Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LAM_9/LAM165
Alphonse de LAMARTINE
LA CHUTE D’UN ANGE
1838
QUINZIÈME VISION
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Cependant Asrafiel, vainqueur par sa complice, 6+6 a
De ses lâches rivaux débarrassant la lice, 6+6 a
Le pied sur un cadavre au trône était monté ; 6+6 b
Pour lui le prix du sang était la volupté : 6+6 b
5 Et, pour aiguillonner son audace assouvie, 6+6 a
Associant la mort aux excès de la vie, 6+6 a
De débauche alté plus que d’ambition, 6+6 b
Il remplissait ces murs d’abomination. 6+6 b
Sur les parvis souillés du palais des scandales, 6+6 a
10 Le sang et les parfums se mêlaient sur les dalles ; 6+6 a
Les hymnes effrénés, les sons des instruments, 6+6 b
Y couvraient de la mort les derniers râlements. 6+6 b
Des danseuses, nouant leurs trames fugitives, 6+6 a
Secouaient des flambeaux sur le front des convives ; 6+6 a
15 La sueur, la fumée, obscurcissaient le ciel : 6+6 b
Cette atmosphère immonde était l’air d’Asrafiel ; 6+6 b
On eût dit qu’effra du jour qui devait suivre, 6+6 a
Des cinq sens à la fois il se hâtait de vivre. 6+6 a
Par ces hideux tableaux ses esprits excités 6+6 b
20 Trouvaient un nouveau sel à ses atrocités. 6+6 b
Les yeux de Daïdha brûlaient de loin son âme ; 6+6 a
L’empire n’était rien pour lui sans cette femme : 6+6 a
Tous ses forfaits n’étaient que des forfaits ingrats, 6+6 b
S’ils ne lui jetaient pas ce rêve entre les bras ! 6+6 b
25 Il voulait, réservant pour lui ce prix céleste, 6+6 a
Être un époux pour elle, être un dieu pour le reste, 6+6 a
Et, lui donnant aussi sa part de royauté, 6+6 b
Faire de sa conquête une divinité. 6+6 b
Ces lieux étaient la scène et cette heure était l’heure. 6+6 a
30 Conduite de la nuit de sa morne demeure 6+6 a
À ce jour que lançaient les torches dans les cieux, 6+6 b
Daïdha, rougissante, était devant ses yeux. 6+6 b
Ses regards, étonnés par l’éclat de la flamme, 6+6 a
Dans l’éblouissement laissaient nager son âme ; 6+6 a
35 Pour abriter son corps contre cette splendeur, 6+6 b
Ses vêtements serrés couvraient mal sa pudeur. 6+6 b
La honte de son geste et sa tête baissée 6+6 a
Semblaient l’envelopper dans sa chaste pene ; 6+6 a
Son cœur pétrifié s’arrêtait de stupeur, 6+6 b
40 Sa peau se nuançait des frissons de la peur ; 6+6 b
Ses épaules à nu, se serrant aux aisselles, 6+6 a
S’efforçaient de voiler son corps comme deux ailes 6+6 a
Dont les duvets ravis par le cruel ciseau 6+6 b
Se replîraient en vain sur les flancs de l’oiseau. 6+6 b
45 Tantôt elle couvrait de ses doigts en étoile 6+6 a
Les marbres de son sein transparents sous leur voile : 6+6 a
Tantôt, pour s’abriter du jour qui l’offensait, 6+6 b
De l’ombre d’un pilier elle se vêtissait. 6+6 b
Parmi tant de beautés aux regards immodestes, 6+6 a
50 Son tremblement, sa peur, sa rougeur et ses gestes 6+6 a
Jetaient sur elle seule un voile de respect ; 6+6 b
Le regard déhon rentrait à son aspect. 6+6 b
Tant la sainte pudeur, ce vêtement de l’âme, 6+6 a
Peut protéger le corps contre l’audace infâme ! 6+6 a
55 Un mouvement d’extase et de ravissement 6+6 b
Donnait à tous les yeux les regards d’un amant. 6+6 b
Un murmure courait dans l’assemblée immense, 6+6 a
Comme dans les forêts la brise qui commence ; 6+6 a
Tandis que Daïdha, rouvrant ses chastes yeux 6+6 b
60 Qu’épouvantaient d’effroi les murs licencieux, 6+6 b
Par ces grossiers tableaux toujours plus offene, 6+6 a
S’enfonçait plus avant dans sa propre pene, 6+6 a
Comme un vase d’amour et de dilection 6+6 b
Au fond de cette mer d’abomination. 6+6 b
65 Le tyran, aux splendeurs de cette beauté chaste, 6+6 a
Du vice à la vertu contemplant le contraste, 6+6 a
Du regard malgré lui respectait ses appas. 6+6 b
L’absence des cheveux ne la déparait pas ; 6+6 b
Comme un jeune palmier dont la main qui le taille 6+6 a
70 En élaguant la cime élève encor la taille, 6+6 a
Plus souple et plus léger son buste s’élançait, 6+6 b
Allégé des cheveux dont le poids l’affaissait. 6+6 b
« Viens, disait Asrafiel, ô perle de l’aurore 6+6 a
Que la vague à mes pieds apporta pour éclore, 6+6 a
75 Viens luire sur ce front où luit tant de grandeur ; 6+6 b
Tu seras de ces lieux la première splendeur ! 6+6 b
Étoile de la nuit, qui brillais inconnue 6+6 a
Derrière les forêts ou derrière la nue, 6+6 a
Des astres du matin viens effacer le jour ! 6+6 b
80 Le bonheur de tes yeux coule en rayon d’amour ! 6+6 b
Sur tes lèvres de nard un ciel entier respire ! 6+6 a
C’est pour te conquérir que j’ai conquis l’empire ! 6+6 a
Viens, couronnant mon front de ta chaste beauté, 6+6 b
Me payer ma grandeur par ma félicité ! » 6+6 b
85 En lui parlant ainsi sa main rude et robuste, 6+6 a
S’assouplissant un peu, l’enlaçait par le buste, 6+6 a
Et ses bras musculeux l’attiraient vers son cœur ; 6+6 b
Mais Daïdha bondit avec un cri d’horreur. 6+6 b
Il sourit, et dardant un regard de satyre : 6+6 a
90 « Biche à l’œil effrayé, qui fuis ce qui t’attire, 6+6 a
Reviens à moi, dit-il, charmante enfant, reviens ! 6+6 b
Ton pied léger, vois-tu, traîne encor tes liens ; 6+6 b
De quoi te serviraient la colère et la fuite ? 6+6 a
Plus vite sous ma main tu reviendrais réduite. 6+6 a
95 Mais pourquoi t’enfuis-tu ? viens ; tu ne sais donc pas 6+6 b
Que c’est un dieu dont l’œil admire tes appas ? 6+6 b
Qu’il veut, n’offrant qu’à toi sa tendresse jalouse, 6+6 a
D’esclave, sur son cœur te proclamer épouse ? 6+6 a
Oh ! viens, folle beauté, sur le cœur d’Asrafiel, 6+6 b
100 De bonheurs inconnus étonner jusqu’au ciel !… » 6+6 b
Il se tut, et tendant les bras vers la rebelle, 6+6 a
Attendit un instant qu’elle y tombât… Mais elle, 6+6 a
D’une voix dont la honte et l’indignation 6+6 b
Relevaient tout à coup la molle inflexion : 6+6 b
105 « Dieu seul est Dieu, dit-elle, et le ciel de mon âme, 6+6 a
C’est le cœur de celui dont il m’a faite femme ! 6+6 a
Cédar, mon saint amour ! Cédar, mon seul époux ! 6+6 b
Un cachot avec lui plus qu’un trône avec vous ! 6+6 b
De vos pieds tout-puissants que de mes pleurs je lave, 6+6 a
110 Frappez, rejetez-moi ; faites-moi votre esclave ; 6+6 a
Mais rendez-moi Cédar, Cédar, mon seul amour, 6+6 b
Et mes petits enfants dont les yeux sont mon jour ! 6+6 b
J’embaumerai vos pieds d’éternelles caresses, 6+6 a
Et vous serez un dieu du moins pour mes tendresses… » 6+6 a
115 Comme si cette bouche eût blasphémé le ciel, 6+6 b
Un murmure d’horreur la couvrit. Asrafiel, 6+6 b
La repoussant du pied sur le marbre abattue : 6+6 a
« Ah ! dit-il, c’est donc lui ? Qu’on coure et qu’on le tue ! 6+6 a
Que l’on traîne à ses yeux ses membres torturés ; 6+6 b
120 Qu’elle entende… ! Mais non, reprit-il, demeurez ! 6+6 b
Avant que de sa vie un geste me délivre, 6+6 a
D’un seul mot, Daïdha, tu peux le laisser vivre ; 6+6 a
C’est toi qui vas frapper, c’est toi qui le tueras ! 6+6 b
Viens chercher ton amant, sa vie est dans mes bras… » 6+6 b
125 À ces mots Daïdha, par la crainte éperdue, 6+6 a
Se jetait… Mais soudain, sur un pied suspendue, 6+6 a
Et redressant d’horreur son beau corps incliné : 6+6 b
« Non ! non ! qu’il meure avant son amour profané ! 6+6 b
Qu’il meure avant de voir son épouse avilie 6+6 a
130 Au prix de son honneur lui racheter la vie ! 6+6 a
Qu’il meure avant de voir flétrir de ton baiser 6+6 b
Ces lèvres où son cœur du moins peut se poser ! 6+6 b
Frappe, mon choix est fait !… — Eh bien, non ! dit l’hyène, 6+6 a
Je suspendrai le coup pour que ta vie y tienne ! 6+6 a
135 Esclaves, apportez ses enfants par les piés 6+6 b
Comme deux vils chevreaux pour le couteau liés. 6+6 b
Par tous les sentiments de sa tendre nature, 6+6 a
Sur leurs membres sanglants donnez-lui la torture ; 6+6 a
Oui, respectez son corps et déchirez son cœur, 6+6 b
140 Jusqu’à ce qu’elle tombe aux bras de son vainqueur… » 6+6 b
Les petits, à ces mots, arrachés de leur couche, 6+6 a
Chacun d’eux dans les bras d’un esclave farouche, 6+6 a
Sur le seuil du parvis sont apportés soudain ; 6+6 b
L’abment ne fait pas bondir plus fort le daim 6+6 b
145 Que le vagissement de ses fils qu’on apporte 6+6 a
Ne fait bondir d’amour la mère vers la porte. 6+6 a
Avant que des bourreaux son geste ait été vu, 6+6 b
Se jetant sur leurs mains d’un élan imprévu, 6+6 b
Elle arrache ses fils à leur cruelle serre, 6+6 a
150 Les étreint sur son cœur, les embrasse, les serre, 6+6 a
Les laisse, les reprend, roule son front sur eux, 6+6 b
Les couvre sur leurs corps de baisers plus nombreux 6+6 b
Que l’orage du cœur n’a de gouttes de pluie ; 6+6 a
Les baigne de ses yeux, des lèvres les essuie ; 6+6 a
155 Puis, les pressant sur elle à les faire crier, 6+6 b
D’un regard qui paraît défier et prier, 6+6 b
Regarde les bourreaux un moment en silence, 6+6 a
Aux genoux d’Asrafiel avec ardeur s’élance, 6+6 a
Et serrant sur son sein ses enfants d’une main, 6+6 b
160 De l’autre saisissant le bras du monstre humain, 6+6 b
De la foudre du cœur, que son coup d’œil lui darde, 6+6 a
L’attendrit, le foudroie : « Oh ! dit-elle, oh ! regarde, 6+6 a
Suppliant à tes pieds ces innocents agneaux ! 6+6 b
Des mères de tes dieux les fils sont-ils plus beaux ? 6+6 b
165 Oh ! touche cette chair d’ivoire, où la tigresse 6+6 a
Changerait, en léchant, sa morsure en caresse ! 6+6 a
Vois ces yeux où tes yeux se reflètent ; oh ! vois 6+6 b
Comme ils touchent tes pieds avec leurs petits doigts ! » 6+6 b
Puis, avec cet instinct rapide de la mère, 6+6 a
170 Sur les traits d’Asrafiel voyant la joie amère, 6+6 a
Et comprenant soudain qu’il avait découvert 6+6 b
Le seul point sans défense où son cœur fût ouvert, 6+6 b
Du sol où se courbait sa face prosternée, 6+6 a
Relevant les enfants d’une main forcee, 6+6 a
175 Et changeant tout à coup de figure et de voix, 6+6 b
Elle se retourna comme un cerf aux abois : 6+6 b
« Non, tu les frapperas ! je le vois dans ton rire ! 6+6 a
Monstre ! l’amour y raille et l’enfer y respire ! 6+6 a
Mais viens, tyran ! bourreaux, meurtriers, venez tous 6+6 b
180 Ma seule arme de mère est plus forte que vous. 6+6 b
Essayez d’arracher du sein qui vous défie 6+6 a
Ce couple que j’y rentre et que j’y pétrifie ! 6+6 a
Vous briserez plutôt ces lourds câbles de fer 6+6 b
Que ce nœud de mes bras qui va les étouffer ! 6+6 b
185 Vous ne les atteindrez qu’en perçant mes entrailles ! 6+6 a
Mon sang, avec le leur, rougira vos murailles ; 6+6 a
Et ce monstre obtiendra, pour prix de ses forfaits, 6+6 b
Trois cadavres jetés à ses pieds satisfaits !… 6+6 b
— Bourreaux ! dit Asrafiel frémissant de colère, 6+6 a
190 Ouvrez, sans les briser, ces tendres bras de mère ; 6+6 a
Prenez ces fruits séchés avant que d’être mûrs, 6+6 b
Et broyez à ses yeux leurs têtes sur les murs ! » 6+6 b
Deux bourreaux, à ces mots, d’une invincible étreinte, 6+6 a
Déplièrent ses bras qu’entrelaçait la crainte, 6+6 a
195 Et, de ses vains efforts sans peine triomphants, 6+6 b
Écartèrent la mère et prirent les enfants. 6+6 b
Chacun en saisit un comme un boucher sa proie, 6+6 a
Et lui lia les pieds d’une rude courroie. 6+6 a
Tel qu’un bloc qu’en tournant la fronde va lancer, 6+6 b
200 Chacun vers sa colonne on les vit s’avancer. 6+6 b
Déjà les airs sifflaient sous le vent des deux crânes, 6+6 a
Déjà le mur rasait leurs cheveux diaphanes : 6+6 a
Un pas de plus, leurs fronts éclataient en débris ! 6+6 b
Le plus beau des jumeaux jette deux faibles cris ; 6+6 b
205 À cette voix d’enfant, dont l’accent la déchire, 6+6 a
L’horreur de Daïdha monte jusqu’au délire ; 6+6 a
Ah ! le cœur d’une mère est enfin le plus fort ! 6+6 b
« Pour sauver mes petits, j’embrasserais la mort ! » 6+6 b
Dit-elle ; et, s’élançant comme l’air à la flamme, 6+6 a
210 Dans les bras d’Asrafiel elle tombe sans âme ! 6+6 a
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
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Le monstre se penchait sur le front sans couleur, 6+6 b
Sur le corps immobile épuisé de douleur, 6+6 b
Qu’il allait profaner de son haleine immonde 6+6 a
Quand un cri dont l’horreur ferait crouler un monde, 6+6 a
215 Cri semblable au clairon dont le terrible écho 6+6 b
Fit rentrer dans le sol les murs de Jéricho, 6+6 b
Un cri semblable au cri dont la puissance seule 6+6 a
Fait lâcher au lion la brebis de sa gueule, 6+6 a
Et de l’aigle tremblant ouvre la serre au ciel, 6+6 b
220 Fascina tout le sang aux veines d’Asrafiel, 6+6 b
Lui fit ouvrir les mains comme une main plus forte, 6+6 a
En laissant retomber Daïdha demi-morte ! 6+6 a
Cédar, car c’était lui, du haut des escaliers, 6+6 b
Cédar, montrant sa tête entre deux hauts piliers, 6+6 b
225 Cédar, grand comme un dieu dont la mâle statue 6+6 a
Tombe du piédestal sur la foule abattue, 6+6 a
Les cheveux hérissés, le bras haut, l’œil béant, 6+6 b
Marche sur les corps morts au trône du géant. 6+6 b
Au palais dont l’orgie a dégarni les portes, 6+6 a
230 Du peuple débordé précédant les cohortes, 6+6 a
Précipitant ses pas de la foule suivis, 6+6 b
Cédar était mon jusqu’aux secrets parvis. 6+6 b
Comme avant de frapper l’orage plane et tonne, 6+6 a
Pour assurer ses yeux que la splendeur étonne, 6+6 a
235 Derrière une colonne un instant arrêté, 6+6 b
Sous l’ombre du portique il s’était abrité. 6+6 b
Pendant qu’il suspendait ses combattants du geste, 6+6 a
Il avait vu ses fils balancés, et le reste, 6+6 a
Daïdha, leur jetant son dernier cri d’effroi, 6+6 b
240 Tomber inanimée aux pieds du monstre-roi ! 6+6 b
À cet excès d’horreur, dans son sein condene, 6+6 a
La foudre de son âme avait été lane, 6+6 a
De l’orteil aux cheveux la flamme avait jailli, 6+6 b
La racine du cœur en avait tressailli. 6+6 b
245 Tout ce qui sent dans l’homme, aime, frémit, abhorre, 6+6 a
Donnait a tout son être un contre-coup sonore : 6+6 a
Rage, colère, amour, mort, indignation, 6+6 b
S’étaient multipliés dans sa vibration ! 6+6 b
La voix de tout ce peuple, à sa voix confondue, 6+6 a
250 Des cieux, qu’elle ébranlait, paraissait descendue. 6+6 a
L’enfer n’aurait pas mis les tyrans à l’abri ; 6+6 b
La vengeance du monde était dans ce seul cri !… 6+6 b
Comme se courbe un front quand passe la tempête, 6+6 a
Les géants avaient mis les deux mains sur leur tête, 6+6 a
255 Et, pareils aux épis par l’ouragan pliés, 6+6 b
Ondoyant sous son bras s’écartaient de ses piés. 6+6 b
Le peuple à flots pressés l’accompagnait en foule. 6+6 a
Tel, au milieu d’un lac quand une tour s’écroule, 6+6 a
On voit ce lac, grossi par les rocs éboulés, 6+6 b
260 Surmonter ses hauts bords de ses plis refoulés, 6+6 b
Et, dépassant du flot les grèves du rivage, 6+6 a
Suspendre son écume au rocher qui surnage : 6+6 a
Telles, tombant au sein de ce monde avili, 6+6 b
Où de l’iniqui l’abîme était rempli, 6+6 b
265 La colère d’un homme et sa seule énergie 6+6 a
Avaient d’un peuple entier troublé la léthargie, 6+6 a
Et de ces murs sacrés, qu’il n’osait regarder, 6+6 b
Jusque sur ses tyrans l’avaient fait déborder ! 6+6 b
Armés de jougs brisés, de socs et de massues, 6+6 a
270 Il se précipitait par toutes les issues, 6+6 a
Entrnant dans son flux, noyant dans sa fureur 6+6 b
Ces dieux qu’une heure avant adorait sa terreur. 6+6 b
Nul n’osait se roidir contre ce grand déluge ; 6+6 a
Tous tombaient ou mouraient, ou cherchaient un refuge. 6+6 a
275 La droite de Cédar agitait leur linceul. 6+6 b
Asrafiel pâlissant osa s’arrêter seul : 6+6 b
Il ne connaissait pas la force d’un bras libre ; 6+6 a
Sur ses muscles tendus reprenant l’équilibre, 6+6 a
De toute sa hauteur se dressant en sursaut, 6+6 b
280 De Cédar qu’il défie il attendait l’assaut. 6+6 b
Daïdha d’une main pressait encor sa jambe. 6+6 a
Cédar venant à lui sur le corps qu’il enjambe, 6+6 a
Comme un bélier jaloux qui, pour abattre un tronc, 6+6 b
Incline obliquement les cornes de son front, 6+6 b
285 Le souffle du désert grondant dans sa narine, 6+6 a
D’un seul coup de sa tête enfonce la poitrine. 6+6 a
Asrafiel, à ce choc qui le fait chanceler, 6+6 b
De ses côtes de fer sent les os vaciller ; 6+6 b
La force de son bras manque au coup qu’il assène ; 6+6 a
290 Ses poumons écrasés font ronfler son haleine ; 6+6 a
Mais, pressant de Cédar la nuque entre ses doigts, 6+6 b
Ses deux coudes ouverts, il l’écrase du poids, 6+6 b
Et, comme un sanglier plonge sa dent d’ivoire, 6+6 a
Dans son épaule nue enfonce sa mâchoire. 6+6 a
295 Tel on voit, pour ouvrir ses cinq ongles mordants, 6+6 b
Le dogue secouer le tigre avec ses dents, 6+6 b
Cédar, sans étancher son sang pur qui ruisselle, 6+6 a
Écrase le géant sous sa robuste aisselle. 6+6 a
Le colosse à l’instant, frappé du coup mortel, 6+6 b
300 Croule avec son vainqueur aux marches de l’autel. 6+6 b
Les globes de ses yeux tournent sous sa paupière ; 6+6 a
Son front sonore est pâle et froid comme la pierre. 6+6 a
Cédar, penché sur lui, le prend par les cheveux, 6+6 b
Tend, pour le soulever, ses deux poignets nerveux, 6+6 b
305 Et, contre l’autel même où son forfait s’expie, 6+6 a
Comme un vautour dans l’œuf, brise son crâne impie ; 6+6 a
Puis, cherchant du regard ses autres ennemis, 6+6 b
Il voit tout, devant lui, mort, fuyant ou soumis. 6+6 b
Le peuple fluctuant, que la peur encourage, 6+6 a
310 Pendant l’affreux duel, s’acharnant au carnage, 6+6 a
Avait, vengeant d’un jour tant de jours odieux, 6+6 b
Égorgé sans combat la moitié de ses dieux ; 6+6 b
L’autre moitié, fuyant le fer levé sur elle, 6+6 a
Avait, par des détours, gagné la citadelle ; 6+6 a
315 Tour qui montait au ciel, et dont les murs de roc, 6+6 b
Dressés en précipice et ne formant qu’un bloc, 6+6 b
Défiant des béliers la poutre la plus forte, 6+6 a
Recevaient l’air du ciel et n’avaient qu’une porte. 6+6 a
Pendant que leur vainqueur s’enivrait du succès, 6+6 b
320 De cette tour d’airain gardant l’unique accès, 6+6 b
Les dieux, réfugiés dans cet antre de pierre, 6+6 a
En refermant la porte, avaient roulé derrière 6+6 a
Trois fragments de granit dont la masse et le poids 6+6 b
Auraient épouvan mille hommes d’autrefois, 6+6 b
325 Et que de la colline à leur masse soue 6+6 a
Trente siècles n’ont pu déplacer en ie ! 6+6 a
Ce reste de tyrans couverts par ses remparts 6+6 b
Du faîte des créneaux plonge en bas ses regards. 6+6 b
Le peuple, dont la rage à leur aspect s’allume, 6+6 a
330 Contre les murs se brise en impuissante écume : 6+6 a
Sa fureur, qui ne peut si haut les assaillir, 6+6 b
Sur les corps mutilés des morts vient rejaillir ; 6+6 b
L’incendie au palais s’attache en longues lames ; 6+6 a
Le vent souffle engouffré dans des courants de flammes ; 6+6 a
335 Sous des vagues de feu le ciel semble ondoyer ; 6+6 b
Tout roule et s’engloutit dans ce large foyer. 6+6 b
Il calcine la pierre, il effeuille le marbre ; 6+6 a
La colonne s’allume ainsi que le tronc d’arbre, 6+6 a
Et, comme des rameaux sur les herbes fumants, 6+6 b
340 Sème du haut des airs ses grands entablements. 6+6 b
On dirait qu’un volcan allumé de lui-même 6+6 a
Dévore avec le sol ces temples du blasphème. 6+6 a
De ces foyers vengeurs les feux semblaient vivants. 6+6 b
Les siècles en un jour rendent leur cendre au vent. 6+6 b
345 L’œuvre d’impié des âges consue, 6+6 a
Éteinte en un clin d’œil, se balaye en fue. 6+6 a
L’ange de la justice et de la liberté, 6+6 b
Sur ses ailes de feu par les flammes porté, 6+6 b
Tel qu’un pasteur qui brûle une ruche d’abeilles, 6+6 a
350 Avec l’iniqui consume ses merveilles. 6+6 a
Aux sinistres éclairs des bûchers dévorants, 6+6 b
Aux bouillons de la lave, aux clameurs des mourants, 6+6 b
On voit courir le peuple, ivre d’horrible joie, 6+6 a
Repousser dans la flamme ou disputer sa proie, 6+6 a
355 Battre des mains aux feux, encourager les vents, 6+6 b
Jeter sur les charbons des esclaves vivants, 6+6 b
Assouvir de ses sens les vengeances brutales, 6+6 a
Du crime et de la mort mener les saturnales, 6+6 a
Et, d’agneaux égorgés devenus égorgeurs, 6+6 b
360 Surpasser les forfaits dont ils sont les vengeurs ! 6+6 b
Cédar, encor souillé de sang et de fue, 6+6 a
Relevant Daïdha par sa voix ranie, 6+6 a
Emportait loin du feu, sur ses bras triomphants, 6+6 b
Pressés contre son cœur, sa femme et ses enfants. 6+6 b
365 Ne pouvant s’arracher à leur tremblante étreinte, 6+6 a
Il s’assit à l’écart au pied d’un térébinthe, 6+6 a
Dont sur un grand bassin les immenses rameaux, 6+6 b
Par leurs feuilles courbés, se baignaient dans les eaux. 6+6 b
Tel qu’un buffle alté lave ses crins immondes, 6+6 a
370 Il se plonge trois fois tout fumant dans les ondes, 6+6 a
Et trois fois, élevant sa tête sur les flots, 6+6 b
De son sang encor tiède il lave les caillots. 6+6 b
La bave d’Asrafiel sortit de sa morsure. 6+6 a
Daïdha de ses pleurs arrosa la blessure, 6+6 a
375 Et de Cédar enfin restaurant la vigueur, 6+6 b
Avec ses deux enfants se jeta sur son cœur. 6+6 b
Oh ! de crainte et d’amour quels rapides échanges 6+6 a
De mots inachevés qu’entendaient seuls les anges, 6+6 a
D’éclairs d’une âme à l’autre éclatant tour à tour, 6+6 b
380 Illuminant d’un mot les doutes de l’amour, 6+6 b
Dans ce rapide instant absorbèrent leurs âmes ! 6+6 a
Pendant que l’incendie en ses longs jets de flammes 6+6 a
Leur jetait par moments ses sinistres reflets, 6+6 b
Et que le sol tremblait aux chutes des palais, 6+6 b
385 Amant, père, vainqueur, enfant, épouse, mère, 6+6 a
Leur joie accumulée était leur atmosphère. 6+6 a
Le ciel aurait crou sur le monde englouti, 6+6 b
Que le bruit dans leur cœur n’en eût pas retenti. 6+6 b
Cependant ce vil peuple, achevant son ouvrage, 6+6 a
390 Jusqu’après le triomphe étendait le carnage. 6+6 a
Cédar en eût pitié ; la tête dans sa main, 6+6 b
Il pleura sur lui-même et sur le genre humain. 6+6 b
« Ô race, pensait-il, faite pour qu’on l’opprime, 6+6 a
Vengeras-tu toujours le crime par le crime ?… » 6+6 a
395 Il regardait fumer ces sinistres débris : 6+6 b
Un géant que la foule assiégeait à grands cris 6+6 b
Vint tomber aux genoux du vainqueur de sa race. 6+6 a
Où la force éclatait, il espérait la grâce : 6+6 a
« Sauve-moi, cria-t-il, de ce peuple assassin ! » 6+6 b
400 Cédar lui fit contre eux un rempart de son sein ; 6+6 b
Du géant sans défense il protégea la vie : 6+6 a
Le peuple abandonna sa victoire ravie, 6+6 a
Tel qu’à la voix de l’homme un tigre rugissant 6+6 b
Qui laisse et qui regrette une goutte de sang. 6+6 b
405 Mais Cédar indigné, les réprimant du geste, 6+6 a
Des géants poursuivis préserva quelque reste. 6+6 a
« Qui de vous, disait-il en détournant les yeux, 6+6 b
Du maître ou de l’esclave, est le plus odieux ? 6+6 b
Oh ! fuyons, Daïdha, ces races de vipères ! 6+6 a
410 Emportons nos enfants aux forêts de nos pères ! 6+6 a
N’est-il donc plus un juste au fond des nations ? » 6+6 b
Et Daïdha pleurant lui répondit : « Fuyons ! » 6+6 b
Au sommet de la tour qui leur servait d’asile, 6+6 a
Les géants consternés regardant sur la ville, 6+6 a
415 Voyant cette pitié d’un vainqueur généreux, 6+6 b
Comprirent leur salut et parlèrent entre eux. 6+6 b
Dans ce monde pétri de mal et d’artifice, 6+6 a
Chaque vertu du juste est une arme du vice. 6+6 a
Quand l’incendie éteint languit sans aliment, 6+6 b
420 Et que l’épaisse nuit couvrit le firmament, 6+6 b
L’un d’eux par une corde aux créneaux suspendue, 6+6 a
Et du poids de son corps jusqu’aux fossés tendue, 6+6 a
Glissa le long du mur, et d’un pas indécis 6+6 b
S’avança vers Cédar sous le grand arbre assis. 6+6 b
425 Tombant à ses genoux et simulant la crainte, 6+6 a
Il lui pressait les pieds d’une muette étreinte ; 6+6 a
Sa voix cherchait des mots et ne pouvait parler, 6+6 b
Sa pensée en suspens semblait aussi trembler. 6+6 b
Comme un coupable enfin que son juge rassure 6+6 a
430 Et sur les mots pesés composant sa figure : 6+6 a
« O divin étranger, envoyé par le ciel 6+6 b
Pour délivrer la terre et punir Asrafiel, 6+6 b
De quelque nom caché que Jéhovah te nomme, 6+6 a
Puissante main d’en haut qui vient relever l’homme ! 6+6 a
435 L’homme qu’elle relève est indigne de toi. 6+6 b
A leurs iniquités, ô juste ! arrache-moi. 6+6 b
Tu vois devant tes yeux une de leurs victimes, 6+6 a
Respirant l’air impur qu’ils infectent de crimes, 6+6 a
Buvant l’iniqui tout en la détestant, 6+6 b
440 Et de leur échapper guettant toujours l’instant. 6+6 b
Du sommet de la tour où cette race impie, 6+6 a
Comme l’aigle blessé, de son aire t’épie, 6+6 a
Je t’ai vu tout à l’heure à ces hommes ingrats 6+6 b
Ravir tes ennemis protégés par ton bras ; 6+6 b
445 J’ai reconnu ma race à ta vertu sublime, 6+6 a
J’ai mis ma confiance en ton cœur magnanime ; 6+6 a
Et du haut des remparts glissant inaperçu, 6+6 b
Comme l’ombre de Dieu ton ombre m’a reçu. 6+6 b
Sauve-moi, choisis-moi de cette race infâme 6+6 a
450 Que ma tribu déteste et que vomit mon âme ! 6+6 a
Mon nom n’est pas leur nom, mon Dieu n’est pas le leur ; 6+6 b
Jeune, ils m’ont pris au piège, ainsi que l’oiseleur. 6+6 b
Sous ses palmiers sacrés, la Mésopotamie 6+6 a
M’enfanta d’une race à leur race ennemie ; 6+6 a
455 Là, le nom des géants comme un crime est haï, 6+6 b
Là, règne seul au ciel le Dieu d’Adonaï ! 6+6 b
Là, le lait et le miel coulent d’un sol propice, 6+6 a
Et du cœur des mortels l’amour et la justice ; 6+6 a
Là, tout homme, plantant ses tentes en tout lieu, 6+6 b
460 A son frère dans l’homme et son père dans Dieu. 6+6 b
Oh ! laisse-moi m’enfuir vers ces rives prospères, 6+6 a
Et reporter mes os aux tombes de mes pères ! » 6+6 a
Cédar le relevant en lui prenant la main : 6+6 b
« Saurais-tu de ces bords retrouver le chemin ? 6+6 b
465 Pourrais-tu vers ce ciel me guider sur ta trace ? 6+6 a
Parle ! oh ! parle ! dit-il, enfant d’une autre race. 6+6 a
Si tu sais où trouver les fils de Jéhova, 6+6 b
Mes pieds seront tes pieds, et tes yeux mes yeux : va ! 6+6 b
» — Vers ces climats bénis où l’aurore a sa source, 6+6 a
470 Neuf soleils, dit Stagyr, achèveront la course. 6+6 a
Nous marcherons d’abord par un profond vallon, 6+6 b
La poitrine tournée au vent de l’aquilon. 6+6 b
Nous passerons bientôt les ondes de l’Euphrate ; 6+6 a
Nous entrerons après dans une terre ingrate 6+6 a
475 Qui n’enfanta jamais herbe ni nations, 6+6 b
Déserts où Dieu versa ses malédictions, 6+6 b
Dont les vents creusent seuls les vagues infécondes, 6+6 a
Où l’océan de feu déroule seul ses ondes ; 6+6 a
Là, pour ne pas mourir, sur les flancs du chameau 6+6 b
480 Le patriarche errant charge deux sources d’eau. 6+6 b
Après trois jours entiers, du côté de l’aurore, 6+6 a
La terre des palmiers commencera d’éclore. 6+6 a
Un fleuve indiquera les bords que nous cherchons. » 6+6 b
Ainsi parla Stagyr, et Cédar dit : « Marchons ! » 6+6 b
485 Détournant les regards de ce séjour d’alarmes, 6+6 a
Il prit sur chaque bras un des fils de ses larmes, 6+6 a
Appuya sur son cou la main de Daïdha, 6+6 b
Et suivit hors des murs l’homme, qui le guida. 6+6 b
A la lueur des feux sur des monceaux de cendre, 6+6 a
490 De la cité du crime on le vit redescendre, 6+6 a
Et, maudissant du cœur l’infâme nation, 6+6 b
Secouer de ses pieds l’abomination ! 6+6 b
Il vit autour des murs errer une chamelle 6+6 a
Dont le petit suçait la pendante mamelle ; 6+6 a
495 Stagyr, d’un geste adroit lui passant le licou, 6+6 b
En chassant son petit l’emmena par le cou. 6+6 b
Sur les marges du puits deux outres oubliées 6+6 a
Pleines d’eau, par Stagyr l’une à l’autre liées, 6+6 a
Du fleuve qu’ils fuyaient emprisonnant les flots, 6+6 b
500 Balancèrent leur poids en liquides ballots. 6+6 b
Daïdha sur le dos de l’animal robuste 6+6 a
Tenait les deux jumeaux pressés contre son buste. 6+6 a
En suivant du chemin les cahots ondulants, 6+6 b
Leurs pieds nus du chameau battaient les rudes flancs. 6+6 b
505 Cédar, qui du regard surveillait cette charge, 6+6 a
Lui prêtait pour soutien son bras solide et large ; 6+6 a
Le désert admirait ce beau groupe ondoyant. 6+6 b
La main de Daïdha, sur Cédar s’appuyant, 6+6 b
Essuyait de son front la sueur goutte à goutte, 6+6 a
510 Et son souffle d’amour rafrchissait la route. 6+6 a
Quand le couple enfantin s’éveillait ou criait, 6+6 b
Dans le creux de sa main, que leur lèvre essuyait, 6+6 b
Cédar, faisant un peu ruisseler l’outre pleine, 6+6 a
Du vent sur leur visage en humectait l’haleine. 6+6 a
515 Ainsi, cherchant l’abri d’un Dieu juste et vengeur, 6+6 b
Fuyait vers l’Orient le couple voyageur ; 6+6 b
Et chacun de leurs pas, rapprochant l’espérance, 6+6 a
Semblait jeter un siècle entre eux et leur souffrance ! 6+6 a
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
Ils marchèrent ainsi jusqu’au pâle matin. 6+6 b
520 Déjà le grand désert, rougissant le lointain, 6+6 b
Comme une flamme envoie un reflet au nuage, 6+6 a
Incendiait le ciel de sa livide image. 6+6 a
La vapeur que la nuit lui faisait exhaler 6+6 b
Aux rayons bas du ciel paraissait onduler. 6+6 b
525 Les sillons sablonneux fumaient comme une braise 6+6 a
Que la pelle remue aux bords de la fournaise. 6+6 a
Tout l’horizon flottait dans la confusion. 6+6 b
Seulement, par moments, un oblique rayon, 6+6 b
Rasant du sable d’or la crête qu’il allume, 6+6 a
530 Le faisait éclater comme un bouillon d’écume ; 6+6 a
Puis, d’un sommet à l’autre avec le jour glissant, 6+6 b
Semait de points de feu le sol éblouissant, 6+6 b
Et, noyant le regard dans des horizons vagues, 6+6 a
De cette mer de flamme entre-croisait les vagues. 6+6 a
535 En entrant sous ce ciel par la vapeur terni, 6+6 b
On croyait tout vivant entrer dans l’infini. 6+6 b
Le doute et la terreur reposaient sur ces cimes. 6+6 a
A l’effrayant aspect de ces mouvants abîmes, 6+6 a
Cédar et Daïdha, l’un sur l’autre appuyés, 6+6 b
540 Sentirent tous leurs nerfs se crisper dans leurs piés ; 6+6 b
Refusant d’avancer, d’un geste involontaire, 6+6 a
Leurs orteils contractés s’attachaient à la terre ; 6+6 a
Mais, se tournant vers eux, Stagyr dit : « Le voilà ! 6+6 b
Des hommes et de Dieu la terre est au delà ! » 6+6 b
545 Sous l’haleine de feu que le désert apporte, 6+6 a
Sur la terre dé toute vie était morte. 6+6 a
Ils ne voyaient au loin que des troncs calcinés, 6+6 b
Sous le poids du simoun et du sable inclinés : 6+6 b
Semblables à ces mâts, grands débris des naufrages, 6+6 a
550 Qu’en ses jours de courroux la mer jette aux rivages, 6+6 a
Et qui dressent de loin, à l’œil des matelots, 6+6 b
Leurs cadavres penchés et souillés par les flots. 6+6 b
Ainsi, sur les confins de la terre vivante, 6+6 a
Le désert dépliait son écume mouvante ; 6+6 a
555 Et le sable en bouillons débordait de son lit. 6+6 b
Comme une eau sur le feu qui bout et rejaillit. 6+6 b
Rassurés par la voix de l’homme qui les guide, 6+6 a
Les époux, abordant cette arène torride, 6+6 a
Comme un esquif se lance aux flots des océans, 6+6 b
560 Confièrent leurs pas à des sables béants. 6+6 b
Les ondulations des premières collines 6+6 a
Leur cachèrent bientôt les campagnes voisines. 6+6 a
L’horizon décroissant s’affaissa sous leurs yeux : 6+6 b
Ils ne voyaient au loin que la poudre et les cieux. 6+6 b
565 Leur route, serpentant de l’abîme au nuage, 6+6 a
D’un vaisseau qui talonne imitait le tangage ; 6+6 a
Le gouffre, dont à peine on les voyait sortir, 6+6 b
Ne les rendait au jour que pour les engloutir ; 6+6 b
Ils levaient un moment au sommet de ces lames 6+6 a
570 Leurs deux fronts que le jour colorait de ses flammes, 6+6 a
Comme l’on voit surgir et plonger tour à tour 6+6 b
La voile des pêcheurs teinte des feux du jour. 6+6 b
Le vent qui frchissait, soufflant à leur figure, 6+6 a
Ballottait de Cédar la noire chevelure, 6+6 a
575 Et la faisait fouetter et claquer sur son dos 6+6 b
Avec un bruit pareil au claquement des flots. 6+6 b
Depuis que leurs regards avaient perdu la terre, 6+6 a
De leurs impressions symptôme involontaire, 6+6 a
Ils marchaient en silence et n’osaient échanger 6+6 b
580 Une pensée entre eux, trop pleins de leur danger : 6+6 b
Soit que la majesté de ce roulant abîme 6+6 a
Imprimât à leur lèvre une terreur intime ; 6+6 a
Soit que de leur péril le secret sentiment 6+6 b
Accumulât sa force en ce grave moment. 6+6 b
585 Comme une caravane aux défilés entrée, 6+6 a
Aucun son ne troublait leur marche mesue ; 6+6 a
Le pied sourd du chameau ne retentissait pas : 6+6 b
Le sable absorbait tout, jusqu’au bruit de leurs pas. 6+6 b
Seulement, par instants, sous leur corps qui chancelle, 6+6 a
590 Il leur semblait entendre un bruit d’eau qui ruisselle. 6+6 a
Leur oreille, trompée, avec ravissement 6+6 b
Écoutait gazouiller ce doux ruissellement ; 6+6 b
Au murmure de l’eau leurs yeux cherchaient la source ; 6+6 a
Pour y tremper leur âme ils suspendaient leur course ; 6+6 a
595 Mais cette illusion bientôt se refoulait : 6+6 b
Ce n’était sous leurs pieds qu’un gravier qui coulait, 6+6 b
Comme si du désert cette arène tarie 6+6 a
Eût à l’aridi mêlé la raillerie. 6+6 a
Reflétés par la terreDe la terre et du ciel les rayons du soleil 6+6 b
600 Fondaient leur tête nue et leur brûlaient l’orteil ; 6+6 b
Quelquefois sur le flanc d’un monticule sombre, 6+6 a
Se collant à la pente, ils gtaient un peu d’ombre, 6+6 a
Et de leur front baissé laissant égoutter l’eau, 6+6 b
Ils reprenaient haleine et partaient de nouveau. 6+6 b
605 Ils marchèrent ainsi jusqu’à l’heure tardive 6+6 a
Où le soleil plongea sous ces vagues sans rive. 6+6 a
La brise de la lune enfin se fit sentir ; 6+6 b
La longue ombre du soir commença de vêtir 6+6 b
La nudité du sol d’apparences plus douces ; 6+6 a
610 L’œil trompé le voyait teint d’herbes et de mousses. 6+6 a
Le désert, que renflait quelque roc souterrain, 6+6 b
Affectait la rudesse et les plis du terrain ; 6+6 b
Les coteaux élargis arrondissaient leurs croupes ; 6+6 a
Sur leurs pieds affaissés des monts nouaient leurs groupes, 6+6 a
615 Leurs flancs se découpaient sur le fond gris des cieux, 6+6 b
Les astres en rasaient les pics audacieux. 6+6 b
L’illusion jetait aux crêtes de ces chaînes 6+6 a
Les profils nuageux des cèdres et des chênes. 6+6 a
On aurait pu se croire errant sur quelques bancs 6+6 b
620 Des rochers du Taurus ou des monts des Libans, 6+6 b
Et, des sommets ombreux de leurs cimes voies, 6+6 a
Voir leur neige écumer dans la nuit de vallées. 6+6 a
De ces illusions leur cœur se nourrissait ; 6+6 b
Sur leurs pas ralentis la nuit s’épaississait. 6+6 b
625 Dans le creux d’un vallon de ces trompeuses pentes 6+6 a
Où les rideaux des nuits furent leurs seules tentes, 6+6 a
Les époux épuisés s’arrêtèrent enfin : 6+6 b
Ils choisirent pour place un lit de sable fin. 6+6 b
Après avoir ti le lait de sa mamelle, 6+6 a
630 ils remirent en garde à Stagyr la chamelle. 6+6 a
Ils mangèrent des fruits cueillis pour le chemin ; 6+6 b
Se passèrent après l’outre de main en main ; 6+6 b
Et, rendant grâce à Dieu de ces sobres délices, 6+6 a
Se couchèrent en paix aux flancs des précipices. 6+6 a
635 Stagyr de quelques pas s’était éloigné d’eux. 6+6 b
Après tant de misère ils étaient là tous deux. 6+6 b
Ils entendaient dormir les deux fruits de leur couche, 6+6 a
Un vent frais sur le front et du lait sur la bouche ; 6+6 a
Le cœur contre le cœur et la main dans la main, 6+6 b
640 Leur espoir se portait sur un long lendemain ; 6+6 b
Ils avaient retrou le ciel dans leur présence. 6+6 a
Il est dans les repos de l’humaine existence 6+6 a
De célestes moments, moments, hélas ! trop courts, 6+6 b
Où dans le cœur trop plein le sang suspend son cours, 6+6 b
645 Où des afflictions que le présent soulève 6+6 a
Sur l’esprit dila le poids n’est plus qu’un rêve, 6+6 a
Où, comme la brebis au tournant des saisons, 6+6 b
L’âme se sent pousser de nouvelles toisons, 6+6 b
Et, de ce lac de joie où Dieu l’a retreme, 6+6 a
650 Sort sans se souvenir de sa toison coue ! 6+6 a
Semblables à ces jours de soleil pur et clair, 6+6 b
Jours de printemps jetés au milieu de l’hiver, 6+6 b
Qu’au-dessus du brouillard qui ternit les campagnes 6+6 a
Le voyageur rencontre au sommet des montagnes, 6+6 a
655 Où le rayon du ciel chauffe comme un manteau, 6+6 b
Où la lumière baigne et dore le coteau, 6+6 b
Où du brouillard des nuits le cèdre qui s’essuie 6+6 a
En rosée odorante égoutte aux pieds la pluie, 6+6 a
Où le merle frileux siffle au bord du chemin, 6+6 b
660 Où rien ne manque au jour, hélas ! qu’un lendemain ! 6+6 b
Ainsi dans son repos ce couple solitaire 6+6 a
Se sentait vers le ciel enlevé de la terre ; 6+6 a
Ils se laissaient bercer par leur ravissement, 6+6 b
Ainsi que le nageur par le flot écumant. 6+6 b
665 Leur âme, à qui la paix rendait la confiance, 6+6 a
Ne se fatiguait plus d’obscure prévoyance ; 6+6 a
Sous les regards de Dieu qui les enveloppaient, 6+6 b
Comme leurs membres las, leurs cœurs s’abandonnaient. 6+6 b
Le front devant le front et les mains enlaes, 6+6 a
670 Leurs regards mutuels s’envoyaient leurs penes. 6+6 a
Des étoiles du ciel les rayons amoureux 6+6 b
Enviaient les coups d’œil qu’ils échangeaient entre eux. 6+6 b
Des brises de la nuit l’haleine parfue 6+6 a
En effleurant leur bouche en était embaue. 6+6 a
675 Leur âme s’exhalait dans un ardent soupir ; 6+6 b
Leurs touchants entretiens ne pouvaient s’assoupir ; 6+6 b
Pour s’enivrer du son de la voix retroue, 6+6 a
Ils faisaient mille fois gazouiller leur coue ; 6+6 a
Et pour saisir l’épaule ou le cou de l’amant, 6+6 b
680 Daïdha dépliait son bras déjà dormant ; 6+6 b
Cédar, pour écouter le souffle de sa bouche, 6+6 a
S’appuyait sur le coude au sable de sa couche. 6+6 a
Le sommeil du bonheur enfin ferma leurs yeux. 6+6 b
Astres, amis du cœur, qui regardiez des cieux ! 6+6 b
685 De l’éclatante nuit brillantes providences, 6+6 a
Étoiles où montaient leurs chastes confidences ! 6+6 a
Yeux ouverts du Seigneur sur l’ombre des déserts ! 6+6 b
Esprits qui remplissez l’air, la terre et les mers ; 6+6 b
Anges de tous les noms, mystérieux fantômes 6+6 a
690 Dont le monde invisible est plus plein que d’atomes ; 6+6 a
Ministres du Très-Haut présent dans tous les lieux, 6+6 b
Qui passiez dans ces vents, qui luisiez dans ces feux, 6+6 b
Oh ! pourquoi, déjouant des desseins sacriléges, 6+6 a
N’avez-vous pas gardé ces beaux pieds de tous piéges ? 6+6 a
695 Pourquoi, pourquoi laisser jusqu’au réveil du jour 6+6 b
S’assoupir ces deux cœurs dans l’embûche d’amour ? 6+6 b
N’avaient-ils point d’ami dans le monde céleste 6+6 a
Qui pût les éveiller d’une idée ou d’un geste ? 6+6 a
Pour l’incompréhensible et sainte volonté, 6+6 b
700 La ruine de l’homme est-elle volupté ? 6+6 b
Mais silence : envers Dieu la plainte est une offense ; 6+6 a
Ses anges ne sont saints que par l’obéissance !… 6+6 a
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
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· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
Quand la barre de feu fendit le firmament, 6+6 b
Ils furent éveillés par le gazouillement 6+6 b
705 Des enfants assoupis, dont la main étendue 6+6 a
Cherchait la coupe humaine à leurs lèvres rendue, 6+6 a
Mais que l’anxié d’un sevrage cruel 6+6 b
Avait vidée, hélas, sur le sein maternel. 6+6 b
À ces doux cris, Cédar de son repos se lève ; 6+6 a
710 Il promène d’en haut ses regards sur la grève. 6+6 a
Trois fois d’une voix forte il appelle Stagyr : 6+6 b
De chaque pli du sable il croit le voir surgir ; 6+6 b
Mais sa voix, du désert seulement entendue, 6+6 a
Expire sans réponse et meurt dans l’étendue 6+6 a
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
715 Son esprit est frappé d’une horrible lueur ; 6+6 b
Sa tête, sous l’effroi se couvrant de sueur, 6+6 b
Se tourne sous l’assaut de confuses ies ; 6+6 a
Son pied heurte en marchant les deux outres vies, 6+6 a
Dont le sable stérile avait bu toute l’eau, 6+6 b
720 Et qui portaient aux flancs l’empreinte du couteau ! 6+6 b
À ce témoin parlant de tant de perfidie, 6+6 a
Comme d’un coup mortel son âme est engourdie. 6+6 a
Aux yeux de Daïdha, pétrifiés d’horreur, 6+6 b
Ses yeux en se portant redoublent sa terreur. 6+6 b
725 Plus leur regard troublé dans le désert s’enfonce, 6+6 a
Plus à leur doute affreux la mort est la réponse ; 6+6 a
Dans ce regard muet, dialogue sans mots, 6+6 b
D’une longue agonie ils ont bu tous les flots. 6+6 b
Du poids du désespoir leurs cous brisés se ploient ; 6+6 a
730 Pour mourir sur la place en silence ils s’assoient. 6+6 a
L’aspect de leurs enfants les secoue et les mord. 6+6 b
Ils s’éveillaient riant à l’aube de leur mort. 6+6 b
À leur vue, en sursaut Cédar encor se lève ; 6+6 a
Les yeux sur la poussière, interrogeant la grève, 6+6 a
735 Il cherche à retrouver dans le sable mouvant 6+6 b
La route de Stagyr ; mais les ailes du vent 6+6 b
Qui se lève au matin sur ces vagues arides 6+6 a
De l’océan de poudre ont nivelé les rides, 6+6 a
Et du guide infidèle enseveli les pas. 6+6 b
740 Le pied du passereau ne s’y conntrait pas. 6+6 b
Il revient épui de sa course inutile. 6+6 a
Daïdha, se penchant sur l’arène stérile, 6+6 a
À la place où de l’eau le sol était imbu, 6+6 b
Cherchait à retrouver l’onde qu’il avait bu, 6+6 b
745 Mordait le sable sec d’une lèvre farouche ; 6+6 a
Approchait les enfants, leur y collait la bouche, 6+6 a
Espérant que le sol, de leur soif attendri, 6+6 b
Ne refuserait pas de la rendre à leur cri ; 6+6 b
Et, bondissant sous elle ainsi qu’une panthère, 6+6 a
750 Comme pour se venger frappait du poing la terre. 6+6 a
Cédar, les bras levés, un moment regarda ; 6+6 b
Puis à ce vain délire arrachant Daïdha, 6+6 b
Et remettant au ciel un cœur transi de doute, 6+6 a
Pour qu’un guide invisible illuminât leur route, 6+6 a
755 Il prit un des enfants sur chacun de ses bras, 6+6 b
Et marcha sans savoir où le menaient ses pas 6+6 b
Daïdha, regardant l’horizon et sa brume, 6+6 a
Le désert qui poudroie ou le brouillard qui fume, 6+6 a
Montrant avec un cri son espoir de la main, 6+6 b
760 Le faisait revenir cent fois sur son chemin, 6+6 b
Voyant dans les vapeurs, sous son regard de mère, 6+6 a
Surgir à l’horizon chimère sur chimère : 6+6 a
À tous ces buts changés leur force succombait ; 6+6 b
D’un poids plus lourd sur eux le doute retombait ; 6+6 b
765 Sans cesse un repentir ramenait en arrière 6+6 a
Leurs pieds, dont les erreurs centuplaient la carrière ; 6+6 a
Puis, saisis tout à coup d’un nouveau repentir, 6+6 b
On les voyait s’asseoir, se lever, repartir. 6+6 b
Le soleil cependant, suspendu dans sa voûte, 6+6 a
770 Marquait de leur sueur les haltes de leur route ; 6+6 a
De leurs membres trempés leur vigueur ruisselait. 6+6 b
Daïdha se frappait les seins vicies de lait : 6+6 b
Au lieu du blanc nectar dont son malheur les sèvre, 6+6 a
Arrachant à Cédar ses enfants, sur leur lèvre 6+6 a
775 Elle faisait couler, pour les désaltérer, 6+6 b
Ses larmes, lait du cœur que les yeux font filtrer ! 6+6 b
Mais le sel de ses pleurs, qui rend cette onde amère, 6+6 a
Détournait les petits des baisers de leur mère 6+6 a
« Flanc qui les as portés, les laisses-tu mourir ? 6+6 b
780 Sein qui les a conçus, ne peux-tu les nourrir ? 6+6 b
Criait-elle en voyant toutes ses ruses vaines. 6+6 a
Oh ! s’ils voulaient du sang, je m’ouvrirais les veines ! » 6+6 a
Et déchirant sa peau de son ongle impuissant : 6+6 b
« Que n’êtes-vous lions ? vous lécheriez ce sang ! » 6+6 b
785 De ses cris maternels la douleur insene, 6+6 a
En épuisant son corps, égarait sa pene. 6+6 a
Cédar contre son cœur vainement l’appuyait ; 6+6 b
De ses bras contractés ce cher fardeau fuyait, 6+6 b
Et, lassé d’un espoir qui sans cesse retombe, 6+6 a
790 Embrassait le désert de feu, comme une tombe ! 6+6 a
Les étoiles du ciel commençaient à jaillir, 6+6 b
La nuit de ses terreurs revint les assaillir ; 6+6 b
D’une étreinte mortelle, assis, ils s’embrassèrent, 6+6 a
Comme deux naufragés, et muets s’affaissèrent. 6+6 a
795 Nul n’osait de sa voix faire entendre le son ; 6+6 b
Leurs cœurs ne se parlaient que par leur seul frisson : 6+6 b
En proférant le mot qu’il eût fallu répondre, 6+6 a
Ils craignaient de sentir tout leur courage fondre. 6+6 a
Dans un sommeil trompeur leur faim s’assoupissant, 6+6 b
800 Le cri des deux jumeaux allait s’affaiblissant ; 6+6 b
Serrant ces petits corps entre leurs deux poitrines, 6+6 a
À peine entendaient-ils le vent de leurs narines. 6+6 a
Comme la poule encor couve mort son poussin, 6+6 b
La mère réchauffait ces deux corps dans son sein. 6+6 b
805 Oh ! durant cette longue et suprême insomnie, 6+6 a
Combien le sable but de gouttes d’agonie ! 6+6 a
La brise du matin les rafrchit un peu, 6+6 b
Le soleil nu monta comme un charbon de feu : 6+6 b
L’aube, qui se jouait splendide sur leur tête, 6+6 a
810 Teignit le firmament d’une couleur de fête. 6+6 a
Cette gté semblait une insulte des cieux. 6+6 b
Pour y chercher secours, ils levèrent les yeux : 6+6 b
Une cigogne, seule, à l’aile diaprée, 6+6 a
Sans doute, hélas ! aussi de sa route égae, 6+6 a
815 Comme une longue flèche à la fin de son vol, 6+6 b
Fendait l’air résonnant à quelques pieds du sol, 6+6 b
Dans ses deux pattes d’or emportant avec elle 6+6 a
Un de ses chers petits à l’ombre sous son aile. 6+6 a
L’oiseau, comme étonné de l’aspect des humains, 6+6 b
820 S’approcha d’eux ; Cédar éleva les deux mains 6+6 b
Comme pour arrêter cet ami dans sa course, 6+6 a
Et conjurer l’oiseau de lui montrer la source. 6+6 a
Le fort vent de son vol effleura ses cheveux ; 6+6 b
Mais l’oiseau s’éloigna sans entendre ses vœux. 6+6 b
825 Ils suivirent longtemps, de colline en colline, 6+6 a
Son vol bas, jusqu’au bord où l’horizon décline, 6+6 a
Et marchèrent plus seuls quand l’oiseau disparut. 6+6 b
Le matin de ce jour, un des jumeaux mourut ; 6+6 b
L’autre mourut le soir. Faux sourire de joie 6+6 a
830 Qui finit en sanglots et qu’une larme noie ! 6+6 a
Cédar n’entendit pas mourir leurs souffles sourds : 6+6 b
Seulement il sentit leurs corps froids et plus lourds ; 6+6 b
Leurs têtes, qui pendaient au bras qui les supporte, 6+6 a
Battirent sur son corps comme une chose morte. 6+6 a
835 Son œil pétrifié sans pleurs les regarda, 6+6 b
Et, de son seul bras libre enlaçant Daïdha, 6+6 b
Il s’enfuit emportant ses fils morts et sa femme, 6+6 a
Comme un spectre emportant les trois parts de son âme, 6+6 a
Ou comme la victime échappée au boucher, 6+6 b
840 Qui traîne dans son sang les lambeaux de sa chair. 6+6 b
Il courut au hasard jusqu’au bout de sa laisse, 6+6 a
Tant que ses nerfs tendus trompèrent sa faiblesse. 6+6 a
Ces pas pressés, ce poids, ce fougueux mouvement, 6+6 b
De ses maux à son âme ôtaient le sentiment. 6+6 b
845 Quand son pied s’arrêta, ses forces succombèrent ; 6+6 a
Sur lui, de tout leur poids, ses fardeaux retombèrent ; 6+6 a
Daïdha, de son sein, sur le sable glissa ; 6+6 b
Ses enfants sur son cœur, lui-même il s’affaissa. 6+6 b
Précurseur de la mort, dont il était l’image, 6+6 a
850 Le sommeil sur ses yeux répandit son mirage, 6+6 a
Et, de songes trompeurs abusant sa raison, 6+6 b
De ruisseaux et de lacs inonda l’horizon. 6+6 b
Quand il se réveilla de cette léthargie, 6+6 a
Le matin à ses sens rendait quelque énergie ; 6+6 a
855 La nature lutta, plus forte que la mort ; 6+6 b
Son œil crut du désert apercevoir le bord : 6+6 b
« Oh ! lève-toi, dit-il, si ton cœur bat encore ; 6+6 a
Je vois des hauts palmiers tout noyés dans l’aurore ! 6+6 a
Les anges du Seigneur ont eu pitié de toi. 6+6 b
860 — Me lever ! me lever ! dit la mère, et pourquoi ! 6+6 b
Tu voudrais, du désert m’infligeant le supplice, 6+6 a
Faire mourir de soif mes enfants sur sa lice ? 6+6 a
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
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Oh ! non, non, à mes bras le ciel les a rendus ! 6+6 b
Par ce cœur à jamais ils y sont défendus. 6+6 b
865 Vois comme ils sont heureux aux bords garnis de mousses, 6+6 a
Où leurs petites mains puisent des eaux si douces ! 6+6 a
Comme du nénufar l’ombre les rafrchit ! 6+6 b
Comme du citronnier le rameau qui fléchit 6+6 b
Roule à leurs pieds joueurs ses savoureuses pommes ! 6+6 a
870 Que de fleurs, que de miel, que de sucs et de gommes 6+6 a
Distillent de l’écorce ou pleuvent des rameaux, 6+6 b
Ou de la ruche pleine échappent en ruisseaux !… 6+6 b
Qu’il fait bon en ces lieux, qu’un seul aspect offense, 6+6 a
Que menace un seul mal ! bourreau, c’est ta présence !… » 6+6 a
875 Et, regardant Cédar avec ce long regard 6+6 b
Où l’œil de l’insen semble rougir un dard, 6+6 b
Daïdha reculait sa tête renversée, 6+6 a
Et d’un geste à l’époux traduisait sa pene ; 6+6 a
Pressant contre son cœur, hélas ! ses enfants morts, 6+6 b
880 Elle les dérobait dans les plis de son corps ! 6+6 b
En vain, des plus doux noms conjurant ce délire, 6+6 a
Cédar cherchait ses yeux, leur parlait du sourire ; 6+6 a
Ses plus tendres regards n’inspiraient que terreur, 6+6 b
Elle n’avait pour lui que geste et cri d’horreur ! 6+6 b
885 Ah ! ce fut là le fond de son amer calice ! 6+6 a
Dans la dernière goutte il but tout son supplice. 6+6 a
Dans ce sort à son sort par le trépas lié, 6+6 b
Son cœur fort jusque-là s’était multiplié : 6+6 b
Mourir, oui ! mais mourir aimé de ce qu’on aime 6+6 a
890 Attendrirait du moins l’embrassement suprême ! 6+6 a
S’en aller réunis vers un plus doux séjour, 6+6 b
Cette agonie encore eût été de l’amour ! 6+6 b
Mais n’être plus connu de cet œil fixe et sombre, 6+6 a
Du seul point lumineux qui restât dans son ombre ! 6+6 a
895 Ne pouvoir rappeler du regard, de la voix, 6+6 b
Ce rayon dont l’amour l’inondait autrefois ! 6+6 b
Frapper de sa parole une oreille de pierre, 6+6 a
Ne trouver qu’un abîme au fond de sa paupière ! 6+6 a
Que dis-je ? être soudain devenu pour ses yeux 6+6 b
900 L’objet le plus étrange et le plus odieux ! 6+6 b
La voir tendre les mains pour que Dieu la délivre ! 6+6 a
Ah ! c’est mourir cent fois par ce qui faisait vivre ! 6+6 a
C’est voir le passé même échapper ! c’est sentir 6+6 b
Le cœur où s’appuyait le cœur s’anéantir ! 6+6 b
905 À l’horrible lueur de ce tourment suprême, 6+6 a
Cédar douta de lui, d’elle, de Dieu lui-même ; 6+6 a
Comme un homme qui sent finir tout sentiment, 6+6 b
Son âme eut du néant l’évanouissement. 6+6 b
Il roula dans ce gouffre, écrasé sur les pointes. 6+6 a
910 Le cou plié, le pied en avant, les mains jointes, 6+6 a
Immobile il resta contemplant Daïdha, 6+6 b
Et la mer de douleurs flot à flot l’inonda. 6+6 b
Quand il revint à lui pour marcher vers l’aurore, 6+6 a
Il voulut dans ses bras la soulever encore : 6+6 a
915 Mais Daïdha, nouant ses doigts comme attachés 6+6 b
Aux maigres filaments d’arbustes desséchés, 6+6 b
Et cramponnée au sol d’une étreinte farouche, 6+6 a
De poussière et de sang se remplissait la bouche ; 6+6 a
Et, couvrant contre lui ses enfants de son sein, 6+6 b
920 Dans son époux, hélas ! voyait leur assassin. 6+6 b
Il ne put l’arracher, trop faible, de la terre 6+6 a
Où sa fureur cherchait une mort volontaire ; 6+6 a
Il alla quêter seul au loin la goutte d’eau, 6+6 b
Et, marchant plus léger sans son triple fardeau, 6+6 b
925 Il espéra trouver la source poursuivie, 6+6 a
Et, devançant la mort, lui rapporter la vie. 6+6 a
Il partit vers la plage où l’espoir avait lui. 6+6 b
Le sable du désert disparaissait sous lui. 6+6 b
Ainsi qu’un fossoyeur qui mesure une tombe 6+6 a
930 Et marque en enjambant la place où son pied tombe, 6+6 a
Les anges le voyaient arpenter à grands pas, 6+6 b
Dans le deuil de son cœur, le champ de son trépas. 6+6 b
Son ombre le suivait comme une aile cassée 6+6 a
Que traîne sur le sol la cigogne blessée. 6+6 a
935 Les pentes du désert par degrés s’abaissaient ; 6+6 b
Sous le sable dé les pierres le blessaient ; 6+6 b
Les têtes des palmiers d’une terre féconde 6+6 a
Sortaient de l’horizon comme les mâts de l’onde. 6+6 a
Sous le voile ondoyant de ses bords de roseaux 6+6 b
940 Le fleuve tout à coup lui déroula ses eaux. 6+6 b
Cet aspect lui rendit l’espérance et la force ; 6+6 a
D’un palmier séculaire il déchira l’écorce, 6+6 a
Sa main en large coupe en déplia les bords : 6+6 b
Il descendit au fleuve, il y plongea son corps. 6+6 b
945 Écumante au niveau de sa lèvre altée, 6+6 a
Flottait la brise humide et la vague azue : 6+6 a
Il détourna de l’eau sa bouche et son regard 6+6 b
Avant que son amour en eût gté sa part ; 6+6 b
Il en remplit l’écorce, et, reprenant sa route, 6+6 a
950 Tout tremblant que sa main n’en perdît une goutte, 6+6 a
Il courut le corps droit, les deux mains en avant, 6+6 b
Retrouva tous ses pas sur le terrain mouvant ; 6+6 b
Et de tout son amour voyant de loin le groupe. 6+6 a
Sur la tête en criant il éleva la coupe. 6+6 a
955 Hélas ! à cette voix nulle ne répondit ! 6+6 b
Vers le bras qu’il tendait nul bras ne s’étendit. 6+6 b
Daïdha sommeillait sur sa dernière couche. 6+6 a
L’air ne frémissait plus du souffle de sa bouche. 6+6 a
Le lézard s’approchait ; la mouche et la fourmi 6+6 b
960 Parcouraient librement son visage endormi ; 6+6 b
Sur sa lèvre entr’ouverte on pouvait encor lire 6+6 a
Le sourire insen de son dernier délire. 6+6 a
Les jumeaux en travers sur elle étaient couchés, 6+6 b
Leurs visages au sein étaient encor penchés : 6+6 b
965 On eût dit, à la fin d’une longue journée, 6+6 a
Aux cris de ses enfants la mère retournée, 6+6 a
En leur donnant le lait surprise de sommeil, 6+6 b
Et dormant avec eux seule et nue au soleil ! 6+6 b
À l’immobili de ce funèbre groupe 6+6 a
970 Il reconnut la mort ! et, renversant la coupe, 6+6 a
Il regarda couler sa vie avec cette eau, 6+6 b
Comme un désespé son sang sous le couteau ! 6+6 b
Puis, se roulant aux pieds des êtres qu’il adore, 6+6 a
Et frappant de ses poings sa poitrine sonore, 6+6 a
975 Pour courir autour d’eux bientôt se relevant, 6+6 b
Tel qu’un taureau qui fait de la poussière au vent, 6+6 b
Il ramassait du sable en sa main indignée ; 6+6 a
Et contre un ciel d’airain le lançant à poignée, 6+6 a
Comme l’insulte au front que l’on veut offenser, 6+6 b
980 Il eût voulu tenir son cœur pour le lancer ! 6+6 b
« Ô terre ! criait-il, ô marâtre de l’homme ! 6+6 a
Sois maudite à jamais dans le nom qui te nomme ! 6+6 a
Dans tout brin de ton sable, et tout brin de gazon 6+6 b
D’où la vie et l’esprit sortent comme un poison ! 6+6 b
985 Dans la séve de mort qui sous ta peau circule, 6+6 a
Dans l’onde qui t’abreuve et le feu qui te brûle, 6+6 a
Dans l’air empoisonné que tu fais respirer 6+6 b
À l’être, ton jouet, qui naît pour expirer ! 6+6 b
Dans ses os, dans sa chair, dans son sang, dans sa fibre, 6+6 a
990 Où le sens du supplice est le seul sens qui vibre ! 6+6 a
Où de tout cœur humain les palpitations 6+6 b
Ne sont de la douleur que les pulsations ! 6+6 b
Où l’homme, cet enfant d’outrageante ironie, 6+6 a
Ne mesure son temps que par son agonie ! 6+6 a
995 Où ce souffle animé, qui s’exhale un moment, 6+6 b
Ne se connaît esprit qu’à son gémissement ! 6+6 b
Tout être que de toi l’inconnu fait éclore. 6+6 a
Gémit en t’arrivant, en s’en allant t’abhorre ! 6+6 a
Nul homme ne se lève un jour de son séant 6+6 b
1000 Que pour frapper du pied et pleurer le néant ! 6+6 b
Que maudite à jamais, qu’à jamais effae, 6+6 a
Soit l’heure lamentable où je t’ai traversée ! 6+6 a
Que ta fange m’oublie et ne conserve pas 6+6 b
Une heure seulement la trace de mes pas ! 6+6 b
1005 Que le vent, qui te touche à regret de ses ailes, 6+6 a
De nos corps consumés disperse les parcelles ! 6+6 a
Que sur ta face, ô terre ! il ne reste de moi 6+6 b
Que l’imprécation que je jette sur toi ! » 6+6 b
Pour unique réponse à son mortel délire, 6+6 a
1010 L’air muet retentit d’un long éclat de rire. 6+6 a
Derrière un monticule il vit de près surgir 6+6 b
Les fronts de cinq géants et du traître Stagyr. 6+6 b
« Meurs, lui crièrent-ils, vile brute aux traits d’ange ! 6+6 a
Ta force nous vainquit, mais la fourbe nous venge. 6+6 a
1015 Laissons cette pâture aux chacals des déserts ; 6+6 b
Sa mort nous laisse dieux, et l’homme attend nos fers ! » 6+6 b
Ils dirent ; et tournant le dos, ils disparurent, 6+6 a
Et leurs voix par degrés sur le désert moururent. 6+6 a
Cédar, dont leur mépris fut le dernier adieu, 6+6 b
1020 À cet excès d’horreur se dressa contre Dieu. 6+6 b
Tout l’univers tourna dans sa tête insene ; 6+6 a
Il n’eut plus qu’une soif, un but, une pene : 6+6 a
Anéantir son cœur et le jeter au vent. 6+6 b
Comme un gladiateur blessé se relevant, 6+6 b
1025 Il cueillit sur les flancs arides des collines 6+6 a
Une immense moisson de ronces et d’épines 6+6 a
Autour du groupe mort où son pied les roula, 6+6 b
En bûcher circulaire il les accumula ; 6+6 b
Puis, prenant dans ses bras ses enfants et sa femme, 6+6 a
1030 Ces trois morts sur le cœur, il attendit la flamme. 6+6 a
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
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La flamme, en serpentant dans l’énorme foyer 6+6 b
Que le vent du désert fit bientôt ondoyer, 6+6 b
Comme une mer qui monte au naufrage anie, 6+6 a
L’ensevelit vivant sous des flots de fue. 6+6 a
1035 L’édifice de feu par degrés s’affaissa. 6+6 b
Du ciel sur cette flamme un esprit s’abaissa, 6+6 b
Et d’une aile irritée éparpillant la cendre : 6+6 a
« Va ! descends, cria-t-il, toi qui voulus descendre ! 6+6 a
Mesure, esprit tombé, ta chute et ton remord ! 6+6 b
1040 Dis le goût de la vie et celui de la mort ! 6+6 b
Tu ne remonteras au ciel qui te vit naître 6+6 a
Que par les cent degrés de l’échelle de l’être, 6+6 a
Et chacun en montant te brûlera le pié ; 6+6 b
Et ton crime d’amour ne peut être expié. 6+6 b
1045 Qu’après que cette cendre aux quatre vents see, 6+6 a
Par le temps réunie et par Dieu ranie, 6+6 a
Pour faire à ton esprit de nouveaux vêtements 6+6 b
Aura repris ton corps à tous les éléments, 6+6 b
Et, prêtant à ton âme une enveloppe neuve, 6+6 a
1050 Renouvelé neuf fois ta vie et ton épreuve ; 6+6 a
À moins que le pardon, justice de l’amour. 6+6 b
Ne descende vivant dans ce mortel séjour ! » 6+6 b
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L’ouragan, à ces mots se levant sur la plaine, 6+6 a
Souffla sur le bûcher de toute son haleine, 6+6 a
1055 Et dispersa la cendre en pâles tourbillons, 6+6 b
Comme un semeur, l’hiver, la semence aux sillons. 6+6 b
L’immobile désert sentit frémir sa poudre, 6+6 a
L’occident se couvrit de menace et de foudre ; 6+6 a
Des nuages pesants, pleins de tonnerre et d’eau, 6+6 b
1060 Posèrent sur les monts comme un sombre fardeau ; 6+6 b
L’homme, le front le vers la céleste voûte, 6+6 a
Du déluge sentit une première goutte. 6+6 a
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