes en deuil, 6+6 b
Toi, peuple, à tes vaincus | tends la main sans colère ; 6+6 a
Sois grand par la pitié | comme lui par l'orgueil. 6+6 b
Qu'il entasse ton or | dans ses fourgons avares, 6+6 a
Qu'il enfonce en ta chair | ses ongles de vautour : 6+6 b
75 La terre est aux plus doux | et non aux plus barbares ; 6+6 a
Tu la posséderas, | France, à force d'amour ! 6+6 b
En vain tu vois périr | tes villes embrasées, 6+6 a
Et tes plus nobles fils | égorgés dans tes bras ; 6+6 b
Quand tu t'affaisserais | sur tes armes brisées, 6+6 a
80 N'abdique pas l'espoir ! |… tu te relèveras… 6+6 b
Des malheurs surmontés | tu sortiras plus forte. 6+6 a
Libre des corrupteurs | et d'un chef criminel. 6+6 b
Pauvre, mais fière et pure… | O ma France ! qu'importe 6+6 a
La fortune d'un jour ! | ton cœur est éternel. 6+6 b
85 Tu répandras encor | sa chaleur qui déborde. 6+6 a
Aux droits des opprimés | fidèle sans retour ; 6+6 b
Toi seule tu sais vaincre | avec miséricorde : 6+6 a
Tes vainqueurs de hasard | l'apprendront quelque jour. 6+6 b
Tu verseras encor | sur tous ces peuples sombres 6+6 a
90 Tes sereines clartés | et ta vive raison ; 6+6 b
Par toi l'idée en feu | s'échappera des ombres 6+6 a
Où ces pesants rêveurs | la tiennent en prison. 6+6 b
Sans ton lucide esprit | et sans ton doux génie, 6+6 a
Confus et divisés | par des murs ténébreux, 6+6 b
95 Les peuples incertains | et privés d'harmonie 6+6 a
Comme autour de Babel | s'ignoreraient entre eux. 6+6 b
Au fraternel concert | c'est toi qui les engage ; 6+6 a
Le jour se fait pour eux | quand ta parole a lui. 6+6 b
Ils se comprennent tous | en ton heureux langage, 6+6 a
100 Clair comme le soleil | et fécond comme lui. 6+6 b
Tu ne tariras pas, | ô source de lumière ! • 6+6 a
Tes flots soulèveraient | la pierre du tombeau. 6+6 b
Jamais de ta splendeur, | de ta liberté fière,' 6+6 a
Ces barbares obscurs | n'éteindront le flambeau. 6+6 b
105 Tu vaincras ! Dieu te garde | une ère magnifique ; 6+6 a
Mon indomptable foi | me l'a su découvrir. 6+6 b
L'amour à ton enfant | donne un cœur prophétique… 6+6 a
Va, je le sentirais, | si tu devais mourir ! 6+6 b
Je ne suis qu'un poète | inhabile aux batailles. 6+6 a
110 Mais ton nom prononcé | m'enivre et me rend fort ; 6+6 b
Ta grands âme palpite | au fond de mes entrailles ; 6+6 a
J'ai vécu de ta gloire | et mourrai de ta mort. 6+6 b
Je vois ton pied, posé | sur la bête cruelle, 6+6 a
Écraser d'un seul coup | tant de rois scélérats… 6+6 b
115 J'en jure par le Dieu | qui t'a faite immortelle, 6+6 a
Ne désespère point, | ma mère, tu vaincras ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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