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LAM_1/LAM22
Alphonse de LAMARTINE
MÉDITATIONS POÉTIQUES
PREMIÈRES MÉDITATIONS
1820
VINGT-DEUXIÈME MÉDITATION
LE GÉNIE
À M. DE BONALD
In pavidum ferient ruinæ.
HORAT., od. V, lib. III..
Ainsi, quand parmi les tempêtes, 8 a
Au sommet brûlant du Sina, 8 b
Jadis le plus grand des prophètes 8 a
Gravait les tables de Juda ; 8 b
5 Pendant cet entretien sublime, 8 c
Un nuage couvrait la cime 8 c
Du mont inaccessible aux yeux ; 8 d
Et, tremblant aux coups du tonnerre, 8 e
Juda, couché dans la poussière, 8 e
10 Vit ses lois descendre des cieux. 8 d
Ainsi, des sophistes célèbres 8 a
Dissipant les fausses clartés, 8 b
Tu tires du sein des ténèbres 8 a
D’éblouissantes vérités. 8 b
15 Ce voile qui des lois premières 8 c
Couvrait les augustes mystères 8 c
Se déchire et tombe à ta voix ; 8 d
Et tu suis ta route assurée 8 e
Jusqu’à cette source sacrée 8 e
20 Où le monde a puisé ses lois. 8 d
Assis sur la base immuable 8 a
De l’éternelle vérité, 8 b
Tu vois d’un œil inaltérable 8 a
Les phases de l’humanité. 8 b
25 Secoués de leurs gonds antiques, 8 c
Les empires, les républiques 8 c
S’écroulent en débris épars, 8 d
Tu ris des terreurs où nous sommes : 8 e
Partout où nous voyons les hommes, 8 e
30 Un Dieu se montre à tes regards ! 8 d
En vain par quelque faux système 8 a
Un système faux est détruit ; 8 b
Par le désordre à l’ordre même 8 a
L’univers moral est conduit. 8 b
35 Et comme autour d’un astre unique 8 c
La terre, dans sa course oblique, 8 c
Décrit sa route dans les airs, 8 d
Ainsi, par une loi plus belle, 8 e
Ainsi la justice éternelle 8 e
40 Est le pivot de l’univers. 8 d
Mais quoi ! tandis que le génie 8 a
Te ravit si loin de nos yeux, 8 b
Les lâches clameurs de l’envie 8 a
Te suivent jusque dans les cieux ! 8 b
45 Crois-moi, dédaigne d’en descendre ; 8 c
Ne t’abaisse pas pour entendre 8 c
Ces bourdonnements détracteurs. 8 d
Poursuis ta sublime carrière, 8 e
Poursuis : le mépris du vulgaire 8 e
50 Est l’apanage des grands cœurs. 8 d
Objet de ses amours frivoles, 8 a
Ne l’as-tu pas vu tour à tour 8 b
Se forger de frêles idoles 8 a
Qu’il adore et brise en un jour ? 8 b
55 N’as-tu pas vu son inconstance 8 c
De l’héréditaire croyance 8 c
Éteindre les sacrés flambeaux, 8 d
Brûler ce qu’adoraient ses pères, 8 e
Et donner le nom de lumières 8 e
60 À l’épaisse nuit des tombeaux ? 8 d
Secouant ses antiques rênes, 8 a
Mais par d’autres tyrans flatté, 8 b
Tout meurtri du poids de ses chaînes, 8 a
L’entends-tu crier : Liberté ? 8 b
65 Dans ses sacriléges caprices, 8 c
Le vois-tu, donnant à ses vices 8 c
Les noms de toutes les vertus, 8 d
Traîner Socrate aux gémonies, 8 e
Pour faire en des temples impies 8 e
70 L’apothéose d’Anitus ? 8 d
Si, pour caresser sa faiblesse, 8 a
Sous tes pinceaux adulateurs 8 b
Tu parais du nom de sagesse 8 a
Les leçons de ses corrupteurs, 8 b
75 Tu verrais ses mains avilies, 8 c
Arrachant des palmes flétries 8 c
De quelque front déshonoré, 8 d
Les répandre sur ton passage, 8 e
Et, changeant la gloire en outrage, 8 e
80 T’offrir un triomphe abhorré. 8 d
Mais, loin d’abandonner la lice 8 a
Où ta jeunesse a combattu, 8 b
Tu sais que l’estime du vice 8 a
Est un outrage à la vertu. 8 b
85 Tu t’honores de tant de haine ; 8 c
Tu plains ces faibles cœurs qu’entraîne 8 c
Le cours de leur siècle égaré ; 8 d
Et, seul, contre le flot rapide, 8 e
Tu marches d’un pas intrépide 8 e
90 Au but que la gloire a montré ! 8 d
Tel un torrent, fils de l’orage, 8 a
En roulant du sommet des monts, 8 b
S’il rencontre sur son passage 8 a
Un chêne, l’orgueil des vallons, 8 b
95 Il s’irrite, il écume, il gronde ; 8 c
Il presse des plis de son onde 8 c
L’arbre vainement menacé : 8 d
Mais, debout parmi les ruines, 8 e
Le chêne aux profondes racines 8 e
100 Demeure ; et le fleuve a passé. 8 d
Toi donc, des mépris de ton âge 8 a
Sans être jamais rebuté, 8 b
Retrempe ton mâle courage 8 a
Dans les flots de l’adversité ! 8 b
105 Pour cette lutte qui s’achève, 8 c
Que la vérité soit ton glaive, 8 c
La justice ton bouclier. 8 b
Va, dédaigne d’autres armures ; 8 d
Et si tu reçois des blessures, 8 d
110 Nous les couvrirons de laurier ! 8 b
Vois-tu dans la carrière antique, 8 a
Autour des coursiers et des chars, 8 b
Jaillir la poussière olympique 8 a
Qui les dérobe à nos regards ? 8 b
115 Dans sa course ainsi le génie 8 c
Par les nuages de l’envie 8 c
Marche longtemps environné ; 8 d
Mais, au terme de la carrière, 8 e
Des flots de l’indigne poussière 8 e
120 Il sort vainqueur et couronné. 8 d
mètre profil métrique : 8
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