Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAM_8/LAM145
Alphonse de LAMARTINE
JOCELYN
1836
SEPTIÈME ÉPOQUE
Pressentimens secrets !malheur senti d'avance, 6+6 a
Ombre des mauvais joursqui souvent les devance, 6+6 a
Instincts qui de manièreannonciez le trépas, 6+6 b
Je vous croyais trop peu,vous ne me trompiez pas ! 6+6 b
5 Dans quel état, ô ciel !mes yeux l'ont retrouvée ! 6+6 a
Hélas ! par ma présenceun moment soulevée, 6+6 a
La vie, en concentranttrop d'amour dans son cœur, 6+6 b
Semble avoir déciméles jours de sa langueur ; 6+6 b
De jeunesse et d'amourcette âme encor si pleine 6+6 a
10 Tarit sous chaque auroreet tremble à chaque haleine ; 6+6 a
Elle ne compte plusque soleil à soleil, 6+6 b
Et lorsque nous baisonsce front pâle au réveil, 6+6 b
Je ne puis de longtempsen détacher ma lèvre, 6+6 a
Car je sens qu'il m'échappeet que la mort me sèvre, 6+6 a
15 Que le dernier anneaudu cœur va se briser 6+6 b
Et ne tient plus peut-être,hélas ! qu'à ce baiser !… 6+6 b
Elle a voulu revoirce ciel de son enfance, 6+6 a
Revenir et mourirau lieu de sa naissance ; 6+6 a
Paris était pour elleun séjour étranger, 6+6 b
20 Son exil à ses yeuxn'avait fait que changer : 6+6 b
Cette ville banaleétait pour elle amère. 6+6 a
Ah ! la seule patrieest, aux yeux d'une mère, 6+6 a
Aux lieux lui sourit, l'aima son époux, 6+6 b
son doux premier-négrandit sur ses genoux, 6+6 b
25 ces anges gardiensdu printemps de la femme 6+6 a
Laissèrent en partantleur rayon dans son âme ! 6+6 a
Que ce séjour pourtanta d'angoisse à ses yeux ! 6+6 b
Revenir étrangèreaux champs de ses aïeux, 6+6 b
Pauvre et nue, au village son humble opulence 6+6 a
30 Des détresses du pauvreétait la providence ! 6+6 a
De ceux qu'on reconntvoir les yeux se baisser, 6+6 b
D'autres se détournerde peur de vous blesser, 6+6 b
D'autres, nouveaux venus,en secouant leurs têtes, 6+6 a
D'un air indifférentdemander qui vous êtes ? 6+6 a
35 Louer une chaumièreen un coin du hameau 6+6 b
Pour respirer un peude l'air de son berceau, 6+6 b
Jeter un œil furtif,de là, sur la demeure 6+6 a
l'on naquit, sur l'herbeou l'arbre qui vous pleure, 6+6 a
Craindre qu'on vous imputeà crime ce coup d'œil ; 6+6 b
40 Se détourner de peurd'en rencontrer le seuil, 6+6 b
Et n'avoir pour jardin,pour abri, pour ombrage, 6+6 a
Que la ronce qui trneaux sentiers du village, 6+6 a
Ou l'arbre sépulcral,le séculaire ormeau, 6+6 b
Dont l'ombre que l'on fuitn'appartient qu'au tombeau, 6+6 b
45 Et qui voit tous les soirs,au cercueil de famille, 6+6 a
S'asseoir un fils avecune mère et sa fille. 6+6 a
Voilà pourtant sa vieet la nôtre en ce heu. 6+6 b
Oh ! courage, ô mon cœur !la patrie est en Dieu ! 6+6 b
Qu'après avoir pleurécomme morte, la femme 6+6 a
50 A qui, jeune, on donnales prémices de l'âme, 6+6 a
Des bords lointains du monde,à son toit revenu, 6+6 b
On la trouve vivanteau bras d'un inconnu, 6+6 b
Entre l'étonnement,la douleur et la joie, 6+6 a
Le cœur plein et serrédans ses larmes se noie, 6+6 a
55 S'interroge soi-même,et frémit de savoir 6+6 b
Lequel est plus affreuxde perdre ou de revoir ; 6+6 b
Ainsi, cette maisonque j'avais tant pleurée, 6+6 a
Que je me figuraisdes flammes dévorée, 6+6 a
Elle est encor debout…, mais pour nous repousser ; 6+6 b
60 Ce seuil qui fut à nousnous n'osons le passer ; 6+6 b
Et mon cœur déchiré,que ce souvenir tue, 6+6 a
Ne sait s'il l'aime mieuxintacte qu'abattue ! 6+6 a
Hier, fatale idée !elle conçut l'envie 6+6 b
De revoir pas à pasle scène de sa vie, 6+6 b
65 La maison, le jardin,et de tout parcourir, 6+6 a
D'y revivre un moment,fallût-il en mourir ! 6+6 a
Ma sœur et moi, cédantà tout par complaisance, 6+6 b
Du nouveau possesseurépiâmes l'absence, 6+6 b
Et, profitant de l'heure,appuyée à nos bras, 6+6 a
70 Jusqu'au seuil de l'enclosnous trnâmes ses pas. 6+6 a
Le concierge, attendripar ces deux voix de femmes, 6+6 b
Ouvrit furtivementla porte, et nous entrâmes. 6+6 b
Soit confiance en nous,ou soit cette pudeur 6+6 a
Qu'ainsi que l'innocenceinspire le malheur, 6+6 a
75 Cet homme, retournantà ses travaux champêtres, 6+6 b
Du jardin, du logis,sembla nous laisser mtres. 6+6 b
Oh ! que son sentimentsoit béni dans son cœur ! 6+6 a
Ma mère, dont la joueavait repris couleur, 6+6 a
Ma mère, dont la force,un moment ranimée, 6+6 b
80 Empruntait de la vieà cette terre aimée, 6+6 b
Parcourant du regardet le ciel et les lieux, 6+6 a
Voyait tout son passéremonter sous ses yeux ; 6+6 a
Le nuage des pleursqui flottaient sur sa vue 6+6 b
Laissait à chaque aspectpercer son âme émue. 6+6 b
85 Elle nous entrnaitpartout d'un pas rêveur, 6+6 a
Montrait du doigt de loinchaque arbre, chaque fleur, 6+6 a
Voulait s'en approcher,les toucher, reconntre 6+6 b
S'ils ne frémiraient passous l'œil qui les vit ntre, 6+6 b
Voir de combien de mainsavaient grandi leurs troncs, 6+6 a
90 Les comparer de l'œilcomme alors à nos fronts, 6+6 a
En froisser une feuille,en cueillir une branche, 6+6 b
Appeler par son nomchaque colombe blanche 6+6 b
Qui, partant de nos piedspour voler sur les toits, 6+6 a
Rappelaient à son cœurnos ramiers d'autrefois ; 6+6 a
95 Écouter si le ventdans l'herbe ou la verdure, 6+6 b
L'onde dans la rigoleavaient même murmure ; 6+6 b
Éprouver si le murde la chère maison 6+6 a
Renvoyait aussi tièdeau soleil son rayon ; 6+6 a
Ou si l'ombre du toit,sur son vert seuil de mousse, 6+6 b
100 Au penchant du soleils'allongeait aussi douce ! 6+6 b
C'était à chaque choseune exclamation, 6+6 a
Un soupir, puis un motde résignation, 6+6 a
Puis de son bras au nôtreune étreinte plus vive 6+6 b
Qui trahissait l'éland'une âme convulsive. 6+6 b
105 Enfin de la demeureouverte, d'un coup d'œil 6+6 a
Et d'un élan rapideelle franchit le seuil ; 6+6 a
Elle nous entrnad'un pas involontaire 6+6 b
Dans toute la maison,comme en un sanctuaire 6+6 b
Qu'elle semblait fouleravec recueillement, 6+6 a
110 N'osant ni respirer,ni faire un mouvement, 6+6 a
Comme si du passél'image tendre et sainte 6+6 b
Devait au moindre bruits'enfuir de cette enceinte. 6+6 b
Dans notre toit d'enfantpresque rien de changé ; 6+6 a
Le temps, si lent pour nous,n'avait rien dérangé : 6+6 a
115 C'était toujours la salleouvrant sur la pelouse, 6+6 b
Le réduit qu'obscurcitla liane jalouse, 6+6 b
La chambre maternelle nous vînmes au jour, 6+6 a
Celle de notre père,à côté, sur la cour, 6+6 a
Ces meubles familiersqui d'une jeune vie, 6+6 b
120 Sous notre premier toit,semblent faire partie, 6+6 b
Que l'on a toujours vus,connus, pensés, touchés ; 6+6 a
Cette première couche Dieu nous a couchés, 6+6 a
Cette table servaitla mère de famille, 6+6 b
Cette chaise la sœurtravaillant à l'aiguille 6+6 b
125 Auprès de la fenêtreen cet enfoncement, 6+6 a
Sous ses cheveux épars,penchait son front charmant ; 6+6 a
Sur les murs décrépisces deux vieilles gravures 6+6 b
Dont les regards étaienttoujours sur nos figures ; 6+6 b
Et près du vieux divanque la fleur nuançait, 6+6 a
130 L'estrade de son piedma mère nous beait ; 6+6 a
Tout était encor là,tout à la même place, 6+6 b
Chacun de nos berceauxavait encor sa trace ; 6+6 b
Chacun de nous touchaitson meuble favori, 6+6 a
Et comme s'il avaitcompris jetait un cri. 6+6 a
135 Mais ma mère entr'ouvrantla chambre paternelle 6+6 b
Et nous poussant du geste :« A genoux ! nous dit-elle, 6+6 b
« Enfans, voilà le lit votre père est mort ! » 6+6 a
Puis tombant elle-mêmeà genoux sur le bord, 6+6 a
Et des mains embrassantle pilier de la couche, 6+6 b
140 Comme nous en pleurantelle y colla sa bouche ; 6+6 b
Ses larmes sur le boisruisselaient à grands flots, 6+6 a
Et la chambre un momentfut pleine de sanglots… 6+6 a
Mais des pieds de chevauxdans la cour résonnèrent, 6+6 b
Le marteau retentitet les cloches sonnèrent. 6+6 b
145 A ce bruit tout à coupreprenant nos esprits, 6+6 a
Et comme des voleurscraignant d'être surpris, 6+6 a
Emportant dans mes brasma mère évanouie 6+6 b
Dont cette émotionvenait d'user la vie, 6+6 b
Dérobés aux regardspar le mur de jasmin, 6+6 a
150 Je regagnai tremblantla porte du chemin, 6+6 a
Soutenant sur mon cœurma mère à demi morte ; 6+6 b
Et dans le moment même la secrète-porte 6+6 b
Se fermait doucementsous la main de ma sœur, 6+6 a
J'entendis les enfansdu nouveau possesseur, 6+6 a
155 Sortant de la maisonen joyeuse volée, 6+6 b
Courir de haie en haieet d'allée en allée, 6+6 b
Et leurs cris de bonheurmonter et retentir 6+6 a
Sur les pas de la mortqui venait d'en sortir. 6+6 a
O vraie et lamentableimage de la vie ! 6+6 b
160 La joie entre par la douleur est sortie ! 6+6 b
Le bonheur prend le litd' fuit le désespoir ! 6+6 a
A ce qui nt le jourDieu fait place le soir ; 6+6 a
La coupe de la viea toujours même dose, 6+6 b
Mais une main la prendquand l'autre la dépose, 6+6 b
165 Hélas ! et si notre œilpouvait parfois sonder 6+6 a
Ces coupes de bonheurqui semblent déborder, 6+6 a
Ne trouverions-nous pasque chaque joie humaine 6+6 b
Des cendres et des pleursd'un autre est toujours pleine ? 6+6 b
C'en est donc fait ! ma mère !ah ! ce dernier effort 6+6 a
170 De sa vie expirantea brisé le ressort ! 6+6 a
O nuit de l'agonieet de la délivrance, 6+6 b
Écris-toi dans mon âmeen larmes d'espérance ! 6+6 b
Je veillais, en priant,seul, au bord de son lit, 6+6 a
L'étoile du matinparut, elle me dit : 6+6 a
175 « Courage, mon enfant,je sens que je vous quitte ; 6+6 b
« De ses derniers élansmon cœur pour vous palpite ; 6+6 b
« Avant que cette étoileait pâli dans le jour 6+6 a
« Je vous embrasseraide l'éternel séjour ! 6+6 a
« Oh ! réjouissez-vous,les vrais jours vont m'éclore ; 6+6 b
180 « Pourtant sur cette terreembrassons-nous encore, 6+6 b
« Va réveiller ta sœur !… non, je le le défend, 6+6 a
« Écoute : dans son seinelle porte un enfant, 6+6 a
« Cette heure d'agonieà voir est trop cruelle, 6+6 b
« Il faut la lui sauverpour son fruit et pour elle ! 6+6 b
185 « Il faut laisser ce voileentre elle et le trépas ; 6+6 a
« Et mon dernier baisertu le lui donneras ! 6+6 a
« Tu sais quels saints devoirsce grand moment réclame, 6+6 b
« Accomplis-les, mon fils,je te livre mon âme ! 6+6 b
« Va, tu n'es plus pour moique le prêtre de Dieu. » 6+6 a
190 Oh ! béni soit celuiqui du suprême adieu 6+6 a
M'adoucit à ce pointl'heure toujours amère ! 6+6 b
Et fait ouvrir le cielpar le fils à la mère ! 6+6 b
Vous en fûtes témoins,anges du Dieu vivant ! 6+6 a
Ah ! si mon faible cœurse révolta souvent, 6+6 a
195 Si trouvant le joug lourdet le devoir austère, 6+6 b
Je trnai comme un poidsmon sacré caractère, 6+6 b
De tout ce qu'ici-basj'avais sacrifié, 6+6 a
Ah ! par ce seul momentje me sentis payé, 6+6 a
Puisque Dieu permettaitque par ce sacrifice 6+6 b
200 Cette mort pour ma mèreadoucît son calice ! 6+6 b
J'allumai ces flambeauxde la dernière nuit, 6+6 a
Double image du jourqui commence et qui fuit ; 6+6 a
Dans le vase cachéde l'humble Eucharistie 6+6 b
Des mourans à sa voixj'allai puiser l'hostie ; 6+6 b
205 Et penché sur son front,de ma tremblante main, 6+6 a
Tout mouillé de mes pleursje lui rompis le pain ; 6+6 a
La splendeur de sa foirayonnait dans la chambre ; 6+6 b
Du chrême des mouransje touchai chaque membre, 6+6 b
Ce front mes baisersvoulaient suivre mes doigts, 6+6 a
210 Ces flancs qui sur son cœurm'avaient couvé neuf mois, 6+6 a
Ces bras qui, m'entourant,tout petit, de tendresse, 6+6 b
M'avaient fait tant de foisun berceau de caresse ; 6+6 b
Ces pieds, qui les premiersfrayèrent mon chemin, 6+6 a
Dont toute trace allaitdispartre demain ! 6+6 a
215 Absorbée et présenteà chaque grand symbole, 6+6 b
Quand tout fut accompli,reprenant la parole : 6+6 b
« Jocelyn, me dit-elle,encore, encore un don ! » 6+6 a
— « Et lequel, ô ma mère ?» — « Oh ! mon fils, ton pardon ! 6+6 a
« Non le pardon de Dieuqui sur moi surabonde, 6+6 b
220 « Mais le pardon du filsque je laisse en ce monde ! 6+6 b
« De ton amour pour nouspauvre jeune martyr, 6+6 a
« Une mère jamaisn'aurait dû consentir 6+6 a
« A te laisser tenterce dévment sublime ! 6+6 b
« Ta vie est un désert,ton cœur est un abîme 6+6 b
225 « Que tu ne peux comblerqu'à force de vertu ! 6+6 a
« C'est moi qui l'ai creusé,dis, me pardonnes-tu ? » 6+6 a
Je collai sur ses mainsmes lèvres en silence. 6+6 b
« Oh ! que ma douce mortte soit ta récompense ! 6+6 b
« Je t'ai fermé le monde,et c'est toi dont la main 6+6 a
230 « Du ciel ouvert par toim'aplanit le chemin ! 6+6 a
« Je vais t'y préparer,dit-elle, une demeure 6+6 b
« Plus durable, à mon tour,ô mon fils, et meilleure ! 6+6 b
« Ici le cœur tarit,les longs bonheurs sont courts, 6+6 a
« Ton âme a sa patrie l'on aime toujours ! » 6+6 a
235 Puis sentant que la mortaffaissait ses paupières : 6+6 b
« Récite-moi, mon fils,ces divines prières 6+6 b
« Qui de l'âme fidèleaccompagnent l'essor, 6+6 a
« Afin qu'en expirantelle bénisse encor. » 6+6 a
J'obéis ; sous mes pleursje lui lus, dans ses Heures, 6+6 b
240 La tristesse de l'âmeà ses dernières heures ; 6+6 b
Ses lèvres, dont l'accentparaissait s'assoupir, 6+6 a
Murmuraient les réponsde ce pieux soupir, 6+6 a
Comme l'écho lointaind'une voix affaiblie 6+6 b
Qui s'éloigne et déjàrépond de l'autre vie ; 6+6 b
245 Tout à coup au refrainje ne l'entendis plus, 6+6 a
Elle achevait au cielles chants interrompus !… 6+6 a
Le livre s'échappade mes mains qui s'ouvrirent, 6+6 b
Et l'hymne de la mort…mes sanglots le finirent ! 6+6 b
O nuit ! oh ! couvre-moide ta noire épaisseur ; 6+6 a
250 Demain !… quoi ! c'est demainque j'emmène ma sœur ! 6+6 a
Demain j'aurai quittépour jamais cette terre, 6+6 b
Ce sépulcre mon âmeentre auprès de ma mère ! 6+6 b
Ah ! sur ce lit d'argile sa dépouille dort 6+6 a
N'ayant entre elle et moique ce rideau de mort, 6+6 a
255 Cette couche de cendre,hélas ! si peu profonde, 6+6 b
Qu'un cœur soulèveraitet qui sépare un monde ! 6+6 b
Nuit qui deviens mon jour,laisse-moi me coucher 6+6 a
Près du sol remuéd'hier et le toucher ! 6+6 a
M'enivrer de tristesseainsi que d'une joie, 6+6 b
260 Écouter ce qu'au cœurde là-bas Dieu m'envoie, 6+6 b
Et la bouche colléeau sol mystérieux ; 6+6 a
Le pétrir de mes mains,l'arroser de mes yeux ! 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Béni sois-tu, mon cœur,et toi, ma foi divine, 6+6 b
De me parler si haut,si fort dans la poitrine ! 6+6 b
265 En ce moment l'œilne voit que le trépas, 6+6 a
Que serais-je, grand Dieu,si vous ne parliez pas ? 6+6 a
Si de mon seul instinctl'infaillible espérance 6+6 b
Ne me répondait pasque tout n'est qu'apparence, 6+6 b
Qu'un peu d'argile icisur l'argile jeté 6+6 a
270 N'ensevelit pas l'âmeet l'immortalité ? 6+6 a
Que la vie, un momentdétournée en sa course, 6+6 b
Ne s'anéantit pasen montant à sa source, 6+6 b
Ainsi que le rayonqui s'enfuit de nos yeux 6+6 a
Ne s'éteint pas là-hauten remontant aux cieux ! 6+6 a
275 Non ! tu vis, tu m'entends,tu me réponds, tu m'aimes, 6+6 b
Nos places ont changé,nos rapports sont les mêmes ! 6+6 b
Âme qui fus ma mère,oh ! parle, parle-moi, 6+6 a
Ma conversationest au ciel avec toi ! 6+6 a
Seulement ici-bas,séparés par l'absence, 6+6 b
280 Nos cœurs qui se cherchaientsouffraient de la distance ; 6+6 b
Tu m'entends maintenantde partout ; ton regard 6+6 a
Ne connt plus ni lieu,ni retour, ni départ, 6+6 a
Ton amour ne tient plusdans ce doux cœur de femme, 6+6 b
Mais comme une atmosphèreenveloppe mon âme !… 6+6 b
285 Aussi sur ce gazonmouillé de mes regrets 6+6 a
Si je viens dans la nuitte pleurer de plus près, 6+6 a
Ce n'est pas que mon cœurrêve que cette cendre 6+6 b
Se réchauffe à mon souffleet puisse mieux m'entendre : 6+6 b
Non, c'est l'aveugle instinctde la tendre douleur. 6+6 a
290 Qui mène à notre insules pieds va le cœur, 6+6 a
Et dans l'illusionque le regret embrasse 6+6 b
Nous fait chercher encorle pas fut la trace. 6+6 b
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Oh ! coulez ! oh ! coulez !mon cœur, épanche-toi ! 6+6 a
O terre, bois mes pleurs !ces pleurs c'est encor moi ! 6+6 a
295 O sol de mon berceau,que ne puis-je te rendre 6+6 b
Ce corps pétri de toi !que ne puis-je répandre 6+6 b
Toute ma vie en eaude mes yeux épuisés ! 6+6 a
Restituer ces pleurs je les ai puisés, 6+6 a
Comme le filet d'eauqui lassé de sa course 6+6 b
300 Tarit et rentre en terreà deux pas de sa source !… 6+6 b
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bière ! sous ton regardde tendresse interdit, 6+6 a
Non, tu ne savais pas !je ne t'ai jamais dit, 6+6 a
Je ne me suis jamaisdit peut-être à moi-même, 6+6 b
(C'est quand on a perduqu'on sait comment on aime) 6+6 b
305 Non, je ne savais pas !je ne dirai jamais 6+6 a
De quelle âme de fils,ô mère, je t'aimais ! 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L'aimer, mais pour l'aimerétais-je un autre qu'elle ? 6+6 b
N'étais-je pas nourridu suc de sa mamelle, 6+6 b
Éclos de son amour,réchauffé dans son flanc, 6+6 a
310 La moelle de ses os,le plus pur de son sang ? 6+6 a
L'air qu'elle respiraitdans sa chaste poitrine 6+6 b
Ne fut-il pas neuf moiscelui de ma narine ? 6+6 b
De son cœur près du mienle moindre battement 6+6 a
Ne m'inspirait-il pasle même sentiment ? 6+6 a
315 Mon corps n'était-il pastout son corps, et mon âme 6+6 b
Un foyer empruntéqu'allume une autre flamme ? 6+6 b
De cette âme du cielchaque vibration, 6+6 a
En me communiquantla même impulsion, 6+6 a
N'imprimait-elle pasà ma jeune pensée 6+6 b
320 La même impressionen moi recommencée, 6+6 b
Comme un son dans les sonsimprime un même accord, 6+6 a
Ou comme un flot du flotreçoit le pli du bord ! 6+6 a
Cette pensée, ainside la sienne venue, 6+6 b
Est-ce une âme qui nt ?une qui continue ? 6+6 b
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
325 Et plus tard, quand bercé,grandi sur tes genoux, 6+6 a
Mon oreille s'ouvraità tes accens si doux, 6+6 a
Que du monde et du ciell'obscure intelligence 6+6 b
A travers ton sourireéclairait mon enfance, 6+6 b
Que tes saintes leçonsfaçonnaient ma raison, 6+6 a
330 Que le bord de ta robeétait mon horizon, 6+6 a
Et que toute mon âme,attentive à la tienne, 6+6 b
N'était que la lueurd'une autre dans la mienne, 6+6 b
O mère, qui pouvaitdémêler d'un regard 6+6 a
Cette existence à deux,faire à chacun sa part, 6+6 a
335 Distinguer toi de moidans cette âme commune, 6+6 b
Restituer en deuxce qui sentait en une, 6+6 b
Dans nos doubles clartésvoir laquelle avait lui, 6+6 a
Et, sans mentir au ciel,dire : C'est elle ou lui ? 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Aussi qu'étais-je icique ta vivante image ? 6+6 b
340 Ton œil semblait avoirfaçonné mon visage ; 6+6 b
Jeune, dans la maisonon ne distinguait pas 6+6 a
Le timbre de nos voixni le bruit de nos pas ; 6+6 a
Par le frémissementde chaque même idée 6+6 b
Dans le même momentnotre âme était ridée ; 6+6 b
345 Le même sentimentbattait dans nos deux cœurs ; 6+6 a
Si tu devais pleurer,mes yeux roulaient des pleurs ; 6+6 a
S'il passait sur mon frontquelque frche pensée, 6+6 b
D'un sourire avant moita lèvre était plissée. 6+6 b
Un en deux, toi le tronc,moi le tendre rameau, 6+6 a
350 Toi la voix, moi le son,toi la source et moi l'eau ! 6+6 a
Union si profondeet si forte des âmes, 6+6 b
Que Dieu seul peut de l'œilen démêler les trames ; 6+6 b
Que lui seul peut savoir,en sondant nos deux cœurs, 6+6 a
Si c'est toi qui survisou si c'est moi qui meurs. 6+6 a
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355 Meurt ? oh ! non, car je crois !meurt ? oh ! non, car tu vis ! 6+6 b
Ma mère, oh ! dans ta mortje suis encor ton fils ! 6+6 b
Dans l'éternel bonheur la vertu t'appelle 6+6 a
Un ciel remplirait-ilune âme maternelle ? 6+6 a
Non : si Dieu lui donnaitle ciel sans son enfant, 6+6 b
360 Son cœur demanderaitson fils ou le néant ; 6+6 b
Oh ! je crois au néantplutôt qu'à ton absence ! 6+6 a
Sur la foi de mon cœurje marche en ta présence 6+6 a
Je sens ce cœur brûlantsous ta main s'apaiser, 6+6 b
Mon front baissé frémitcomme sous ton baiser. 6+6 b
365 Ah ! de tout ce qui s'aimeet de tout ce qui prie 6+6 a
La présence est en Dieu,car Dieu c'est leur patrie ! 6+6 a
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mètre profil métrique : 6+6
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