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LAM_7/LAM131
Alphonse de LAMARTINE
HARMONIES POÉTIQUES ET RELIGIEUSES
1830
LIVRE QUATRIÈME
HARMONIE VIII
LE SOLITAIRE
HYMNE
L'aube sur le rocher lance un trait de lumière, 6+6 a
L'oiseau chante avant moi : Béni soit le Seigneur ! 6+6 b
Ce nom est plus tôt dans mon cœur 8 b
Que le jour n'est dans ma paupière ! 8 a
5 Je disais autrefois : Que ferai-je aujourd'hui ? 6+6 a
Et la gloire, et l'amour, et mes vaines pensées 6+6 b
Disputaient au réveil mes heures insensées ; 6+6 b
Mais le cœur me disait : Tous les jours sont à lui ! 6+6 a
Tous mes jours maintenant sont à lui dès l'aurore. 6+6 a
10 Ils sont à lui jusqu'au sommeil. 8 b
Celui dans qui mon cœur se lève à mon réveil, 6+6 b
Mon cœur en s'endormant, en lui se couche encore ! 6+6 a
Je ne me souviens plus quel sens avaient ces mots : 6+6 a
Amour qu'use le temps, gloire qu'un jour efface, 6+6 b
15 Espoir qui nous trahit, volupté qui nous lasse, 6+6 b
Ils n'ont pas dans mon âme imprimé plus de trace 6+6 b
Que le nuage sur les flots ! 8 a
Ils sont à mon oreille une langue étrangère 6+6 a
Qu'on entend résonner et qu'on ne comprend pas ; 6+6 b
20 Et j'ai même oublié l'impression légère 6+6 a
Qu'ils faisaient sur mon cœur quand j'étais d'ici-bas ! 6+6 b
Ah ! qu'une seule idée à sa source élancée 6+6 a
Fait franchir de distance à l'âme qui la suit ! 6+6 b
Qu'un seul rayon d'en haut éclaire de pensée ! 6+6 a
25 Le jour diffère moins des ombres de la nuit, 6+6 b
Et le couchant, Seigneur, est moins loin de l'aurore, 6+6 a
Que l'âme qui t'adore 6 a
De l'âme qui te fuit ! 6 a
Depuis que des mortels abandonnant la scène, 6+6 b
30 J'ai rejeté le pain dont leurs cœurs sont nourris. 6+6 a
Mes cheveux ont blanchi comme le tronc du chêne, 6+6 b
En rides sur mon front mes jours se sont écrits ! 6+6 c
Et les ans, lourds anneaux ajoutés à ma chaîne, 6+6 b
Ont courbé sous leur poids mes membres amaigris. 6+6 c
35 Mais je n'ai pas compté combien de fois la terre 6+6 a
A respiré d'en haut le souffle du printemps ! 6+6 b
Combien de fois sur mon roc solitaire 4+6 a
L'aigle a changé sa plume et le chêne ses glands ! 6+6 b
A mon âme, ô mon Dieu, de toi seul possédée, 6+6 a
40 Que sert un temps écrit ? que sert un jour compté ? 6+6 b
Tous les temps n'ont qu'un jour à qui n'a qu'une idée, 6+6 a
Celui qui vit en toi date en éternité ! 6+6 b
Le silence et la solitude 8 a
De leur rouille ont usé mes sens, 8 b
45 Mon oreille des sons a perdu l'habitude. 6+6 a
Ma bouche pour parler cherche en vain des accents ; 6+6 b
Mon corps courbé par la prière, 8 a
Insensible au soleil, aux hivers endurci, 6+6 b
Est aussi rude que la pierre 8 a
50 Que mes pieds nus foulent ici ! 8 b
Mais le sens qui t'adore a grandi dans mon âme, 6+6 a
C'est le seul désormais dont ma vie ait besoin ; 6+6 b
Il voit, il sent, il touche, il entend, il proclame 6+6 a
Les choses de plus haut et son Dieu de plus loin ! 6+6 b
55 Pour s'élever à toi mon aile est plus rapide, 6+6 a
Mon esprit plus muet en toi s'anéantit ! 6+6 b
Ainsi plus le temple est vide. 7 a
Plus l'écho sacré retentit ! 8 b
mètre profils métriques : 8, 6, 6+6, (4+6), (7)
forme globale type : suite de strophes
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