Métrique en Ligne
LAM_1/LAM3
Alphonse de LAMARTINE
MÉDITATIONS POÉTIQUES
PREMIÈRES MÉDITATIONS
1820
TROISIÈME MÉDITATION
À ELVIRE
Oui, l’Anio murmure encore 8 a
Le doux nom de Cinthie aux rochers de Tibur ; 6+6 b
Vaucluse a retenu le nom chéri de Laure ; 6+6 a
Et Ferrare au siècle futur 8 b
5 Murmurera toujours celui d’Éléonore. 6+6 a
Heureuse la beauté que le poëte adore ! 6+6 a
Heureux le nom qu’il a chanté ! 8 b
Toi qu’en secret son culte honore, 8 a
Tu peux, tu peux mourir ! dans la postérité 6+6 b
10 Il lègue à ce qu’il aime une éternelle vie ; 6+6 c
Et l’amante et l’amant, sur l’aile du génie, 6+6 c
Montent d’un vol égal à l’immortalité. 6+6 b
Ah ! si mon frêle esquif, battu par la tempête, 6+6 a
Grâce à des vents plus doux, pouvait surgir au port ; 6+6 b
15 Si des soleils plus beaux se levaient sur ma tête ; 6+6 a
Si les pleurs d’une amante, attendrissant le sort, 6+6 b
Écartaient de mon front les ombres de la mort ; 6+6 b
Peut-être… oui, pardonne, ô maître de la lyre ! 6+6 a
Peut-être j’oserais (et que n’ose un amant ?) 6+6 b
20 Égaler mon audace à l’amour qui m’inspire, 6+6 a
Et, dans des chants rivaux célébrant mon délire, 6+6 a
De notre amour aussi laisser un monument ! 6+6 b
Ainsi le voyageur qui, dans son court passage, 6+6 a
Se repose un moment à l’abri du vallon, 6+6 b
25 Sur l’arbre hospitalier dont il goûta l’ombrage, 6+6 a
Avant que de partir, aime à graver son nom. 6+6 b
Vois-tu comme tout change ou meurt dans la nature ? 6+6 a
La terre perd ses fruits, les forêts leur parure ; 6+6 a
Le fleuve perd son onde au vaste sein des mers ; 6+6 a
30 Par un souffle des vents la prairie est fanée ; 6+6 b
Et le char de l’automne, au penchant de l’année, 6+6 b
Roule, déjà poussé par la main des hivers ! 6+6 a
Comme un géant armé d’un glaive inévitable, 6+6 a
Atteignant au hasard tous les êtres divers, 6+6 b
35 Le Temps avec la Mort, d’un vol infatigable, 6+6 a
Renouvelle en fuyant ce mobile univers ! 6+6 b
Dans l’éternel oubli tombe ce qu’il moissonne : 6+6 a
Tel un rapide été voit tomber sa couronne 6+6 a
Dans la corbeille des glaneurs ; 8 b
40 Tel un pampre jauni voit la féconde automne 6+6 a
Livrer ses fruits dorés au char des vendangeurs. 6+6 b
Vous tomberez ainsi, courtes fleurs de la vie, 6+6 a
Jeunesse, amour, plaisir, fugitive beauté ; 6+6 b
Beauté, présent d’un jour que le ciel nous envie, 6+6 a
45 Ainsi vous tomberez, si la main du génie 6+6 a
Ne vous rend l’immortalité ! 8 b
Vois d’un œil de pitié la vulgaire jeunesse, 6+6 a
Brillante de beauté, s’enivrant de plaisir : 6+6 b
Quand elle aura tari sa coupe enchanteresse, 6+6 a
50 Que restera-t-il d’elle ? à peine un souvenir : 6+6 b
Le tombeau qui l’attend l’engloutit tout entière, 6+6 a
Un silence éternel succède à ses amours ; 6+6 b
Mais les siècles auront passé sur ta poussière, 6+6 a
Elvire, et tu vivras toujours ! 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
forme globale type : suite de strophes
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