Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LAM_7/LAM111
Alphonse de LAMARTINE
HARMONIES POÉTIQUES ET RELIGIEUSES
1830
LIVRE DEUXIÈME
HARMONIE XII
SOUVENIR D'ENFANCE
OU
LA VIE CACHÉE
A M. P. G. DE B***
Quand la voix du passé résonnait dans sou âme, 6+6 a
Les regards d'Ossian étincelaient de flamme. 6+6 a
Le vol de sa pensée agitait ses cheveux, 6+6 b
Sa harpe frémissait dans ses genoux nerveux. 6+6 b
5 Et ses accents, pareils au murmure des ondes. 6+6 a
Coulaient à flots pressés de ses lèvres fécondes, 6+6 a
Comme un torrent d'hiver qu'on ne peut contenir 6+6 b
Le vieillard n'était plus que voix et souvenir. 6+6 b
O puissance de l'âme ! ô jeunesse éternelle ! 6+6 a
10 Qu'une douce mémoire en nos seins renouvelle !… 6+6 a
Sur ma lyre, Ossian ! je ne vois pas encor 6+6 b
Flotter mes cheveux blancs parmi ses cordes d'or, 6+6 b
Mon cœur est tiède encor des feux de ma jeunesse, 6+6 a
Je n'ai pas tes longs jours, j'ai déjà ta tristesse ; 6+6 a
15 Je parcours comme toi le champ de mes regrets ! 6+6 b
Adorant comme toi les monts et les forêts, 6+6 b
J'aime à m'asseoir, aux bords des torrents de l'automne, 6+6 a
Sur le rocher battu par le flot monotone, 6+6 a
A suivre dans les airs la nue et l'aquilon, 6+6 b
20 A leur prêter des traits, un corps, une âme, un nom, 6+6 b
Et d'êtres adorés m'en formant les images, 6+6 a
A dire aussi : Mon âme est avec les nuages ! 6+6 a
Mais je ne chante plus ; les hommes de nos jours 6+6 b
A ta harpe elle-même, hélas ! resteraient sourds ; 6+6 b
25 Trop pleins d'un avenir tout brillant de chimères, 6+6 a
Leurs yeux vers le passé ne se détournent guères ; 6+6 a
Et si ma harpe encor pour tromper mes ennuis 6+6 b
Soupire pour moi seul dans l'ombre de mes nuits, 6+6 b
Ces chants dont ta douleur faisait son bien suprême. 6+6 a
30 De leur écho plaintif m'importunent moi-même. 6+6 a
Et mon cœur redescend de cet oubli trop court, 6+6 b
Comme un poids soulevé qui retombe plus lourd ! 6+6 b
Quel attrait cependant à ma lyre rebelle 6+6 a
Du fond de ma langueur aujourd'hui me rappelle ? 6+6 a
35 D'où vient qu'à mon insu, mariés à ma voix, 6+6 b
Les mots harmonieux s'enchaînent sous mes doigts ? 6+6 b
Et qu'en mètres brillants ma verve cadencée 6+6 a
Comme un courant limpide emporte ma pensée ? 6+6 a
Ah ! c'est qu'une voix chère a retenti dans moi, 6+6 b
40 C'est que le souvenir qui me rappelle à toi. 6+6 b
Écartant loin de lui les ombres des années. 6+6 a
Et déployant soudain ses ailes enchaînées, 6+6 a
Au-dessus des douleurs, des dégoûts, fruits du temps, 6+6 b
Franchit d'un vol léger les jours, les mois, les ans, 6+6 b
45 Et m'emporte avec toi dans ce séjour champêtre, 6+6 a
Dans ces temps écoulés que ton nom fait renaître. 6+6 a
Jeune, heureux, le cœur plein d'ignorance et d'espoir, 6+6 b
Brillant comme un matin qui n'aurait point de soir. 6+6 b
Tel que notre amitié nous vit à son aurore. 6+6 a
50 Et qu'à sa douce voix je crois nous voir encore ; 6+6 a
A son prisme divin le présent effacé 6+6 b
Se colore des feux dont brillait le passé. 6+6 b
O champs de Bienassis ! maison, jardin, prairies, 6+6 a
Treilles qui fléchissaient sous leurs grappes mûries, 6+6 a
55 Ormes qui sur le seuil étendaient leurs rameaux, 6+6 b
Et d'où sortait le soir le chœur des passereaux, 6+6 b
Vergers où de Tété la teinte monotone 6+6 a
Pâlissait jour à jour aux rayons de l'automne. 6+6 a
Où la feuille en tombant sous les pleurs du matin 6+6 b
60 Dérobait à nos pieds le sentier incertain, 6+6 b
l^as égarés au loin dans les frais paysages. 6+6 a
Heures tièdes du jour coulant sous des ombrages. 6+6 a
Sommeils rafraîchissants goûtés au bord des eaux, 6+6 b
Songes qui descendaient, qui remontaient si beaux, 6+6 b
65 Pressentiments divins, intimes confidences, 6+6 a
Lectures, rêverie, entretiens, doux silences. 6+6 a
Table riche des dons que l'automne étalait. 6+6 b
Où les fruits du jardin, où le miel et le lait, 6+6 b
Assaisonnés des soins d'une mère attentive. 6+6 a
70 De leur luxe champêtre enchantaient le convive ; 6+6 a
Silencieux réduit où des rayons de bois 6+6 b
Par l'âge vermoulus et pliant sous le poids. 6+6 b
Nous offraient ces trésors de l'humaine sagesse 6+6 a
Où nos yeux altérés puisaient jusqu'à l'ivresse, 6+6 a
75 Où la lampe avec nous veillant jusqu'au matin 6+6 b
Nous guidait au hasard comme un phare incertain, 6+6 b
De volume en volume ; hélas ! croyant encore 6+6 a
Que le livre savait ce que Fauteur ignore, 6+6 a
Et que la vérité, trésor mystérieux. 6+6 b
80 Pouvait être cherchée ailleurs que dans les cieux ! 6+6 b
Scènes de notre enfance, après quinze ans rêvées, 6+6 a
Au plus pur de mon cœur impressions gravées. 6+6 a
Lieux, noms, demeure, et vous, aimables habitants, 6+6 b
Je vous revois encore après un si long temps, 6+6 b
85 Aussi présents à l'œil que le sont des rivages 6+6 a
A l'onde dont le cours reflète les images, 6+6 a
Aussi frais, aussi doux, que si jamais les pleurs 6+6 b
N'en avaient dans mes yeux altéré les couleurs ; 6+6 b
Et vos riants tableaux sont à mon âme aimante 6+6 a
90 Ce qu'au navigateur battu par la tourmente 6+6 a
Sont les songes dorés qui lui montrent de loin 6+6 b
Le rivage chéri de son bonheur témoin. 6+6 b
L'ondoyante moisson que sa main a semée, 6+6 a
Et du toit paternel le seuil, ou la fumée ! 6+6 a
95 Tu n'as donc pas quitté ce port de ton bonheur ; 6+6 b
Ce soleil du matin qui réjouit ton cœur. 6+6 b
Comme un arbre au rocher fixé par sa racine, 6+6 a
Te retrouve toujours sur la même colline ; 6+6 a
Nul adieu n'attrista le seuil de ta maison. 6+6 b
100 Jamais, jamais tes yeux n'ont changé d'horizon. 6+6 b
L'arbre de ton aïeul, l'arbre qui t'a vu naître 6+6 a
N'a jamais reverdi sans ombrager son maître ; 6+6 a
Jamais le voyageur en voyant du chemin 6+6 b
Ta demeure fermée aux rayons du matin, 6+6 b
105 Trouvant l'herbe grandie ou le sentier plus rude. 6+6 a
N'a demandé, surpris de cette solitude^ 6+6 a
Sur quels bords étrangers, dans quels lointains séjours, 6+6 b
Le vent de l'inconstance avait poussé tes jours. 6+6 b
Ton verger ne voit pas une main mercenaire 6+6 a
110 Cueillir ces fruits greffés par ta main tutélaire. 6+6 a
Et ton ruisseau, content de son lit de gazon. 6+6 b
Comme un hôte fidèle à la même maison, 6+6 b
Vient murmurer toujours au seuil de ta demeure, 6+6 a
Et de la même voix t'endort à la même heure ! 6+6 a
115 Ainsi tu vieilliras sans que tes jours pareils 6+6 b
Soient comptés autrement que par leurs doux soleils, 6+6 b
Sans que les souvenirs de ton heureuse histoire 6+6 a
Laissent d'autres sillons gravés dans la mémoire 6+6 a
Que le cercle inégal des diverses saisons, 6+6 b
120 Des printemps plus tardifs, de plus riches moissons ; 6+6 b
Tes pampres moins chargés . tes ruches plus fécondes. 6+6 a
Ou ta source sevrant ton jardin de ses ondes, 6+6 a
Sans avoir dissipé des jours trop tôt comptés. 6+6 b
Dans la poudre, ou le bruit, ou l'ombre des cités, 6+6 b
125 Et sans avoir semé, de distance en distance, 6+6 a
A tous les vents du ciel ta stérile espérance ! 6+6 a
Ah ! rends grâce à ton sort de ce flot lent et doux 6+6 b
Qui te porte en silence où nous arrivons tous, 6+6 b
Et comme ton destin si borné dans sa course. 6+6 a
130 Dans son lit ignoré s'endort près de sa source ; 6+6 a
Ne porte point envie à ceux qu'un autre vent 6+6 b
Sur les routes du monde a conduits plus avant. 6+6 b
Même à ces noms frappés d'un peu de renommée ! 6+6 a
Du feu qu'elle répand toute âme est consumée ; 6+6 a
135 Notre vie est semblable au fleuve de cristal 6+6 b
Qui sort humble et sans nom de son rocher natal ; 6+6 b
Tant qu'au fond du bassin que lui fit la nature, 6+6 a
Il dort, comme au berceau, dans un lit sans murmure, 6+6 a
Toutes les fleurs des champs parfument son sentier, 6+6 b
140 Et l'azur d'un beau ciel y descend tout entier ; 6+6 b
Mais à peine échappés des bras de ses collines, 6+6 a
Ses flots s'épanchent-ils sur les plaines voisines, 6+6 a
Que du limon des eaux dont il enfle son lit, 6+6 b
Son onde, en grossissant, se corrompt et pâlit ! 6+6 b
145 L'ombre qui les couvrait s'écarte de ses rives, 6+6 a
Le rocher nu contient ses vagues fugitives. 6+6 a
Il dédaigne de suivre, en se creusant son cours. 6+6 b
Des vallons paternels les gracieux détours ; 6+6 b
Mais fier de s'engouffrer sous des arches profondes. 6+6 a
150 Il y reçoit un nom bruyant comme ses ondes ; 6+6 a
Il emporte en fuyant à bonds précipités 6+6 b
Les barques, les rumeurs, les fanges des cités ; 6+6 b
Chaque ruisseau qui l'enfle est un flot qui l'altère, 6+6 a
Jusqu'au terme où, grossi de tant d'onde adultère. 6+6 a
155 Il va, grand, mais troublé, déposant un vain nom, 6+6 b
Rouler au sein des mers sa gloire et son limon ! 6+6 b
Heureuse au fond des bois la source pauvre et pure, 6+6 a
Heureux le sort caché dans une vie obscure. 6+6 a
Nous parlions autrement à l'âge où l'avenir 6+6 b
160 Dans nos seins palpitants ne pouvait contenir, 6+6 b
Et débordait pour nous de la coupe de vie. 6+6 a
Comme un jus écumant d'une urne trop remplie. 6+6 a
A cet âge enivré la gloire est à nos yeux 6+6 b
Ce qu'à l'œil des enfants qui regardent les cieux 6+6 b
165 Est l'astre de la nuit dont l'orbe, près d'éclore. 6+6 a
Au sommet qu'il franchit semble toucher encore ; 6+6 a
L'un d'eux quittant ses jeux pour la douce splendeur 6+6 b
Croit que pour s'emparer du disque tentateur, 6+6 b
Et pour se revêtir de la lueur divine, 6+6 a
170 Il n'a qu'à faire un pas sur la sombre colline ; 6+6 a
Il s'avance l'œil fixe et les bras entr'ouverts, 6+6 b
Et le globe de feu suspendu dans les airs, 6+6 b
Comme pour prolonger sa crédule espérance, 6+6 a
A hauteur de la main un moment se balance ; 6+6 a
175 Il monte ; mais déjà, dans l'azur étoilé, 6+6 b
Quand il touche au sommet, l'astre s'est envolé, 6+6 b
Et fuyant dans le ciel de nuage en nuage, 6+6 a
Est aussi loin déjà des monts que de la plage. 6+6 a
Confus de son erreur, il revient sur ses pas ! 6+6 b
180 Et les fils du hameau qui sont restés en bas. 6+6 b
Occupés à choisir des fleurs au sein des plaines 6+6 a
Ou des cailloux polis dans le lit des fontaines, 6+6 a
Sans songer à cet astre objet de ses regrets. 6+6 b
Au fond de la vallée en étaient aussi près !… 6+6 b
185 Mais quand ce feu céleste éblouirait ton âme. 6+6 a
Quand tu le poursuivrais sur un désir de flamme, 6+6 a
Dans ces vieux jours du monde avares de vertu, 6+6 b
Cette gloire rêvée, où la trouverais-tu ? 6+6 b
Crois-tu que ce reflet de la splendeur suprême, 6+6 a
190 Cette immortalité qui sort de la mort même, 6+6 a
Soit ce mot profané qui passe tour à tour 6+6 b
Du grand homme d'hier au grand homme du jour ? 6+6 b
Monnaie au coin banal qu'un jour frappe, un jour use, 6+6 a
Que la vanité paie à l'orgueil qu'elle abuse ? 6+6 a
195 Crois-tu que chaque siècle en ait reçu d'en haut 6+6 b
Toujours la même soif avec le même lot ? 6+6 b
Et qu'enfin l'avenir, acceptant l'héritage. 6+6 a
Ratifie à jamais ce risible partage 6+6 a
Que les sots, éblouis des splendeurs de leur temps. 6+6 b
200 En font de siècle en siècle entre tous leurs enfants ? 6+6 b
Non ! tu ris avec moi de l'erreur où nous sommes ; 6+6 a
Tu sais de quel linceul le temps couvre les hommes ; 6+6 a
Tu sais que tôt ou tard, dans l'ombre de l'oubli. 6+6 b
Siècles, peuples, héros, tout dort enseveli ; 6+6 b
205 Qu'à cette épaisse nuit qui descend d'âge en âge 6+6 a
A peine un nom par siècle obscurément surnage, 6+6 a
Que le reste, éclairé d'un moins haut souvenir. 6+6 b
Disparaît par étage à l'œil de l'avenir ; 6+6 b
Comme, en quittant la rive, un navire à la voile, 6+6 a
210 A l'heure où de la nuit sort la première étoile. 6+6 a
Voit à ses yeux déçus disparaître d'abord 6+6 b
L'écume du rivage et le sable du port, 6+6 b
Puis les tours de la ville où l'airain se balance. 6+6 a
Puis les phares éteints qu'abaisse la distance. 6+6 a
215 Puis les premiers coteaux sur la plaine ondoyants, 6+6 b
Puis les monts escarpés sous l'horizon fuyants ; 6+6 b
Bientôt il ne voit plus au loin qu'une ou deux cimes 6+6 a
Dont l'éternel hiver blanchit les pics sublimes, 6+6 a
Refléter au-dessus de cette obscurité 6+6 b
220 Du jour qui va les fuir la dernière clarté, 6+6 b
Jusqu'à ce qu'abaissés de leur niveau céleste. 6+6 a
Ces sommets décroissants plongent comme le reste, 6+6 a
Et qu'étendue enfin sur la terre et les mers, 6+6 b
L'universelle nuit pèse sur l'univers. 6+6 b
225 De la gloire et du temps voilà l'image sombre ; 6+6 a
Éloigne-toi d'un siècle et tout rentre dans l'ombre ; 6+6 a
Laisse pour fuir l'oubli tant d'insensés courir ; 6+6 b
Que sert un jour de plus à ce qui doit mourir ? 6+6 b
Tu voudrais cependant que sur un cénotaphe 6+6 a
230 La gloire t'inscrivît ta ligne d'épitaphe. 6+6 a
Et promît à ton nom, de temps en temps cité, 6+6 b
Ses heures de mémoire et d'immortalité. 6+6 b
Jusqu'à ce qu'un passant, brisant ton humble pierre, 6+6 a
Dispersât sous ses pieds ta gloire et ta poussière, 6+6 a
235 Et qu'un jour, en sifflant, le berger du vallon 6+6 b
Ne sût plus rassembler les lettres de ton nom : 6+6 b
Ah ! qu'à ces vains regrets ton âme soit fermée ! 6+6 a
Le funèbre baiser dont une bouche aimée 6+6 a
Scelle au dernier adieu les lèvres du mourant . 6+6 b
240 Notre nom qu'un ami rappelle en soupirant, 6+6 b
Les larmes sans témoin dont un œil nous arrose, 6+6 a
Voilà notre épitaphe et notre apothéose ! 6+6 a
A nous à qui le sort en naissant n'a promis 6+6 b
D'autre immortalité qu'aux cœurs de nos amis, 6+6 b
245 Que le sort nous la donne à notre heure suprême ! 6+6 a
Le souvenir n'est doux que dans un cœur qui t'aime ! 6+6 a
Si de ton nom pourtant tu veux l'entretenir, 6+6 b
Grave ces simples mots sur ton urne à venir : 6+6 b
Là dort d'un doux sommeil, quoique sans mausolée, 6+6 a
250 Dans le sein de sa mère un fils de la vallée. 6+6 a
Que t'importe, ô passant ! s'il fut célèbre ou non ? 6+6 b
En changeant de patrie il a changé de nom ! 6+6 b
Tout près de son berceau sa tombe fut placée ; 6+6 a
Peu d'espace borna sa vie et sa pensée ; 6+6 a
255 Content de son bonheur, il sut le renfermer 6+6 b
Autour des seuls objets qu'il eut besoin d'aimer, 6+6 b
Une mère, une femme, un ami, la nature ; 6+6 a
Et de ses vœux, en tout, son cœur fut la mesure. 6+6 a
Ses pas ni ses désirs n'ont jamais dépassé 6+6 b
260 Cet horizon étroit par ton œil embrassé, 6+6 b
Et pour lui l'univers s'étendait de la pente 6+6 a
Où sous ces peupliers son beau fleuve serpente. 6+6 a
Jusqu'à ces monts voisins d'où l'ombre qui descend 6+6 b
De l'haleine des bois rafraîchit le passant ! 6+6 b
265 Il ne goûta jamais l'ivresse de la gloire. 6+6 a
Ce faux pressentiment d'une vaine mémoire ; 6+6 a
Jamais dans la tempête il n'éleva la voix. 6+6 b
Ou ne jeta son sort dans l'urne de nos lois ; 6+6 b
Jamais il ne força le lion populaire 6+6 a
270 A frémir à ses pieds d'amour ou de colère ; 6+6 a
Jamais de la victoire il ne vit les enfants 6+6 b
Incliner sur son front leurs drapeaux triomphants. 6+6 b
Il ne promena point sa vague inquiétude 6+6 a
De rivage en rivage et d'étude en élude ; 6+6 a
275 Il ne vit point son or, marchandant ses plaisirs. 6+6 b
Tarir entre ses mains plus tard que ses désirs- 6+6 b
Il n'alla point chercher dans Rome ou dans la Grèce 6+6 a
Les mystères voilés de l'antique sagesse, 6+6 a
Ni du bleu firmament, pour enchanter ses yeux, 6+6 b
280 Voir des astres nouveaux levés sous d'autres cieux ; 6+6 b
Mais il eut, sans goûter une science amère, 6+6 a
La loi de ses aïeux et le Dieu de sa mère ; 6+6 a
Reçut, sans la peser à nos poids inconstants. 6+6 b
Dans un cœur simple et pur la sagesse des temps, 6+6 b
285 Comme des mains d'un père on prend son héritage 6+6 a
Avec l'eau qui l'arrose et l'arbre qui l'ombrage. 6+6 a
Il semait de ses mains le champ de ses aïeux, 6+6 b
Il ne se lassait pas du spectacle des cieux. 6+6 b
Il voyait chaque jour sur la terre arrosée 6+6 a
290 L'aurore se dissoudre en perles de rosée, 6+6 a
Les bois se revêtir de leurs manteaux flottants, 6+6 b
La sève remonter aux bourgeons du printemps. 6+6 b
Les fleurs, où le Très-Haut rassembla ses merveilles. 6+6 a
Livrer l'ambre liquide aux rayons des abeilles. 6+6 a
295 L'astre du jour mourant dans un couchant vermeil 6+6 b
De ses derniers regards inspirer le sommeil, 6+6 b
Ou les feux dispersés dans des nuits embaumées. 6+6 a
Calculant sans compas leurs courbes enflammées. 6+6 a
Sous la voûte sans clef flottant de toutes parts, 6+6 b
300 Élever sa pensée autant que ses regards. 6+6 b
De l'amour dans son cœur fixé par l'innocence, 6+6 a
Même après sa jeunesse on sentait la présence, 6+6 a
Comme on respire encor dans un vase exhalé 6+6 b
L'odeur d'un doux parfum après qu'il a brûlé ; 6+6 b
305 Comme, en quittant la terre, un soleil qui s'ombrage 6+6 a
Laisse encor sa chaleur et sa pourpre au nuage ; 6+6 a
Les doux ressouvenirs, ces échos du bonheur, 6+6 b
Jusqu'à ses derniers jours réchauffèrent son cœur ; 6+6 b
Quand de ces jours nombreux la coupe fut remplie, 6+6 a
310 Il accueillit la mort en bénissant la vie. 6+6 a
Vous, dont le nom sublime a volé sous les cieux. 6+6 b
Heureux, sages ou grands, qu'avez-vous eu de mieux ? 6+6 b
Dieu ne mesure pas nos sorts à l'étendue ; 6+6 a
La goutte de rosée à l'herbe suspendue 6+6 a
315 Y réfléchit un ciel aussi vaste, aussi pur. 6+6 b
Que l'immense océan dans ses plaines d'azur ! >• 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université