Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAM_7/LAM104
Alphonse de LAMARTINE
HARMONIES POÉTIQUES ET RELIGIEUSES
1830
LIVRE DEUXIÈME
HARMONIE V
LA SOURCE DANS LES BOIS D***
Source limpide et murmurante 8 a
Qui de la fente du rocher 8 b
Jaillis en nappe transparente 8 a
Sur l'herbe que tu vas coucher ; 8 b
5 Le marbre arrondi de Carrare, 8 a
tu bouillonnais autrefois, 8 b
Laisse fuir ton flot qui s'égare 8 a
Sur l'humide tapis des bois. 8 b
Ton dauphin verdi par le lierre 8 a
10 Ne lance plus de ses naseaux, 8 b
En jets ondoyants de lumière, 8 a
L'orgueilleuse écume des eaux. 8 b
Tu n'as plus pour temple et pour ombre 8 a
Que ces hêtres majestueux 8 b
15 Qui penchent leur tronc vaste et sombre 8 a
Sur tes flots dépouillés comme eux. 8 b
La feuille que jaunit l'automne 8 a
S'en détache et ride ton sein, 8 b
Et la mousse verte couronne 8 a
20 Les bords usés de ton bassin. 8 b
Mais tu n'es pas lasse d'éclore ; 8 a
Semblable à ces cœurs généreux 8 b
Qui, méconnus, s'ouvrent encore 8 a
Pour se répandre aux malheureux. 8 b
25 Penché sur ta coupe brisée, 8 a
Je vois tes flots ensevelis 8 b
Filtrer comme une humble rosée 8 a
Sous les cailloux que tu polis. 8 b
J'entends ta goutte harmonieuse 8 a
30 Tomber, tomber, et retentir 8 b
Comme une voix mélodieuse 8 a
Qu'entrecoupe un tendre soupir. 8 b
Les images de ma jeunesse 8 a
S'élèvent avec cette voix ; 8 b
35 Elles m'inondent de tristesse, 8 a
Et je me souviens d'autrefois. 8 b
Dans combien de soucis et d'âges, 8 a
O toi que j'entends murmurer ! 8 b
N'ai-je pas cherché tes rivages 8 a
40 Ou pour jouir ou pour pleurer * 8 b
A combien de scènes passées 8 a
Ton bruit rêveur s'est-il mêlé ? 8 b
Quelle de mes tristes pensées 8 a
Avec tes flots n'a pas coulé ? 8 b
45 Oui, c'est moi que tu vis naguères. 8 a
Mes blonds cheveux livrés au vent. 8 b
Irriter les vagues légères 8 a
Faites pour la main d'un enfant. 8 b
C'est moi qui, couché sous les vtes 8 a
50 Que ces arbres courbent sur toi. 8 b
Voyais, plus nombreux que tes gouttes 8 a
Mes songes flotter devant moi. 8 b
L'horizon trompeur de cet âge 8 a
Brillait, comme on voit, le matin, 8 b
55 L'aurore dorer le nuage 8 a
Qui doit l'obscurcir en chemin. 8 b
Plus lard, battu par la tempête. 8 a
Déplorant l'absence ou la mort, 8 b
Que de fois j'appuyai ma tête 8 a
60 Sur le rocher d' ton flot sort ! 8 b
Dans mes mains cachant mon visage, 8 a
Je te regardais sans te voir, 8 b
Et, comme des gouttes d'orage, 8 a
Mes larmes troublaient ton miroir. 8 b
65 Mon cœur, pour exhaler sa peine, 8 a
Ne s'en fiait qu'à tes échos, 8 b
Car tes sanglots, chère fontaine. 8 a
Semblaient répondre à mes sanglots. 8 b
Et maintenant je viens encore, 8 a
70 Mené par l'instinct d'autrefois, 8 b
Écouter ta chute sonore 8 a
Bruire à l'ombre des grands bois. 8 b
Mais les fugitives pensées 8 a
Ne suivent plus tes flots errants, 8 b
75 Comme ces feuilles dispersées 8 a
Que ton onde emporte aux torrents ; 8 b
D'un monde qui les importune 8 a
Elles reviennent à ta voix, 8 b
Aux rayons muets de la lune, 8 a
80 Se recueillir au fond des bois. 8 b
Oubliant le fleuve t'entrne 8 a
Ta course que rien ne suspend ; 8 b
Je remonte, de veine en veine, 8 a
Jusqu'à la main qui te répand. 8 b
85 Je te vois, fille des nuages, 8 a
Flottant en vagues de vapeurs, 8 b
Ruisseler avec les orages 8 a
Ou distiller au sein des fleurs. 8 b
Le roc altéré te dévore 8 a
90 Dans l'abîme grondent tes eaux, 8 b
le gazon, par chaque pore, 8 a
Boit goutte à goutte tes cristaux. 8 b
Tu filtres, perle virginale, 8 a
Dans des creusets mystérieux, 8 b
95 Jusqu'à ce que ton onde égale 8 a
L'azur étincelant des cieux. 8 b
Tu parais ! le désert s'anime ; 8 a
Une haleine sort de tes eaux, 8 b
Le vieux chêne élargit sa cime 8 a
100 Pour t'ombrager de ses rameaux. 8 b
Le jour flotte de feuille en feuille, 8 a
L'oiseau chante sur ton chemin ; 8 b
Et l'homme à genoux te recueille 8 a
Dans l'or, ou le creux de sa main. 8 b
105 Et la feuille aux feuilles s'entasse, 8 a
Et fidèle au doigt qui t'a dit : 8 b
Coule ici pour l'oiseau qui passe ! 8 a
Ton flot murmurant l'avertit. 8 b
Et moi, tu m'attends pour me dire 8 a
110 Vois ici la main de ton Dieu ! 8 b
Ce prodige que l'ange admire, 8 a
De sa sagesse n'est qu'un jeu. 8 b
Ton recueillement, ton murmure, 8 a
Semblent lui préparer mon cœur ; 8 b
115 L'amour sacré de la nature 8 a
Est le premier hymne à l'auteur. 8 b
A chaque plainte de ton onde, 8 a
Je sens retentir avec toi 8 b
Je ne sais quelle voix profonde 8 a
120 Qui l'annonce et le chante en moi. 8 b
Mon cœur grossi par mes pensées. 8 a
Comme les flots dans ton bassin, 8 b
Sent, sur mes lèvres oppressées. 8 a
L'amour déborder de mon sein. 8 b
125 La prière brûlant d'éclore, 8 a
S'échappe en rapides accents, 8 b
Et je lui dis : Toi que j'adore, 8 a
Reçois ces larmes pour encens. 8 b
Ainsi me revoit ton rivage 8 a
130 Aujourd'hui, différent d'hier ; 8 b
Le cygne change de plumage, 8 a
La feuille tombe avec l'hiver. 8 b
Bientôt tu me verras peut-être, 8 a
Penchant sur toi mes cheveux blancs, 8 b
135 Cueillir un rameau de ton hêtre. 8 a
Pour appuyer mes pas tremblants. 8 b
Assis sur un banc de ta mousse, 8 a
Sentant mes jours prêts à tarir, 8 b
Instruit par ta pente si douce, 8 a
140 Tes flots m'apprendront à mourir ! 8 b
En les voyant fuir goutte à goutte, 8 a
Et dispartre flot à flot, 8 b
Voilà, me dirai-je, la route 8 a
mes jours les suivront bientôt. 8 b
145 Combien m'en reste-t-il encore ? 8 a
Qu'importe ? Je vais tu cours ; 8 b
Le soir, pour nous, touche à l'aurore : 8 a
Coulez, ô flots, coulez toujours ! 8 b
mètre profil métrique : 8
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