Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAM_10/LAM179
Alphonse de LAMARTINE
RECUEILLEMENTS POÉTIQUES
1839
XIII
A M. FÉLIX GUILLEMARDET,
SUR SA MALADIE
Frère ! le temps n'est plus j'écoutais mon ame 6+6 a
Se plaindre et soupirercomme une faible femme 6+6 a
Qui de sa propre voixsoi-même s'attendrit, 6+6 b
par des chants de deuilma lyre intérieure 6+6 c
5 Allait multipliantcomme un écho qui pleure 6+6 c
 Les angoisses d'un seul esprit ! 8 b
Dans l'être universelau lieu de me répandre, 6+6 a
Pour tout sentir en lui,tout souffrir, tout comprendre, 6+6 a
Je resserrais en moil'univers amoindri ; 6+6 b
10 Dans l'égoïsme étroitd'une fausse pensée 6+6 c
La douleur en moi seul,par l'orgueil condensée, 6+6 c
 Ne jetait à Dieu que mon cri ! 8 b
Ma personnalitéremplissait la nature, 6+6 a
On t dit qu'avant elleaucune créature 6+6 a
15 N'avait vécu, souffert,aimé, perdu, gémi ! 6+6 b
Que j'étais à moi seulle mot du grand mystère, 6+6 c
Et que toute pitiédu ciel et de la terre 6+6 c
 Dût rayonner sur ma fourmi ! 8 b
Pardonnez-nous, mon Dieu !tout homme ainsi commence ; 6+6 a
20 Le retentissementuniversel, immense, 6+6 a
Ne fait vibrer d'abordque ce qui sent en lui ; 6+6 b
De son être souffrantl'impression profonde 6+6 c
Dans sa neuve énergie,absorbe en lui le monde' 6+6 c
 Et lui cache les maux d'autrui ! 8 b
25 Comme Pygmalion,contemplant sa statue, 6+6 a
Et promenant sa mainsous sa mamelle nue 6+6 a
Pour savoir si ce marbreenferme un cœur humain, 6+6 b
L'humanité pour luin'est qu'un bloc sympathique 6+6 c
Qui, comme la Vénusdu statuaire antique, 6+6 c
30  Ne palpite que sous sa main. 8 b
O honte ! ô repentir !quoi ce souffle éphémère 6+6 a
Qui gémit en sortantdu ventre de sa mère, 6+6 a
Croirait tout étouffersous le bruit d'un seul cœur ? 6+6 b
Hâtons-nous d'expiercette erreur d'un insecte, 6+6 c
35 Et pour que Dieu l'écouteet l'ange le respecte 6+6 c
 Perdons nos voix dans le grand chœur ! 8 b
Jeune, j'ai partagéle délire et la faute ; 6+6 a
J'ai crié ma misère,hélas ! à Voix trop haute ; 6+6 a
Mon ame s'est briséeavec son propre cri ! 6+6 b
40 De l'univers sensibleatome insaisissable, 6+6 c
Devant le grand soleilj'ai mis mon grain de sable, 6+6 c
 Croyant mettre un monde à l'abri. 8 b
Puis mon cœur, insensibleà ses propres misères, 6+6 a
S'est élargi plus tardaux douleurs de mes frères ; 6+6 a
45 Tous leurs maux ont coulédans le lac de mes pleurs, 6+6 b
Et, comme un grand linceulque la pitié déroule, 6+6 c
L'âme d'un seul, ouverteaux plaintes de la foule, 6+6 c
 A gémi toutes les douleurs ! 8 b
Alors dans le grand toutmon âme répandue, 6+6 a
50 A fondu, faible goutteau sein des mers perdue 6+6 a
Que roule l'Océan,insensible fardeau ! 6+6 b
Mais l'impulsionsereine ou convulsive, 6+6 c
Qui de l'abîme entierde vague en vague arrive, 6+6 c
 Palpite dans la goutte d'eau. 8 b
55 Alors, par la vertu,la pitié m'a fait homme ; 6+6 a
J'ai conçu la douleurdu nom dont on le nomme, 6+6 a
J'ai sué sa sueur,et j'ai saigné son sang ; 6+6 b
Passé, présent, futur,ont frémi sur ma fibre 6+6 c
Comme vient retentirle moindre son qui vibre 6+6 c
60  Sur un métal retentissant. 8 b
Alors j'ai bien comprispar quel divin mystère 6+6 a
Un seul cœur incarnaittous les maux de la terre, 6+6 a
Et comment, d'une croixjusqu'à l'éternité, 6+6 b
Du cri du Golgothala tristesse infinie 6+6 c
65 Avait pu contenirseul assez d'agonie 6+6 c
 Pour exprimer l'humanité !… 8 b
Alors j'ai partagé,bien avant ma naissance, 6+6 a
Ce pénible travailde sa lente croissance 6+6 a
Par qui sous le soleilgrandit l'esprit humain, 6+6 b
70 Semblable au rude effortdu sculpteur sur la pierre, 6+6 c
Qui mutile cent foisle bloc dans la carrière 6+6 c
 Avant qu'il vive sous sa main, 8 b
Les germinationssourdes de ces idées, 6+6 a
Pareilles à ces fleursdes saisons retardées 6+6 a
75 Que le pied du faucheurécrase avant leur fruit ; 6+6 b
Cet éternel assautdes vagues convulsives 6+6 c
N'arrachant qu'un rocherpar siècles à leurs rives ; 6+6 c
 Ce temps qui ne fait que du bruit ! 8 b
Cet orageux effortdes partis politiques, 6+6 a
80 Pour rasseoir le saint droitsur les bases antiques, 6+6 a
Pyramide impuissanteà se tenir debout, 6+6 b
La liberté que l'hommeimmole ou prostitue 6+6 c
Du peuple qui la souilleau tyran qui la tue 6+6 c
 Passant des cachots à l'égout ! 8 b
85 Dieu, comme le soleilattirant les nuages, 6+6 a
Le vulgaire incarnantles purs dogmes des sages, 6+6 a
L'erreur mettant sa mainentre l'œil et le feu, 6+6 b
Et le sage du ciel,parlant en paraboles, 6+6 c
Obligé d'écarteren tremblant ces symboles, 6+6 c
90  De peur de mutiler le Dieu ! 8 b
Pas un dogme immuable le doute repose, 6+6 a
Le mensonge ou le videau bout de toute chose, 6+6 a
Et le plus beau destinen trois pas traversé ; 6+6 b
La mort, coursier trompeurà qui l'espoir se fie, 6+6 c
95 S'abattant au milieude la plus belle vie 6+6 c
 Sur le cavalier renversé ! 8 b
Ces amours enlacéspar mille sympathies 6+6 a
Arrachés du sol tendreainsi que des orties 6+6 a
A l'heure de leurs fleursnotre ame embaumerait, 6+6 b
100 Et le sort choisissantpour but au coup suprême 6+6 c
La minute le seinbat sous un sein qui l'aime 6+6 c
 Pour percer deux cœurs d'un seul trait. 8 b
Ces mères expirantde faim le long des routes, 6+6 a
De leur mamelle à secpressant en vain les gouttes, 6+6 a
105 Aux lèvres de leur filssur leurs genoux gisant ; 6+6 b
Le travail arrosantde sa sueur stérile 6+6 c
Du sol ingrat et durl'insatiable argile 6+6 c
 Qui boit la rosée et le sang ! 8 b
Et les vents de la mortdont les fortes haleines 6+6 a
110 Vident dans le tombeaude grandes villes pleines, 6+6 a
Et sèchent en trois jourstrois générations, 6+6 b
Et ces grands secouemensde choses et d'idées, 6+6 c
Qui font monter si hauten vagues débordées 6+6 c
 Les écumes des nations ! 8 b
115 Et ces exils qui fontà tant d'enfans sans mères 6+6 a
Des fleuves étrangersboire les eaux amères, 6+6 a
Et ces dégts d'espritet ces langueurs du corps, 6+6 b
Et devant ce tombeauque leur misère envie, 6+6 c
Ces infirmes trnantsur les bords de la vie, 6+6 c
120  Le linceul de leurs longues morts ! 8 b
Oui, j'ai trempé ma lèvre,homme, à toutes ces peines ; 6+6 a
Les gouttes de ton sangont coulé de mes veines ; 6+6 a
Mes mains ont essuyésur mon front tous ces maux. 6+6 b
La douleur s'est faite hommeen moi pour cette foule, 6+6 c
125 Et comme un océan toute larme coule, 6+6 c
 Mon ame a bu toutes ces eaux ! 8 b
Les tiens surtout, ami !jeune ami dont la lèvre, 6+6 a
Que le fiel a touché,dé sourire se sèvre ! 6+6 a
Qui, sous la main de Dieu,penches ton front pâli, 6+6 b
130 Ton front, que tes deux mainssupportant comme une urne 6+6 c
Soutiennent tout pesantde sa fièvre nocturne 6+6 c
  la veille a laissé son pli ! 8 b
Oh ! les tiennes surtout,ame que Dieu condamne, 6+6 a
A penser sans parler,à sentir sans organe, 6+6 a
135 A subir des vivantsles mille impressions 6+6 b
Sans pouvoir t'y mêlerdu regard ou du geste, 6+6 c
Comme cette ombre assiseau banquet et qui reste 6+6 c
 Sans voix, mais non sans passions ! 8 b
Au milieu des vivantsdont la part t'est ravie, 6+6 a
140 Tu t'asseois seul devantles flots morts de ta vie, 6+6 a
Sans pouvoir en prendre undans le creux de ta main 6+6 b
Pour tromper en courantta soif à ces délices, 6+6 c
Et savoir seulementsur le bord des calices 6+6 c
 Quel gt a le breuvage humain ? 8 b
145 O fils delà douleur !frère en mélancolie ! 6+6 a
Oh ! quand je pense à toi,moi-même je m'oublie ; 6+6 a
L'angoisse de tes nuitsglace mes membres morts, 6+6 b
Je déchire des mainsmes blessures pansées, 6+6 c
Et je sens dans mon frontl'assaut de tes pensées 6+6 c
150  Battre l'oreiller que je mords ! 8 b
Et j'élève au Seigneurmes deux mains vers la vte 6+6 a
En lui criant tout hautton nom pour qu'il l'écoute ; 6+6 a
J'entoure ton chevetet j'y veille du cœur, 6+6 b
Et je compte les coupsde ta lente insomnie, 6+6 c
155 Et je lavé des yeuxaprès ton agonie 6+6 c
 Le suaire de ta langueur ! 8 b
Et prenant tes deux piedsfroids contre ma poitrine, 6+6 a
Je les chauffe en mon seinsous mon front qui s'incline, 6+6 a
Et le barde se changeen femme de douleurs, 6+6 b
160 Et ma lyre devientl'urne de Madeleine 6+6 c
Alors qu'elle embaumaitlé corps sous son haleine 6+6 c
 Dans l'aromate de ses pleurs ! 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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