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LAM_7/LAM106
Alphonse de LAMARTINE
HARMONIES POÉTIQUES ET RELIGIEUSES
1830
LIVRE DEUXIÈME
HARMONIE VII
HYMNE A LA DOULEUR
Frappe encore, ô Douleur, si tu trouves la place ! 6+6 a
Frappe, ce cœur saignant t'abhorre et te rend grâce ! 6+6 a
Puissance qui ne sais plaindre ni pardonner ! 6+6 b
Quoique mes yeux n'aient plus de pleurs à te donner. 6+6 b
5 Il est peut-être en moi quelque fibre sonore 6+6 a
Qui peut sous ton regard se torturer encore, 6+6 a
Comme un serpent coupé sur le chemin gisant. 6+6 b
Dont le tronçon se tord sous le pied du passant 6+6 b
Quand l'homme, ranimant une rage assouvie, 6+6 a
10 Cherche encor la douleur où ne bat plus la vie ! 6+6 a
Il est peut-être encor dans mon cœur déchiré 6+6 b
Quelque cri plus profond et plus inespéré 6+6 b
Que tu n'as pas encor tiré d'une âme humaine. 6+6 a
Musique ravissante aux transports de la haine ! 6+6 a
15 Cherche ! je m'abandonne à ton regard jaloux, 6+6 b
Car mon cœur n'a plus rien à sauver de tes coups ! 6+6 b
Souvent, pour prolonger ma vie et ma souffrance, 6+6 a
Tu visitas mon sein d'un rayon d'espérance, 6+6 a
Comme on laisse reprendre haleine aux voyageurs. 6+6 b
20 Pour les mener plus loin au sentier des douleurs ; 6+6 b
Souvent, dans cette nuit qu'un éclair entrecoupe, 6+6 a
De la félicité tu me tendis la coupe. 6+6 a
Et, quand elle écumait sous mes désirs ardents, 6+6 b
Ta main me la brisait pleine contre les dents, 6+6 b
25 Et tu me déchirais, dans tes cruels caprices, 6+6 a
La lèvre aux bords sanglants du vase des délices ! 6+6 a
Et maintenant, triomphe ! Il n'est pas dans mon cœur 6+6 b
Une fibre qui n'ait résonné sa douleur ! 6+6 b
Pas un cheveu blanchi de ma tête penchée 6+6 a
30 Qui n'ait été broyé comme une herbe fauchée ! 6+6 a
Pas un amour en moi qui n'ait été frappé, 6+6 b
Un espoir, un désir, qui n'ait péri trompé ! 6+6 b
Et je cherche une place en mon cœur qui te craigne, 6+6 a
Mais je ne trouve plus en lui rien qui ne saigne ! 6+6 a
35 Et cependant j'hésite, et mon cœur suspendu 6+6 b
Flotte encore incertain sur le nom qui t'est dû ! 6+6 b
Ma bouche te maudit ; mais n'osant te maudire, 6+6 a
Mon âme en gémissant te respecte et t'admire ! 6+6 a
Tu fais l'homme, ô Douleur ! oui, l'homme tout entier. 6+6 b
40 Comme le creuset l'or, et la flamme l'acier. 6+6 b
Comme le grès noirci des débris qu'il enlève, 6+6 a
En déchirant le fer, fait un tranchant au glaive ; 6+6 a
Qui ne t'a pas connu, ne sait rien d'ici-bas, 6+6 b
Il foule mollement la terre, il n'y vit pas ; 6+6 b
45 Comme sur un nuage il flotte sur la vie ; 6+6 a
Rien n'y marque pour lui la route en vain suivie ; 6+6 a
La sueur de son front n'y mouille pas sa main, 6+6 b
Son pied n'y heurte pas les cailloux du chemin ; 6+6 b
Il n'y sait pas, à l'heure où faiblissent ses armes, 6+6 a
50 Retremper ses vertus aux flots brûlants des larmes, 6+6 a
Il n'y sait point combattre avec son propre cœur 6+6 b
Ce combat douloureux dont gémit le vainqueur. 6+6 b
Élever vers le ciel un cri qui le supplie, 6+6 a
S'affermir par l'effort sur son genou qui plie, 6+6 a
55 Et dans ses désespoirs, dont Dieu seul est témoin. 6+6 b
S'appuyer sur l'obstacle et s'élancer plus loin ! 6+6 b
🙫
Pour moi, je ne sais pas à quoi tu me prépares, 6+6 a
Mais tes mains de leçons ne me sont point avares ; 6+6 a
Tu me traites, sans doute, en favori des cieux. 6+6 b
60 Car tu n'épargnes pas les larmes à mes yeux ! 6+6 b
Eh bien ! je les reçois comme tu les envoies, 6+6 a
Tes maux seront mes biens, et tes soupirs mes joies ! 6+6 a
Je sens qu'il est en toi, sans avoir combattu, 6+6 b
Une vertu divine au lieu de ma vertu. 6+6 b
65 Que tu n'es pas la mort de l'âme, mais sa vie, 6+6 a
Que ton bras, en frappant, guérit et vivifie ! 6+6 a
Toi donc que ma souffrance a souvent accusé, 6+6 b
Toi, devant qui ce cœur s'est tant de fois brisé, 6+6 b
Reçois, Dieu trois fois saint, cet encens dont tout fume ! 6+6 a
70 Oui, c'est le seul bûcher que la terre t'allume, 6+6 a
C'est le charbon divin dont tu brûles nos sens ! 6+6 b
Quand l'autel est souillé, la douleur est l'encens ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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