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12 longueur métrique
6-6 mètre
LAP_11/LAP138
Victor de LAPRADE
POÈMES CIVIQUES
1873
LIVRE PREMIER
XV
ADIEUX A LA SATIRE
Reviens sur les hauteurs sont tes vrais domaines, 6+6 a
, dans nos grands amours,meurent toutes les haines, 6+6 a
Muse ! et fermons ce livreécrit sans le prévoir ; 6+6 b
Livre amer et dictépar un âpre devoir. 6+6 b
5 C'est assez d'un combatsans espoir de victoire. 6+6 a
Mais à nos cœurs sans fiella haine est méritoire ; 6+6 a
Nous n'avons pas vengénotre querelle à nous. 6+6 b
Et Dieu nous doit le prixde nos jours de courroux ; 6+6 b
Lui seul nous a conduitsdans ces luttes sans joie 6+6 a
10 le cygne amoureuxs'est fait oiseau de proie. 6+6 a
Il est dur au penseurde quitter l'infini, 6+6 b
Les splendides sommetsd' rien ne l'eut banni, 6+6 b
De fuir l'éternitépour le siècle nous sommes ; 6+6 a
Il est dur do quitterles forêts pour les hommes. 6+6 a
15 Nul, caché plus longtempssous ces rideaux épais, 6+6 b
N'a vécu, plus que moi,de prière et de paix. 6+6 b
Sans donner un regardà rien de a qui passe, 6+6 a
J'ai voulu vers mon Dieuvoler en plein espace. 6+6 a
J'habitai sur l'Horeb.J'ai marché, jusqu'au soir. 6+6 b
20 Avec ceux qui portaientla harpe et l'encensoir ; 6+6 b
Chez ces douces tribusà l'autel réservées, 6+6 a
Qui tiennent vers les cieuxleurs mains toujours levées, 6+6 a
Et qui, loin de la plaine l'on verse le sang. 6+6 b
Prennent part au combat…mais rien qu'en bénissant. 6+6 b
25 Quand mon cœur débordaitjusqu'aux cités prochaines, 6+6 a
Il distillait un mielcomme le tronc des chênes ; 6+6 a
Je répandais comme eux,nourri de leurs leçons, 6+6 b
La douceur et la forceen d'austères chansons. 6+6 b
Mais cette austéritén'avait rien de morose ; 6+6 a
30 Par le côté divinj'embrassais toute chose ; 6+6 a
Marchant vers l'aveniravec sérénité, 6+6 b
Je poursuivais d'amourl'invisible beauté. 6+6 b
Certes, je savais bien,dans nos bois, sur nos cimes, 6+6 a
Que mille impurs pythonsrampaient dans les abîmes. 6+6 a
35 Que la fraude et l'erreurtrônent chez les humains, 6+6 b
Que l'agneau s'y déchireaux buissons des' chemins, 6+6 b
Et qu'armé pour le droitchez un peuple en délire, 6+6 a
Tout poète a son arcaussi bien que sa lyre. 6+6 a
Mais j'ai pu, sans faiblesse,oubliant nos travers. 6+6 b
40 Perdre au milieu des boismes flèches et mes vers ; 6+6 b
Dans nos cités, alors,sentinelle rigide, 6+6 a
Portant aux yeux de toussa lance et son égide, 6+6 a
La liberté veillaitprès de la foi, sa sœur, 6+6 b
Et toute noble causeavait son défenseur. 6+6 b
45 J'ai pu fuir, à vingt ans,nos disputes civiles. 6+6 a
Nul danger n'attiraitun grand cœur dans les villes ; 6+6 a
Sans crainte, on choisissaitle jour, l'heure et le lieu, 6+6 b
Pour attaquer le viceet pour confesser Dieu. 6+6 b
On y trouvait la palmeet non pas le martyre. 6+6 a
50 La vérité servaità qui savait la dire ; 6+6 a
C'était un grand honneurpour très peu de péril… 6+6 b
Je me taisais ! J'erraiscueillant les fleurs d'avril. 6+6 b
D'autres jours sont venus :chacun ferme la bouche ; 6+6 a
Le laquais s'est montrésous le tribun farouche. 6+6 a
55 Moi, j'ai jugé ce tempsqui tue à petit bruit ; 6+6 b
Dès le premier bourgeonj'ai deviné le fruit. 6+6 b
Quand l'histoire au mensongeeut donné la parole, 6+6 a
J'abdiquai mon silenceet tout penser frivole. 6+6 a
Vingt ans déjà passés,j'écrivais tristement 6+6 b
60 Ces deux vers à la find'un pieux monument : 6+6 b
« Ami, tu le sais bien,dans l'ère qui commence. 6+6 a
Malheur à l'âme fière,à tout homme qui pense. » 6+6 a
j'ai brigué ce malheuret j'y suis parvenu. 6+6 b
Mon cœur a débordé,trop longtemps contenu ; 6+6 b
65 J'ai quitté mes déserts,l'idéal qui m'attire ; 6+6 a
Ma symphonie en pleursa dardé la satire. 6+6 a
Et j'ai brandi le fouet,et le fouet a mordu 6+6 b
Advienne que pourra,j'ai fait ce que j'ai dû. 6+6 b
Honte à qui sait mentiravec la poésie, 6+6 a
70 Qui berce en vains accordssa noble fantaisie. 6+6 a
Qui, paisible histrion,sans s'indigner de rien. 6+6 b
N'a jamais, sous l'auteur,trahi le citoyen ; 6+6 b
A qui put empilervolume sur volume 6+6 a
Sans qu'on ait su jamaisquel dieu guide sa plume. 6+6 a
75 Quand son lecteur le presse,il cache en divaguant 6+6 b
S'il est pour Mahomet,Jésus ou Tervagant. 6+6 b
Ni blanc ni noir, jamaisce prudent ne hasarde 6+6 a
D'attacher à son noml'une ou l'autre cocarde. 6+6 a
Impassible aux douleursqui ne l'atteignent pas, 6+6 b
80 La honte lucrativea pour lui des appas ; 6+6 b
Il veut enrubannerle griffon qu'il chevauche ; 6+6 a
L'art n'est, entre ses mains,qu'une exquise débauche ; 6+6 a
Pour César ou Catonil n'a jamais pris feu ; 6+6 b
Il a ses vanitéspour patrie et pour dieu. 6+6 b
85 Fallait-il, moi croyant,me courber au silence ? 6+6 a
Mériter ces souonsde lâche indifférence ? 6+6 a
Non ! Je veux que mes vers,s'ils sont un jour relus, 6+6 b
Témoignent de mon cœurquand je ne serai plus. 6+6 b
Je veux qu'en abhorrantcette époque et ses vices, 6+6 a
90 On ne me compte paspour un de leurs complices. 6+6 a
Mes fils, au moins, saurontque, jamais résigné. 6+6 b
Dans l'ombre et sous le jougje vivais indigné ; 6+6 b
Que j'ai voulu garderleur nom sans flétrissures. 6+6 a
Ils sauront qu'insensibleà mes propres blessures. 6+6 a
95 Mais jaloux pour la Franceet pour le nom chrétien. 6+6 b
Je n'ai jamais haïque par amour du bien. 6+6 b
J'ai voulu témoignerpour la muse elle-même. 6+6 a
Pour mes saintes forêts,pour les hauteurs que j'aime. 6+6 a
Pour l'idéal rêvédans mon premier printemps, 6+6 b
100 Pour la nature Dieuparle dans tous les temps. 6+6 b
Pour tout ce qu'elle enseigneau cœur qui la fréquente, 6+6 a
Pour les torrents, les lacs,pour la neige éloquente. 6+6 a
Je veux qu'on sache à quoila solitude sert 6+6 b
Et quels mâles pensersje cueillais au désert. 6+6 b
105 Que l'on n'accuse plusd'inertes rêveries 6+6 a
Mes contemplationsau vertige aguerries, 6+6 a
Le combat de Jacoblonguement soutenu 6+6 b
Et le sacré colloqueavec l'hôte inconnu. 6+6 b
On a cru qu'à l'entourde nos cimes glacées 6+6 a
110 Le froid en lourd nuageépaissit la pensée. 6+6 a
Dites si, pour jaillird'un plus profond azur, 6+6 b
Le trait que j'ai lancévous part plus obscur, 6+6 b
Si j'ai vu, de là-haut,d'un œil timide et louche, 6+6 a
Et si ma langue apprità trembler dans ma bouche. 6+6 a
115 Je suis venu ; j'ai mismon cœur à découvert 6+6 b
Comme quand je parlaisà Dieu dans mon désert. 6+6 b
J'ai dit la vérité,toujours si mal reçue. 6+6 a
Sur nos chênes gauloisj'ai pris une massue. 6+6 a
O montagne ! ô forêtd' j'ai tout apporté ! 6+6 b
120 Mon livre est né de vouscomme la liberté ; 6+6 b
Et j'ai su, moi chétif,après tant de poètes. 6+6 a
Ce qu'un vers rude et francpeut causer de tempêtes. 6+6 a
J'ai soulevé les flotsdu mensonge alarmé. 6+6 b
Autour de moi l'orageest loin d'être calmé. 6+6 b
125 Et j'entends de la grève, ma barque s'échoue, 6+6 a
Bouillonner et grondercet océan de boue 6+6 a
Qu'importe ! A vous haïrinstruisant nos neveux, 6+6 b
Mon livre existera,c'est tout ce que je veux. 6+6 b
J'ai dû faire, à mon tour,œuvre d'homme ! Elle est faite. 6+6 a
130 Je retourne au désertqui se met tout en fête. 6+6 a
J'y reprends pour toujoursl'amitié des hauts lieux ; 6+6 b
J'y veux gter encorle colloque des dieux. 6+6 b
Et, poursuivant mon rêveà travers l'invisible, 6+6 a
Chanter sans crainte, arméde mon dédain paisible. 6+6 a
135 Je sais bien qu'on verra,dans leurs chenils divers, 6+6 b
Des meutes de laquaisjapper contre mes vers ; 6+6 b
De par l'égalité,son heureuse patronne. 6+6 a
Tel démocrate iracriant : « Qu'on le bâillonne ! » 6+6 a
Épargnez-vous ce soin,délateurs ! j'ai fini ; 6+6 b
140 Du monde vous régnezje pars, je suis banni ; 6+6 b
Je vais rejoindre au lointous mes dieux qu'on insulte 6+6 a
Aux Muses de la paixje rapporte mon culte. 6+6 a
J'ai trop souillé mes yeuxde ce spectacle impur ; 6+6 b
J'ai besoin d'essuyermes regards à l'azur. 6+6 b
145 C'est trop d'un jour entierperdu dans la satire ; 6+6 a
Ne tressons plus en fouetles cordes de la lyre. 6+6 a
Reviens, chaste idéalqui m'inspiras mes chants ! 6+6 b
J'ignore à tout jamaisles sots et les méchants. 6+6 b
J'ai repris mon voyageavec les bons génies. 6+6 a
150 Mon oreille et mon cœurvont droit aux harmonies, 6+6 a
Et mon œuvre appartient,quel que soit l'avenir, 6+6 b
A ce qu'il faut aimer,à ce qu'il faut bénir. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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