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6-6 mètre
LAP_11/LAP129
Victor de LAPRADE
POÈMES CIVIQUES
1873
LIVRE PREMIER
VI
CE GUEUX DE TACITE
I
Usons, et jusqu'au bout,des droits de la victoire ; 6+6 a
Revisons la moraleet refaisons l'histoire. 6+6 a
A toi d'abord. Tacite,idole des frondeurs, 6+6 b
Qui fournis de grands motsnos cuistres, nos boudeurs. 6+6 b
5 Tacite ! esprit chagrin,suspect aux esprits justes, 6+6 a
Sombre diffamateurdes noms les plus augustes, 6+6 a
Qui s'applique à noircir,à juger de travers 6+6 b
Les temps les plus heureuxqu'ait vus cet univers. 6+6 b
Imposteur !…
J'aurais dûsouonner quelque chose, 6+6 a
10 Quand j'essayais de mordreà l'airain de ta prose ; 6+6 a
Lorsqu'un régent terrible,à grands coups sur les doigts, 6+6 b
Des crimes de Néronm'a puni tant de fois. 6+6 b
Objet de contresens,hélas ! très ridicules. 6+6 a
Combien ton Thraséasm'a valu de férules ! 6+6 a
15 Je devrais te haïr !mais — (voyez le destin) — 6+6 b
C'est par toi que j'ai prisquelque gt au latin. 6+6 b
Trop peu sensible encoreaux douceurs de Virgile, 6+6 a
Tacite était pour moiparole d'Évangile. 6+6 a
J'allais, le poing fermé,discutant ou rêvant. 6+6 b
20 A d'imberbes Calons,oh ! que j'ai dit souvent : 6+6 b
« Amis, la libertépauvre et pleine d'orages, 6+6 a
La liberté plutôtque de gras esclavages. » 6+6 a
Et c'étaient entre nousdes serments de vertus. 6+6 b
Des appels effrénésaux mânes de Brutus, 6+6 b
25 Et des rugissementsde haine et de colère 6+6 a
Au seul nom de César,d'Octave, de Tibère, 6+6 a
On nous pardonnera,nous étions écoliers ! 6+6 b
Le mal de notre tempsnous gagnait par milliers : 6+6 b
Dés la huitième, en lutteavec les participes, 6+6 a
30 Nous respirions, alors,d'effroyables principes : 6+6 a
Nous étions empestésde penseurs libéraux' ; 6+6 b
On ne reconnaissaitsergents ni caporaux. 6+6 b
Nos professeurs, brûlésde la fièvre commune, 6+6 a
Fréquentaient hautementla presse et la tribune. 6+6 a
35 On nous prêchait un tasd'absurdes sentiments : 6+6 b
Fierté, fidélité,désintéressement ; 6+6 b
Et c'était un concertde doctrines honnêtes 6+6 a
A faire le chaosdans les plus fortes têtes. 6+6 a
Si je disais combien,alors, j'en ai connus 6+6 b
40 Jurant de vivre libreet de marcher pieds nus, 6+6 b
Que je vois, aujourd'hui,quittant ces gts féroces, 6+6 a
Monter en escarpinsderrière les carrosses ! 6+6 a
Tous mes anciens Brutusont le dos galonné ; 6+6 b
Quand nous les compterons,vous serez étonné ! 6+6 b
45 Le croirez-vous ? avecses pleurs, ses Rayons Jaunes, 6+6 a
Joseph Delorme, un jour,a menacé les trônes ; 6+6 a
Et chez Armand Carrels'est levé, me dit-on, 6+6 b
Cet astre qui se couche,à présent, chez Véron. 6+6 b
Que vouliez-vous qu'on fîtdans ce temps lamentable ? 6+6 a
50 Nous blasphémions encorles plaisirs de la table ; 6+6 a
Nous demandions l'ivresseaux écrits généreux, 6+6 b
Et nous sortions de làbourrés de songes creux. 6+6 b
Tous nos jeunes piocheurscroyaient faire merveille 6+6 a
En relisant Tacite,en récitant Corneille. 6+6 a
55 J'attends que le poèteà fond soit revisé ; 6+6 b
Mais pour Tacite, au moins,j'en suis tout dégrisé. 6+6 b
L'âge est venu ; j'ai faitquelques bonnes lectures… 6+6 a
On subit à vingt ansd'étranges impostures ; 6+6 a
On admire, on croit tout…et l'on mourrait de faim, 6+6 b
60 Si tout ce beau fatrasne s'écroulait enfin. 6+6 b
Moi j'ai fait ma fortune ;esprit souple et fertile. 6+6 a
Je vois, je sais, je crois…tout ce qui m'est utile. 6+6 a
En histoire et partout,j'ai pour autorités 6+6 b
Le auteurs brevetés,rentes et patentés. 6+6 b
65 J'ai lu Monsieur Troplonget j'ai jugé Tacite, 6+6 a
Vieil obstiné qu'en vainle progrès sollicite. 6+6 a
Qui boude et fronde, et gronde,et qui, sournoisement, 6+6 b
Nous excite au méprisde tout gouvernement. 6+6 b
Je te connais. Tacite,étroit et dur sophiste, 6+6 a
70 Incapable de voir,de juger en artiste. 6+6 a
Sourd à la voix du peuple,au tambour, au clairon, 6+6 b
Toi qui n'as rien comprisà ce pauvre Néron ! 6+6 b
Burgrave, aristocrate,émigré dont la haine 6+6 a
Méconnut les vrais joursde la grandeur romaine ! 6+6 a
75 Homme du privilègeet des anciens partis, 6+6 b
Sur l'ère des Césarscomme tu nous mentis ! 6+6 b
Silence dans les rangs !assez de calomnies. 6+6 a
Voir des noms d'empereurtrnés aux gémonies ! 6+6 a
C'est trop fort, et je veux,ô lugubre imposteur. 6+6 b
80 En finir avec toi,mon premier corrupteur. 6+6 b
Suétone me gêne,et Pétrone, et tant d'autres ! 6+6 a
Mais ceux-là ne font pas,du moins, les bons apôtres ; 6+6 a
Ils n'ont pas ces façonsde cafard ennuyeux ; 6+6 b
Le crime et la vertusont tout un à leurs yeux. 6+6 b
85 Revisons tout ! Sachantles clubs et les casernes, 6+6 a
Portons dans le passéles lumières modernes. 6+6 a
Nos documents sont neufset de première main 6+6 b
Pour rétablir l'honneurde l'empire romain ; 6+6 b
Ayant vu de nos yeux,nous pouvons, sans chimère, 6+6 a
90 Juger le Rubiconpar le dix-huit brumaire. 6+6 a
Pour moi, sans m'arrêterà tous ces bruits menteurs 6+6 b
Que sèment les vaincus,le parti des rhéteurs, 6+6 b
Des cancans de salonacceptés par l'histoire. 6+6 a
Je voudrais, ô Césars,purger votre mémoire. 6+6 a
II
95 Par tous ces esprits forts,jusque sur son autel, 6+6 b
Le grand Jule est toisécomme un simple mortel. 6+6 b
On s'acharne à des riens !Certes, la calomnie 6+6 a
Ne peut lui refuserl'audace et le génie 6+6 a
Catilina, dit-on,l'aurait compté pour sien : 6+6 b
100 Mais, en cas de succès ;— l'usage est fort ancien. — 6+6 b
On lui prête des mœurset des gts effroyables ; 6+6 a
On lui met sur le dosNicomèdeet que diables ! 6+6 a
I] était de son temps,soyez juste ! Après çà ! 6+6 b
Vouliez-vous qu'il fît maigreet qu'il se confessât ? 6+6 b
105 On va chercher un tasde chicanes futiles : 6+6 a
Fraudes, vols, péculats,poisons, morts inutiles… 6+6 a
Le problème est ailleurs,je le pose d'abord : 6+6 b
Fut-il habile ou non ?resta-t-il le plus fort ? 6+6 b
A-t-il soumis la Gaule ?a-t-il vaincu Pompée ? 6+6 a
110 Tout n'est-il pas permisà qui tient haut l'épée ? 6+6 a
Il nt, et c'est tant pispour vous républicains, 6+6 b
Il nt, à certains jours,de sublimes coquins 6+6 b
Si hardis, si rusés,si forts, si populaires, 6+6 a
Tels, enfin, qu'on leur doitun trôneou les galères. 6+6 a
115 César vint ; vous étieztous sens dessus dessous ; 6+6 b
Il a voulu l'empire,il l'a pris… Je l'absous. 6+6 b
Vous savez les deux versqu'il citait à sa guise 6+6 a
De ce pauvre Euripide,et qu'il eut pour devise : 6+6 a
« La justice a du bon,entre nous, mes amis, 6+6 b
120 S'agit-il de régner,les crimes sont permis. » 6+6 b
Du reste, généreux !notre histoire en dépose. 6+6 a
Et le vieux sang gauloisen a su quelque chose. 6+6 a
A Vercingétorixil octroya six ans 6+6 b
De vie et de cachot,de loisirs séduisants ; 6+6 b
125 Quand, certescerte, il aurait pu,la nuit et par surprise. 6+6 a
Le faire fusillerdans les fossés d'Alise. 6+6 a
Vous n'êtes pas de ceuxqui nous font tant de bruit 6+6 b
Des lois, des libertéset du sénat détruit, 6+6 b
De la corruptionnous sommes gens pratiques, 6+6 a
130 Qu'irions-nous chercher là ?Qu'importe à nos boutiques ! 6+6 a
Allons-nous en pleureravec ces vieux auteurs ? 6+6 b
César a clos la boucheà ce tas d'orateurs ; 6+6 b
Il s'est fait absolu.Quoi ? tout se légitime 6+6 a
Avec deux mots : il adétruit l'ancien régime. 6+6 a
135 Il a mis à néant,nous faisant tous égaux, 6+6 b
Chevaliers, sénateurset les droits féodaux. 6+6 b
Issus de Jupiter,ou sortis de la crotte, 6+6 a
Tous y devaient passer,tous ont baisé la botte. 6+6 a
Nul n'a plus largementversé le sang humain ; 6+6 b
140 Il a tué beaucoup,c'est là l'honneur romain. 6+6 b
Il a, sans faux respect,jugé ce que nous sommes ; 6+6 a
Nul n'a plus méprisé,plus corrompu les hommes. 6+6 a
N'a su mieux se servirdu plomb, du fer, du feu ; 6+6 b
Le peuple l'aime enfin !Taisons-nous, c'est un Dieu. 6+6 b
III
145 Auguste !., Oh ! l'attaquer,vous seriez en démence, 6+6 a
Il a pour lui Virgile,Horace et la Clémence ; 6+6 a
Et, de plus, pour me prendreet pour vous convertir, 6+6 b
(Lisez le grand Corneille) il a le repentir. 6+6 b
Écoutez-le plutôt !lui-même il va se peindre : 6+6 a
150 M Rentre en toi-même, Octave,et cesse de te plaindre. 6+6 a
Quoi ! tu veux qu'on t'épargne,et n'as rien épargné ! 6+6 b
Songe au fleuve de sang ton bras s'est baigné 6+6 b
Remets dans ton esprit,après tant de carnages. 6+6 a
De tes proscriptionsles sanglantes images… 6+6 a
155 Rends un sang infidèleà l'infidélité, 6+6 b
Et souffre des ingratsaprès l'avoir été… » 6+6 b
Il souffrit des ingrats,conseillé par Livie. 6+6 a
Rusé calculateurjusqu'au bout de sa vie, 6+6 a
Il fit « le plus Utileen cette occasion ». 6+6 b
160 Enfin, il fut clément…après réflexion. 6+6 b
IV
Tibère !… Ah ! la moraleici fait sa rentrée, 6+6 a
N'est-ce pas ? et l'on vasermonner sur Caprée ! 6+6 a
Toujours ils mêleront,ces pudiques rimeurs, 6+6 b
Aux affaires d'Étatles questions de mœurs ! 6+6 b
165 Eh bien, soit. Pour coupercourt à vos homélies, 6+6 a
Tibère eut, j'en conviens,d'horribles fantaisies. 6+6 a
Mais (outre qu'avoir lu,quand on est bien pensant, 6+6 b
Et citer ces faits-là,c'est pas mal indécent), 6+6 b
Songez qu'en vous donnantcette rude corvée, 6+6 a
170 Vous attaquez, de plus,la conduite privée ; 6+6 a
Nous sortons de l'histoireenfin ; il est choquant 6+6 b
De voir, ainsi, Cliocolporter un cancan. 6+6 b
Puis, raisonnons, touchonsun peu le fond des choses 6+6 a
Est-ce un métier si doux,si parsemé de roses. 6+6 a
175 Celui des empereurs,des chefs des nations. 6+6 b
Pour qu'on épluche ainsileurs récréations ? 6+6 b
Quand on a, tout le jour,donné des signatures, 6+6 a
Lu des placets, conduitde grosses aventures. 6+6 a
Si, le soir, en quittantle concert et le jeu. 6+6 b
180 On n'avait pas le droitde chiffonner un peu ; 6+6 b
S'il fallait, comme vous,courtiser des Elvires, 6+6 a
Qui diable voudrait doncgouverner les empires, 6+6 a
Et dompter l'anarchieet vaincre le destin. 6+6 b
Pour arriver à quoi ?pour vivre en sacristain 6+6 b
185 Personne n'en voudrait,certe, et cela s'explique ; 6+6 a
Et nous resterions nousavec la République ; 6+6 a
Merci !… redevenonssérieux s'il vous plt. 6+6 b
Tibère fut cruel,même à qui l'adulait.. 6+6 b
Mais notez-le, monsieur,beaucoup de ses victimes 6+6 a
190 Étaient de ses parents,plus ou moins légitimes ; 6+6 a
Affaire de familleentre eux ! et vous saurez 6+6 b
Que les intérieursdoivent être murés. 6+6 b
Nous parlons politique,allons aux faits notoires : 6+6 a
Tibère eut au sénatdes succès oratoires ; 6+6 a
195 Il conquit l'Illyrie,il battit les Germains ; 6+6 b
Il reprit aux Persansles drapeaux des Romains. 6+6 b
Vous grillez d'ajouterquelque histoire ignorée, 6+6 a
Érudit ! De conterqu'un certain Gadarée 6+6 a
L'appelait, jeune encor,chacun applaudissant, 6+6 b
200 Un homme fait de boueet détrempé de sang. 6+6 b
Qu'était-ce Gadarée ?Un professeur, un cuistre, 6+6 a
Rongé du désespoirde n'être pas ministre. 6+6 a
Voilà bien ces rhéteurs,imprévoyants marmots, 6+6 b
Qui perdent les Étatspour placer de bons mots ! 6+6 b
Passons.
V
205 Caligula,— voyez dans Suétone, — 6+6 a
Fut un monstreabrégeonsce récit monotone. 6+6 a
Assassinats, poisons,exils des gens de bien. 6+6 b
Les mêmes faits, toujours,et qui ne prouvent rien. 6+6 b
Allons donc, cette fois,droit à la politique : 6+6 a
210 Caligula, — je saisquelle mouche vous pique, — 6+6 a
Fit consul un cheval !horreur, dérision, 6+6 b
Abominationet désolation ! 6+6 b
Les Romains abaissésdevant un quadrupède ! 6+6 a
Tu ne saisis donc pas,entêté sans remède, 6+6 a
215 Le sens piquant, profond,de plus fort libéral, 6+6 b
De ce cheval, consul,patrice, général ? 6+6 b
C'était une leçonà tous les Tristapattes 6+6 a
Qui chez les empereursmarchent à quatre pattes. 6+6 a
Hein ! le tour est-il neuf,a-t-il de la couleur ? 6+6 b
220 Trouvez mieux, s'il se peut,chez le plus beau parleur. 6+6 b
VI
Laisserez-vous, au moins,notre bonhomme Claude 6+6 a
Défiler, à son tour,sans quelque chiquenaude ? 6+6 a
.Je vous vois bien venir,chroniqueur malfaisant ; 6+6 b
Vous riez ! c'est le tourdes femmes à présent. 6+6 b
225 Comme si des Césars,sous vos langues malines, 6+6 a
L'honneur pouvait souffrirde quelques Messalines ? 6+6 a
Oui, Claude ayant régné,légiféré, vaincu. 6+6 b
L'empereur Claude, enfin,fut un mari cocu 6+6 b
Après ? répondez-vousdu chapeau qui vous couvre ? 6+6 a
230 Bah ! la garde qui veilleaux barrières du Louvre, 6+6 a
Quand Lucrèce a fait signeà quelque beau cousin, 6+6 b
N'en défend point nos rois…pas plus que nous, voisin. 6+6 b
VII
Voici l'endroit terrible,un vieux champ de bataille, 6+6 a
Néron !… escrimez-vouset d'estoc et de taille 6+6 a
235 Sur le Croquemitaineun pauvre homme de gt 6+6 b
Que l'on connt si mal,un poète après tout ; 6+6 b
Qui, ravi d'oublierl'orgueil du rang suprême, 6+6 a
Chérit les arts jusqu'àles cultiver lui-même ; 6+6 a
Ami du sport, auteur,compositeur, acteur, 6+6 b
240 Restaurateur de Romeet son vrai fondateur. 6+6 b
Rome était un taudis,il s'en fit l'architecte. 6+6 a
Rasa ses vieux hôtelsd'une beauté suspecte. 6+6 a
Il faisait beaucoup mieuxque par le temps qui court ; 6+6 b
Au lieu de démolir,il brillait ; c'est plus court. 6+6 b
245 Chaque jour défaisaitce qu'avait fait la veille : 6+6 a
On n'entassait pas moinsmerveille sur merveille, 6+6 a
Palais d'or, lac d'argent,portique aérien 6+6 b
Ah ! je vous en réponds,la bâtisse allait bien ! 6+6 b
Chacun vidait sa caisseet retournait ses poches, 6+6 a
250 Et, le pain étant rare,on mangeait des brioches. 6+6 a
C'est vrai ; sur d'autres pointsNéron fut peu charmant, 6+6 b
Mais on dînait, chez lui,très confortablement. 6+6 b
J'écarte un tas de riensque Tacite énumère ; 6+6 a
Est-on parfait ? — Pourtantle meurtre de sa mère ?.. 6+6 a
255 Mon Dieu, que vous avezl'esprit inquisiteur 6+6 b
Pour un bourgeois honnête,on dirait d'un rhéteur ! 6+6 b
Ne jugeons pas si vite,et, malgré qu'il en cte. 6+6 a
Ne fourrons pas le nez nous ne voyons goutte. 6+6 a
Voisin ! savez-vous doncles secrets des États, 6+6 b
260 Jusqu' vont les devoirs,les droits des potentats ? 6+6 b
Il est des cas, voyez,dans la diplomatie, 6+6 a
Des cas… ma thèse auraitbesoin d'être éclaircie ; 6+6 a
Enfin, vous comprenez,dans les besoins urgents, 6+6 b
Grotius… Puffendorf…Vatel… le droit des gens… 6+6 b
265 Suprema lex, enfinlisez les casuistes : 6+6 a
Il est, — c'est évident,— des nécessités tristes ; 6+6 a
Il est, — Machiavell'a dit et parle d'or, — 6+6 b
Deux morales au moins,peut-être plus encor : 6+6 b
Une pour les bourgeois,une autre pour les princes. 6+6 a
270 Ah ! l'on gouverneraitjoliment les provinces 6+6 a
Avec votre moraleà vous, pauvre innocent ! 6+6 b
Je n'en placerais pasla rente à vingt pour cent. 6+6 b
Sachez donc vous guérirde toutes ces emphases ; 6+6 a
Quand on tient le pouvoir,on campe là vos phrases ! 6+6 a
275 D'ailleurs, pour couper courtaux déclamations, 6+6 b
Assez comme celade révolutions ! 6+6 b
Veut-on me ruineret me mettre en faillite ? 6+6 a
Êtes-vous donc clubiste,ou carliste, ou jésuite ? 6+6 a
Avec vos mais, vos si,vos pourquoi, vos comment. 6+6 b
280 Laisserait-on deboutun seul gouvernement ? 6+6 b
A bas les avocats,tous vos gens à chimères ! 6+6 a
« — Voisin, il ne s'agitdes préfets, ni des maires. 6+6 a
Ni du gouvernementque je respecte fort ; 6+6 b
Il s'agit de Néron» — Oui, nous sommes d'accord ; 6+6 b
285 Mais les allusions,monsieur, et la tendance ! 6+6 a
Ce qu'on dit, c'est fort bien,le mal est ce qu'on pense 6+6 a
La critique d'Étatest prompte à s'offenser ; 6+6 b
Si quelque officieuxallait vous dénoncer ? 6+6 b
« Proh pudor ! impossible !aurait-on d'aventure 6+6 a
290 Annexé la policeà la littérature ? » 6+6 a
— Je ne dis pas cela !— « Donc nous pouvons gloser 6+6 b
Sur Tacite ; achevonsen paix de l'écraser. » 6+6 b
VIII
Soit ! vous, qui tourmentez,parfois, votre écritoire, 6+6 a
Vous savez bien commentse fabrique l'histoire ; 6+6 a
295 Comment sont tous les faitstronqués, intervertis, 6+6 b
Par les gens des ancienset des nouveaux partis. 6+6 b
Tacite et les chrétiens…les regrets, l'utopie. 6+6 a
En un siècle dormaitla critique assoupie, 6+6 a
Nous ont gâté Néronet les douze empereurs. 6+6 b
300 Nous voyons clair, enfin,dans cet amas d'erreurs 6+6 b
Et nous étoufferons,dans les mêmes poursuites, 6+6 a
Le vieux républicainet les jeunes jésuites. 6+6 a
Parbleu ! consultez donc,pour juger ces temps-là. 6+6 b
Les martyrs, Thraséas,saint Paul, Agricola, 6+6 b
305 De fort honnêtes gens,mais plus ou moins rebelles, 6+6 a
Prêcheurs de libertésanciennes ou nouvelles. 6+6 a
Commentant, chicanantchaque fait accompli, 6+6 b
Et, pour tout dire, enfin,troublant l'ordre établi ! 6+6 b
Bah ! si l'on en croyait,sur l'histoire romaine, 6+6 a
310 A tous ces raffinésde la grandeur humaine 6+6 a
A cheval sur l'honneur,le droit, la dignité, 6+6 b
Qui se laissent mourirde faim par vanité. 6+6 b
Aux prêcheurs d'idéal,à tous ces chattemites, 6+6 a
On se condamneraità des repas d'ermites ! 6+6 a
315 Il faudrait remonter,de vertus en vertus. 6+6 b
De navets en navels,jusqu'à Cincinnatus ! 6+6 b
C'est trop, mon estomacn'est pas assez robuste, 6+6 a
J'opte pour les dînersdes successeurs d'Auguste. 6+6 a
Tacite a beau crier ;sans me mêler de rien, 6+6 b
320 Sous Tibère ou Néronj'aurais vécu fort bien. 6+6 b
Quels furent, après tout,les objets de leurs crimes 6+6 a
Et tous ces mécontentsque l'on pose en victimes ? 6+6 a
De vieux patriciens,des comtes, des marquis. 6+6 b
De gros traitants gorgésde trésors mal acquis. 6+6 b
325 Quelque petit-neveudes chouans de Pompée, 6+6 a
Des gens suspects chez quil'on trouvait une épée, 6+6 a
Des rhéteurs, des chrétiens,des sectaires fougueux 6+6 b
Refusant d'adorerCésar, un tas de gueux… 6+6 b
— Que manigançaient-ilsau fond des catacombes ? 6+6 a
330 Des stoïques bavardspérorant sur leurs tombes… 6+6 a
Je ne suis pas marquis,rhéteur, stoïcien, 6+6 b
Ni clérical, pas mêmeacadémicien ; 6+6 b
Je lis le Siècle et suisdu peuple, et je m'en vante ; 6+6 a
Le règne des Césarsn'a rien qui m'épouvante 6+6 a
335 Par donc m'aurait nuice pouvoir absolu ? 6+6 b
J'obéis quand le princeet le peuple ont voulu. 6+6 b
Vous citez mille traitsde démence et de rage ; 6+6 a
Le peuple a tout couvertde son libre suffrage : 6+6 a
Il ne hait pas Néron ;j'en suis désespéré 6+6 b
340 Pour vous ; cet empereurfut très considéré ! 6+6 b
A sa mort, — Suétoneest là que je consulte, — 6+6 a
Bien des gens lui rendaientun véritable culte 6+6 a
Et s'excitaient dans l'ombreà venger ses malheurs ; 6+6 b
Son tombeau, tous les ans,était chargé de fleurs. 6+6 b
345 Allez à Rome, encoreaujourd'hui, c'est notoire : 6+6 a
Seul prince dont le peupleait gardé la mémoire, 6+6 a
Toujours Néron, partout ;le plus fort cicéron 6+6 b
Met tous les monumentsà l'honneur de Néron. 6+6 b
Voilà, convenez-en.des gloires populaires, 6+6 a
350 Un peu plus que Brutuset tous vos consulaires, 6+6 a
Vos Calons, vos martyrsd'une sotte fierté, 6+6 b
Qui m'agacent les nerfsavec leur liberté ! 6+6 b
Ces gens-là, des martyrs !de quoi ? du privilège. 6+6 a
Votre admirationsent par trop le collège : 6+6 a
355 Moi, j'ai tout comme vousrimé contre Tarquin ; 6+6 b
De par le De viris,je fus républicain, 6+6 b
Et je bouillonne encor,si peu que l'on me gratte. 6+6 a
Dans ma haine du prêtreet de l'aristocrate. 6+6 a
Bien plus, j'admire encor ;— dût-on me semoncer, 6+6 b
360 A nos premiers hérosj'ai peine à renoncer, 6+6 b
A ces grands citoyensqui, dans un temps néfaste. 6+6 a
En habit de gros drap,des cours bravaient le faste. 6+6 a
Libres de préjugéset de souliers étroits. 6+6 b
Ils faisaient la leçonaux reines comme aux rois, 6+6 b
365 Gagnaient, outre la gloire,une fortune immense ; 6+6 a
Exemple à nos neveuxAllons, je recommence, 6+6 a
Je m'exalte ! et, quand l'âgeaurait dû me calmer, 6+6 b
Je redeviens lyriqueet je vais déclamer. 6+6 b
IX
Tel est le vice affreuxdes études latines 6+6 a
370 Qui peuplent vos citésde ces races mutines : 6+6 a
On a lu son Taciteet l'on revient toujours 6+6 b
Aux premières erreurscomme aux premiers amours. 6+6 b
Sachons bien, — je m'adresseà vous, pères et mères, — 6+6 a
Ce qui se cache au fondde ces vieilles grammaires : 6+6 a
375 Dans ces discours latins,dans ces narrations 6+6 b
On apprend à frondernos institutions. 6+6 b
Toi donc, qui ne veux pasd'un mécontent funèbre, 6+6 a
Fais bifurquer ton filsdu côté de l'algèbre ; 6+6 a
Par les bons argumentsplus facile à dompter, 6+6 b
380 Le plus sage est celuiqui sait le mieux compter. 6+6 b
Espérons ! il se peutqu'un âge d'or renaisse : 6+6 a
Nos exemples sont làpour former la jeunesse ; 6+6 a
Nos fils nous auront vusmarcher sur les genoux ; 6+6 b
Moins bourrés de latin,ils vaudront mieux que nous. 6+6 b
385 Ils ont déjà le flair,dès qu'ils viennent de ntre, 6+6 a
Le flair du positif,du lucre, du bien-être ; 6+6 a
Froids et sans passions,sceptiques élégants. 6+6 b
De bons petits sujetssouples comme leurs gants ! 6+6 b
Pour des riens, pour des mots,hargneux parlementaires, 6+6 a
390 Ils ne gâteront pascomme nous leurs affaires ; 6+6 a
Ils mettront à profitnos dernières leçons, 6+6 b
Heureux de commencerpar nous finissons. 6+6 b
X
Nous, voisin, cultivonsdésormais nos bedaines ; 6+6 a
Un peu de temps nous resteencor pour les fredaines ; 6+6 a
395 Nous avons fait tous deuxnotre petit butin ; 6+6 b
Profitons de l'étéde notre Saint-Martin. 6+6 b
Le présent a du bon,nargue à tous ces antiques ! 6+6 a
Il faut encouragerles auteurs drolatiques 6+6 a
Qu'on peut citer à tableayant le dos au feu. 6+6 b
400 Pour moi, j'aime un romanqui m'émoustille un peu. 6+6 b
Diable ! on n'a plus vingt ans,on n'est plus imbécile, 6+6 a
Il n'est de plaisir vraique le plaisir facile ; 6+6 a
C'est celui qui convientà l'âge de raison. 6+6 b
On fut rougeaud, voisin !on est chauve et grison 6+6 b
405 Au fait, tout est sauvé,propriété, famille ; 6+6 a
Ton fils est sous-préfet ;j'ai marié ma fille ; 6+6 a
Déserte, pour ce soir,ton nid, vieil alcyon ! 6+6 b
C'est fait allons souperavec Trimalcion. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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