Métrique en Ligne
LAM_10/LAM184
Alphonse de LAMARTINE
RECUEILLEMENTS POÉTIQUES
1839
XVIII
ÉPÎTRE A M. ADOLPHE DUMAS
Musa pedestris.
Dans les plis d'un coteau j'étais assis à terre, 6+6 a
Le soleil inondant l'horizon solitaire, 6+6 a
Une brise des bois jouant dans mes cheveux, 6+6 b
Paix, lumière et chaleur, servi dans tous mes vœux, 6+6 b
5 Mon jeune chien, quêtant parmi les sillons fauves, 6+6 a
Effeuillait à mes pieds les bluets et les mauves, 6+6 a
Faisant lever joyeux, l'alouette du sol 6+6 b
Dont le rire en parlant l'insultait dans son vol : 6+6 b
Et tout était sourire et grâces sur mes lèvres ; 6+6 a
10 Et, semblable au berger qui rappelle ses chèvres 6+6 a
Et rassemble au bercail les petits des troupeaux, 6+6 b
Tous mes sens rappelaient mon esprit au repos. 6+6 b
Je bénissais celui dont l'immense nature 6+6 a
Prête place au soleil à chaque créature, 6+6 a
15 Et la terre de Dieu, qui, du val au coteau, 6+6 b
A pour nous cacher tous un coin dans son manteau ; 6+6 b
Et je ne savais pas, dans ma paisible extase, 6+6 a
Si quelque ver rongeur piquait au cœur ma phrase, 6+6 a
Si l'encre à flots épais distillait du flacon 6+6 b
20 Pour faire sur la feuille une tache à mon nom ; 6+6 b
Ou si quelque journal aux doctrines ridées, 6+6 a
Comme les factions enrôlant les idées, 6+6 a
Condamnait ma pensée à tenir dans l'esprit 6+6 b
Et dans l'étroit pathos de l'orateur inscrit, 6+6 b
25 Et jetait sur mon vers ou sur ma prose indigne 6+6 a
L'ombre de ces grands noms qu'un gérant contresigne ; 6+6 a
Le Courrier m'eût privé de feu, de sel et d'eau, 6+6 b
Que le jour sur mon front n'eût pas brillé moins beau. 6+6 b
Oh ! nous sommes heureux parmi les créatures, 6+6 a
30 Nous à qui noire mère a donné deux natures, 6+6 a
Et qui pouvons, au gré de nos instincts divers, 6+6 b
Passer d'un monde à l'autre et changer d'univers ! 6+6 b
Lorsque nos pieds, saignant dans les sentiers de l'homme, 6+6 a
Ont usé cette ardeur que le soleil consomme, 6+6 a
35 Noire ame, à ses labeurs disant un court adieu, 6+6 b
Prend son aile et s'enfuit dans les œuvres de Dieu ; 6+6 b
La contemplation, qui l'enlève à la terre, 6+6 a
Lui découvre la source où l'eau la désaltère ; 6+6 a
Puis, quand la solitude a rafraîchi ses sens, 6+6 b
40 Son courage l'appelle, et lui dit : Redescends ! 6+6 b
Ainsi quand le pêcheur, fatigué de la rame, 6+6 a
Dans les replis d'une anse a rattaché sa prame, 6+6 a
Il ressaisit la bêche, et, du terrain qu'il rompt, 6+6 b
Fend la glèbe humectée avec l'eau de son front ; 6+6 b
45 Et quand la bêche échappe à sa main qu'elle brise, 6+6 a
Il relusse sa voile au souffle de la brise, 6+6 a
Et regarde, en fendant la mer d'un autre soc, 6+6 b
La poudre de la vague écumer sous son foc ; 6+6 b
Pour son double élément il semble avoir deux âmes, 6+6 a
50 Taureau dans le sillon, mouette sur les lames. 6+6 a
Poète ! ame amphibie aux éléments divers, 6+6 b
Ta vague ou ton sillon, c'est ta prose ou tes vers ! 6+6 b
J'étais ainsi plongé dans cet oubli des choses, 6+6 a
Quand le vent du midi, parmi l'odeur des roses, 6+6 a
55 M'apporta cette épître où ton cœur parle au mien 6+6 b
En vers entrecoupés comme un libre entretien ; 6+6 b
Billet où tant de sens parle avec tant de grâce, 6+6 a
Que Virgile l'eût pris pour un billet d'Horace, 6+6 a
Pour un de ces oiseaux du Béranger romain, 6+6 b
60 Qui, prenant au hasard leur doux vol de sa main, 6+6 b
Les pieds encor trempés des ondes de Blanduse, 6+6 a
Allaient porter au loin les saluts de sa muse, 6+6 a
Et dont plusieurs, volant vers la postérité, 6+6 b
S'égarèrent pour nous dans l'immortalité ! 6+6 b
65 Celui qui m'apporta tes vers sur ma fenêtre, 6+6 a
Ami ! ressemblait tant aux colombes du maître 6+6 a
Que promenant ma main sur l'oiseau familier, 6+6 b
Je cherchai si son cou n'avait pas de collier, 6+6 b
Croyant lire en latin l'exergue de sa bague : 6+6 a
70 « Je viens du frais Tibur » ; mais il venait d'Eyrague*. 6+6 a
Je les ai lus trois fois, ces vers consolateurs, 6+6 b
Sans me laisser surprendre à leurs philtres flatteurs ; 6+6 b
Sur ce nectar du cœur j'ai promené la loupe ; 6+6 a
J'ai vidé le poison, mais j'ai gardé la coupe, 6+6 a
75 Cette coupe où la main a ciselé dans l'or 6+6 b
Ton amitié pour moi que j'y veux lire encore ! 6+6 b
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Il est doux au roulis de la mer où l'on nage 6+6 a
De voir un feu lointain luire sur le rivage ; 6+6 a
De sentir au milieu des pierres de l'affront 6+6 b
80 La feuille d'oranger vous tomber sur lé front ! 6+6 b
Pour rendre à cet ami l'odorante pensée, 6+6 a
On cherche avec amour la main qui l'a tracée, 6+6 a
Et l'on éprouve un peu ce que Job éprouva 6+6 b
Lorsque de son fumier son ange le leva. 6+6 b
85 Au plus noir de l'absinthe à mes lèvres versée, 6+6 a
C'est là l'impression du miel de la pensée. 6+6 a
Je me dis : Ce vent doux parmi tant de frimas, 6+6 b
N'est pas né, je le sens, dans les mêmes climats ; 6+6 b
Mais, venu d'Orient, son souffle que j'aspire 6+6 a
90 A l'odeur d'un laurier et le son d'une lyre !… 6+6 a
Ce n'est pas cependant que mon esprit enflé 6+6 b
De l'orgueilleux chagrin d'un grand homme sifflé, 6+6 b
Jugeant avec mépris le siècle qui le juge, 6+6 a
Cherche à sa vanité ce sublime refuge 6+6 a
95 Où le Tasse et Milton, loin de leurs détracteurs, 6+6 b
Ont, leur gloire à la main, attendu leurs lecteurs. 6+6 b
Lorsque dans l'avenir un siècle ingrat l'exile, 6+6 a
Oui, l'immortalité du génie est l'asile ! 6+6 a
Mais pour chercher comme eux l'ombre de ses autels, 6+6 b
100 Il faut avoir commis leurs livres immortels ; 6+6 b
D'un grand forfait de gloire il faut, être coupables ; 6+6 a
L'ostracisme n'écrit que des rois sur ses tables. 6+6 a
Pour nous, sujets obscurs du jour qui va finir, 6+6 b
Laissons aux immortels leur foi dans l'avenir, 6+6 b
105 Buvons sans murmurer le nectar ou la fange, 6+6 a
Et ne nous flattons-pas que le siècle nous venge. 6+6 a
Nous venger ? l'avenir ? lui ? gros d'un univers ? 6+6 b
Lui, dans ses grandes mains peser nos petits vers ? 6+6 b
Lui, s'arrêter un jour dans sa course éternelle 6+6 a
110 Pour revoir ce qu'une heure a broyé sous son aile ? 6+6 a
Pour exhumer du fond de l'insondable oubli 6+6 b
La page où du lecteur le doigt a fait un pli ? 6+6 b
Pour décider au nom de la race future 6+6 a
Si l'hémistiche impie offensa la césure ? 6+6 a
115 Ou si d'un feuilleton les arrêts en lambeaux 6+6 b
Ont fait tort d'une rime aux morts dans leurs tombeaux ? 6+6 b
Quoi qu'en disent là-haut les scribes dans leurs sphères, 6+6 a
L'avenir, mes amis, aura d'autres affaires : 6+6 a
Il aura bien assez de sa tâche au soleil 6+6 b
120 Sans venir remuer nos vers dans leur sommeil. 6+6 b
Jamais le lit trop plein de l'océan des âges 6+6 a
De flots plus débordans ne battit ses rivages ; 6+6 a
Jamais le doigt divin à l'éternel torrent 6+6 b
N'imprima dans sa fuite un plus fougueux courant ; 6+6 b
125 On dirait qu'amoureux de l'œuvre qu'il consomme 6+6 a
L'esprit de Dieu, pressé, presse l'esprit de l'homme, 6+6 a
Et, trouvant l'œuvre longue et les soleils trop courts, 6+6 b
Dans l'œuvre qu'il condense accumule les jours. 6+6 b
Que d'œuvres à finir ! que d'œuvres commencées 6+6 a
130 Lèguent au lendemain nos mourantes pensées ! 6+6 a
Quelle route sans fin nous traçons à ses pas ! 6+6 b
Que sera ce chaos s'il ne l'achève pas ? 6+6 b
Qu'il lui faudra de mains pouf élever ces pierres 6+6 a
Que nous taillons à peine au fond de leurs carrières ! 6+6 a
135 Qui donnera le plan, la forme, le dessin ? 6+6 b
Quel effort convulsif contractera son sein ? 6+6 b
Un monde à soulever couché dans ses vieux langes, 6+6 a
L'homme, image tombée, à dépouiller de fanges, 6+6 a
Comme on dresse au soleil du limon de l'oubli 6+6 b
140 Dans le sable du Nil un sphinx enseveli ! 6+6 b
Sous mille préjugés dans la honte abattue, 6+6 a
Refaire un piédestal à la sainte statue, 6+6 a
Et sur son front levé rendre à l'humanité 6+6 b
Les rayons disparus de sa divinité ! 6+6 b
145 Réveiller l'homme enfant emmaillotté de songes, 6+6 a
Des instincts éternels séparer nos mensonges, 6+6 a
Des nuages obscurs qui couvrent l'horizon 6+6 b
Dégager lentement le jour de la raison, 6+6 b
De chaque vérité dont la lumière est flamme, 6+6 a
150 Du genre humain croissant féconder la grande ame ; 6+6 a
Des peuples écoulés dépassant les niveaux, 6+6 b
Le faire déborder en miracles nouveaux ; 6+6 b
Asservir à l'esprit les éléments rebelles, 6+6 a
Prendre au feu sa fumée, à l'aquilon ses ailes, 6+6 a
155 Sur des fleuves d'acier faire voguer les chars, 6+6 b
Multiplier ses sens par les sens de nos arts ; 6+6 b
De ces troupeaux humains que la verge fait paître, 6+6 a
Parqués, marqués au flanc par les ciseaux du maître, 6+6 a
Fondre les nations en peuple fraternel, 6+6 b
160 Marques au front par Dieu de son chiffre éternel ; 6+6 b
Au lieu de mille lois qu'une autre loi rature, 6+6 a
Dans le code infaillible écrire la nature, 6+6 a
Déshonorer la force, et, sur l'esprit dompté, 6+6 b
Faire du ciel en nous régner la volonté ! 6+6 b
165 Comme du lit des mers les vagues débordées, 6+6 a
Voir les faits s'écrouler sous le choc des idées, 6+6 a
Porter toutes les mains sur l'arche dès pouvoirs, 6+6 b
Combiner d'autres droits avec d'autres devoirs, 6+6 b
Parlant en vérités et plus eu paraboles, 6+6 a
170 Arracher Dieu visible à l'ombre des symboles, 6+6 a
Dans l'esprit grandissant où sa fol veut grandir, 6+6 b
Au lieu de le voiler, le faire resplendir, 6+6 b
Et lui restituant l'univers qu'il anime, 6+6 a
Faire l'homme pontife et le culte unanime ! 6+6 a
175 Écouter les grands bruits que feront en croulant 6+6 b
L'autel renouvelé, le trône chancelant, 6+6 b
Les voix de ces tribuns ameutant les tempêtes, 6+6 a
Artistes, orateurs, penseurs, bardes, prophètes, 6+6 a
Vaste bourdonnement des esprits en émoi, 6+6 b
180 Dont chacun veut son jour, et crie au temps : A moi ! 6+6 b
Voilà de l'avenir l'œuvre où la peine abonde ! 6+6 a
Et tu veux qu'au milieu de ce travail d'un monde 6+6 a
Le siècle des six. jours, sur sa tâche incliné, 6+6 b
Se retourne pour voir quelle ame a bourdonné ? 6+6 b
185 C'est l'erreur du ciron qui croit remplir l'espace. 6+6 a
Non : pour tout contenir le temps n'a que sa place ; 6+6 a
La gloire a beau s'enfler, dans les siècles suivans 6+6 b
Les morts n'usurpent pas le soleil des vivants ; 6+6 b
La même goutte d'eau ne remplit pas deux vases ; 6+6 a
190 Le fleuve en s'écoulant nous laisse dans ses vases, 6+6 a
Et la postérité ne suspend pas son cours 6+6 b
Pour pêcher nos orgueils dans le vieux lit des jours. 6+6 b
Quoi ! faut-il en pleurer ? Le doux chant du poète 6+6 a
Ne le charme-t-il donc qu'autant qu'on le répète ? 6+6 a
195 Le son mélodieux du bulbul de tes bois 6+6 b
Est-il donc dans l'écho plutôt que dans la voix ? 6+6 b
N'entends-tu pas en toi de célestes pensées, 6+6 a
Par leur propre murmure assez récompensées ? 6+6 a
Le génie est-il donc extase ou vanité ? 6+6 b
200 N'écouterais-tu pas pendant l'éternité 6+6 b
Le bruit mélodieux de ces ailes de flamme 6+6 a
Que fait l'aigle invisible en traversant ton ame ? 6+6 a
Le cœur a-t-il besoin que, dans ses sentiments, 6+6 b
Tout l'univers palpite avec ses battements ? 6+6 b
205 Eh ! qu'importe l'écho de ta voix faible ou forte ! 6+6 a
N'est-il pas aussi long que le vent qui l'emporte ? 6+6 a
Ne se confond-il pas dans cet immense chœur 6+6 b
Que la vie et l'amour tirent de chaque cœur ? 6+6 b
N'as-tu pas vu souvent aux jours pâles d'automne, 6+6 a
210 Le vent glacé du nord, dont l'aile siffle et tonne, 6+6 a
Fouetter en tourbillons, dans son fougueux courant, 6+6 b
Les dépouilles du bois en liquide torrent ? 6+6 b
Du fleuve où roule à sec sa gerbe amoncelée, 6+6 a
Le bruit des grandes eaux monte sur la vallée, 6+6 a
215 Bien qu'un gémissement sorte de chaque plis, 6+6 b
Notre oreille n'entend qu'un immense roulis ; 6+6 b
Mais l'oreille de Dieu, qui plus haut les recueille, 6+6 a
Distingue dans ce bruit la voix de chaque feuille, 6+6 a
Et du brin d'herbe mort le plus léger frisson 6+6 b
220 Dont ce bruit collectif accumule le son. 6+6 b
C'est ainsi, mon ami, que, dans le bruit terrestre, 6+6 a
Dont le génie humain est le confus orchestre, 6+6 a
Et qu'emporte en passant l'esprit de Jéhova, 6+6 b
Le faible bruit de l'homme avec l'homme s'en va. 6+6 b
225 A l'oreille de Dieu ce bruit pourtant arrive ; 6+6 a
Chaque ame est une note, hélas ! bien fugitive, 6+6 a
Chaque son meurt bientôt ; mais l'hymne solennel 6+6 b
S'élève incessamment du temps à l'Éternel ! 6+6 b
Notre voix qui se perd dans la grande harmonie 6+6 a
230 Va retentir pourtant à l'oreille infinie ! 6+6 a
Eh ! quoi ! n'est-ce donc rien que d'avoir en passant 6+6 b
Jeté son humble strophe au concert incessant ? 6+6 b
Et d'avoir parfumé ses ailes poétiques 6+6 a
De ces soupirs notés dans les divins cantiques ? 6+6 a
235 Faut-il pour écouler ce qui mourra demain 6+6 b
Imposer à jamais silence au genre humain ? 6+6 b
Elle vole plus haut l'ame du vrai poète ! 6+6 a
De toute ma raison, ami, je te souhaite 6+6 a
Le dédain du journal, l'oubli de l'univers, 6+6 b
240 Le gouffre du néant pour ta prose ou tes vers ; 6+6 b
Mais au fond de ton cœur une source féconde, 6+6 a
Où l'inspiration renouvelle son onde, 6+6 a
Et dont le doux murmure, en berçant ton esprit, 6+6 b
Coule en ces vers muets qu'aucune main n'écrit ; 6+6 b
245 Une ame intarissable en sympathique extase, 6+6 a
Où l'admiration déborde et s'extravase ; 6+6 a
Ces saints ravissements devant l'œuvre de Dieu, 6+6 b
Qui font pour le poète un temple de tout lieu ; 6+6 b
Ces conversations en langue intérieure 6+6 a
250 Avec l'onde qui chante ou la brise qui pleure, 6+6 a
Avec l'arbre, l'oiseau, l'étoile au firmament, 6+6 b
Et tout ce qui devient pensée ou sentiment ; 6+6 b
Une place au soleil contre un mur où l'abeille, 6+6 a
Nageant dans le rayon, bourdonne sous la treille ; 6+6 a
255 Sous les verts parasols de tes pins dû midi, 6+6 b
Une pente d'un pré par le ciel attiédi, 6+6 b
D'où le regard glissant voit à travers la brume 6+6 a
La mer bleue au rocher jeter sa blanche écume, 6+6 a
Et la voile lointaine à l'horizon mouvant 6+6 b
260 Comme un arbre des flots s'incliner sous le vent, 6+6 b
Et d'où le bruit tonnant des vagues élancées, 6+6 a
Donnant une secousse à l'air de tes pensées, 6+6 a
Te fait rêver pensif à ce vaste miroir 6+6 b
Où Dieu peint l'infini pour le faire entrevoir !… 6+6 b
265 Un reflet de ton ciel toujours sur ton génie ; 6+6 a
Des cordes de ton cœur la parfaite harmonie ! 6+6 a
La conscience en paix sommeillant dans ton sein 6+6 b
Comme une eau dont nul pied n'a troublé le bassin ; 6+6 b
Au flanc d'une colline où s'étend ton royaume, 6+6 a
270 Un toit de tuile rouge ou d'ardoise ou de chaume, 6+6 a
Dont l'ombre soit ton monde, et dont le pauvre seuil 6+6 b
Ne rende après cent ans son maître qu'au cercueil ; 6+6 b
Là, des sommeils légers que l'alouette éveille, 6+6 a
Pour reprendre gaîment le sillon de la veille ; 6+6 a
275 Une table frugale où la fleur de les blés 6+6 b
Éclate auprès des fruits que ta greffe a doublés ; 6+6 b
Sur le noyer luisant dont ton chanvre est la nappe, 6+6 a
Un vin dont le parfum te rappelle sa grappe ; 6+6 a
Un platane en été ; dans l'hiver un foyer 6+6 b
280 Où la main jette au feu le noyau d'olivier ; 6+6 b
Aux flambeaux dont la ruche a parfumé la cire, 6+6 a
Des livres cent fois lus que l'on aime à relire, 6+6 a
Phares consolateurs que pour guider notre œil 6+6 b
Les tempêtes du temps ont laissés sur recueil, 6+6 b
285 Dont nos vents inconstans n'agitent plus la flamme, 6+6 a
Mais qui luisent bien haut au firmament de l'ame !… 6+6 a
Pour que le fond du vase ait encor sa douceur, 6+6 b
Jusqu'au soir de la vie une mère, une sœur, 6+6 b
Un ami des vieux jours, voisin de solitude, 6+6 a
290 Exact comme l'aiguille et comme l'habitude, 6+6 a
Et qui vienne le soir, de son mot régulier, 6+6 b
Reprendre au coin du feu l'entretien familier. 6+6 b
Avec cela, mon cher, que l'ongle des critiques 6+6 a
Marque du pli fatal nos pages poétiques, 6+6 a
295 Heureux à nos soleils, qu'on nous siffle à Paris, 6+6 b
La gloire me plairait… pour la vendre à ce prix ! 6+6 b
Village de Provence, d'où la lettre de M, Dumas était datée,
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
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