Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LAM_1/LAM14
Alphonse de LAMARTINE
MÉDITATIONS POÉTIQUES
PREMIÈRES MÉDITATIONS
1820
QUATORZIÈME MÉDITATION
LE LAC
Ainsi, toujours poussés | vers de nouveaux rivages, 6+6 a
Dans la nuit éternelle | emporté sans retour, 6+6 b
Ne pourrons-nous jamais | sur l’océan des âges 6+6 a
Jeter l’ancre un seul jour ? 6 b
5 Ô lac ! l’année à peine | a fini sa carrière, 6+6 a
Et près des flots chéris | qu’elle devait revoir, 6+6 b
Regarde ! je viens seul | m’asseoir sur cette pierre 6+6 a
Où tu la vis s’asseoir ! 6 b
Tu mugissais ainsi | sous ces roches profondes ; 6+6 a
10 Ainsi tu te brisais | sur leurs flancs déchirés ; 6+6 b
Ainsi le vent jetait | l’écume de tes ondes 6+6 a
Sur ses pieds adorés. 6 b
Un soir, t’en souvient-il ? | nous voguions en silence ; 6+6 a
On n’entendait au loin, | sur l’onde et sous les cieux, 6+6 b
15 Que le bruit des rameurs | qui frappaient en cadence 6+6 a
Tes flots harmonieux. 6 b
Tout à coup des accents | inconnus à la terre 6+6 a
Du rivage charmé | frappèrent les échos : 6+6 b
Le flot plus attentif, | et la voix qui m’est chère 6+6 a
20 Laissa tomber ces mots : 6 b
« Ô temps, suspends ton vol ! | et vous, heures propices, 6+6 a
» Suspendez votre cours ! 6 b
» Laissez-nous savourer | les rapides délices 6+6 a
» Des plus beaux de nos jours ! 6 b
25 » Assez de malheureux | ici-bas vous implorent, 6+6 a
» Coulez, coulez pour eux ; 6 b
» Prenez avec leurs jours | les soins qui les dévorent ; 6+6 a
» Oubliez les heureux. 6 b
» Mais je demande en vain | quelques moments encore, 6+6 a
30 » Le temps m’échappe et fuit ; 6 b
» Je dis à cette nuit : | Sois plus lente ; et l’aurore 6+6 a
» Va dissiper la nuit. 6 b
» Aimons donc, aimons donc ! | de l’heure fugitive, 6+6 a
» Hâtons-nous, jouissons ! 6 b
35 » L’homme n’a point de port, | le temps n’a point de rive ; 6+6 a
» Il coule, et nous passons ! » 6 b
Temps jaloux, se peut-il | que ces moments d’ivresse, 6+6 a
Où l’amour à longs flots | nous verse le bonheur, 6+6 b
S’envolent loin de nous | de la même vitesse 6+6 a
40 Que les jours de malheur ? 6 b
Hé quoi ! n’en pourrons-nous | fixer au moins la trace ? 6+6 a
Quoi ! passés pour jamais ? | quoi ! tout entiers perdus ? 6+6 b
Ce temps qui les donna, | ce temps qui les efface, 6+6 a
Ne nous les rendra plus ? 6 b
45 Éternité, néant, | passé, sombres abîmes, 6+6 a
Que faites-vous des jours | que vous engloutissez ? 6+6 b
Parlez : nous rendrez-vous | ces extases sublimes 6+6 a
Que vous nous ravissez ? 6 b
Ô lacs ! rochers muets ! | grottes ! forêt obscure ! 6+6 a
50 Vous que le temps épargne | ou qu’il peut rajeunir, 6+6 b
Gardez de cette nuit, | gardez, belle nature, 6+6 a
Au moins le souvenir ! 6 b
Qu’il soit dans ton repos, | qu’il soit dans tes orages, 6+6 a
Beau lac, et dans l’aspect | de tes riants coteaux, 6+6 b
55 Et dans ces noirs sapins, | et dans ces rocs sauvages 6+6 a
Qui pendent sur tes eaux ! 6 b
Qu’il soit dans le zéphyr | qui frémit et qui passe, 6+6 a
Dans les bruits de tes bords | par tes bords répétés, 6+6 b
Dans l’astre au front d’argent | qui blanchit ta surface 6+6 a
60 De ses molles clartés ! 6 b
Que le vent qui gémit, | le roseau qui soupire, 6+6 a
Que les parfums légers | de ton air embaumé, 6+6 b
Que tout ce qu’on entend, | l’on voit ou l’on respire, 6+6 a
Tout dise : Ils ont aimé ! 6 b
mètre profils métriques : 6, 6+6
logo du CRISCO logo de l'université