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12 longueur métrique
6-6 mètre
LAP_11/LAP125
Victor de LAPRADE
POÈMES CIVIQUES
1873
LIVRE PREMIER
II
JEUNES FOUS ET JEUNES SAGES
A LA MÉMOIRE DE BARTHELEMY TISSEUR
I
J'ai quitté, cette fois,mon Alpe solitaire : 6+6 a
Les chênes, dans mes vers,les torrents vont se taire 6+6 a
Je m'interdis les bois,les chemins écartés 6+6 b
Par je m'enfuyaisloin des réalités. 6+6 b
5 Dieu parle trop hautpour qu'on entende l'homme, 6+6 a
de ses noms secretschaque herbe à moi se nomme, 6+6 a
, dans mes amitiésavec les Heurs des champs, 6+6 b
J'oubliais de haïrle mal et les méchants. 6+6 b
Rentré chez les humainspuisque l'on m'y convie. 6+6 a
10 Je viens prendre mon posteau combat de la vie ; 6+6 a
Je renonce à la paixdes sereines hauteurs ; 6+6 b
On dit que le sommeily gagnait mes lecteurs 6+6 b
Las de suivre, à traversd'austères paysages, 6+6 a
D'impassibles hérossculptés dans les nuages. 6+6 a
15 Donc, j'ai trop fait gémirles roseaux et les vents. 6+6 b
Eh bien, tirons un cride l'âme des vivants ; 6+6 b
Le clairon va sonnerautour des beaux exemples ; 6+6 a
Je viens brandir le fouetsur le parvis des temples, 6+6 a
Et j'accepte, à cette heure toute lèvre ment. 6+6 b
20 Les hasards que l'on courtà parler franchement. 6+6 b
Passons du rêve à l'acte,et faisons de l'histoire. 6+6 a
J'ai trouvé mon héros ! donc est l'auditoire ? 6+6 a
Je viens parler de Dieu,de l'honneur qui se perd… 6+6 b
Voici qu'on me renvoieaux échos du désert. 6+6 b
25 Et mon dernier lecteurque la morale attriste, 6+6 a
Jeune ou vieux, a reprisson roman réaliste. 6+6 a
Ah ! j'ai connu des jourset je les ai vécu. 6+6 b
les droits désarmés, l'idéal vaincu, 6+6 b
Le penseur qu'on proscritet le Dieu qu'on délaisse 6+6 a
30 Avaient au moins pour euxles cœurs de la jeunesse ! 6+6 a
Sous son drapeau la Museenrôla, de tout temps. 6+6 b
Le bataillon sacrédes âmes de vingt ans. 6+6 b
C'étaient vous, jeunes gensqui la suiviez, naguères. 6+6 a
Dans ses nobles amourset dans ses nobles guerres ! 6+6 a
35 Vous qui preniez, des mainsd'Eschyle et de Platon, 6+6 b
L'idée à Sunium,le glaive à Marathon. 6+6 b
Hier, vous aviez chacunvotre beauté choisie, 6+6 a
Tantôt la liberté,tantôt la poésie ; 6+6 a
Alors aux grandes voixles cœurs étaient ouverts, 6+6 b
40 El les beaux sentimentss'inspiraient des beaux vers. 6+6 b
Tous, alors, adoptantnos poètes pour guides, 6+6 a
Nous montions, dédaigneuxdes intérêts sordides, 6+6 a
Fiers, altérés du beauplutôt que du bonheur, 6+6 b
Amoureux de l'amour,du droit, du vieil honneur, 6+6 b
45 Et tous prêts à mourir,purs de toute autre envie, 6+6 a
Pour ces biens qui font seulsles causes de la vie. 6+6 a
II
Nous marchions au combatcomme ces Jeunes Francs 6+6 b
Qu'une chne de ferliait flancs contre flancs ; 6+6 b
Arborant deux à deuxnotre amitié guerrière. 6+6 a
50 Je vais seul, aujourd'hui,dans cette âpre carrière, 6+6 a
Frère ! et Dieu t'a repris,t'ayant Jugé vainqueur ; 6+6 b
Mais Je te sens toujoursà côté de mon cœur. 6+6 b
Toujours J'entends de près,quand la tourmente est forte 6+6 a
Sonner ton fer qui frappeet ta voix qui m'exhorte ; 6+6 a
55 Partout, depuis vingt ansque tu t'es endormi. 6+6 b
Ton ferme boucliercouvre encor ton ami. 6+6 b
Je t'interroge encor ;docile aux moindres signes, 6+6 a
Je lance hardimentles traits que tu désignes ; 6+6 a
Chaque soir de bataille,avec la même foi, 6+6 b
60 Je te répète encore :Es-tu content de moi ? 6+6 b
Dis à cette jeunesse nous prenions nos armes, 6+6 a
Nous, timides rêveurssi prompts aux douces larmes : 6+6 a
Sans nul étroit soucide notre lendemain, 6+6 b
Nous marchions, hardiment,un poète à la main. 6+6 b
65 Combien dans l'impossibleavons-nous fait de lieues. 6+6 a
Cher Tisseur ! Quel voyageautour des sphères bleues ; 6+6 a
Au nom de l'idéalpar tous deux visité, 6+6 b
Quels défis nous lancionsà la réalité. 6+6 b
En allant, chaque soir,sur les hauteurs chéries, 6+6 a
70 Vider la coupe d'ordes saintes causeries ! 6+6 a
Ami, Dieu t'a chez luirendu notre passé. 6+6 b
Les clartés de son cieln'en ont rien effacé ; 6+6 b
Tu gardes tes vingt ans !Moi, je leur suis fidèle ; 6+6 a
J'y vais chercher encorla force et le modèle. 6+6 a
75 Et j'aurai pour lumière,en mes jours avancés, 6+6 b
Cet âge nous étionsde nobles insensés. 6+6 b
Ami, c'est ma jeunesseet toi que je consulte. 6+6 a
Quand je dois décernermon mépris ou mon culte. 6+6 a
Lorsqu'un mot juste et fortjaillit de mes crayons, 6+6 b
80 C'est que j'écris enfinles vers que nous rêvions. 6+6 b
Mon cœur, en vieillissant,se raconte à lui-même 6+6 a
Notre histoire d'alors,qui devient mon poème ; 6+6 a
Et grâce à notre avril,j'aurai pour mes hivers. 6+6 b
Des fruits toujours vermeils,des rameaux toujours verts. 6+6 b
85 Quel fertile avenirmoissonné par avance 6+6 a
Éclairait, dans nos cœurs,le soleil de Provence ; 6+6 a
Cher pays la Muse,avec nous de moitié, 6+6 b
Dans sa première fleurcueillit notre amitié ! 6+6 b
Comme après l'inconnudu désert et du rêve 6+6 a
90 Nous lancions nos espritsde la cime à la grève, 6+6 a
Et mêlions dans notre hymne,ivres de ce beau lieu, 6+6 b
La liberté, l'amour,et la nature et Dieu ! 6+6 b
III
Un jour, un jour de juin,ce mois tout s'embaume, 6+6 a
Dans un champ de genêt,près de la Sainte-Baume, 6+6 a
95 Oiseaux et pèlerins,nous avions pris l'essor, 6+6 b
Les fleurs, autour de nous,pleuvaient en neige d'or ; 6+6 b
Le soleil éclataitsur une ardente cime 6+6 a
D' l'âme et le regardprennent un vol sublime : 6+6 a
Des glaciers à la mer,des forêts aux jardins. 6+6 b
100 Les sommets flamboyantss'abaissent par gradins ; 6+6 b
L'œil embrasse à la fois,des Alpes aux Stœchades, 6+6 a
Les pins sur les rocherset les mâts sur les rades. 6+6 a
Amoureux des hauteurs,des sentiers hasardeux, 6+6 b
L'assaut de l'infininous invitait tous deux ; 6+6 b
105 Nous sortions de la grotte mourut Madeleine ; 6+6 a
De prière et d'amournous avions l'âme pleine. 6+6 a
Et l'air gardait pour nousla mystique saveur 6+6 b
Des parfums répandussur les pieds du Sauveur. 6+6 b
Nous partons. Au détourd'une rampe glissante, 6+6 a
110 Mon pied heurte une croixsur les cailloux gisante ; 6+6 a
Sans honneurs, sur un solpar les eaux ruiné. 6+6 b
L'arbre saint, dès longtemps,semblait déraciné. 6+6 b
Tristes, chrétiens tous deux,nous songeons au Calvaire, 6+6 a
Au Dieu clément pour quile monde est si sévère. 6+6 a
115 « Laisserons-nous, ami,sans lui tendre la main, 6+6 b
Jésus tomber encordans son âpre chemin ? 6+6 b
Laisserons-nous, dans l'ombreet la poussière infâme, 6+6 a
Périr ce labarumdes grands combats de l'âme ? 6+6 a
Non ! pour fleurir encoreet pour féconder tout, 6+6 b
120 L'arbre de libertésera remis debout. 6+6 b
Mais là, dans ce ravin,disciples sans audace, 6+6 a
Nous ne cacherons pasnotre étendard vivace ; 6+6 a
Osons, frère, et si loinque l'on pourra monter, 6+6 b
C'est là-haut, dans l'azurqu'il faut l'aller planter. » 6+6 b
125 Et, courbés tous les deux,nous chargeons à grand'peine, 6+6 a
Sur nos bras d'écoliersl'énorme croix de chêne : 6+6 a
En marche ! et nous prenionscourage en la baisant. 6+6 b
Le sentier était rudeet le fardeau pesant, 6+6 b
L'air brûlait, la sueurinondait nos corps frêles ; 6+6 a
130 Mais au cœur la fierténous avait mis des ailes. 6+6 a
Harassés, fléchissants,nous chantions à grands cris, 6+6 b
A notre aide invoquantnos compagnons chéris. 6+6 b
Nos poètes sacrés,ces donneurs de courage, 6+6 a
Tous, de leurs plus beaux vers,prenaient part à l'ouvrage 6+6 a
135 Et la forte amitiéqui marchait avec nous 6+6 b
Doublait de son airainnos bras et nos genoux. 6+6 b
« O bonheur de porterce fardeau l'un pour l'autre ! 6+6 a
Cette croix du Sauveurà jamais devient nôtre. 6+6 a
Ainsi, dans la même œuvre,avec le même effort. 6+6 b
140 Frère, et du même cœurmarchons jusqu'à la mort. » 6+6 b
Vers le sommet choisi,sous un ciel tout en flammes, 6+6 a
A travers les rochers,trois heures nous montâmes, 6+6 a
Non sans reprendre haleineet sans tomber souvent ; 6+6 b
Alors, un livre aiménous criait : « En avant ! » 6+6 b
145 Et la croix fut portéeet parvint jusqu'aux ftes 6+6 a
Avec les deux amisportés par leurs poètes 6+6 a
Enfin, sur un autelde pierre et de gazon 6+6 b
Quand noire Christ ouvritses bras à l'horizon, 6+6 b
Autour de ce rocher,comme un orage immense, 6+6 a
150 Éclata de nos cœursla pieuse démence : '' 6+6 a
Nous tombons à genouxet restons embrassés ; 6+6 b
Nous célébrons, là-haut,des rites insensés. 6+6 b
Chantant, pleurant, poussantdes clameurs éperdues ; 6+6 a
Aux quatre points du cielles deux mains étendues, 6+6 a
155 Comme si nous avionsle pouvoir de bénir, 6+6 b
Faisant appel aux morts,implorant l'avenir ; 6+6 b
Sur toutes les citéset sur tous les royaumes 6+6 a
Versant notre âme entièreavec le flot des psaumes, 6+6 a
Mêlant tous les objetsde notre jeune foi. 6+6 b
160 Les chants républicainsaux versets du saint roi 6+6 b
Évoquant des grands mortsles stoïques histoires 6+6 a
Lançant d'âpres défisaux injustes victoires, 6+6 a
Et demandant, pour prixdu chêne replanté, 6+6 b
A souffrir pour le Christet pour la liberté. 6+6 b
IV
165 Écoliers, jeunes fous,c'étaient là nos orgies, 6+6 a
L'ivresse nous puisionsnos rudes élégies ; 6+6 a
C'était notre soleildans les travaux obscurs 6+6 b
Qui nous ont gardés fiersen nous conservant purs. 6+6 b
Peut-être en se donnantces fêtes insensées, 6+6 a
170 Nos cœurs ont-ils cueillileurs plus mâles pensées ; 6+6 a
Peut-être l'homme faits'est-il plus d'une fois, 6+6 b
Armé de ce sermentprête sur une croix ; 6+6 b
Quand il cherche, aujourd'hui,son courage ou sa verve, 6+6 a
C'est l'écolier, peut-être,en nous qui les conserve ! 6+6 a
175 Mais j'aurais dû gardercomme un secret d'amour 6+6 b
Ce récit mal venudes esprits forts du jour ; 6+6 b
C'est assez d'y rêvertout seul, quand l'heure est sombre. 6+6 a
Ami, quand je l'éclaireen évoquant ton ombre ; 6+6 a
Quand un espoir me luiten parlant d'avenir 6+6 b
180 Aux vieillards prés de quije vais me rajeunir. 6+6 b
Ce dépôt t'appartient ;l'ai-je trahi ? Qu'importe ! 6+6 a
N'écris-je pas icidans une langue morte ? 6+6 a
Je peux lui confier,hélas ! tous nos travers : 6+6 b
Ceux qui s'en moqueraientne lisent pas les vers. 6+6 b
185 Au cynisme gauloisqu'un plat bouffon amuse, 6+6 a
Nos secrets sont cachésétant dits à la Muse. 6+6 a
Les jeunes gens, surtout,— comme ils en riraient bien ! 6+6 b
Heureusement pour moi,certes, n'en sauront rien ; 6+6 b
Ils me lorgnaient déjàdu haut de leur sagesse. 6+6 a
190 Ah ! ceux-là sont exemptsdes torts que je confesse ! 6+6 a
Nos graves bacheliers,dans leur flegme étonnant, 6+6 b
Enseignent la prudenceau rêveur grisonnant ; 6+6 b
Et j'aurais fait, peut-être,un chemin politique. 6+6 a
Si j'avais quelque peude leur raison pratique ; 6+6 a
195 Tant ces jeunes espritssont mûrs et dégagés 6+6 b
Des vieilles passionset des vieux préjugés ; 6+6 b
Tant ils font du succèsleur unique chimère, 6+6 a
Méprisant tout le restey compris la grammaire. 6+6 a
V
Certes, le temps n'est plus les auteurs païens 6+6 b
200 Faussaient dès le berceaul'esprit des citoyens ; 6+6 b
de petits rhéteurs,soufflés par Démosthènes, 6+6 a
Rêvaient d'un pays libreet pleuraient sur Athènes ; 6+6 a
nos discours latinsfaisaient trembler les rois ; 6+6 b
l'hexamètre altier,défenseur de nos droits, 6+6 b
205 Vouait Tarquin, Philippeet César au Cocyte ; 6+6 a
nous épousions tousles haines de Tacite. 6+6 a
On laisse à de vieux fousces soins rétrospectifs ; 6+6 b
On s'occupe, seize ans,d'objets plus positifs 6+6 b
Qu'Athènes dans les ferset que Rome expirante : 6+6 a
210 Tout le quartier latinsuit les cours… de la rente 6+6 a
Chacun s'y fait, tout bas,son art de parvenir ; 6+6 b
On spécule, on calcule,on songe à l'avenir ; 6+6 b
Comme un bon capitalun bon cœur s'administre ; 6+6 a
On prend pour son amile neveu du ministre ; 6+6 a
215 Mieux avisé, tel autrea choisi son bâtard. 6+6 b
On poursuit des amoursqui s'escomptent plus tard. 6+6 b
Quand pousse autour du trôneune race pareille, 6+6 a
Dormez, ô rois ! dormezsur l'une et l'autre oreille. 6+6 a
Que d'électeurs naïfset de commis retors ! 6+6 b
220 Mais tâchez, jusque-là,de rester les plus forts. 6+6 b
Dors du même sommeil,ô père de famille ! 6+6 a
Qui tremblais à garderles attraits de ta fille. 6+6 a
Lorsque, moins soucieuxdes contrats réguliers, 6+6 b
Jadis sous les balconschantaient les écoliers, 6+6 b
225 Voici contre l'amourl'infaillible recette : 6+6 a
Ferme au blond jouvenceaules yeux de ta cassette, 6+6 a
Pas un jeune aspirantne soufflera le mot ; 6+6 b
Ne crains plus que les vieuxpour la beauté sans dot. 6+6 b
Ce n'est plus par l'amour,cette vieille folie, 6+6 a
230 Qu'une caisse, aujourd'hui,qu'un nom se mésallie. 6+6 a
Et vous ne verrez plus,pour une Elvire en l'air. 6+6 b
Vos gaons refuserle comptant le plus clair. 6+6 b
Ce mal — et tous les maux —nous venaient des poètes ; 6+6 a
Tous ces grands sentimentsfaisaient tourner les têtes ; 6+6 a
235 Chacun de ces auteurs,gros de quelque attentat. 6+6 b
Troublait, l'un la famille,et cet autre l'État. 6+6 b
A nos bourgeois, connuspour leur humeur austère. 6+6 a
Tacite apprit l'émeuteet Byron l'adultère. 6+6 a
Mais, grâce à Dieu, la presseest mise à la raison. 6+6 b
240 Et la règle de troisgouverne la maison. 6+6 b
La prime et le report,seuls droits qu'on émancipe, 6+6 a
Ont de l'autoritérétabli le principe ; 6+6 a
Et la religiondu doiet de l'§avoir 6+6 b
A réduit la jeunesseaux règles du devoir. 6+6 b
245 En affaires de cœur,le blond célibataire 6+6 a
Est fier de raisonnercontre son vieux notaire. 6+6 a
Dans un noble salonje voyais, l'autre soir, 6+6 b
A l'âge , discutantde l'œil bleu, de l'œil noir. 6+6 b
Nous comptions par beautésles trésors d'une ville. 6+6 a
250 Deux frais licenciéschiffrant mille par mille, 6+6 a
Calculant, supputant,dressant pertinemment 6+6 b
Une liste des dotsde leur département. 6+6 b
Stupéfait et charméde cette raison sûre. 6+6 a
Maint bourgeois de son filsredoute la censure. 6+6 a
255 Quand, parfois, après boire,en un concours rural, 6+6 b
Bourgeonne à fleur de peauson vieux sang libéral, 6+6 b
Lorsqu'au retour sa langue,un peu trop déliée, 6+6 a
Retrouve au clair de luneune strophe oubliée. 6+6 a
Certes, l'on a pu voir,— tant son rôle est connu, — 6+6 b
260 Si de ses vieux péchésil est bien revenu ; 6+6 b
Si pour la liberté,l'art, la belle nature. 6+6 a
Il perd son pot-de-vinou bien sa fourniture. 6+6 a
Mais son fils, — ô progrès !— quel esprit positif ! 6+6 b
Ce fils, — à lui barondu Corps législatif, — 6+6 b
265 Ne lui pardonne pas,— jeunesse intolérante ! 6+6 a
Un vote indépendant…de mil huit cent quarante. 6+6 a
Et c'est ainsi : le pèreun peu trop avancé. 6+6 b
Par son fils, aujourd'hui,l'heureux père est tancé ; 6+6 b
L'oncle apprend du neveucommis à sa boutique 6+6 a
270 Que l'état le meilleur,c'est l'état despotique. 6+6 a
Désormais tout se range !Oyez les bacheliers 6+6 b
Avec l'argot du jourpromptement familiers : 6+6 b
D' venait tout le mal ?Du parlementarisme. 6+6 a
— La bifurcationpermet le barbarisme. — 6+6 a
275 O nourrissons hâtifsdu chiffre et du compas. 6+6 b
Si le sort le permet,jusqu' n'irez-vous pas ? 6+6 b
Les rhéteurs, les rêveurs,les rimeurs vont se taire ; 6+6 a
Place aux libres penseursde souple caractère ! 6+6 a
Place aux savants ! ils n'ontque d'utiles défauts. 6+6 b
280 Et sont les mieux rentésde tous les esprits faux. 6+6 b
VI
Bienheureux avenir !quel siècle se prépare, 6+6 a
De sage liberté,d'honneur, de fierté rare, 6+6 a
Quand ces petits messieursseront les hommes faits ; 6+6 b
Lorsque nous les aurons,nous vieillards, pour préfets ; 6+6 b
285 Qu'ils viendront, débitantleur spécifique unique, 6+6 a
Du vote universeltourner la mécanique, 6+6 a
Et d'un doigt absolu,tracer chaque matin 6+6 b
La consigne aux espritsexemptés du latin ! 6+6 b
Comme tous ces beaux filsporteront la livrée, 6+6 a
290 Pour peu qu'un mtre habileavec art l'ait dorée ! 6+6 a
Ceux-là n'ont pas, ainsique nos vieux imprudents, 6+6 b
A se débarbouillerde leurs antécédents ; 6+6 b
Jamais, tribuns hargneux,sous un règne bonasse. 6+6 a
Leur voix n'a contrefaitle peuple qui menace, 6+6 a
295 Ils ont tous, franchement,et purs de tels excès. 6+6 b
L'intérêt pour principeet pour dieu le succès ; 6+6 b
Et, changions-nous cent foisde chef et de cuisine. 6+6 a
Ils tiendront pour seul vraile César l'on dîne. 6+6 a
Je sais bien qu'ici-bas,par des retours communs. 6+6 b
300 On a vu des laquaisredevenus tribuns 6+6 b
A des rois indulgentsfaire une lâche guerre ; 6+6 a
On pourrait le revoir…mais je n'y compte guère. 6+6 a
Quels présages dans l'air !avec quel sombre ennui 6+6 b
J'attends l'affreux demainqui ntra d'aujourd'hui. 6+6 b
305 En songeant que mes fils,mes pauvres petits anges, 6+6 a
Quand ils sauront marchervont toucher à ces fanges ; 6+6 a
Qu'un vil chemin s'y fraye,après ces froids moqueurs, 6+6 b
Dont la fièvre de l'orseule échauffe les cœurs ; 6+6 b
Que nos enfants promisà ces règnes sinistres. 6+6 a
310 Auront là, pour conseils,pour patrons, pour ministres. 6+6 a
Pour juges de l'esprit,des plaisirs élégants. 6+6 b
Ces petits Machiavelsjaunes comme leurs gants, 6+6 b
Qu'on voit sans barbe encore,affranchis de l'élude, 6+6 a
Disciples de la Bourseet de la servitude ! 6+6 a
315 O mes fils ! ô mes fils !nul n'échappe à son temps. 6+6 b
Vous devrez, les plus purset les mieux résistants. 6+6 b
Respirer dans les mœurs,les lois et les doctrines. 6+6 a
Un air empoisonnépar ces lâches poitrines ! 6+6 a
Que faut-il, dès ce soir,pour qu'un souffle pervers 6+6 b
320 Vienne infecter mon nidcouvé dans nos déserts ? 6+6 b
Le chêne peut crouler,votre unique défense ; 6+6 a
Je sors de l'âge mûr,vous entrez dans l'enfance. 6+6 a
Entre les mains de Dieu,plus qu'à demi brisé. 6+6 b
Si je tombe avant l'heure,et s'il m'est refusé 6+6 b
325 D'attacher, pièce à pièce,aux flancs de chaque athlète. 6+6 a
L'honneur, ce vieil honneur,seule armure complète. 6+6 a
Qui donc vous gardera,lorsque tout a cédé. 6+6 b
Purs, dignes de l'aïeulpar qui je fus gardé ? 6+6 b
Morne décrépitude,ô jours que je déteste ! 6+6 a
330 Je cherche à l'horizonquel noble espoir nous reste ; 6+6 a
Quels fruits, quelles moissons,portera l'avenir, 6+6 b
Quand déjà le printempsvoit les feuilles jaunir ; 6+6 b
Lorsqu'au lieu d'éclateren fleurs, même en épines, 6+6 a
La sève redescenddes branches aux racines. 6+6 a
335 J'ai tâté bien des cœursde vingt ans : rien n'y bout ; 6+6 b
Et nos fermes vieillardssont seuls restés debout. 6+6 b
Hélas ! le mieux arméqui vit en sentinelle, 6+6 a
Pour garder son nom puret sa foi paternelle, 6+6 a
Ose à peine engendrerdes fils à ses aïeux, 6+6 b
340 A voir, autour de lui,les enfants ntre vieux, 6+6 b
A voir ces jeunes frontsafficher, par les villes, 6+6 a
La pâle soif de l'oret les instincts serviles, 6+6 a
La précoce ironieet le dédain brutal 6+6 b
Pour tout ce qui n'est pasde chair ou de métal ; 6+6 b
345 A voir que nul éclairne jaillit de leurs âmes 6+6 a
Au choc des vents sacrésqui nous tiraient des flammes ; 6+6 a
A les voir accueillantd'un sourire hébété. 6+6 b
Ton nom qui nous faisaitbondir, ô liberté ! 6+6 b
VII
Mais l'hiver parle ainside la saison des roses ; 6+6 a
350 Peut-être qu'aveuglépar mes vapeurs moroses, 6+6 a
J'y vois mal à traversma neige et mon brouillard. 6+6 b
Dites que je vous jugeen précoce vieillard ; 6+6 b
Qu'étonné, ce matin,de voir ma barbe grise, 6+6 a
J'épanche, à flots de bile,une amère surprise ; 6+6 a
355 Et que, par l'avenirà mon tour menacé. 6+6 b
J'insulte à l'espéranceen louant le passé. 6+6 b
Amis, jeunes amis,que ma satire indigne. 6+6 a
Dites-moi que je mens,parlez, faites un signe ! 6+6 a
Traqués par mes défisdans ce mol abandon. 6+6 b
360 Venez forcer la Museà demander pardon. 6+6 b
Dans vos yeux, sur vos fronts se gonflent vos veines, 6+6 a
Montrez-moi fièrementdes amours et des haines. 6+6 a
A travers l'impossible,ouvrez un large essor 6+6 b
Aux saints désirs éclosdans le mépris de l'or, 6+6 b
365 A l'orgueil de votre âge,au rêve, aux utopies, 6+6 a
Aux mâles passionsun instant assoupies ; 6+6 a
Et par couples d'amis,venez, en plein soleil, 6+6 b
Des dieux que j'aiguillonneattester le réveil ! 6+6 b
Oui, je me laissais prendreà des masques frivoles ; 6+6 a
370 Je vous retrouve enfin,vrais fils de nos écoles, 6+6 a
Je vois chacun de vous,en combattant féal, 6+6 b
Défier le réelau nom de l'ial. 6+6 b
Lève-toi dans ta force,ô divine jeunesse ! 6+6 a
Souris sur le vieux monde,afin que tout renaisse. 6+6 a
375 Amis ! gardez la joieet les frches couleurs ; 6+6 b
Mais qu'un acier toujourssoit caché sous vos fleurs. 6+6 b
Vous seuls portez encor,prêts aux luttes certaines, 6+6 a
Dans ce myrte amoureuxla liberté d'Athènes. 6+6 a
Voici des droits vaincus,voici les combattants 6+6 b
380 Tels que je les voyaisjadis à mes vingt ans ! 6+6 b
Partez, le clairon sonneet la lice est ouverte ! 6+6 a
A vous le rameau d'oret la couronne verte ; 6+6 a
A vous les biens sans nombreaux vaillants destinés. 6+6 b
Les droits que n'ont pas suconquérir vos nés. 6+6 b
385 Le but qui nous a fuis,c'est à vous de l'atteindre. 6+6 a
Moi, j'ai porté ma lampe,un moment, sans l'éteindre, 6+6 a
Sur le stade éternel l'on poursuit le beau 6+6 b
C'est à vous de saisirle vivace flambeau. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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