Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAM_1/LAM5
Alphonse de LAMARTINE
MÉDITATIONS POÉTIQUES
PREMIÈRES MÉDITATIONS
1820
CINQUIÈME MÉDITATION
L’IMMORTALITÉ
Le soleil de nos jourspâlit dès son aurore ; 6+6 a
Sur nos fronts languissantsà peine il jette encore 6+6 a
Quelques rayons tremblantsqui combattent la nuit : 6+6 b
L’ombre crt, le jour meurt,tout s’efface et tout fuit. 6+6 b
5 Qu’un autre à cet aspectfrissonne et s’attendrisse, 6+6 a
Qu’il recule en tremblantdes bords du précipice, 6+6 a
Qu’il ne puisse de loinentendre sans frémir 6+6 b
Le triste chant des mortstout prêt à retentir, 6+6 b
Les soupirs étouffésd’une amante ou d’un frère 6+6 a
10 Suspendus sur les bordsde son lit funéraire, 6+6 a
Ou l’airain gémissant,dont les sons éperdus 6+6 b
Annoncent aux mortelsqu’un malheureux n’est plus ! 6+6 b
Je te salue, ô mort !Libérateur céleste, 6+6 a
Tu ne m’apparais pointsous cet aspect funeste 6+6 a
15 Que t’a prêté longtempsl’épouvante ou l’erreur ; 6+6 b
Ton bras n’est point arméd’un glaive destructeur, 6+6 b
Ton front n’est point cruel,ton œil n’est point perfide ; 6+6 a
Au secours des douleursun Dieu clément te guide ; 6+6 a
Tu n’anéantis pas,tu délivres : ta main, 6+6 b
20 Céleste messager,porte un flambeau divin : 6+6 b
Quand mon œil fatiguése ferme à la lumière, 6+6 a
Tu viens d’un jour plus purinonder ma paupière ; 6+6 a
Et l’espoir près de toi,rêvant sur un tombeau, 6+6 b
Appuyé sur la foi,m’ouvre un monde plus beau. 6+6 b
25 Viens donc, viens détachermes chnes corporelles ! 6+6 a
Viens, ouvre ma prison ;viens, prête-moi tes ailes ! 6+6 a
Que tarde-tu ? Parais ;que je m’élance enfin 6+6 b
Vers cet être inconnu,mon principe et ma fin. 6+6 b
Qui m’en a détaché ?Qui suis-je, et que dois-je être ? 6+6 a
30 Je meurs, et ne sais pasce que c’est que de ntre. 6+6 a
Toi qu’en vain j’interroge,esprit, hôte inconnu, 6+6 b
Avant de m’animer,quel ciel habitais-tu : 6+6 b
Quel pouvoir t’a jetésur ce globe fragile ? 6+6 a
Quelle main t’enfermadans ta prison d’argile ? 6+6 a
35 Par quels nœuds étonnants,par quels secrets rapports 6+6 b
Le corps tient-il à toicomme tu tiens au corps ? 6+6 b
Quel jour sépareral’âme de la matière ? 6+6 a
Pour quel nouveau palaisquitteras-tu la terre ? 6+6 a
As-tu tout oublié ?Par delà le tombeau, 6+6 b
40 Vas-tu rentre encordans un oubli nouveau ? 6+6 b
Vas-tu recommencerune semblable vie ? 6+6 a
Ou dans le sein de Dieu,ta source et ta patrie, 6+6 a
Affranchi pour jamaisde tes liens mortels, 6+6 b
Vas-tu jouir enfinde tes droits éternels ? 6+6 b
45 Oui, tel est mon espoir,ô moitié de ma vie ! 6+6 a
C’est par lui que déjàmon âme raffermie 6+6 a
A pu voir sans effroisur tes traits enchanteurs 6+6 b
Se faner du printempsles brillantes couleurs ; 6+6 b
C’est par lui que, percédu trait qui me déchire, 6+6 a
50 Jeune encore, en mourantvous me verrez sourire, 6+6 a
Et que des pleurs de joie,à nos derniers adieux, 6+6 b
À ton dernier regard,brilleront dans mes yeux. 6+6 b
Vain espoir ! s’écrîrale troupeau d’Épicure, 6+6 a
Et celui dont la maindisséquant la nature, 6+6 a
55 Dans un coin du cerveaunouvellement décrit, 6+6 b
Voit penser la matièreet végéter l’esprit. 6+6 b
Insensé, diront-ils,que trop d’orgueil abuse, 6+6 a
Regarde autour de toi :tout commence et tout s’use, 6+6 a
Tout marche vers un termeet tout nt pour mourir : 6+6 b
60 Dans ces prés jaunissantstu vois la fleur languir, 6+6 b
Tu vois dans ces forêtsle cèdre au front superbe 6+6 a
Sous le poids de ses anstomber, ramper sous l’herbe ; 6+6 a
Dans leurs lits desséchéstu vois les mers tarir ; 6+6 b
Les cieux même, les cieuxcommencent à pâlir ; 6+6 b
65 Cet astre dont le tempsa caché la naissance, 6+6 a
Le soleil, comme nous,marche à sa décadence, 6+6 a
Et dans les cieux désertsles mortels éperdus 6+6 b
Le chercheront un jour,et ne le verront plus ! 6+6 b
Tu vois autour de toidans la nature entière 6+6 a
70 Les siècles entasserpoussière sur poussière, 6+6 a
Et le temps, d’un seul pasconfondant ton orgueil, 6+6 b
De tout ce qu’il produitdevenir le cercueil. 6+6 b
Et l’homme, et l’homme seul,ô sublime folie ! 6+6 a
Au fond de son tombeaucroit retrouver la vie, 6+6 a
75 Et dans le tourbillonau néant emporté, 6+6 b
Abattu par le temps,rêve l’éternité ! 6+6 b
Qu’un autre vous réponde,ô sages de la terre ! 6+6 a
Laissez-moi mon erreur :j’aime, il faut que j’espère ; 6+6 a
Notre faible raisonse trouble et se confond. 6+6 b
80 Oui, la raison se tait ;mais l’instinct vous répond. 6+6 b
Pour moi, quand je verraisdans les célestes plaines 6+6 a
Les astres, s’écartantde leurs routes certaines, 6+6 a
Dans les champs de l’étherl’un par l’autre heurtés, 6+6 b
Parcourir au hasardles cieux épouvantés ; 6+6 b
85 Quand j’entendrais gémiret se briser la terre ; 6+6 a
Quand je verrais son globeerrant et solitaire, 6+6 a
Flottant loin des soleils,pleurant l’homme détruit, 6+6 b
Se perdre dans les champsde l’éternelle nuit ; 6+6 b
Et quand, dernier témoinde ces scènes funèbres, 6+6 a
90 Entouré du chaos,de la mort, des ténèbres, 6+6 a
Seul je serais debout :seul, malgré mon effroi, 6+6 b
Être infaillible et bon,j’espérerais en toi ; 6+6 b
Et, certain du retourde l’éternelle aurore, 6+6 a
Sur les mondes détruitsje t’attendrais encore ! 6+6 a
95 Souvent, tu t’en souviens,dans cet heureux séjour 6+6 b
naquit d’un regardnotre immortel amour, 6+6 b
Tantôt sur les sommetsde ces rochers antiques, 6+6 a
Tantôt aux bords désertsdes lacs mélancoliques, 6+6 a
Sur l’aile du désir,loin du monde emportés, 6+6 b
100 Je plongeais avec toidans ces obscurités. 6+6 b
Les ombres, à longs plisdescendant des montagnes, 6+6 a
Un moment à nos yeuxdérobaient les campagnes ; 6+6 a
Mais bientôt, s’avançantsans éclat et sans bruit, 6+6 b
Le chœur mystérieuxdes astres de la nuit, 6+6 b
105 Nous rendant les objetsvoilés à notre vue, 6+6 a
De ses molles lueursrevêtait l’étendue. 6+6 a
Telle, en nos temples saintspar le jour éclairés, 6+6 b
Quand les rayons du soirpâlissent par degrés, 6+6 b
La lampe, répandantsa pieuse lumière, 6+6 a
110 D’un jour plus recueilliremplit le sanctuaire. 6+6 a
Dans ton ivresse alorstu ramenais mes yeux 6+6 b
Et des cieux à la terre,et de la terre aux cieux : 6+6 b
Dieu caché, disais-tu,la nature est ton temple ! 6+6 a
L’esprit te voit partoutquand notre œil la contemple ; 6+6 a
115 De tes perfections,qu’il cherche a concevoir, 6+6 b
Ce monde est le reflet,l’image, le miroir ; 6+6 b
Le jour est ton regard,la beauté ton sourire ; 6+6 a
Partout le cœur t’adoreet l’âme te respire ; 6+6 a
Éternel, infini,tout-puissant et tout bon, 6+6 b
120 Ces vastes attributsn’achèvent pas ton nom ; 6+6 b
Et l’esprit, accablésous ta sublime essence, 6+6 a
Célèbre ta grandeurjusque dans ton silence. 6+6 a
Et cependant, ô Dieu !par sa sublime loi, 6+6 b
Cet esprit abattus’élance encore à toi, 6+6 b
125 Et, sentant que l’amourest la fin de son être, 6+6 a
Impatient d’aimer,brûle de te conntre. 6+6 a
Tu disais ; et nos cœursunissaient leurs soupirs 6+6 b
Vers cet être inconnuqu’attestaient nos désirs : 6+6 b
À genoux devant lui,l’aimant dans ses ouvrages, 6+6 a
130 Et l’aurore et le soirlui portaient nos hommages, 6+6 a
Et nos yeux enivréscontemplaient tour à tour 6+6 b
La terre notre exil,et le ciel son séjour. 6+6 b
Ah ! si dans ces instants l’âme fugitive 6+6 a
S’élance et veut briserle sein qui la captive, 6+6 a
135 Ce Dieu, du haut du cielrépondant à nos vœux, 6+6 b
D’un trait libérateurnous t frappés tous deux ; 6+6 b
Nos âmes, d’un seul bondremontant vers leur source, 6+6 a
Ensemble auraient franchiles mondes dans leur course ; 6+6 a
À travers l’infini,sur l’aile de l’amour, 6+6 b
140 Elles auraient montécomme un rayon du jour, 6+6 b
Et, jusqu’à Dieu lui-mêmearrivant éperdues, 6+6 a
Se seraient dans son seinpour jamais confondues ! 6+6 a
Ces vœux nous trompaient-ils ?Au néant destinés, 6+6 b
Est-ce pour le néantque les êtres sont nés ? 6+6 b
145 Partageant le destindu corps qui la recèle, 6+6 a
Dans la nuit du tombeaul’âme s’engloutit-elle ? 6+6 a
Tombe-t-elle en poussière ?ou, prête à s’envoler, 6+6 b
Comme un son qui n’est plusva-t-elle s’exhaler ? 6+6 b
Après un vain soupir,après l’adieu suprême 6+6 a
150 De tout ce qui t’aimait,n’est-il plus rien qui t’aime ?… 6+6 a
Ah ! sur ce grand secretn’interroge que toi ! 6+6 b
Vois mourir ce qui t’aime,Elvire, et réponds-moi ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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