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LAM_7/LAM107
Alphonse de LAMARTINE
HARMONIES POÉTIQUES ET RELIGIEUSES
1830
LIVRE DEUXIÈME
HARMONIE VIII
JÉHOVAH
OU
L'IDÉE DE DIEU
Sinaï ! Sinaï ! quelle nuit sur ta cime ! 6+6 a
Quels éclairs, sur tes flancs, éblouissent les yeux ! 6+6 b
Les noires vapeurs de l'abîme 8 a
Roulent en plis sanglants leurs vagues dans tes cieux 6+6 b
5 La nue enflammée 5 c
Où ton front se perd, 5 d
Vomit la fumée 5 c
Comme un chaume vert ; 5 d
Le ciel d'où s'échappe 5 f
10 Éclair sur éclair, 5 g
Et pareil au fer 5 g
Que le marteau frappe, 5 f
Lançant coups sur coups ; 5 h
La nuit, la lumière, 5 i
15 Se voile ou s'éclaire, 5 i
S'ouvre ou se resserre, 5 i
Comme la paupière 5 i
D'un homme en courroux ! 5 h
Un homme,un homme seul gravit tes flancs qui grondent ; 6+6 k
20 En vain tes mille échos tonnent et se répondent, 6+6 k
Ses regards assurés ne se détournent pas ! 6+6 l
Tout un peuple éperdu le regarde d'en bas ; 6+6 l
Jusqu'aux lieux où ta cime et le ciel se confondent, 6+6 k
Il monte, et la tempête enveloppe ses pas ! 6+6 l
25 Le nuage crève ; 5 m
Son brûlant carreau 5 n
Jaillit comme un glaive 5 m
Qui sort du fourreau ! 5 n
Les foudres portées 5 o
30 Sur ses plis mouvants. 5 p
Au hasard jetées 5 o
Par les quatre vents, 5 p
Entre elles heurtées. 5 c
Partent en tout sens, 5 p
35 Comme une volée 5 c
D'aiglons aguerris 5 q
Qu'un bruit de mêlée 5 c
A soudain surpris. 5 q
Qui, battant de l'aile. 5 r
40 Volent pêle-mêle 5 r
Autour de leurs nids. 5 q
Et loin de leur mère, 5 i
La mort dans leur serre. 5 i
S'élancent de l'aire 5 i
45 En poussant des cris ! 5 q
Le cèdre s'embrase, 5 s
Crie, éclate, écrase 5 s
Sa brûlante base 5 s
Sous ses bras fumants ! 5 p
50 La flamme en colonne 5 t
Monte, tourbillonne, 5 t
Retombe et bouillonne 5 t
En feux écumants 5 p
La lave serpente, 5 u
55 El de pente en pente 5 u
Étend son foyer ; 5 v
La montagne ardente 5 u
Paraît ondoyer ; 5 v
Le firmament double 5 w
60 Les feux dont il luit ; 5 x
Tout regard se trouble, 5 w
Tout meurt ou tout fuit ; 5 x
Et l'air qui s'enflamme. 5 y
Repliant la flamme 5 y
65 Autour du haut lieu. 5 z
Va de place en place 5 s
Où le vent le chasse. 5 s
Semer dans l'espace 5 s
Des lambeaux de feu ! 5 z
70 Sous ce rideau brûlant qui le voile et l'éclaire, 6+6 i
Moïse a seul, vivant, osé s'ensevelir ; 6+6 a
Quel regard sondera ce terrible mystère ? 6+6 i
Entre l'homme et le feu que va-t-il s'accomplir ? 6+6 a
Dissipez, vains mortels, l'effroi qui vous atterre ! 6+6 i
75 C'est Jéhovah qui sort ! Il descend au milieu 6+6 z
Des tempêtes et du tonnerre ! 8 i
C'est Dieu qui se choisit son peuple sur la terre, 6+6 i
C'est un peuple à genoux qui reconnaît son Dieu ! 6+6 z
🙫
L'Indien élevant son âme 8 y
80 Aux voûtes de son ciel d'azur, 8 b
Adore l'éternelle flamme 8 y
Prise à son foyer le plus pur ; 8 b
Au premier rayon de l'aurore, 8 c
Il s'incline, il chante, il adore 8 c
85 L'astre d'où ruisselle le jour ; 8 d
Et le soir, sa triste paupière 8 i
Sur le tombeau de la lumière 8 i
Pleure avec des larmes d'amour ! 8 d
Aux plages que le Nil inonde, 8 e
90 Des déserts le crédule enfant, 8 f
Brûlé par le flambeau du monde. 8 e
Adore un plus doux firmament. 8 f
Amant de ses nuits solitaires, 8 g
Pour son culte ami des mystères, 8 g
95 Il attend l'ombre dans les cieux, 8 b
Et du sein des sables arides 8 h
Il élève des pyramides 8 h
Pour compter de plus près ses dieux. 8 b
La Grèce adore les beaux songes 8 i
100 Par son doux génie inventés 8 j
Et ses mystérieux mensonges, 8 i
Ombres pleines de vérités ! 8 j
Il naît sous sa féconde haleine 8 k
Autant de dieux que l'âme humaine 8 k
105 A de terreurs et de désirs ; 8 l
Son génie amoureux d'idoles 8 m
Donne l'être à tous les symboles, 8 m
Crée un dieu pour tous les soupirs ! 8 l
Sâhra ! sur tes vagues poudreuses, 8 n
110 Où vont des quatre points des airs 8 o
Tes caravanes plus nombreuses 8 n
Que les sables de tes déserts ? 8 o
C'est l'aveugle enfant du prophète, 8 p
Qui va sept fois frapper sa tête 8 p
115 Contre le seuil de son saint lieu ! 8 z
Le désert en vain se soulève 8 m
Sous la tempête ou sous le glaive, 8 m
Mourons, dit-il, Dieu seul est Dieu ! 8 z
Sous les saules verts de l'Euphrate, 8 q
120 Que pleure ce peuple exilé ? 8 v
Ce n'est point la Judée ingrate, 8 q
Les puits taris de Siloé ! 8 v
C'est le culte de ses ancêtres ! 8 r
Son arche, son temple, ses prêtres, 8 r
125 Son Dieu qui l'oublie aujourd'hui ! 8 s
Son nom est dans tous ses cantiques ; 8 t
Et ses harpes mélancoliques 8 t
Ne se souviennent que de lui ! 8 s
Elles s'en souviennent encore, 8 c
130 Maintenant que des nations 8 u
Ce peuple exilé de l'aurore 8 c
Supporte les dérisions ! 8 u
En vain, lassé de le proscrire, 8 v
L'étranger d'un amer sourire 8 v
135 Poursuit ses crédules enfants ; 8 p
Comme l'eau buvant cette offense, 8 w
Ce peuple traîne une espérance 8 w
Plus forte que ses deux mille ans ! 8 p
Le sauvage enfant des savanes, 8 x
140 Informe ébauche des humains, 8 y
Avant d'élever ses cabanes, 8 x
Se façonne un dieu de ses mains ; 8 y
Si, chassé des rives du fleuve 8 z
Où l'ours, où le tigre s'abreuve, 8 z
145 Il émigré sous d'autres cieux, 8 b
Chargé de ses dieux tutélaires, 8 g
Marchons, dit-il, os de nos pères : 8 g
La patrie est où sont les dieux ! 8 b
Et de quoi parlez-vous, marbres, bronzes, portiques, 6+6 t
150 Colonnes de Palmyre ou de Persépolis ! 6+6 q
Panthéons sous la cendre ou l'onde ensevelis, 6+6 q
Si vides maintenant, autrefois si remplis ! 6+6 q
Et vous, dont nous cherchons les lettres symboliques, 6+6 t
D'un passé sans mémoire incertaines reliques, 6+6 t
155 Mystères d'un vieux monde en mystères écrits ! 6+6 q
Et vous, temples debout, superbes basiliques, 6+6 t
Dont un souffle divin anime les parvis ! 6+6 q
Vous nous parlez des dieux ! des dieux ! des dieux encore ! 6+6 c
Chaque autel en porte un, qu'un saint délire adore, 6+6 c
160 Holocauste éternel que tout lieu semble offrir. 6+6 a
L'homme et les éléments, pleins de ce seul mystère, 6+6 i
N'ont eu qu'une pensée, une œuvre sur la terre 6+6 i
Confesser cet être et mourir ! 8 a
🙫
Mais si l'homme occu de cette œuvre suprême 6+6 a
165 Épuise toute langue à nommer le seul Grand, 6+6 b
Ah ! combien la nature, en son silence même. 6+6 a
Le nomme mieux encore au cœur qui le comprend ! 6+6 b
Voulez-vous, ô mortels, que ce Dieu se proclame ? 6+6 y
Foulez aux pieds la cendre où dort le Panthéon 6+6 c
170 Et le livre où l'orgueil épèle en vain son nom ! 6+6 c
De l'astre du matin le plus pâle rayon 6+6 c
Sur ce divin mystère éclaire plus votre âme 6+6 y
Que la lampe au jour faux qui veille avec Platon. 6+6 c
Montez sur ces hauteurs d'où les fleuves descendent, 6+6 d
175 Et dont les mers d'azur baignent les pieds dorés, 6+6 j
A l'heure où les rayons sur leurs pentes s'étendent, 6+6 d
Comme un filet trem ruisselant sur les prés ! 6+6 j
Quand tout autour de nous sera splendeur et joie, 6+6 e
Quand les tièdes réseaux des heures de midi 6+6 s
180 En vous enveloppant comme un manteau de soie, 6+6 e
Feront épanouir votre sang attiédi ! 6+6 s
Quand la terre exhalant son âme balsamique 6+6 f
De son parfum vital enivrera vos sens, 6+6 p
Et que l'insecte même, entonnant son cantique. 6+6 f
185 Bourdonnera d'amour sur les bourgeons naissants ! 6+6 p
Quand vos regards noyés dans un vague atmosphère, 6+6 i
Ainsi que le dauphin dans son azur natal, 6+6 g
Flotteront incertains entre l'onde et la terre, 6+6 i
Et des cieux de saphir et des mers de cristal, 6+6 g
190 Écoutez dans vos sens, écoutez dans votre âme 6+6 y
Et dans le pur rayon qui d'en haut vous a lui ! 6+6 s
Et dites si le nom que cet hymne proclame 6+6 y
N'est pas aussi vivant, aussi divin que lui ? 6+6 s
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