Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAM_7/LAM108
Alphonse de LAMARTINE
HARMONIES POÉTIQUES ET RELIGIEUSES
1830
LIVRE DEUXIÈME
HARMONIE IX
SUITE DE JÉHOVAH
LE CHÊNE
 Voilà ce chêne solitaire 8 a
 Dont le rocher s'est couronné, 8 b
 Parlez à ce tronc séculaire, 8 a
 Demandez comment il est né. 8 b
5 Un gland tombe de l'arbreet roule sur la terre 6+6 a
L'aigle à la serre vide,en quittant les vallons, 6+6 b
S'en saisit enjouantet l'emporte à son aire 6+6 a
Pour aiguiser le becde ses jeunes aiglons ; 6+6 b
Bientôt du nid désertqu'emporte la tempête 6+6 a
10 Il roule confondudans les débris mouvants, 6+6 b
Et sur la roche nueun grain de sable arrête 6+6 a
Celui qui doit un jourrompre l'aile des vents ; 6+6 b
 L'été vient, l'aquilon soulève 8 a
La poudre des sillonsqui pour lui n'est qu'un jeu, 6+6 b
15 Et sur le germe éteint couve encor la sève 6+6 a
 En laisse retomber un peu ! 8 b
 Le printemps de sa tiède ondée 8 a
 L'arrose comme avec la main ; 8 b
 Cette poussière est fécondée, 8 a
20  Et la vie y circule enfin ! 8 b
La vie ! à ce seul mottout œil, toute pensée, 6+6 a
S'inclinent confonduset n'osent pénétrer ; 6+6 b
Au seuil de l'Infinic'est la borne placée ; 6+6 a
la sage ignoranceet l'audace insensée 6+6 a
25  Se rencontrent pour adorer ! 8 b
 Il vit, ce géant des collines ! 8 a
 Mais avant de partre au jour, 8 b
 Il se creuse avec ses racines 8 a
 Des fondements comme une tour. 8 b
30  Il sait quelle lutte s'apprête, 8 a
 Et qu'il doit contre la tempête 8 a
 Chercher sous la terre un appui ; 8 a
 Il sait que l'ouragan sonore 8 b
 L'attend au jour !… ou, s'il l'ignore, 8 b
35  Quelqu'un du moins le sait pour lui ! 8 a
 Ainsi quand le jeune navire 8 a
  s'élancent les matelots, 8 b
 Avant d'affronter son empire, 8 a
 Veut s'apprivoiser sur les flots, 8 b
40  Laissant filer son vaste câble, 8 a
 Son ancre va chercher le sable 8 a
 Jusqu'au fond des vallons mouvants, 8 a
 Et sur ce fondement mobile 8 b
 Il balance son mât fragile 8 b
45  Et dort au vain roulis des vents ! 8 a
 Il vit ! le colosse superbe 8 a
 Qui couvre un arpent tout entier, 8 b
 Dépasse à peine le brin d'herbe 8 a
 Que le moucheron fait plier ! 8 b
50  Mais sa feuille boit la rosée, 8 a
 Sa racine fertilisée 8 a
 Grossit comme une eau dans son cour- 8 a
 Et dans son cœur qu'il fortifie 8 b
 Circule un sang ivre de vie 8 b
55  Pour qui les siècles sont des jours ! 8 a
 Les sillons les blés jaunissent 8 a
 Sous les pas changeants des saisons, 8 b
 Se dépouillent et se vêtissent 8 a
 Comme un troupeau de ses toisons ; 8 b
60  Le fleuve nt, gronde et s'écoule, 8 a
 La tour monte, vieillit, s'écroule ; 8 a
 L'hiver effeuille le granit, 8 a
 Des générations sans nombre 8 b
 Vivent et meurent sous son ombre, 8 b
65  Et lui ? voyez ! il rajeunit ! 8 a
 Son tronc que l'écorce protège, 8 a
 Fortifié par mille nœuds, 8 b
 Pour porter sa feuille ou sa neige 8 a
 S'élargit sur ses pieds noueux ; 8 b
70  Ses bras que le temps multiplie, 8 a
 Comme un lutteur qui se replie 8 a
 Pour mieux s'élancer en avant, 8 a
 Jetant leurs coudes en arrière, 8 b
 Se recourbent dans la carrière 8 b
75  Pour mieux porter le poids du vent ! 8 a
 Et son vaste et pesant feuillage, 8 a
 Répandant la nuit alentour. 8 b
 S'étend, comme un large nuage. 8 a
 Entre la montagne et le jour ; 8 b
80  Comme de nocturnes fantômes, 8 a
 Les vents résonnent dans ses dômes, 8 a
 Les oiseaux y viennent dormir, 8 a
 Et pour saluer la lumière 8 b
 S'élèvent comme une poussière, 8 b
85  Si sa feuille vient à frémir ! 8 a
 La nef dont le regard implore 8 a
 Sur les mers un phare certain, 8 b
 Le voit tout noyé dans l'aurore, 8 a
 Pyramider dans le lointain ! 8 b
90  Le soir fait pencher sa grande ombre 8 a
 Des flancs de la colline sombre 8 a
 Jusqu'au pied des derniers coteaux. 8 a
 Un seul des cheveux de sa tète 8 b
 Abrite contre la tempête 8 b
95  Et le pasteur et les troupeaux ! 8 a
 Et pendant qu'au vent des collines 8 a
 Il berce ses toits habités, 8 b
 Des empires dans ses racines, 8 a
 Sous son écorce des cités ; 8 b
100  Là, près des ruches des abeilles, 8 a
 Arachné tisse ses merveilles, 8 a
 Le serpent siffle, et la fourmi 8 a
 Guide à des conquêtes de sables 8 b
 Ses multitudes innombrables 8 b
105  Qu'écrase un lézard endormi ! 8 a
 Et ces torrents d'âme et de vie, 8 a
 Et ce mystérieux sommeil, 8 b
 Et cette sève rajeunie 8 a
 Qui remonte avec le soleil ; 8 b
110  Cette intelligence divine 8 a
 Qui pressent, calcule, devine 8 a
 Et s'organise pour sa fin ; 8 a
 Et cette force qui renferme 8 b
 Dans un gland le germe du germe 8 b
115  D'êtres sans nombres et sans fin ! 8 a
 Et ces mondes de créatures 8 a
 Qui, naissant et vivant de lui, 8 b
 Y puisent être et nourritures 8 a
 Dans les siècles comme aujourd'hui ; 8 b
120  Tout cela n'est qu'un gland fragile 8 a
 Qui tombe sur le roc stérile 8 a
 Du bec de l'aigle ou du vautour ! 8 a
 Ce n'est qu'une aride poussière 8 b
 Que le vent sème en sa carrière, 8 b
125  Et qu'échauffe un rayon du jour ! 8 a
Et moi, je dis : Seigneur !c'est toi seul, c'est ta force, 6+6 a
 Ta sagesse et ta volonté, 8 b
 Ta vie et la fécondité, 8 b
 Ta prévoyance et la bonté ! 8 c
130 Le ver trouve ton nomgravé sous son écorce, 6+6 a
Et mon œil dans sa masseet son éternité ! 6+6 c
mètre profils métriques : 8, 6+6
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