Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAM_3/LAM74
Alphonse de LAMARTINE
MÉDITATIONS POÉTIQUES
TROISIÈMES MÉDITATIONS
1812-1847
CINQUIÈME MÉDITATION
À M. DE MUSSET
EN RÉPONSE À SES VERS
FRAGMENT DE MÉDITATION
1840
Maintenant qu’abritédes monts de mon enfance, 6+6 a
Je n’entends plus Parisni son murmure immense, 6+6 a
Qui, semblable à la mercontre un cap écumant, 6+6 b
Répand loin de ses mursson retentissement ; 6+6 b
5 Maintenant que mes jourset mes heures limpides 6+6 a
Résonnent sous la maincomme des urnes vides, 6+6 a
Et que je puis en paixles combler à plaisir 6+6 b
De contemplations,de chants et de loisir, 6+6 b
Qu’entre le firmamentet mon œil qui s’y lève 6+6 a
10 Aucun plafond jalouxn’intercepte mon rêve, 6+6 a
Et que j’y vois surgirses feux sur les coteaux, 6+6 b
Comme de blanches nefsà l’horizon des eaux ; 6+6 b
Rassasié de paix,de silence et d’extase, 6+6 a
Le limon de mon cœurdescend au fond du vase ; 6+6 a
15 J’entends chanter en moiles brises d’autrefois, 6+6 b
Et je me sens tentéd’essayer si mes doigts 6+6 b
Pourront, donnant au rhythmeune âme cadencée, 6+6 a
Tendre cet arc sonore vibrait ma pensée. 6+6 a
S’ils ne le peuvent plus,que ces vers oubliés 6+6 b
20 Aillent au moins frémiret tomber à tes piés ! 6+6 b
Enfant aux blonds cheveux,jeune homme au cœur de cire, 6+6 a
Dont la lèvre a le plides larmes ou du rire, 6+6 a
Selon que la beautéqui règne sur tes yeux 6+6 b
Eut un regard hiersévère ou gracieux ; 6+6 b
25 Poétique jouetde molle poésie, 6+6 a
Qui prends pour passionta vague fantaisie, 6+6 a
Bulle d’air colorédans une bulle d’eau 6+6 b
Que l’enfant fait jaillirdu bout d’un chalumeau, 6+6 b
Que la beauté rieuseavec sa folle haleine 6+6 a
30 Élève vers le ciel,y suspend, y promène, 6+6 a
Pour y voir un momentson image flotter, 6+6 b
Et qui, lorsqu’en vapeurelle vient d’éclater, 6+6 b
Ne sait pas si cette eau,dont elle est arrosée, 6+6 a
Est le sang de ton cœurou l’eau de la rosée ; 6+6 a
35 Émule de Byron,au sourire moqueur, 6+6 b
D’ vient ce cri plaintifarraché de ton cœur ? 6+6 b
Quelle main, de ton luthen parcourant la gamme, 6+6 a
A changé tout à coupla clef de ta jeune âme, 6+6 a
Et fait rendre à l’espritle son du cœur humain ? 6+6 b
40 Est-ce qu’un pli de roseaurait froissé ta main ? 6+6 b
Est-ce que ce poignardd’Alep ou de Grenade, 6+6 a
Poétique hochetdes douleurs de parade, 6+6 a
Dont la lame au soleilruisselle comme l’eau, 6+6 b
En effleurant ton seinaurait percé la peau, 6+6 b
45 Et, distillant ton sangde sa pointe rougie, 6+6 a
Mêlé la pourpre humaineau nectar de l’orgie ? 6+6 a
Ou n’est-ce pas plutôtque cet ennui profond 6+6 b
Que contient chaque coupeet qu’on savoure au fond 6+6 b
Des ivresses du cœur,amère et fade lie, 6+6 a
50 Fit détourner ta lèvreavec mélancolie. 6+6 a
Et que le vase vide,et dont tes doigts sont las, 6+6 b
Tombe et sonne à tes pieds,et s’y brise en éclats ?… 6+6 b
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Ah ! c’est que vient le tourdes heures sérieuses, 6+6 a
l’ironie en pleursfuit les lèvres rieuses, 6+6 a
55 Qu’on s’apeoit enfinqu’à se moquer du sort, 6+6 b
Le cœur le plus cyniqueest dupe de l’effort, 6+6 b
Que rire de soi-mêmeen secret autorise 6+6 a
Dieu même à mépriserl’homme qui se méprise ; 6+6 a
Que ce rôle est grimaceet profanation ; 6+6 b
60 Que le rire et la mortsont contradiction ; 6+6 b
Que du cortége humain,dans sa route éternelle, 6+6 a
La marche vers son butest grave et solennelle ; 6+6 a
Et que celui qui ritde l’enfance au tombeau, 6+6 b
De l’immortalitéporte mal le flambeau, 6+6 b
65 Avilit sa natureet joue avec son âme, 6+6 a
Et de son propre souffleéteint sa sainte flamme. 6+6 a
Est-ce un titre à porterau seuil du jugement, 6+6 b
Pour tout œuvre ici-basqu’un long ricanement ? 6+6 b
L’homme répondra-t-il,quand le souverain mtre 6+6 a
70 Lui crîra dans son cœur :« Pourquoi t’ai-je fait ntre ? » 6+6 a
» Qu’as-tu fait pour le temps,pour le ciel et pour moi ? 6+6 b
» — J’ai ri de l’univers,de toi-même, et de moi ! » 6+6 b
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Honte à qui croit ainsijouer avec sa lyre, 6+6 a
La vie est un mystère,et non pas un délire. 6+6 a
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75 Après l’avoir nié,— toi-même tu le sens. 6+6 b
Dans un des lourds réveilsde l’ivresse des sens, 6+6 b
Sentant ton cœur désert,ton front brûlant et vide, 6+6 a
Tu tournes dans tes doigtsle fer du suicide ; 6+6 a
Mais, avant de mourir,tu veux savoir de moi 6+6 b
80 Si j’ai souffert, aimé,déliré comme toi, 6+6 b
Et comment j’ai passé,par ces crises du drame, 6+6 a
Des tempêtes des sensaux grands calmes de l’âme, 6+6 a
Et comment sur les flotsje me suis élevé, 6+6 b
Et quel phare divinmes doutes ont trouvé, 6+6 b
85 Et de quel nom je nommeet de quel sens j’adore 6+6 a
Ce Dieu que ma penséeen sa nuit vit éclore, 6+6 a
Ce Dieu dont la présence,aussitôt qu’il nous luit, 6+6 b
Comble tout précipice,éclaire toute nuit. 6+6 b
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Triste serait l’accent,et cette longue histoire 6+6 a
90 Remûrait trop de cendreau fond de ma mémoire. 6+6 a
Il est sur son sentiersi dur de revenir, 6+6 b
Quand chaque pied saignantse heurte au souvenir ! 6+6 b
Mais écoute tomberseulement cette goutte 6+6 a
De l’eau trouble du cœur,et tu la sauras toute ? 6+6 a
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95 Je vivais comme toi,vieux et froid à vingt ans, 6+6 b
Laissant les guêpes mordreaux fleurs de mon printemps, 6+6 b
Laissant la lèvre pâleet fétide des vices 6+6 a
Effeuiller leur corolleet pomper leurs calices, 6+6 a
Méprisant mes amourset les montrant au doigt, 6+6 b
100 Comme un enfant grossierqui trouble l’eau qu’il boit. 6+6 b
Mon seul soleil étaitla clarté des bougies ; 6+6 a
Je détestais l’auroreen sortant des orgies. 6+6 a
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À mes lèvres, Dieusommeillait dans l’oubli, 6+6 b
Un sourire ironiqueavait donné son pli ; 6+6 b
105 Tous mes propos n’étaientqu’amère raillerie. 6+6 a
Je plaignais la pudeurcomme une duperie ; 6+6 a
Et si quelque reprocheou de mère ou de sœur, 6+6 b
À mes premiers instinctsparlant avec douceur, 6+6 b
Me rappelait les joursde ma naïve enfance, 6+6 a
110 Nos mains jointes, nos yeuxlevés, notre innocence ; 6+6 a
Si quelque tendre échode ces soirs d’autrefois 6+6 b
Dans mon esprit troublés’éveillant à leur voix, 6+6 b
D’une aride roséehumectait ma paupière, 6+6 a
Mon front haut secouaitses cheveux en arrière ; 6+6 a
115 Pervers, je rougissaisde mon bon sentiment ; 6+6 b
Je refoulais en moimon attendrissement, 6+6 b
Et j’allais tout honteuxvers mes viles idoles, 6+6 a
Parmi de vils railleurs,bafouer ces paroles ! ! 6+6 a
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Voilà quelle gangrèneénervait mon esprit, 6+6 b
120 Quand l’amour, cet amourqui tue ou qui guérit, 6+6 b
Cette plante de vieau céleste dictame, 6+6 a
Distilla dans mon cœurdes lèvres d’une femme. 6+6 a
Une femme ? Est-ce un nomqui puisse te nommer, 6+6 b
Chaste apparitionqui me foas d’aimer, 6+6 b
125 Forme dont la splendeurà l’aube t fait envie, 6+6 a
Saint éblouissementd’une heure de ma vie ; 6+6 a
Toi qui de ce limonm’enlevas d’un regard, 6+6 b
Comme un rayon d’en hautattire le brouillard, 6+6 b
Et, le transfiguranten brillant météore, 6+6 a
130 Le roule en dais de feusous les pas de l’aurore ? 6+6 a
Ses yeux, bleus comme l’eau,furent le pur miroir 6+6 b
mon âme se vitet rougit de se voir, 6+6 b
, pour que le mortelne profanât pas l’ange, 6+6 a
De mes impuretésje dépouillai la fange. 6+6 a
135 Pour cueillir cet amour,fruit immatériel, 6+6 b
Chacun de mes soupirsm’enleva vers le ciel. 6+6 b
Quand elle disparutderrière le nuage, 6+6 a
Mon cœur purifiécontenait une image, 6+6 a
Et je ne pouvais plus,de peur de la ternir, 6+6 b
140 Redescendre jamaisd’un si haut souvenir ! 6+6 b
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Depuis ce jour lointain,des jours, des jours sans nombre 6+6 a
Ont jeté sur mon cœurleur soleil ou leur ombre ; 6+6 a
Comme un sol moissonné,mais qui germe toujours, 6+6 b
La vie a dans mon cœurporté d’autres amours ; 6+6 b
145 De l’heure matinaleà cette heure avancée, 6+6 a
J’ai sous d’autres abrisrafrchi ma pensée, 6+6 a
D’autres yeux ont noyéleurs rayons dans les miens : 6+6 b
Mais du premier rayontoujours je me souviens, 6+6 b
Toujours j’en cherche icila trace éblouissante, 6+6 a
150 Et mon âme a gardéla place à l’âme absente. 6+6 a
Voilà pourquoi souventtu vois mon front baissé, 6+6 b
Comme quelqu’un qui cherche son guide a passé. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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