Métrique en Ligne
LAM_9/LAM164
Alphonse de LAMARTINE
LA CHUTE D’UN ANGE
1838
QUATORZIÈME VISION
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La nuit, pleine de crime et de flambeaux rougie, 6+6 a
Roulait avec horreur ses astres sur l’orgie. 6+6 a
Les constellations, du haut du firmament, 6+6 b
Regardaient cette scène avec étonnement, 6+6 b
5 Admirant comment Dieu, dans son profond mystère. 6+6 a
Laissait monter si haut les forfaits de la terre 6+6 a
Et les anges chantaient d’un accent solennel : 6+6 b
« Patient ! patient ! car il est éternel ! » 6+6 b
Les flots emprisonnés jaillissaient en cascades, 6+6 a
10 L’illumination serpentait en-arcades. 6+6 a
De cent mortiers d’airain les tonnerres des dieux 6+6 b
Lançaient du haut des tours des astres dans les cieux, 6+6 b
Qui, par leur parabole entrecoupant la route, 6+6 a
Formaient sous la nuit pâle une seconde voûte, 6+6 a
15 Un ondoyant réseau de mobiles soleils 6+6 b
Aux feux d’or ou d’argent, bleus, perlés ou vermeils. 6+6 b
Comme le firmament que l’arc-en-ciel essuie, 6+6 a
Les uns, gouttes de feu, se divisaient en pluie ; 6+6 a
Les autres dessinaient, suspendus dans les airs, 6+6 b
20 Des temples merveilleux illuminés d’éclairs ; 6+6 b
Puis, éclatant à-haut avec des coups de foudre, 6+6 a
Semblaient des pans de ciel qui s’écroulaient en poudre. 6+6 a
La musique, jetant le bruit à grands accents, 6+6 b
En ébranlant les airs secouait tous les sens, 6+6 b
25 Et, leur donnant à tous une extase commune, 6+6 a
De mille impressions vagues n’en faisait qu’une, 6+6 a
Emportant à la fois dans ses fougueux courants 6+6 b
Et l’âmedes esclavesde l'esclave et celle des tyrans. 6+6 b
Tout le peuple, assistant aux splendeurs de ces fêtes, 6+6 a
30 Couronnait les créneaux de membres et de têtes. 6+6 a
Sous l’ondulation de tous ces fronts mouvants, 6+6 b
Les pavés, les lambris, les murs semblaient vivants : 6+6 b
On eût dit, en voyant respirer les poitrines, 6+6 a
Que l’air du ciel allait manquer à leurs narines ! 6+6 a
35 L’atmosphère élevant les miasmes du sol 6+6 b
Eût asphyxié l’ange étouffé dans son vol. 6+6 b
Se sevrant de la lie où se vautrait le reste, 6+6 a
Nemphed et son rival étudiaient leur geste, 6+6 a
Et, pour se préserver de l’invisible mort, 6+6 b
40 De leurs libations n’effleuraient que le bord. 6+6 b
Au moment où Nemphed, dans sa perfide adresse, 6+6 a
Croit voir son ennemi chanceler sous l’ivresse, 6+6 a
Et lui-même, à son tour feignant d’être endormi, 6+6 b
Du forfait convenu fait le signe à Lakmi, 6+6 b
45 Celle-ci, s’approchant comme pour mieux entendre. 6+6 a
Au cou du roi des dieux par les bras vient se pendre, 6+6 a
Et, semblable à l’enfant qui, donnant un baiser, 6+6 b
Entre l’œil et la bouche hésite où le poser, 6+6 b
D’un dard qu’entre les dents cachait sa lèvre jointe 6+6 a
50 Dans la tempe du monstre elle enfonce la pointe. 6+6 a
La hache est moins mortelle et l’éclair est moins prompt ; 6+6 b
Il tombe de son trône en se brisant le front. 6+6 b
Asrafiel de son sein tire soudain son glaive. 6+6 a
La foule à cet aspect se réveille et se lève ; 6+6 a
55 Trônes, tables, autels, s’écroulent en débris, 6+6 b
Le palais retentit d’épouvantables cris. 6+6 b
En groupes acharnés tous les dieux s’entr’égorgent. 6+6 a
Des restes des festins les esclaves se gorgent ; 6+6 a
Et pendant les horreurs de cette longue nuit 6+6 b
60 Tout se disperse ou meurt, tout triomphe ou tout fuit. 6+6 b
Dans la confusion de la lutte insensée, 6+6 a
Comme un éclair de mort Lakmi s’est éclipsée. 6+6 a
Leur laissant disputer le trône ou le trépas, 6+6 b
Vers son palais désert elle court à grands pas : 6+6 b
65 À ses ordres secrets une esclave attentive 6+6 a
Prend les cheveux ravis au front de la captive : 6+6 a
Sa forte main à peine en soulève le poids. 6+6 b
Elle en glisse avec art les tresses sous ses doigts ; 6+6 b
Et, les réunissant au sommet de la tête, 6+6 a
70 Elle pare Lakmi de sa riche conquête. 6+6 a
Lakmi, dans le cristal reflétant sa beauté, 6+6 b
Triomphe insolemment de ce charme emprunté, 6+6 b
Effile les cheveux, dans les parfums les lave, 6+6 a
Et, fuyant les regards, sort avec son esclave 6+6 a
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75 Cependant, comptant l’heure à ses pulsations, 6+6 b
Cédar est abîmé dans ses réflexions. 6+6 b
Avec la lime sourde il a limé ses chaînes ; 6+6 a
Son sang impatient coule libre en ses veines ; 6+6 a
Il entend le combat sur son front retentir, 6+6 b
80 Il voit tous ses gardiens se troubler et sortir. 6+6 b
Seul au fond de l’abîme où son oreille écoute, 6+6 a
Il attend qu’une main lui révèle sa route ; 6+6 a
D’un pas léger de femme il distingue le bruit. 6+6 b
Elle approche, il s’avance ; elle marche, il la suit. 6+6 b
85 Sur les pas assoupis de sa muette escorte, 6+6 a
De l’épaisse muraille il a franchi la porte. 6+6 a
Son guide l’abandonne, il est libre, il est seul ! 6+6 b
La nuit sur la nature étend un noir linceul : 6+6 b
On croirait qu’elle veut, de ce mystère instruite, 6+6 a
90 D’une ombre impénétrable envelopper sa fuite, 6+6 a
Et Cédar aperçoit à peine les cyprès 6+6 b
Sur l’horizon du ciel onduler à grands traits ; 6+6 b
Il avance à tâtons vers un arbre qu’il touche : 6+6 a
Un cœur est sur son cœur, un doigt est sur sa bouche !… 6+6 a
95 Il sent de Daïdha, sous l’haleine du vent, 6+6 b
Les cheveux l’entourer de leur voile mouvant. 6+6 b
Sur ses bras en berceau, muet, il la soulève ; 6+6 a
Il fuit en l’emportant, plus légère qu’un rêve. 6+6 a
Au bruit grondant du fleuve il dirige ses pas ; 6+6 b
100 Son haleine de feu ne se repose pas. 6+6 b
La brise apporte en vain un souffle sur sa joue ; 6+6 a
En vain ce doux fardeau que la marche secoue, 6+6 a
De ses bras enlacés lui faisant un collier, 6+6 b
Se suspend à son cou, que le poids fait plier ; 6+6 b
105 En vain sur son épaule une tête si chère 6+6 a
Bat comme un front d’enfant endormi sur sa mère 6+6 a
Comme un cœur oppressé qui s’arrête un moment. 6+6 b
Afin de respirer après plus librement : 6+6 b
Rien ne peut ralentir sa course, qu’il redouble ; 6+6 a
110 Chaque roseau lui semble un géant qui le trouble, 6+6 a
Chaque plainte de l’onde un cri qui le poursuit : 6+6 b
Il franchit un royaume en un quart de la nuit, 6+6 b
Et ne s’arrête enfin, à la naissante aurore, 6+6 a
Que sur le cap du fleuve, au tronc du sycomore. 6+6 a
115 Dans sa tremblante extase il redit mille fois 6+6 b
Les noms que des soupirs lui répondent sans voix. 6+6 b
Sa joie aurait rempli une nuit éternelle ! 6+6 a
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Tremblante de terreur, Lakmi, car c’était elle, 6+6 a
Du souffle sur sa lèvre en étouffant le son 6+6 b
120 Et craignant d’éveiller par sa voix le soupçon, 6+6 b
De sa ruse rendait le silence complice : 6+6 a
Elle savait qu’un mot, trahissant l’artifice, 6+6 a
Instruirait Cédar de son déguisement, 6+6 b
Et qu’un arrêt de mort suivrait l’étonnement. 6+6 b
125 La lueur d’une étoile effrayait son audace, 6+6 a
Un regard d’amour même était une menace. 6+6 a
Tel que dans la prairie un avide serpent 6+6 b
Aux flancs de la brebis se dresse et se suspend, 6+6 b
Et, trompant le pasteur qui vainement l’appelle, 6+6 a
130 Boit le lait de l’agneau mourant de faim loin d’elle : 6+6 a
Telle aux bras de Cédar l’astucieuse enfant 6+6 b
Savourait dans la peur son espoir triomphant, 6+6 b
Et des noms les plus saints par sa bouche nommée, 6+6 a
Même en trompant Cédar, désirait d’être aimée. 6+6 a
135 Oh ! pourquoi de la nuit le dôme est-il si noir ? 6+6 b
Que ne lui laisse-t-il seulement entrevoir 6+6 b
Ces membres adorés, ce regard, ce visage 6+6 a
Qu’ont flétri la douleur et maigri le veuvage ! 6+6 a
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Enfin le jour paraît, et va combler ses vœux. 6+6 b
140 Sur l’astre de son âme il élève les yeux : 6+6 b
Il entr’ouvre du doigt, pour revoir ce visage, 6+6 a
Ces cheveux qui voilaient son front comme un nuage, 6+6 a
Ces cheveux dont l’odeur et dont la pression 6+6 b
D’un duvet d’ailes d’ange offraient l’impression. 6+6 b
145 « Éveille-toi, dit-il, ô jour de ma paupière ! » 6+6 a
Et découvrant le front sous un regard de pierre, 6+6 a
Mesurant d’un seul trait l’artifice et l’erreur, 6+6 b
Il l’écarte d’un geste et se dresse d’horreur. 6+6 b
Palpitante d’effroi, Lakmi de son bras roule ; 6+6 a
150 Sa main s’attache en vain au pied qui la refoule. 6+6 a
Cédar, la secouant comme un pasteur blessé, 6+6 b
Rejette le serpent à sa jambe enlacé : 6+6 b
« Exécrable instrument de vice et d’imposture, 6+6 a
Vipère ! criait-il, va ! meurs sur ta piqûre ! » 6+6 a
155 Et du front qu’il pressait sous son genou nerveux 6+6 b
D’une main indignée arrachant les cheveux : 6+6 b
« Ô voiles de pudeur ! disait-il, chastes ondes ! 6+6 a
Avez-vous pu flotter sur ces membres immondes ! » 6+6 a
Et sur le bord à pic poussant toujours Lakmi : 6+6 b
160 « Va souiller, disait-il, l’enfer qui t’a vomi !… » 6+6 b
La pente, en cet endroit escarpée et profonde, 6+6 a
Dominait de cent pieds le lit grondant de l’onde ; 6+6 a
Un pas de plus, Lakmi se détachait des bords. 6+6 b
Au moment de glisser, elle roidit son corps, 6+6 b
165 Et, retenant Cédar d’une dernière étreinte, 6+6 a
Des ongles sur sa peau laissant la rude empreinte : 6+6 a
« Oui, lave, ange trompé, ton erreur dans ma mort ! 6+6 b
Frappe-moi sans pitié ! brise-moi sans remord ! 6+6 b
Je savais à quel prix ma criminelle ruse 6+6 a
170 Dérobait le bonheur que ton cœur me refuse ! 6+6 a
J’ai fait le pacte impie, et ne m’en repens pas : 6+6 b
Ce songe d’un moment valait bien le trépas ! 6+6 b
Ma vie est un orage, il devait se résoudre ; 6+6 a
J’ai dérobé le ciel, et j’accepte la foudre ! 6+6 a
175 Qu’elle frappe à présent ! je la provoque ! adieu ! 6+6 b
J’emporte dans l’enfer la mémoire d’un dieu ! » 6+6 b
Elle dit, et, cessant l’épouvantable lutte, 6+6 a
Dans l’abîme tomba, résignée à sa chute ; 6+6 a
Et, comme une immondice enlevée à ses bords. 6+6 b
180 Teint de fange et de sang, le flot roula le corps. 6+6 b
De haine et de stupeur, debout sur le rivage, 6+6 a
Cédar avec dégoût détourna le visage ; 6+6 a
Et, levant vers le ciel les cheveux dans sa main, 6+6 b
Du pas d’un insensé revint sur son chemin. 6+6 b
185 La colère renflait sa bruyante narine ; 6+6 a
Un sourd rugissement sortait de sa poitrine ; 6+6 a
Ses pas retentissaient sur le sol souterrain, 6+6 b
Comme les pas pesants d’un colosse dairain. 6+6 b
Les lions des forêts fuyaient à son approche, 6+6 a
190 Et l’aigle épouvanté s’envolait de sa roche. 6+6 a
Agité par la crainte et par le repentir, 6+6 b
On entendait les coups de son cœur retentir ; 6+6 b
Par moments s’échappaient d’entre ses dents grinçantes 6+6 a
Des paroles sans suite et des voix mugissantes. 6+6 a
195 Sous ses muscles vibrants le cœur s’accentuait, 6+6 b
Son regard foudroyait et son geste tuait. 6+6 b
Ainsi qu’une machine à son œuvre lancée, 6+6 a
Vers son but en aveugle il marchait sans pensée ; 6+6 a
L’éclair de la vengeance éclairait seul ses yeux. 6+6 b
200 La nuit jetait déjà son ombre sur les cieux, 6+6 b
Quand du haut de ses toits le peuple au cœur servile 6+6 a
Le vit gravir de loin les sentiers de la ville. 6+6 a
« Quel géant, disait-il, monte par le chemin ? 6+6 b
Où va-t-il ? d’où vient-il ? que tient-il dans sa main 6+6 b
205 Il brandit vers le ciel une étrange bannière ; 6+6 a
Des coursiers de la nuit on dirait la crinière ! 6+6 a
Son ombre sur le mur dépasserait l’oiseau ! 6+6 b
Un chêne sous son bras vibre comme un roseau ! 6+6 b
Les portes de nos tours feraient baisser sa tête ! 6+6 a
210 Est-ce le vent, l’éclair, la foudre ou la tempête ? 6+6 a
Accourez !… le voilà !… tremblez !… n’approchez pas ! » 6+6 b
Et la foule de loin se hâtait sur ses pas, 6+6 b
Et, s’ouvrant devant lui pour lui laisser la place. 6+6 a
En flots toujours grossis se fermait sur sa trace. 6+6 a
215 Lui cependant marchait, marchait, marchait toujours, 6+6 b
Comme un fleuve entraînant des ruisseaux dans son cours ; 6+6 b
Et levant dans sa main ces beaux cheveux de femme, 6+6 a
Que le vent déployait en flottante oriflamme. 6+6 a
Il semblait secouer le crime de Lakmi, 6+6 b
220 Tel qu’un réveil de feu sur ce monde endormi ! 6+6 b
La foule aux pieds légers, qui vole où le vent vole, 6+6 a
Le suivait par instinct, sans souffle et sans parole. 6+6 a
Quand il vit tout ce peuple, autour de lui béant, 6+6 b
Que dépassait du front sa taille de géant, 6+6 b
225 Comme un mât qui se dresse au sein de la tempête, 6+6 a
Il s’arrêta terrible et retourna la tête ; 6+6 a
Et d’un geste de dieu, d’une voix dont l’accent 6+6 b
Aurait fait remonter un fleuve mugissant : 6+6 b
« Est-il quelqu’un de vous qui garde au fond de l’âme 6+6 a
230 Du feu d’Adonaï quelque mourante flamme ? 6+6 a
Est-il quelqu’un de vous qui conserve enfoui 6+6 b
Dans les plis de son cœur le Dieu d’Adonaï, 6+6 b
Ce Dieu des opprimés dont le nom est un glaive ? 6+6 a
S’il en est un encor, qu’il parle et qu’il se lève ! 6+6 a
235 Ce Dieu vient à la fin en moi vous visiter, 6+6 b
Affronter vos tyrans et les précipiter !… » 6+6 b
De la foule à ces mots de grandes voix montèrent, 6+6 a
Du livre dispersé mille pages flottèrent ; 6+6 a
Les disciples du juste, à sa voix ralliés, 6+6 b
240 Brisèrent les vils jougs dont ils étaient liés, 6+6 b
Et, du peuple étonné fendant la multitude, 6+6 a
Prirent des combattants le cœur et l’attitude. 6+6 a
Les lâches, par l’exemple à l’audace aguerris, 6+6 b
Secouèrent les fers dont ils étaient meurtris. 6+6 b
245 On n’entendit au loin qu’un cliquetis sublime 6+6 a
De chaînes qui tombaient sous l’enclume ou la lime : 6+6 a
Un million de bras s’étendit à la fois, 6+6 b
La liberté jaillit d’un million de voix ! 6+6 b
Et l’esprit du Seigneur, qui souffle ces tempêtes, 6+6 a
250 Ondoya comme un vent sur cette mer de têtes. 6+6 a
Cédar, dont la colère à leurs yeux avait lui, 6+6 b
Sentit monter l’esprit de tout ce peuple en lui : 6+6 b
« Vile chair descendue à la bête de somme, 6+6 a
Lève ton front, dit-il, et redeviens un homme ! 6+6 a
255 Sous les pieds de vos rois, peuples, remuez-vous ! 6+6 b
Et dans leur propre audace engloutissez-les tous ! 6+6 b
Secouez sur vos cous, ô lions ! vos crinières, 6+6 a
Comme moi ces cheveux, qui seront vos bannières. 6+6 a
C’est le vivant drapeau qu’eux-mêmes nous ont fait, 6+6 b
260 Leur dernière infamie et leur dernier forfait ! 6+6 b
Contre leurs fronts maudits que toute main se lève ! 6+6 a
Chacun de ces cheveux va s’aiguiser en glaive ! 6+6 a
Les voila tout souillés, privés de leur pudeur, 6+6 b
Comme vous de vos droits et de votre grandeur ! 6+6 b
265 Ainsi que je rapporte à son front sa dépouille, 6+6 a
Rendez ses droits sacrés à votre âme qu’on souille. 6+6 a
Pour vous paraître grands, ils courbent vos genoux ; 6+6 b
Ils ont jeté leur ombre entre le ciel et vous ! 6+6 b
Effaçant dans vos cœurs la foi de vos ancêtres 6+6 a
270 Ils en ont chassé Dieu pour en rester les maîtres ! 6+6 a
Mais nommez avec moi le nom du Dieu vivant ; 6+6 b
Ils seront la poussière et vous serez le vent !… 6+6 b
Contre l’humanité leur règne est un blasphème ; 6+6 a
Venger l’homme avili, c’est venger Dieu lui-même ! 6+6 a
275 Abandonner ses dons, c’est le déshonorer ; 6+6 b
Reconquérir ses droits, c’est encor l’adorer ! 6+6 b
C’est le culte de sang pour l’homme qu’on opprime ! 6+6 a
La tyrannie aussi de l’esclave est le crime ! 6+6 a
Se courber sous le joug, c’est presque le forger, 6+6 b
280 Et subir les tyrans, c’est les encourager. 6+6 b
Purifiez le sol dans le sang et les flammes, 6+6 a
Renversez leurs palais, ces prisons de vos âmes ! 6+6 a
Remontez vers le ciel par ce sublime assaut ! 6+6 b
La liberté, la foi, le vrai Dieu, sont là-haut ! 6+6 b
285 L’heure, l’occasion, les ombres sont propices. 6+6 a
De vos desseins vengeurs leurs forfaits sont complices ; 6+6 a
Ces monstres, déchaînant leur sourde inimitié, 6+6 b
Ont déjà de votre œuvre accompli la moitié. 6+6 b
Leurs temples sont remplis de leur lutte intestine ; 6+6 a
290 Ils ne soupçonnent pas la nuit qu’on leur destine ! 6+6 a
Dans leur vil sang qui coule enfonçons les talons ! 6+6 b
Allons ! » Le peuple entier s’élance et dit : « Allons ! » 6+6 b
Tel, quand le vent, changeant sur l’océan sans vagues, 6+6 a
Fait frissonner la mer de rides encor vagues, 6+6 a
295 Courant devant la brise, insensible d’abord, 6+6 b
À peine d’un murmure elle effleure le bord ; 6+6 b
Mais, au souffle croissant du vent qui la déplie, 6+6 a
Par cent mille sillons elle se multiplie : 6+6 a
Sur l’horizon lointain qu’elle fait onduler 6+6 b
300 On voit le flot qui monte au flot s’accumuler ; 6+6 b
La ride devient vague et la vague colline ; 6+6 a
Elle court en grondant battre un cap en ruine ; 6+6 a
Et le flot calme et bas, qui n’osait l’approcher, 6+6 b
Avec ses bras d’écume entraîne le rocher. 6+6 b
305 Tel ce peuple, appelé par l’accent d’un seul homme, 6+6 a
S’éveillait en sursaut de son terrible somme, 6+6 a
Et, lançant vers le ciel ses ressentiments mûrs, 6+6 b
Tout armé de ses fers, grossissait sous les murs. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
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