Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LAM_1/LAM32
Alphonse de LAMARTINE
MÉDITATIONS POÉTIQUES
PREMIÈRES MÉDITATIONS
1820
TRENTE-DEUXIÈME MÉDITATION
LA SEMAINE SAINTE
À LA ROCHE-GUYON
Ici viennent mourir | les derniers bruits du monde ; 6+6 a
Nautoniers sans étoile, | abordez ! c’est le port : 6+6 b
Ici l’âme se plonge | en une paix profonde, 6+6 a
Et cette paix n’est pas la mort. 8 b
5 Ici jamais le ciel | n’est orageux ni sombre ; 6+6 a
Un jour égal et pur | y repose les yeux : 6+6 b
C’est ce vivant soleil, | dont le soleil est l’ombre, 6+6 a
Qui le répand du haut des cieux. 8 b
Comme un homme éveillé | longtemps avant l’aurore, 6+6 a
10 Jeunes, nous avons fui | dans cet heureux séjour ; 6+6 b
Notre rêve est fini, | le vôtre dure encore : 6+6 a
Éveillez-vous ! voilà le jour. 8 b
Cœurs tendres, approchez ! | Ici l’on aime encore ; 6+6 a
Mais l’amour, épuré, | s’allume sur l’autel : 6+6 b
15 Tout ce qu’il a d’humain | à ce feu s’évapore ; 6+6 a
Tout ce qui reste est immortel ! 8 b
La prière, qui veille | en ces saintes demeures, 6+6 a
De l’astre matinal | nous annonce le cours ; 6+6 b
Et, conduisant pour nous | le char pieux des heures, 6+6 a
20 Remplit et mesure nos jours. 8 b
L’airain religieux | s’éveille avec l’aurore ; 6+6 a
Il mêle notre hommage | à la voix des zéphyrs ; 6+6 b
Et les airs, ébranlés | sous le marteau sonore, 6+6 a
Prennent l’accent de nos soupirs. 8 b
25 Dans le creux du rocher, | sous une voûte obscure, 6+6 a
S’élève un simple autel : | Roi du ciel, est-ce toi ? 6+6 b
Oui ; contraint par l’amour, | le Dieu de la nature 6+6 a
Y descend, visible à la foi. 8 b
Que ma raison se taise, | et que mon cœur adore ! 6+6 a
30 La croix à mes regards | révèle un nouveau jour ; 6+6 b
Aux pieds d’un Dieu mourant | puis-je douter encore ? 6+6 a
Non : l’amour m’explique l’amour. 8 b
Tous ces fronts prosternés, | ce feu qui les embrase, 6+6 a
Ces parfums, ces soupirs | s’exhalant du saint lieu, 6+6 b
35 Ces élans enflammés, | ces larmes de l’extase, 6+6 a
Tout me répond que c’est un Dieu. 8 b
Favoris du Seigneur, | souffrez qu’à votre exemple, 6+6 a
Ainsi qu’un mendiant | aux portes d’un palais, 6+6 b
J’adore aussi de loin, | sur le seuil de son temple, 6+6 a
40 Le Dieu qui vous donne la paix. 8 b
Ah ! laissez-moi mêler | mon hymne à vos louanges ! 6+6 a
Que mon encens souillé | monte avec votre encens. 6+6 b
Jadis les fils de l’homme | aux saints concerts des anges 6+6 a
Ne mêlaient-ils pas leurs accents ? 8 b
45 Du nombre des vivants | chaque aurore m’efface ; 6+6 a
Je suis rempli de jours, | de douleurs, de remords. 6+6 b
Sous le portique obscur | venez marquer ma place, 6+6 a
Ici, près du séjour des morts ! 8 b
Souffrez qu’un étranger | veille auprès de leur cendre. 6+6 a
50 Brûlant sur un cercueil | comme ces saints flambeaux, 6+6 b
La mort m’a tout ravi, | la mort doit tout me rendre ; 6+6 a
J’attends le réveil des tombeaux ! 8 b
Ah ! puissé-je près d’eux, | au gré de mon envie, 6+6 a
À l’ombre de l’autel, | et non loin de ce port, 6+6 b
55 Seul, achever ainsi | les restes de ma vie 6+6 a
Entre l’espérance et la mort ! 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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