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LAL_1/LAL1
corpus Pamela Puntel
Léopold LALUYÉ
A LA FRANCE
1871
A MONSIEUR ANDRÉ FRANCHE
O France ! après dix mois d'une lutte stérile, 6+6 a
— Jours de fatale erreur que ton martyre absout, — 6+6 b
Après tes nuits de siège et de guerre civile, 6+6 a
Après l'embrasement de ta plus grande ville, 6+6 a
5 Tu restes belle encore, imposante et debout. 6+6 b
Ceux qui parlaient déjà de ta chute future 6+6 a
Et qui de ta grandeur avaient perdu la foi, 6+6 b
En te voyant si tôt reprendre ton allure 6+6 a
Et secouer au vent ta forte chevelure, 6+6 a
10 Ceux-là sont aujourd'hui bien plus pâles que toi. 6+6 b
Car ta large blessure ils la croyaient mortelle, 6+6 a
Ces haineux ennemis qui raillaient ta vigueur ; 6+6 b
Ils la verront bientôt cicatrisée, et telle 6+6 a
Que la croix du soldat, glorieuse étincelle, 6+6 a
15 Resplendir au point juste où palpite ton cœur. 6+6 b
Le temps relèvera tes sanglantes ruines, 6+6 a
La sève de tes bois n'est point tarie encor, 6+6 b
Tes lauriers abattus ont laissé des racines, 6+6 a
Patrie ! et ton soleil a des chaleurs divines 6+6 a
20 Qui sur ton sol aimé dardent leurs rayons d'or. 6+6 b
Mais après tant de jours de doute et de martyre, 6+6 a
Pour être encor la France et garder le front haut, 6+6 b
— Mère, pardonne-moi ce que j'ose te dire, 6+6 a
A toi qui sus toujours plus aimer que maudire… — 6+6 a
25 Oui, pour être la France ainsi qu'il nous la faut, 6+6 b
D'abord, résigne-toi, calme ta douleur vaine, 6+6 a
Laisse au repos ce fer que l'implacable sort 6+6 b
A tordu dans tes mains, contrains aussi ta haine, 6+6 a
Comme un lion blessé qui rugit sous sa chaîne 6+6 a
30 Et qui, pour un moment, s'accroupit et s'endort. 6+6 b
Tu sauras, n'est-ce pas ? bannir de ta mémoire 6+6 a
Ces vieux chants guerroyeurs qui nous grisaient souvent. 6+6 b
La France, ayant subi son heure expiatoire, 6+6 a
Ne doit plus demander les secrets de sa gloire 6+6 a
35 Qu'aux leçons du passé, ce vieux maître savant. 6+6 b
Et tu répudîras ces splendeurs éphémères, 6+6 a
Flamme où des vanités bourdonnent les essaims, 6+6 b
Et d'un geste puissant tu montreras aux mères 6+6 a
Le livre du devoir et des vertus austères, 6+6 a
40 Afin que leurs enfants soient robustes et sains. 6+6 b
Tu renîras aussi la horde tyrannique 6+6 a
De ces fous ténébreux qui, toujours maudissant, 6+6 b
Dans leur ambition perdent la République, 6+6 a
S'accrochent aux longs plis de ta blanche tunique, 6+6 a
45 Et s'en font un drapeau qu'ils teignent de ton sang. 6+6 b
Ils ne sont pas tes fils, ceux-là ! Tes enfants, mère, 6+6 a
Vénèrent ta douleur et respectent ton deuil. 6+6 b
Quelques-uns des combats portent la trace altière, 6+6 a
Bien d'autres ne sont plus !… Ils dorment sous la terre, 6+6 a
50 Embaumés dans leur gloire, au fond d'un froid cercueil. 6+6 b
Ne les plains pas : la mort, qui dompta leur courage, 6+6 a
Leur a fermé les yeux à tes affronts derniers 6+6 b
Plains les vivants plutôt, plains ceux pour qui l'orage 6+6 a
N'a ni soleil ni trêve, et qui font le voyage 6+6 a
55 De la vie à travers les plus sombres sentiers. 6+6 b
A ces déshérités que le besoin flagelle, 6+6 a
Que la misère enlace au fond d'un bouge affreux, 6+6 b
Donne pour oasis un abri sous ton aile, 6+6 a
Tends à ces affamés ta robuste mamelle, 6+6 a
60 Qu'ils goûtent les saveurs de ton lait généreux. 6+6 b
Inonde-les aussi d'air pur et de lumière, 6+6 a
Dilate ces cerveaux par l'ignorance étreints, 6+6 b
Montre-leur Dieu qui veille au fond de la prière, 6+6 a
Fais-leur aimer la femme et respecter la mère, 6+6 a
65 Rends moins sombres leurs nuits et leurs jours plus sereins. 6+6 b
Et tu pourras alors, calme, mais attentive 6+6 a
Aux flots envahisseurs de ce Rhin allemand, 6+6 b
Laisser dans ton cœur fier, où Dieu veut qu'elle vive, 6+6 a
Ta haine fermenter comme une eau corrosive 6+6 a
70 jusqu'au jour désiré du dernier dénoûment. 6+6 b
Il viendra, ce jour… Quand ? nul ne le sait, peut-être. 6+6 a
Attends ! l'attente est forte, elle élève ou soumet ; 6+6 b
Le temps qui déracine est celui qui fait naître : 6+6 a
Par lui l'arbre abattu voit encore apparaître 6+6 a
75 Des rameaux qui plus tard redeviennent sommet. 6+6 b
Et tu seras toujours la grande souveraine 6+6 a
Et ton épée encor servira des ingrats ; 6+6 b
Et tu pourras enfin des trésors de ta haine 6+6 a
Acquitter le rachat d'Alsace et de Lorraine, 6+6 a
80 Ces robustes enfants arrachés de tes bras. 6+6 b
Oui, tu vivras toujours ! Oui, malgré ta souffrance, 6+6 a
Tes désastres, malgré la haine et ses complots ; 6+6 b
Tu vivras grande encore ; et tu seras, ô France ! 6+6 a
Même dans la tempête, où sombre l'espérance, 6+6 a
85 Comme le Fils de Dieu qui marchait sur les flots. 6+6 b
Donc à l'œuvre ! En avant ! Reprends ta foi native, 6+6 a
Ressaisis les outils du travail en éveil, 6+6 b
Fais naître ces lueurs que ta pensée avive, 6+6 a
Patrie ! et souviens.toi que l'Europe, inactive 6+6 a
90 De ton repos, attend l'heure de ton réveil. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite périodique
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