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F = "e" féminin
| = césure
LAM_10/LAM192
Alphonse de LAMARTINE
RECUEILLEMENTS POÉTIQUES
1839
XXVI
LA FEMME,
A MONSIEUR DECAISNE
APRÈS AVOIR VU SON TABLEAU DE LA CHARITÉ
O femme ! éclair vivant dont l'éclat me renverse ! 6+6 a
O vase de splendeur qu'un jour de Dieu transperce ! 6+6 a
Pourquoi nos yeux ravis fondent-ils sous les tiens ? 6+6 b
Pourquoi mon ame en vain sons sa main comprimée 6+6 c
5 S'élance-t-elle à toi comme une aigle enflammée 6+6 c
Dont le feu du bûcher a brisé les liens ? 6+6 b
Déjà l'hiver blanchit les sommets de ma vie 6+6 a
Sur la roule au tombeau que mes pieds ont suivie, 6+6 a
Ah ! j'ai derrière moi bien des nuits et des jours ! 6+6 b
10 Un regard de quinze ans s'il y daignait descendre 6+6 c
Dans mon cœur consumé, ne remûrait que cendre, 6+6 c
Cendres de passions qui palpitent toujours ! 6+6 b
Je devrais détourner mon cœur de leur visage, 6+6 a
Me ranger en baissant les yeux sur leur passage, 6+6 a
15 Et regarder de loin ces front ; éblouissans 6+6 b
Comme l'on voit monter de leur urne fermée 6+6 c
Les vagues de parfum et de sainte fumée 6+6 c
Dont les enfants de chœur vont respirer l'encens ! 6+6 b
Je devrais contempler avec indifférence 6+6 a
20 Ces vierges, du printemps rayonnante espérance, 6+6 a
Comme l'on voit passer sans regret et sans pleurs, 6+6 b
Au bord d'un fleuve assis, ses vagues fugitives 6+6 c
Dont le courant rapide emporte à d'autres rives 6+6 c
Des flots, où des amans ont effeuillé des fleurs ! 6+6 b
25 Cependant plus la vie au soleil s'évapore, 6+6 a
O filles de l'Éden ! et plus on vous adore ! 6+6 a
L'odeur de nos soupirs vous parfume les vents ! 6+6 b
Et même quand l'hiver de vos grâces nous sèvre, 6+6 c
Non ! ce n'est pas de l'air qu'aspire votre lèvre : 6+6 c
30 L'air que vous respirez, c'est l'ame des vivans ! 6+6 b
Car l'homme éclos un jour d'un baiser de ta bouche, 6+6 a
Cet homme dont ton cœur fut la première couche, 6+6 a
Se souvient à jamais de son nid réchauffant, 6+6 b
Du souffle où de sa vie il puisa l'étincelle, 6+6 c
35 Des étreintes d'amour au creux de ton aisselle, 6+6 c
Et du baiser fermant sa paupière d'enfant ! 6+6 b
Mais si tout regard d'homme à ton visage aspire, 6+6 a
Ce n'est pas seulement parce que ton sourire 6+6 a
Embaume sur tes dents l'air qu'il fait palpiter, 6+6 b
40 Que sous le noir rideau des paupières baissées 6+6 c
On voit l'ombre des cils recueillir des pensées, 6+6 c
Où notre ame s'envole et voudrait habiter. 6+6 b
Ce n'est pas seulement parce que de la tête 6+6 a
La lumière glissant sans qu'un angle l'arrête, 6+6 a
45 Sur l'ondulation de tes membres polis 6+6 b
T'enveloppe d'en haut dans ses rayons de soie 6+6 c
Comme une robe d'air et de jour qui te noie 6+6 c
Dans l'éther lumineux d'un vêtement sans plis ! 6+6 b
Ce n'est pas seulement parce que tu déplies 6+6 a
50 Voluptueusement ces bras dont tu nous lies, 6+6 a
Chaîne qui d'un seul cœur réunit les deux parts, 6+6 b
Que ton cou de ramier sur l'aile se renverse 6+6 c
Et que s'enfle à ton sein cette coupe qui verse 6+6 c
Le nectar à la bouche et l'ivresse aux regards ! 6+6 b
55 Mais c'est que le Seigneur, ô belle créature ! 6+6 a
Fit de toi le foyer des feux de la nature, 6+6 a
Que par toi tout amour a son pressentiment, 6+6 b
Que toutes voluptés dont le vrai nom est femme, 6+6 c
Traversent ton beau corps ou passent par ton ame, 6+6 c
60 Comme toutes clartés tombent du firmament ! 6+6 b
Cette chaleur du ciel, dont ton sein surabonde, 6+6 a
A deux rayonnements pour embraser le monde 6+6 a
Selon que son foyer fait ondoyer son feu ; 6+6 b
Lorsque sur un seul cœur ton ame le condense, 6+6 c
65 L'homme est roi, c'est l'amour ! il devient Providence 6+6 c
Quand il s'épand sur tous et rejaillit vers Dieu. 6+6 b
Alors on voit l'enfant renversé sur ta hanche, 6+6 a
Effeuiller le bouton que ta mamelle penche 6+6 a
Comme un agneau qui joue avec le flot qu'il boit ; 6+6 b
70 L'adolescent qu'un geste à tes genoux rappelle, 6+6 c
Suivre de la pensée au livre qu'il épelle 6+6 c
La sagesse enfantine écrite sous tes doigts ! 6+6 b
L'orphelin se cacher dans les plis de ta robe, 6+6 a
L'indigent savourer le regard qu'il dérobe, 6+6 a
75 Le vieillard à tes pieds s'asseoir à ton soleil, 6+6 b
Le mourant dans son lit retourné sans secousse 6+6 c
Sur ce bras de la femme où la mort même est douce, 6+6 c
S'endormir dans ce sein qu'il pressait au réveil ! 6+6 b
Amour et charité, même nom dont on nomme 6+6 a
80 La pitié du Très-Haut et l'extase de l'homme ! 6+6 a
Oui ! tu lésas compris, peintre aux langues de feu ! 6+6 b
La beauté sous la main, par un double mystère, 6+6 c
Unit ces deux amours du ciel et de la terre. 6+6 c
Ah ! gardons l'un pour l'homme et brûlons l'autre à Dieu. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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