Métrique en Ligne
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| = césure
LAP_11/LAP131
Victor de LAPRADE
POÈMES CIVIQUES
1873
LIVRE PREMIER
VIII
L' AGE D'OR
ÉGLOGUE
DAPHNIS, TITYRE
DAPHNIS
Étends-toi sous ce hêtre, et devisons, Tityre : 6+6 a
Reviens à tes moutons et quitte la satire. 6+6 a
Lâcher des vérités, vois-tu, c'est un travers 6+6 b
Dont se mordent les doigts tous les faiseurs de vers ; 6+6 b
5 C'est un mauvais métier qui nourrit mal son homme 6+6 a
Et qui le rend suspect aux magistrats de Rome. 6+6 a
A quoi t'auront mené ces grands airs de vertu ? 6+6 b
Notre époque a du bon ; que lui reproches-tu ? 6+6 b
On peut se divertir, on peut remplir sa poche ; 6+6 a
10 Ce temps est libéral ; tâte un peu ma sacoche ! 6+6 a
L'esprit de notre siècle est honnête, élevé. 6+6 b
Doux, large et tolérant… on te l'a bien prouvé. 6+6 b
TITYRE
A suivre tes conseils ton exemple m'invite, 6+6 a
Daphnis, il fallait donc me sermonner plus vite, 6+6 a
15 Berger sage entre tous ! j'eus tort :je le vois bien, 6+6 b
Lorsqu'avec mon troupeau je compare le tien. 6+6 b
Tu possèdes cent bœufs, j'ai douze brebis maigres ; 6+6 a
Tu vis de gras agneaux, moi de fromages aigres ; 6+6 a
Tu t'arrondis ; tu fais une bonne maison ; 6+6 b
20 Tu réussis, Daphnis, tu dois avoir raison. 6+6 b
Parle et je t'obéis comme à Pan notre maître. 6+6 a
Quand il guidait mes doigts sur la flûte champêtre. 6+6 a
Donc pour plaire à chacun et vivre largement, 6+6 b
Quel air faut-il jouer, et sur quel instrument ? 6+6 b
DAPHNIS
25 Mon Dieu, rien de trop neuf ! Laissant là ta morale, 6+6 a
Tu peux comme au vieux temps chanter la pastorale, 6+6 a
Les roses, le sainfoin, le pasteur Corydon, 6+6 b
La belle Amaryllis et son mol abandon, 6+6 b
Le miel de l'âge d'or, les jeux dans les prairies,… 6+6 a
30 Tous nos hommes d'État aiment les bergeries ; 6+6 a
Rien de tel pour calmer les noires passions 6+6 b
Et nous donner l'horreur des révolutions. 6+6 b
Mais ne va plus, au moins, te perdre dans les nues, 6+6 a
A travers tes forêts, tes cimes inconnues, 6+6 a
35 Où dans l'air libre et pur les aigles font leur nid, 6+6 b
Où l'on fuit les tyrans jusque dans l'infini. 6+6 b
Où la liberté gronde avec les avalanches… 6+6 a
Où, quand j'y passai, moi, j'ai vu scier des planches. 6+6 a
Dans tes glaciers, enfin, ne va plus t'enfermer ; 6+6 b
40 On ne te lirait pas de peur de s'enrhumer. 6+6 b
Rentre un peu dans la plaine, au moins on peut t'y suivre : 6+6 a
La vigne et les vergers permettent d'y bien vivre. 6+6 a
Non loin du poulailler, et, — nargue aux beaux discours, 6+6 b
Le pot-au-feu ne bout qu'auprès des basses-cours. 6+6 b
45 Pourquoi donc tes bergers, devant une bouteille. 6+6 a
N'iraient-ils pas s'asseoir et chanter sous la treille ? 6+6 a
Les vieux hêtres touffus ne sont plus très communs. 6+6 b
L'eau pure et les torrents font peur à quelques-uns ; 6+6 b
La poésie en est très mal réconfortée. 6+6 a
50 Peins-nous des lieux, des mœurs plus à notre portée. 6+6 a
TITYRE
C'est dit ; mais sois encore indulgent, cette fois. 6+6 b
Pour un travers d'enfance apporté de mes bois. 6+6 b
Laisse-moi commencer par dire une prière. 6+6 a
Comme si j'étais seul, là-haut, sur ma bruyère, 6+6 a
55 J'invoque donc les dieux qui m'ont fait ces loisirs ; 6+6 b
J 'offre humblement, — docile à tous les bons plaisirs, • 6+6 b
Selon le rite ancien et la rubrique neuve. 6+6 a
Un bœuf à Jupiter, un cierge à Sainte-Beuve… 6+6 a
Et maintenant, à bas les grands mots attristants ; 6+6 b
60 Bon appétit, bon somme à tous les assistants ! 6+6 b
A l'est, au nord, au sud, je salue à la ronde. 6+6 a
Et je signe d'avance : Ami de tout le monde. 6+6 a
Suis-je bien dans le ton ?
DAPHNIS
Pas trop mal débuté ! 6+6 b
TITYRE
Bon ! mais sur quel sujet parlais-je, en vérité ? 6+6 b
DAPHNIS
65 Un seul, Tityre, un seul est toujours à la mode : 6+6 a
Pas de gouvernement qui ne s'en accommode ; 6+6 a
Il plane en liberté sur nos dissensions ; 6+6 b
Il voit naître et mourir les constitutions : 6+6 b
L'amour !.. Il est des vieux et des nouveaux régimes, 6+6 a
70 Il y trouve pardon de tous ses petits crimes ; 6+6 a
L'amour ! ce dieu maudit est toujours encensé, 6+6 b
Ce dieu malin…
TITYRE
Daphnis, je l'ai bien offensé ! 6+6 b
Bavius m'en a fait maintes fois le reproche ; 6+6 a
Peut-être il a raison, je porte un cœur de roche ! 6+6 a
75 Jamais, chez moi, Phœbus, se fondant tout en eau, 6+6 b
N'a pleuré de tendresse à remplir un tonneau. 6+6 b
Je n'ai pas un sonnet pour chaque nom de femme ; 6+6 a
J'ai très peu fait rimer mon âme avec ma flamme 6+6 a
Et j'ai laissé la plainte aux pasteurs déplumés, 6+6 b
80 Brûlés de plus de feux qu'ils n'en ont allumés. 6+6 b
Mais, comme il faut ici que chacun s'exécute, 6+6 a
Pleurons un peu d'amour sur la lyre et la flûte. 6+6 a
Puisque, faute de mieux, et par crainte des loups. 6+6 b
Je me suis fait berger, soyons tendre et jaloux, 6+6 b
85 Ayons notre Philis, abordons la romance ; 6+6 a
Aimons, pleurons, chantons, soupirons… Je commence 6+6 a
« Pour trois ans seulement, oh ! que je puisse avoir, 6+6 b
Sur ma table un lait pur, dans mon lit un œil noir. » 6+6 b
DAPHNIS
Tityre, oh ! quel début !
C'est du Joseph Delorme, 6+6 a
90 Un professeur d'amour qui mourut pour la forme, 6+6 a
Un élégant berger, poitrinaire, autrefois… 6+6 b
DAPHNIS
Mais qui donne aujourd'hui, joliment de la voix ! 6+6 b
Le temps n'est plus aux pleurs, aux rêves, aux mansardes ; 6+6 a
Il nous faut à présent des Muses plus gaillardes, 6+6 a
95 Plus hautes en couleurs. On était Séraphin, 6+6 b
On redevient Gaulois, et l'on veut rire enfin. 6+6 b
Bergers, changez de ton, et changez de bergères ! 6+6 a
Qu'Elvire et Béatrix, grands dieux, vous soient légères ! 6+6 a
D'un peu de crinoline enflant leur cotillon, 6+6 b
100 Rendez-nous, s'il vous plaît, Lisette et Frétillon. 6+6 b
TITYRE
Je t'ai pris pour conseil et suis prêt à tout faire : 6+6 a
Il me faut un succès, Daphnis ; je tiens à plaire, 6+6 a
Et ma Muse, d'ailleurs, n'est pas collet monté. 6+6 b
Mais prenons un miroir, Daphnis ; en vérité. 6+6 b
105 On grisonne, on bourgeonne, on est chauve… on enrage ! 6+6 a
Que faire ? On est forcé d'avoir enfin son âge. 6+6 a
Tant pis pour nos chansons, pasteurs infortunés ; 6+6 b
J'ai grand'peur que Lisette en rie à notre nez, 6+6 b
Et qu'à suivre Ninon qui fuit entre les saules,' 6+6 a
110 Nous ne soyons, Daphnis, un peu lourds, un peu drôles ! 6+6 a
DAPHNIS
Alors ne rimons plus, et soupons, ô bergers ! 6+6 b
Quel genre et quel sujet n'offrent pas leurs dangers ? 6+6 b
La satire ? Elle excite au mépris, à la haine. 6+6 a
L'ode, avec ses grands mots, sent sa républicaine. 6+6 a
115 Et jette dans les cœurs une exaltation 6+6 b
Dont pourrait profiter la révolution. 6+6 b
Je craindrais, d'autre part, en risquant l'épopée. 6+6 a
De louer assez mal nos grands hommes d'épée. 6+6 a
La tragédie en pleurs… est pleine de coquins ; 6+6 b
120 Puis on rencontre là des Brutus, des Tarquins, 6+6 b
Des Césars ; on est pris au mot par l'auditoire. 6+6 a
On peut s'y compromettre ; autant vaudrait l'histoire. 6+6 a
Notre vieux vaudeville a pour lui les rieurs ; 6+6 b
Mais on peut rire, hélas ! de ses supérieurs. 6+6 b
125 C'est un travers où va souvent la comédie. 6+6 a
J'aurais peur d'y tomber ; ma plume est trop hardie. 6+6 a
TITYRE
Quel est donc mon asile, et que puis-je imprimer, 6+6 b
Si le diable m'inspire une ardeur de rimer ? 6+6 b
DAPHNIS
M'y voilà ! Tu pourrais rendre ton nom célèbre, 6+6 a
130 Tityre, à mettre en vers la chimie ou l'algèbre. 6+6 a
TITYRE
Nous y viendrons, Daphnis, au bout de nos romans ; 6+6 b
Mais n'anticipons pas sur les événements… 6+6 b
J'aurais mieux fait, je crois, d'épouser l'élégie. 6+6 a
DAPHNIS
Moi, je me sauverais dans l'archéologie ; 6+6 a
135 Ce terrain paraît neutre, il est moins dangereux. 6+6 b
Tiens, justement, là-bas, aperçois-tu ce creux, 6+6 b
Près de ma chèvre blanche, au pied d'un bouquet d'ormes 6+6 a
Il est rempli, mon cher, de questions énormes : 6+6 a
Est-ce une cave, un puits, une citerne, un four. 6+6 b
140 Une tombe, un canal, un silo ?… Chaque jour 6+6 b
Un monsieur décoré le dessine et le toise ; 6+6 a
On y vient de Paris, on y vient de Pontoise ; 6+6 a
Les consuls y viendront, le préfet est venu. 6+6 b
Et l'objet de ce creux reste encore inconnu ! 6+6 b
145 Moi, j'ai fait ma trouvaille ; elle n'est pas petite : 6+6 a
Vois ceci ! c'est d'un casque ou bien d'une marmite ; 6+6 a
Or, les Gaulois campaient sur ce mont que voilà ; 6+6 b
César, un jour de bise, ayant passé par là… 6+6 b
TITYRE
Arrête ! et plus un mot, Daphnis, tu m'épouvantes. 6+6 a
150 Diable ! où nous conduiraient ces questions savantes ? 6+6 a
Laisse le grand César poursuivre son chemin ; 6+6 b
Tu pourrais mal parler d'un empereur romain. 6+6 b
Et les officieux…
DAPHNIS
Au fait, tout est possible ; 6+6 a
On tirerait sur moi comme sur une cible. 6+6 a
155 Avec le proconsul, brouillons-nous, s'il vous plaît ; 6+6 b
C'est moi qui lui fournis son fromage et son lait ! 6+6 b
Mais, voyons, puisqu'enfin ta lyre te démange, 6+6 a
Et qu'on ne peut se taire, et qu'on n'est pas un ange, 6+6 a
El qu'Apollon, Minerve, ayant beau t'enrhumer, 6+6 b
160 Et Satan ne pourraient t'empêcher de rimer. 6+6 b
Pourquoi ne pas traiter, sans nous rompre la tête, 6+6 a
Le vrai sujet, le seul utile, aimable, honnête. 6+6 a
L'éloge de ton temps, sa grandeur, ses progrès ? 6+6 b
Ah ! c'est là qu'on se carre et qu'on vit à l'engrais ! 6+6 b
165 Plus docile, à ta place, et quittant ce ton rogue. 6+6 a
Je ferais franchement ma quatrième églogue. 6+6 a
Vaux-tu mieux que Virgile ? est-il déshonoré 6+6 b
Pour avoir encensé son maire et son curé ? 6+6 b
Et son illustre ami, le chansonnier, Horace, 6+6 a
170 Mit-il tant de façons à jeter sa cuirasse ? 6+6 a
N'a-t-il pas célébré, par amour du quitus, 6+6 b
Mœcenas, atavis édite regibus ? 6+6 b
Veux-tu d'autres leçons ? notre histoire en fourmille. 6+6 a
TITYRE
Tu m'en citeras tant ! Puisqu'on est en famille,… 6+6 a
175 Je fais comme eux ; en place ! on s'est trop amusé : 6+6 b
Haussez un peu le ton, Sicelides musæ ! 6+6 b
Voici le temps prédit par l'oracle de Cumes. 6+6 a
Tous n'aiment pas les champs, le pain bis, les légumes ; 6+6 a
Si nous chantons les bois et les haricots verts, 6+6 b
180 Au goût de nos consuls accommodons nos vers. 6+6 b
Saturne est de retour avec la vierge Astrée. 6+6 a
A bas les tourniquets ! la hausse est assurée. 6+6 a
Nous tenons l'âge d'or ; gare aux ruisseaux de miel ! 6+6 b
Et les faisans truffés tombent déjà du ciel. 6+6 b
185 Les gens qui font pour nous cette haute cuisine 6+6 a
Auront mille héritiers. Sois propice, ô Lucine ! 6+6 a
Ton Apollon chez nous s'est impatronisé ; 6+6 b
Un nouvel art commence et tout devient aisé. 6+6 b
De l'antique idéal on a fait l'épitaphe, 6+6 a
190 Le poète n'est plus qu'un simple photographe ; 6+6 a
L'art ne vient plus de l'âme, il siège au bout des doigts 6+6 b
J'ai peint comme j'ai vu, j'ai fait ce que je dois. 6+6 b
Quel progrès nous ferons, l'âme étant trépassée, 6+6 a
Dans ce monde, — autrefois nommé, — delà pensée, 6+6 a
195 Quand les sots, les fripons, le singe et le corbeau, 6+6 b
Seront les juges nés de l'honnête et du beau ! 6+6 b
Quand nos lois, notre honneur, ma flûte et votre lyre, 6+6 a
Tout dépendra des gens qui ne savent pas lire ! 6+6 a
Voilà pour quels succès grandissent nos rimeurs. 6+6 b
200 Comme, avec ces beaux arts, on fait de belles mœurs ! 6+6 b
Au bilan du progrès, Phœbus, sans rien soustraire. 6+6 a
Inscrit l'invention du mouchard littéraire. 6+6 a
L'art, du reste, en revient à ses premières lois : 6+6 b
Orphée a fait, dit-on, la police des bois ; 6+6 b
205 Il instruisait les loups à se tenir tranquilles. 6+6 a
La lyre d'Amphion a nettoyé les villes. 6+6 a
Rêver un temps pareil n'est pas d'un insensé. 6+6 b
Toute chose finit comme elle a commencé. 6+6 b
Les chanteurs sont encor nos dieux et nos oracles. 6+6 a
210 L'art peut faire aujourd'hui les plus touchants miracles : 6+6 a
A se tenir debout il dressa les humains, 6+6 b
Il peut nous ramener à marcher sur les mains. 6+6 b
Nos mœurs, en attendant, sont beaucoup plus honnêtes : 6+6 a
On a fait une loi pour protéger les bêtes. 6+6 a
215 L'État, qui prévoit tout, qui guérit tous les maux, 6+6 b
Étend ses petits soins à tons les animaux ; 6+6 b
Devant lui le cocher est égal à ses rosses. 6+6 a
Mes veaux, à l'abattoir, sont menés en carrosses ; 6+6 a
Des wagons suspendus, bien clos, à très bas prix, 6+6 b
220 Aux gueules des canons transportent les conscrits. 6+6 b
Tous les jours un savant — le Siècle nous, l'assure — 6+6 a
Invente quelque engin qui rend la paix plus sure : 6+6 a
Une poudre, un mortier, qui font, en peu d'instants. 6+6 b
Sauter toute une ville et tous ses habitants. 6+6 b
225 Les femmes, les vieillards… Tu vois, ô cœur sensible, 6+6 a
Qu'on rend ainsi la guerre à jamais impossible. 6+6 a
C'est pourquoi j'ai placé mes gains de quatre hivers. 6+6 b
En sabres, coutelas, tromblons et revolvers : 6+6 b
Je travaille à la paix en ce qui me regarde ; 6+6 a
230 J'ai fondu mes chaudrons pour faire une bombarde. 6+6 a
— Dans une heure on clora le temple de Janus, 6+6 b
Et le reste du jour sera tout pour Vénus. 6+6 b
O Vénus ! c'est pour toi, — si l'on fait rien qui vaille, — 6+6 a
Adorable Vénus, c'est pour toi qu'on travaille : 6+6 a
235 Pour vous, jeunes amours ailés et peu vêtus. 6+6 b
Voluptés à tous crins, qui serez nos vertus ! 6+6 b
Le chauve hymen est mort avec ses vieilles roses 6+6 a
Et ses fades plaisirs et ses devoirs moroses ; 6+6 a
A périr de famine on l'avait condamné ; 6+6 b
240 Il était peu gênant, c'est vrai, mais fort gêné. 6+6 b
Un seul mari, — fût-il possesseur d'une mine, — 6+6 a
Ne pouvait plus suffire à tant de crinoline ; 6+6 a
L'hymen s'y morfondait en poussant des hélas ! 6+6 b
Tout un essaim d'amours niche en ces falbalas ; 6+6 b
245 On passe, on vole, on fuit dès qu'on cesse de plaire ; 6+6 a
Tout comme les oiseaux, sans maire et sans notaire. 6+6 a
A quoi bon s'enchaîner et se mettre en prison 6+6 b
Pour se donner des fils et faire une maison ? 6+6 b
L'âge d'or n'est-il pas un heureux pêle-mêle ? 6+6 a
250 Nous y mangerons tous à la même gamelle ; 6+6 a
On n'y connaîtra plus ni le tien ni le mien ; 6+6 b
Sans foyer, sans famille, on y vivra fort bien. 6+6 b
L'État sera chargé tout seul de la cuisine ; 6+6 a
C'est par lui, c'est pour lui que l'on dort, que l'on dîne ; 6+6 a
255 Il pense à notre place, il enseigne, il écrit. 6+6 b
Vois quelle économie et quel repos d'esprit ! 6+6 b
Un seul commis, veillant sur la machine ronde, 6+6 a
Tourne la manivelle et fait aller le monde. 6+6 a
Quelques longs fils partis de ce centre commun 6+6 b
260 Meuvent les pieds, les mains, la langue de chacun. 6+6 b
Le temps ne se perd plus en discussion vaine. 6+6 a
On n'a plus à soigner que sa propre bedaine ; 6+6 a
On reçoit tout bâclés son culte et son tabac. 6+6 b
Sans répondre de rien qu'envers son estomac. 6+6 b
265 Raisonner, je l'avoue, est un beau privilège ; 6+6 a
Mais j'abdique aisément ce plaisir de collège ; 6+6 a
J'aime à me décharger de tout soin hasardeux : 6+6 b
Que l'on pense pour moi, je dînerai pour deux ! 6+6 b
C'est l'état d'innocence et la paix assurée. 6+6 a
270 Voici venir les jours de Saturne et de Rhée. 6+6 a
Va ! nous ferons de l'homme un heureux animal ! 6+6 b
Discerne qui voudra le bien d'avec le mal ; 6+6 b
On rit, on danse, on boit, on aime, on se caresse. 6+6 a
Vrai ! rien que d'y songer j'en pleure de tendresse. 6+6 a
275 Ah ! pourquoi, cher Daphnis, n'ai-je plus de cheveux ? 6+6 b
Si nous étions, au moins, nos arrière-neveux ! 6+6 b
DAPHNIS
Tableau charmant ! doux rêve ! horizon qui m'attire ! 6+6 a
J'en ai la larme à l'œil comme toi, cher Tityre. 6+6 a
D'accord sur la chanson ! — tu me pardonneras, — 6+6 b
280 Mais le ton du chanteur me cause un embarras. 6+6 b
Es-tu bien converti ? Voyons, je te soupçonne… 6+6 a
Parlons-nous sérieux, ne ris-tu de personne ? 6+6 a
Ne m'engages-tu pas avec les factions, 6+6 b
Tityre, es-tu bien sûr de tes intentions ? 6+6 b
285 Ne va pas compromettre un père de famille… 6+6 a
Aussi bien j'aperçois, là-bas, sous la charmille, 6+6 a
J'aperçois Crispinus, un citoyen courtois. 6+6 b
Que l'on rencontre peu d'ordinaire en nos bois. 6+6 b
J'aurais fort grand plaisir, n'était l'heure avancée, 6+6 a
290 A poursuivre avec lui la thèse commencée ; 6+6 a
Je l'ai vu dans le monde.. Il vient là tout exprès 6+6 b
Pour causer poésie et pour prendre le frais… 6+6 b
Il est auteur lui-même… et de plus fort aimable… 6+6 a
Je te laisse avec lui.., bonsoir ! — Va-t'en au diable ! 6+6 a
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