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LAP_11/LAP149
Victor de LAPRADE
POÈMES CIVIQUES
1873
LIVRE DEUXIÈME
XI
AU ROI GUILLAUME DE PRUSSE
Roi, l'homme qui vous parle est un homme de paix, 6+6 a
Un homme de prière, ami des bois épais, 6+6 a
Soumis aux justes lois, fidèle aux justes maîtres. 6+6 b
Nourri dans le respect des rois et des ancêtres. 6+6 b
5 Jamais un mot de lui blessant les vieilles mœurs 6+6 a
N'a brigué le succès des modernes rimeurs ; 6+6 a
Jamais, pour mendier des couronnes civiques. 6+6 b
Sa muse ne hurla sur les places publiques. 6+6 b
S'il a dit fièrement, d'un style bien trempé, 6+6 a
10 Son mépris de la fourbe et d'un sceptre usurpé, 6+6 a
Il brave en tous ses vers et dans toute sa vie 6+6 b
Le démagogue impur, fait de haine et d'envie. 6+6 b
Les aïeux dont il sort, dont il suit la leçon. 6+6 a
Dont il garde à son fils le modeste écusson, 6+6 a
15 Jugés pour leurs vertus, condamnés par le crime, 6+6 b
Mouraient sur l'échafaud du prince légitime. 6+6 b
Or voici, devant Dieu, la main levée au ciel, 6+6 a
Ce que vous dit cet homme au cœur droit et sans fiel. 6+6 a
Tu poursuis une guerre, une victoire infâmes, 6+6 a
20 O roi, sombre assassin des enfants et des femmes ! 6+6 a
Ton orgueil se repaît de larmes et de sang. 6+6 b
Ta sauvage fureur va toujours grandissant. 6+6 b
Comme l'horrible feu que tes hordes serviles 6+6 a
Promènent par ton ordre aux quatre coins des villes, 6+6 a
25 Châtiant l'orphelin, dans les bourgs envahis, 6+6 b
D'être né d'un soldat tombé pour son pays, 6+6 b
Se vengeant de l'époux sur la veuve éventrée, 6+6 a
Et faisant un désert de sa riche contrée. 6+6 a
L'incendie et le vol ont marqué tous tes pas ; 6+6 b
30 Gorgé de sang et d'or, tu ne t'en soûles pas ! 6+6 b
Voilà par quels hauts faits il veut qu'on le renomme, 6+6 a
Ce roi qui se prétend chrétien et gentilhomme. 6+6 a
Mais Dieu vous a jugé, Guillaume le Maudit ; 6+6 b
Vous n'êtes pas un roi, vous êtes un bandit ! 6+6 b
35 Toi seul et ton orgueil attisez celte guerre. 6+6 a
Dont les lâches horreurs épouvantent la terre ; 6+6 a
Il s'agit d'attacher l'Allemagne à ton char, 6+6 b
Et, Dieu l'ayant fait roi. de t'appeler César. 6+6 b
Il s'agit d'échanger un titre qu'on révère 6+6 a
40 Pour celui que portaient Néron, Claude et Tibère. 6+6 a
Tu veux être empereur au lieu de roi chrétien… 6+6 b
Va, ce titre infamant, tu le mérites bien ; 6+6 b
Cet exécrable fruit du meurtre et des rapines, 6+6 a
Ce titre, il fut toujours conquis sur des ruines ! 6+6 a
45 Va donc, poursuis ton œuvre et touches-en le prix ; 6+6 a
D'un million de morts sème le grand Paris ; 6+6 a
Lance à flots sur ses murs, piétiste hypocrite, 6+6 b
Le pétrole enflammé, ton arme favorite, 6+6 b
Et, pour que le triomphe arrive à bonne fin, 6+6 a
50 Appelle à ton secours et la peste et la faim. 6+6 a
Alors, parmi la cendre et les pans de murailles, 6+6 b
Des femmes, des enfants piétinant les entrailles, 6+6 b
Sur ton coursier sinistre, heureux de tout ce deuil, 6+6 a
Passe cette revue, objet de ton orgueil. 6+6 a
55 Écris du Champ de Mars à ta noble compagne ; 6+6 b
Signant : « César Guillaume, empereur d'Allemagne. 6+6 b
Souris au Louvre en feu quand tu savoureras 6+6 a
Des Huns et des Teutons les sauvages hourras, 6+6 a
Et sur le Carrousel fais à tes bandes ivres 6+6 b
60 Litière de nos arts, de nos dieux, de nos livres. 6+6 b
C'est ainsi qu'il convient à de preux chevaliers 6+6 a
De saluer encor ces murs hospitaliers, 6+6 a
Où naguère, abjurant la haine et les conquêtes, 6+6 b
L'Europe se pressait à nos paisibles fêtes. 6+6 b
65 Sois fier, inscris ton nom dans votre Walhalla ; 6+6 a
Prends-y ta place auguste à côté d'Attila. 6+6 a
Ton œuvre est faite, ô roi, ton œuvre très chrétienne ; 6+6 b
Repose-toi. C'est Dieu qui va faire la sienne. 6+6 b
Celte heure t'appartient, il a l'éternité ; 6+6 a
70 Ton gîte s'y prépare, et ton règne est compté. 6+6 a
Tu ne mérites pas que Jeanne d'Arc s'éveille ; 6+6 b
Mais peut-être ce soir la nièce de Corneille, 6+6 b
Servante d'une ferme ou fille d'un château. 6+6 a
Des flancs noirs de Marat retire son couteau, 6+6 a
75 Et va d'un coup pareil, pour un forfait semblable. 6+6 b
Au sale démagogue unir le roi coupable. 6+6 b
Car votre guerre à vous se fait sans foi ni loi ; 6+6 a
Vous êtes un bandit, vous n'êtes pas un roi ! 6+6 a
Régents des nations, princes, prenez-y garde : 6+6 a
80 Votre arrêt débattu pour un peu se retarde ; 6+6 a
Les peuples incertains, mais non plus à genoux, 6+6 b
Dans leurs calamités s'interrogent sur vous. 6+6 b
S'il ressort, après tout, de l'épreuve où nous sommes 6+6 a
Que les rois ne sont plus que des massacreurs d'hommes, 6+6 a
85 Si votre amour de gloire est un épouvantail 6+6 b
Pour ce siècle amoureux de paix et de travail ; 6+6 b
Si l'on sait trop qu'un roi fait, en un jour de guerre. 6+6 a
Plus de morts qu'en deux ans Danton et Robespierre ; 6+6 a
Si l'on vous voit, sanglants et fous d'ambitions, 6+6 b
90 Découper par lambeaux les pauvres nations, 6+6 b
A mille engins de mort user notre industrie, 6+6 a
Et tourner la science en œuvre de tuerie ; 6+6 a
Si la bombe et l'obus, dans vos jeux triomphants. 6+6 b
Choisissent à plaisir la femme et les enfants ; 6+6 b
95 Si vous allez porter, dans vos blocus infâmes. 6+6 a
La famine et la peste à des millions d'âmes ; 6+6 a
Si pour les orphelins broyés dans la maison 6+6 b
Un prince a les douceurs du cordonnier Simon ; 6+6 b
Si dans leur lâche nous découvrons égales 6+6 a
100 La bête populaire et les bêtes royales… 6+6 a
O rois, dignes objets de haine et de mépris, 6+6 b
L'Europe de vous tous sera libre à tout prix. 6+6 b
Et moi, fils de parents zélés pour la couronne, 6+6 a
Morts pour votre pouvoir et pour votre personne, 6+6 a
105 Moi que tous les tribuns trouvent sourd à leur voix. 6+6 b
Qui garde au fond du cœur l'amour des vieilles lois 6+6 b
Et porte hautement le deuil des vieilles races. 6+6 a
Qui professai toujours l'horreur des populaces… 6+6 a
En vous voyant finir sous le couteau sacré. 6+6 b
110 Moi, poète et chrétien, ô rois, j'applaudirai. 6+6 b
Va donc, la Bible en main, va jusqu'au bout, Guillaume ! 6+6 a
Achève d'égorger, de piller ce royaume ; 6+6 a
Ta race et toi portez inscrite à votre flanc 6+6 b
La malédiction de tout le peuple franc. 6+6 b
115 La sainte Némésis a sifflé sur vos têtes. 6+6 c
Mes vers dureront plus, ô roi, que tes conquêtes ; 6+6 c
Ils porteront plus loin que ton lâche canon. 6+6 d
Le sang dégouttera des lettres de ton nom. 6+6 d
Ton peuple quelque jour, maudissant sa victoire, 6+6 e
120 T'arrachera du front un laurier scélérat ; 6+6 f
Et tu seras cloué par la main de l'histoire 6+6 e
Entre Bonaparte et Marat. 8 f
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