Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LAM_1/LAM24
Alphonse de LAMARTINE
MÉDITATIONS POÉTIQUES
PREMIÈRES MÉDITATIONS
1820
VINGT-QUATRIÈME MÉDITATION
LE GOLFE DE BAÏA
Vois-tu comme le flot paisible 8 a
Sur le rivage vient mourir ? 8 b
Vois-tu le volage zéphyr 8 b
Rider, d’une haleine insensible, 8 a
5 L’onde qu’il aime à parcourir ? 8 b
Montons sur la barque légère 8 a
Que ma main guide sans efforts, 8 b
Et de ce golfe solitaire 8 a
Rasons timidement les bords. 8 b
10 Loin de nous déjà fuit la rive : 8 a
Tandis que d’une main craintive 8 a
Tu tiens le docile aviron, 8 a
Courbé sur la rame bruyante, 8 b
Au sein de l’onde frémissante 8 b
15 Je trace un rapide sillon. 8 a
Dieu ! quelle fraîcheur on respire ! 8 a
Plongé dans le sein de Téthys ; 8 b
Le soleil a cédé l’empire 8 a
À la pâle reine des nuits ; 8 b
20 Le sein des fleurs demi-fermées 8 a
S’ouvre, et de vapeurs embaumées 8 a
En ce moment remplit les airs ; 8 a
Et du soir la brise légère 8 b
Des plus doux parfums de la terre 8 b
25 À son tour embaume les mers. 8 a
Quels chants sur ces flots retentissent ? 8 a
Quels chants éclatent sur ces bords ? 8 b
De ces doux concerts qui s’unissent 8 a
L’écho prolonge les accords. 8 b
30 N’osant se fier aux étoiles, 8 a
Le pêcheur, repliant ses voiles, 8 a
Salue, en chantant, son séjour ; 8 a
Tandis qu’une folle jeunesse 8 b
Pousse au ciel des cris d’allégresse, 8 b
35 Et fête son heureux retour. 8 a
Mais déjà l’ombre plus épaisse 8 a
Tombe, et brunit les vastes mers ; 8 b
Le bord s’efface, le bruit cesse, 8 a
Le silence occupe les airs. 8 b
40 C’est l’heure où la Mélancolie 8 a
S’assied pensive et recueillie 8 a
Aux bords silencieux des mers ; 8 a
Et, méditant sur les ruines, 8 b
Contemple au penchant des collines 8 b
45 Ce palais, ces temples déserts. 8 a
Ô de la liberté vieille et sainte patrie ! 6+6 a
Terre autrefois féconde en sublimes vertus, 6+6 b
Sous d’indignes Césars1 maintenant asservie, 6+6 a
Ton empire est tombé, tes héros ne sont plus ! 6+6 b
50 Mais dans ton sein l’âme agrandie 8 a
Croit sur leurs monuments respirer leur génie, 6+6 a
Comme on respire encor dans un temple aboli 6+6 a
La majesté du dieu dont il était rempli. 6+6 a
Mais n’interrogeons pas vos cendres généreuses, 6+6 a
55 Vieux Romains, fiers Catons, mânes des deux Brutus ! 6+6 b
Allons redemander à ces murs abattus 6+6 b
Des souvenirs plus doux, des ombres plus heureuses. 6+6 a
Horace, dans ce frais séjour, 8 a
Dans une retraite embellie 8 b
60 Par le plaisir et le génie, 8 b
Fuyait les pompes de la cour ; 8 a
Properce y visitait Cynthie, 8 c
Et sous les regards de Délie 8 c
Tibulle y modulait les soupirs de l’amour. 6+6 a
65 Plus loin, voici l’asile où vint chanter le Tasse, 6+6 a
Quand, victime à la fois du génie et du sort, 6+6 b
Errant dans l’univers, sans refuge et sans port, 6+6 b
La pitié recueillit son illustre disgrâce. 6+6 a
Non loin des mêmes bords, plus tard il vint mourir ; 6+6 a
70 La gloire l’appelait, il arrive, il succombe : 6+6 b
La palme qui l’attend devant lui semble fuir, 6+6 a
Et son laurier tardif n’ombrage que sa tombe. 6+6 b
Colline de Baïa ! poétique séjour ! 6+6 a
Voluptueux vallon qu’habita tour à tour 6+6 a
75 Tout ce qui fut grand dans le monde, 8 a
Tu ne retentis plus de gloire ni d’amour. 6+6 b
Pas une voix qui me réponde, 8 a
Que le bruit plaintif de cette onde, 8 a
Ou l’écho réveillé des débris d’alentour ! 6+6 b
80 Ainsi tout change, ainsi tout passe ; 8 a
Ainsi nous-mêmes nous passons, 8 b
Hélas ! sans laisser plus de trace 8 a
Que cette barque où nous glissons 8 b
Sur cette mer où tout s’efface. 8 a
Ceci était écrit en 1813.
mètre profils métriques : 8, 6+6
logo du CRISCO logo de l'université