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LAP_11/LAP135
Victor de LAPRADE
POÈMES CIVIQUES
1873
LIVRE PREMIER
XII
LA GUERRE
I
Le vautour de la guerre a faim de nos entrailles ; 6+6 a
Livrez-lui ces fils, votre orgueil, 8 b
Mères ! et leur disant l'adieu des funérailles, 6+6 a
Fermez sur eux vos cœurs en deuil. 8 b
5 Avant le plomb fatal, baisez cos mâles joues, 6+6 a
Ces fronts faits aux graves travaux ; 8 b
Pressez ces flancs promis aux étreintes des roues, 6+6 a
Aux pieds de fer des noirs chevaux. 8 b
Vierges qu'ils entraînaient dans la valse joyeuse, 6+6 a
10 Pleurez, fuyez ces prés charmants, 8 b
Où s'ébattront, demain, les louves sous l'yeuse, 6+6 a
Parmi les cadavres fumants. 8 b
Nos champs sont envahis par les bêtes de proie, 6+6 a
Nos champs privés de laboureurs. 8 b
15 A chaque place où Dieu fit fleurir une joie 6+6 a
Les rois ont semé des fureurs. 8 b
L'azur est sillonné d'astres de fer ; la bombe, 6+6 a
Prélude horrible des assauts 8 b
Où le viol rugit sur l'autel, sur la tombe. 6+6 a
20 S'en va foudroyer les berceaux. 8 b
Les actives cités pleurent comme des veuves. 6+6 a
L'Europe, mère du savoir, 8 b
S'obscurcit et se tait. La muse au bord des fleuves 6+6 a
Suspend son luth voilé de noir. 8 b
25 Le feu court sur le sol, le fer pleut de la nue ; 6+6 a
Les vieux volcans se sont rouverts ; 8 b
Les peuples effarés croiront l'heure venue 6+6 a
Où Dieu va briser l'univers. 8 b
II
Et pourquoi tant d'horreurs ? pourquoi, s'est dit le sage, 6+6 a
30 S'est dit l'esprit sous ses bâillons, 8 b
Pourquoi ces murs croulants, ces flammes, ces carnages, 6+6 a
Ce sang qui coule à pleins sillons ? 8 b
Ah ! c'est qu'il faut parquer sous des maîtres rigides 6+6 a
De plus nombreux troupeaux humains. 8 b
35 Changer en sceptres d'or les houlettes des guides, 6+6 a
Et mettre un globe dans leurs mains ; 8 b
Pour que d'humbles cités, reines dans leurs murailles, 6+6 a
Libres des courtisans pervers. 8 b
Aillent grossir la part des gagneurs de batailles 6+6 a
40 Qui se découpent l'univers ; 8 b
Pour que tout citoyen soumis à des lois pires, 6+6 a
Créé sujet par le canon, 8 b
Plonge, atome sans droits, dans la mer des empires 6+6 a
Et porte un chiffre au lieu d'un nom ; 8 b
45 Qu'entre les grands États promis aux tyrannies, 6+6 a
Pas un hameau, si reculé, 8 b
N'offre sa république aux vérités bannies. 6+6 a
Son pain noir au sage exilé. 8 b
C'est pour que le sculpteur, au front des capitaines 6+6 a
50 Tressant le laurier souverain, 8 b
Creuse un moule éternel à ces faces hautaines 6+6 a
Qui nous insultent dans l'airain ; 8 b
Que la loi, consacrant la grandeur usurpée, 6+6 a
Soit l'âpre vouloir du plus fort ; 8 b
55 Qu'une aveugle Thémis nous juge avec l'épée, 6+6 a
Que tout arrêt donne la mort ; 8 b
Pour que tout soit de fer chez un peuple machine ; 6+6 a
Que le penseur, mol histrion, 8 b
Prônant la servitude, aille courber l'échine 6+6 a
60 Sous le cep du centurion. 8 b
Voilà pour quel triomphe il faut que ton fils meure ; 6+6 a
Pourquoi ton sang coule, ô Rachel ! 8 b
Pourquoi le recruteur entré dans ta demeure 6+6 a
Y laisse un désert éternel. 8 b
III
65 Ah ! quand le citoyen d'une cité sans maître 6+6 a
Doit sauver les lois en mourant ; 8 b
S'il s'agit de garder la terre des ancêtres 6+6 a
Vierge des pas d'un conquérant ; 8 b
Quand, la liberté sainte aux flots des mercenaires 6+6 a
70 Opposant ses trois cents soldats, 8 b
On suit, sous le drapeau des hardis volontaires. 6+6 a
Non Xerxès, mais Léonidas ! 8 b
Lorsque VOS fils armés pour les droits de leurs villes 6+6 a
Teindront de leur sang généreux 8 b
75 Les sentiers de l'Argonne ou ceux des Thermopyles, 6+6 a
Mères ! ne pleurez pas sur eux. 8 b
Au dernier qui vous reste attachez, pour qu'il parte, 6+6 a
Ses éperons de chevalier, 8 b
Et dans un fier adieu dites-lui comme à Sparte : 6+6 a
80 « Avec ou sur ton bouclier ! » 8 b
Que l'aïeul affaissé sous la cotte de mailles, 6+6 a
L'aïeul aveugle aux pas pesants, 8 b
Marche et frappe à tâtons, dans ces saintes batailles, 6+6 a
Conduit par l'enfant de dix ans ! 8 b
85 Alors n'éveillez pas la pitié qui s'est tue, 6+6 a
Muses, mais volez aux remparts 8 b
Quand la patrie en deuil a crié : « Meurs ou tue ! » 6+6 a
Chantez la hache et le poignard. 8 b
IV
Mais si l'avide orgueil arme le bras des princes. 6+6 a
90 Quand deux rois s'en vont, sans remords, 8 b
Jouer au jeu cruel d'extorquer des provinces 6+6 a
Au prix d'un million de morts ; 8 b
Quand, pour se blasonner du nom d'une victoire, 6+6 a
Les pâles chefs des légions, 8 b
95 D'égorger avec art briguant l'atroce gloire, 6+6 a
S'élancent sur les nations, 8 b
Muses, de ces forfaits ne soyez pas complices ! 6+6 a
Les martyrs, voilà vos héros ! 8 b
Armez-vous de l'iambe et vouez au' supplice 6+6 a
100 La mémoire et l'art des bourreaux. 8 b
D'autres enlaceront les rimes en guirlandes 6+6 a
Sous les idoles des Césars ! 8 b
Toi, quand passe Bellone avec ses sombres bandes, 6+6 a
Chante la paix, mère des arts ! 8 b
105 Chante la liberté que la discorde exile ! 6+6 a
Rappelle aux peuples désunis 8 b
Les gloires du travail et la vertu civile 6+6 a
Ose frapper, toi qui bénis ! 8 b
Toi qui vas, s'il le faut, suppliante et courbée. 6+6 a
110 Dire aux rois pasteurs des humains 8 b
Qu'une seule prière aux pieds de Dieu tombée 6+6 a
Éteint la foudre dans ses mains… 8 b
Muse ! insulte à ces rois dont le temple s'élève 6+6 a
Sur des montagnes d'ossements, 8 b
115 Va sous ton vers de bronze à l'épreuve du glaive 6+6 a
Broyer ces lauriers infamants. 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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