Métrique en Ligne
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C = clitique
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F = "e" féminin
| = césure
LAM_1/LAM8
Alphonse de LAMARTINE
MÉDITATIONS POÉTIQUES
PREMIÈRES MÉDITATIONS
1820
HUITIÈME MÉDITATION
LA PROVIDENCE À L’HOMME
Quoi ! le fils du néant | a maudit l’existence ! 6+6 a
Quoi ! tu peux m’accuser | de mes propres bienfaits ! 6+6 b
Tu peux fermer tes yeux | à la magnificence 6+6 a
Des dons que je t’ai faits ! 6 b
5 Tu n’étais pas encor, | créature insensée, 6+6 a
Déjà de ton bonheur | j’enfantais le dessein ; 6+6 b
Déjà, comme son fruit, | l’éternelle pensée 6+6 a
Te portait dans son sein. 6 b
Oui, ton être futur | vivait dans ma mémoire ; 6+6 a
10 Je préparais les temps | selon ma volonté. 6+6 b
Enfin ce jour parut ; | je dis : Nais pour ma gloire 6+6 a
Et ta félicité ! 6 b
Tu naquis : ma tendresse, | invisible et présente, 6+6 a
Ne livra pas mon œuvre | aux chances du hasard ; 6+6 b
15 J’échauffai de tes sens | la séve languissante 6+6 a
Des feux de mon regard. 6 b
D’un lait mystérieux | je remplis la mamelle ; 6+6 a
Tu t’enivras sans peine | à ces sources d’amour. 6+6 b
J’affermis les ressorts, | j’arrondis la prunelle 6+6 a
20 Où se peignit le jour. 6 b
Ton âme, quelque temps | par les sens éclipsée, 6+6 a
Comme tes yeux au jour, | s’ouvrit à la raison : 6+6 b
Tu pensas ; la parole | acheva ta pensée, 6+6 a
Et j’y gravai mon nom. 6 b
25 En quel éclatant caractère 8 a
Ce grand nom s’offrit a tes yeux ! 8 b
Tu vis ma bonté sur la terre, 8 a
Tu lus ma grandeur dans les cieux ! 8 b
L’ordre était mon intelligence ; 8 c
30 La nature, ma providence ; 8 c
L’espace, mon immensité ! 8 d
Et, de mon être ombre altérée, 8 e
Le temps te peignit ma durée, 8 e
Et le destin, ma volonté ! 8 d
35 Tu m’adoras dans ma puissance, 8 a
Tu me bénis dans ton bonheur, 8 b
Et tu marchas en ma présence 8 a
Dans la simplicité du cœur ; 8 b
Mais aujourd’hui que l’infortune 8 c
40 A couvert d’une ombre importune 8 c
Ces vives clartés du réveil, 8 d
Ta voix m’interroge et me blâme, 8 e
Le nuage couvre ton âme, 8 e
Et tu ne crois plus au soleil. 8 d
45 « Non, tu n’es plus qu’un grand problème 8 a
Que le sort offre à la raison ; 8 b
Si ce monde était son emblème, 8 a
Ce monde serait juste et bon. » 8 b
Arrête, orgueilleuse pensée ! 8 c
50 À la loi que je t’ai tracée 8 c
Tu prétends comparer ma loi ? 8 d
Connais leur différence auguste : 8 e
Tu n’as qu’un jour pour être juste ; 8 e
J’ai l’éternité devant moi ! 8 d
55 Quand les voiles de ma sagesse 8 a
À tes yeux seront abattus, 8 b
Ces maux dont gémit ta faiblesse 8 a
Seront transformés en vertus. 8 b
De ces obscurités cessantes 8 c
60 Tu verras sortir triomphantes 8 c
Ma justice et ta liberté : 8 d
C’est la flamme qui purifie 8 e
Le creuset divin où la vie 8 e
Se change en immortalité ! 8 d
65 Mais ton cœur endurci | doute et murmure encore : 6+6 a
Ce jour ne suffit pas | à tes yeux révoltés, 6+6 b
Et dans la nuit des sens | tu voudrais voir éclore 6+6 a
De l’éternelle aurore 6 a
Les célestes clartés ! 6 b
70 Attends ; ce demi-jour, | mêlé d’une ombre obscure, 6+6 a
Suffit pour te guider | en ce terrestre lieu : 6+6 b
Regarde qui je suis, | et marche sans murmure, 6+6 a
Comme fait la nature 6 a
Sur la foi de son Dieu. 6 b
75 La terre ne sait pas | la loi qui la féconde : 6+6 a
L’Océan, refoulé | sous mon bras tout-puissant, 6+6 b
Sait-il comment, au gré | du nocturne croissant, 6+6 b
De sa prison profonde 6 a
La mer vomit son onde, 6 a
80 Et des bords qu’elle inonde 6 a
Recule en mugissant ? 6 b
Ce soleil éclatant, | ombre de la lumière, 6+6 a
Sait-il où le conduit | le signe de ma main ? 6+6 b
S’est-il tracé lui-même | un glorieux chemin ? 6+6 b
85 Au bout de sa carrière, 6 a
Quand j’éteins sa lumière, 6 a
Promet-il à la terre 6 a
Le soleil de demain ? 6 b
Cependant tout subsiste | et marche en assurance. 6+6 a
90 Ma voix chaque matin | réveille l’univers ; 6+6 b
J’appelle le soleil | du fond de ses déserts : 6+6 b
Franchissant la distance, 6 a
Il monte en ma présence, 6 a
Me répond, et s’élance 6 a
95 Sur le trône des airs ! 6 b
Et toi, dont mon souffle est la vie, 8 a
Toi, sur qui mes yeux sont ouverts, 8 b
Peux-tu craindre que je t’oublie, 8 a
Homme, roi de cet univers ? 8 b
100 Crois-tu que ma vertu sommeille ? 8 c
Non, mon regard immense veille 8 c
Sur tous les mondes à la fois ! 8 d
La mer qui fuit a ma parole, 8 e
Ou la poussière qui s’envole, 8 e
105 Suivent et comprennent mes lois. 8 d
Marche au flambeau de l’espérance 8 a
Jusque dans l’ombre du trépas, 8 b
Assuré que ma providence 8 a
Ne tend point de piége à tes pas ! 8 b
110 Chaque aurore la justifie, 8 c
L’univers entier s’y confie, 8 c
Et l’homme seul en a douté ! 8 d
Mais ma vengeance paternelle 8 e
Confondra ce doute infidèle 8 e
115 Dans l’abîme de ma bonté. 8 d
mètre profils métriques : 6, 8, 6+6
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