Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LAM_1/LAM12
Alphonse de LAMARTINE
MÉDITATIONS POÉTIQUES
PREMIÈRES MÉDITATIONS
1820
DOUZIÈME MÉDITATION
L’ENTHOUSIASME
Ainsi, quand l’aigle du tonnerre 8 a
Enlevait Ganymède aux cieux, 8 b
L’enfant, s’attachant à la terre, 8 a
Luttait contre l’oiseau des dieux ; 8 b
5 Mais entre ses serres rapides 8 c
L’aigle pressant ses flancs timides, 8 c
L’arrachait aux champs paternels ; 8 d
Et, sourd à la voix qui l’implore, 8 e
Il le jetait, tremblant encore, 8 e
10 Jusques aux pieds des immortels. 8 d
Ainsi quand tu fonds sur mon âme, 8 a
Enthousiasme, aigle vainqueur, 8 b
Au bruit de tes ailes de flamme 8 a
Je frémis d’une sainte horreur ; 8 b
15 Je me débats sous ta puissance, 8 c
Je fuis, je crains que ta présence 8 c
N’anéantisse un cœur mortel, 8 d
Comme un feu que la foudre allume, 8 e
Qui ne s’éteint plus, et consume 8 e
20 Le bûcher, le temple et l’autel. 8 d
Mais à l’essor de la pensée 8 a
L’instinct des sens s’oppose en vain : 8 b
Sous le dieu mon âme oppressée 8 a
Bondit, s’élance, et bat mon sein. 8 b
25 La foudre en mes veines circule : 8 c
Étonné du feu qui me brûle, 8 c
Je l’irrite en le combattant. 8 d
Et la lave de mon génie 8 e
Déborde en torrents d’harmonie, 8 e
30 Et me consume en s’échappant. 8 d
Muse, contemple ta victime ! 8 a
Ce n’est plus ce front inspiré, 8 b
Ce n’est plus ce regard sublime 8 a
Qui lançait un rayon sacré : 8 b
35 Sous ta dévorante influence, 8 c
À peine un reste d’existence 8 c
À ma jeunesse est échappé. 8 b
Mon front, que la pâleur efface, 8 d
Ne conserve plus que la trace 8 d
40 De la foudre qui m’a frappé. 8 b
Heureux le poëte insensible ! 8 a
Son luth n’est point baigné de pleurs ; 8 b
Son enthousiasme paisible 8 a
N’a point ces tragiques fureurs. 8 b
45 De sa veine féconde et pure 8 c
Coulent, avec nombre et mesure, 8 c
Des ruisseaux de lait et de miel ; 8 d
Et ce pusillanime Icare, 8 e
Trahi par l’aile de Pindare, 8 e
50 Ne retombe jamais du ciel. 8 d
Mais nous, pour embraser les âmes, 8 a
Il faut brûler, il faut ravir 8 b
Au ciel jaloux ses triples flammes : 8 a
Pour tout peindre, il faut tout sentir. 8 b
55 Foyers brûlants de la lumière, 8 c
Nos cœurs de la nature entière 8 c
Doivent concentrer les rayons ; 8 d
Et l’on accuse notre vie ! 8 e
Mais ce flambeau qu’on nous envie 8 e
60 S’allume au feu des passions. 8 d
Non, jamais un sein pacifique 8 a
N’enfanta ces divins élans, 8 b
Ni ce désordre sympathique 8 a
Qui soumet le monde à nos chants. 8 b
65 Non, non, quand l’Apollon d’Homère, 8 c
Pour lancer ses traits sur la terre, 8 c
Descendait des sommets d’Éryx, 8 d
Volant aux rives infernales, 8 e
Il trempait ses armes fatales 8 e
70 Dans les eaux bouillantes du Styx. 8 d
Descendez de l’auguste cime 8 a
Qu’indignent de lâches transports ! 8 b
Ce n’est que d’un luth magnanime 8 a
Que partent les divins accords. 8 b
75 Le cœur des enfants de la lyre 8 c
Ressemble au marbre qui soupire 8 c
Sur le sépulcre de Memnon : 8 d
Pour lui donner la voix et l’âme, 8 e
Il faut que de sa chaste flamme 8 e
80 L’œil du jour lui lance un rayon. 8 d
Et tu veux qu’éveillant encore 8 a
Des feux sous la cendre couverts, 8 b
Mon reste d’âme s’évapore 8 a
En accents perdus dans les airs ! 8 b
85 La gloire est le rêve d’une ombre ; 8 c
Elle a trop retranché le nombre 8 c
Des jours qu’elle devait charmer. 8 d
Tu veux que je lui sacrifie 8 e
Ce dernier souffle de ma vie ! 8 e
90 Je veux le garder pour aimer. 8 d
mètre profil métrique : 8
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