Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LAF_2/LAF53
Jules LAFORGUE
Les Complaintes
1885
COMPLAINTE DES FORMALITÉS NUPTIALES
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LUI
Allons, vous prendrez froid.
ELLE
Non ; je suis un peu lasse. 6+6 a
Je voudrais écouter toujours ce cor de chasse ! 6+6 a
LUI
Dis, veux-tu te vêtir de mon Être éperdu ? 6+6 b
ELLE
Tu le sais ; mais il fait si pur à la fenêtre… 6+6 c
LUI
5 Ah ! Tes yeux m'ont trahi l'Idéal à connaître ; 6+6 c
Et je le veux, de tout l'univers de mon être ! 6+6 c
Dis, veux-tu ? 3 b
ELLE
Devant cet univers, aussi, je me veux femme ; 6+6 d
C'est pourquoi tu le sais. Mais quoi ! Ne m'as-tu pas 6+6 e
10 Prise toute déjà ? Par tes yeux, sans combats ! 6+6 e
À la messe, au moment du grand Alléluia, 6+6 e
N'as-tu pas eu mon âme ? 6 d
LUI
Oui ; mais l'Unique Loi veut que notre serment 6+6 g
Soit bapti des roses de ta croix nouvelle ; 4+8 h
15 Tes yeux se font mortels, mais ton destin m'appelle, 6+6 h
Car il sait que, pour naître aux moissons mutuelles, 6+6 h
Je dois te caresser bien singulièrement : 6+6 g
Vous verrez mon palais ! Vous verrez quelle vie ! 6+6 j
J'ai de gros lexicons et des photographies, 6+6 j
20 De l'eau, des fruits, maints tabacs, 7 e
Moi, plus naïf qu'hypocondre, 7 l
Vibrant de tact à me fondre, 7 l
Trempé dans les célibats. 7 e
Bon et grand comme les bêtes, 7 m
25 Pointilleux, mais emballé, 7 n
Inconscient, mais esthète, 7 m
Oh ! Veux-tu nous en aller 7 n
Vers les pôles dont vous êtes ? 7 m
Vous verrez mes voiliers ! Vous verrez mes jongleurs ! 6+6 p
30 Vous soignerez les fleurs de mon bateau de fleurs. 6+6 p
Vous verrez qu'il y en a plus que je n'en étale. 6+6 q
Et quels violets gros deuil sont ma couleur locale, 6+6 q
Et que mes yeux sont ces vases d'Élection 6−6 r
Des Danaïdes où sans fin nous puiserions ! 6+6 r
35 Des prairies adorables, 6 t
Loin des mufles des gens ; 6 u
Et, sous les ciels changeants, 6 u
Maints hamacs incassables ! 6 t
Dans les jardins 4 v
40 De nos instincts 4 v
Allons cueillir 4 w
De quoi guérir… 4 w
Cuirassés des calus de mainte expérience, 6+6 x
Ne mettant qu'en mes yeux leurs lettres de créance, 6+6 x
45 Les orgues de mes sens se feront vos martyrs 6+6 w
Vers des cieux sans échos étoilés à mourir ! 6+6 w
ELLE
Tu le sais ; mais tout est si décevant ! Ces choses 6+6 z
Me poignent, après tout, d'un infaillible émoi ! 6+6 a
Raconte-moi ta vie, ou bien étourdis-moi. 6+6 a
50 Car je me sens obscure, et, je ne sais pourquoi, 6+6 e
Je me compare aux fleurs injustement écloses… 6+6 z
LUI
Tu verras, c'est un rêve. Et tu t'éveilleras 6+6 e
Guérie enfin du mal de pousser solitaire. 6+6 b
Puis, ma fine convalescente du Mystère, 8+4 b
55 On vous soignera bien, nuit et jour, seuls sur terre. 6+6 b
Tu verras ? 3 e
ELLE
Tu le sais. Ah ! ‒ si tu savais ! Car tu m'as prise ! 6−6 c
Bien au delà ! Avec tes yeux, qui me suffisent. 6+6 c
Oui, tes yeux francs seront désormais mon église. 6+6 c
60 Avec nos regards seulement, 8 g
Alors, scellons notre serment ? 8 g
LUI
Allons, endormez-vous, mortelle fiancée. 6+6 e
Là, dans mes bras loyaux, sur mon grand cœur bercée, 6+6 e
Suffoquez aux parfums de l'unique pensée 6+6 e
65 Que la vie est sincère et m'a fait le plus fort. 6+6 f
ELLE
Tiens, on n'entend plus ce cor ; vous savez, ce cor… 6−6 f
LUI
L'Ange des Loyautés l'a baisée aux deux tempes ; 6+6 h
Elle dort maintenant dans l'angle de ma lampe. 6+6 h
Ô nuit, 2 j
70 Fais-toi lointaine 4 k
Avec ta traîne 4 k
Qui bruit ! 2 j
Ô défaillance universelle ! 8 h
Mon unique va naître aux moissons mutuelles ! 6+6 h
75 Pour les fortes roses de l'amour 9 l
Elle va perdre, lys pubère, 8 b
Ses nuances si solitaires, 8 b
Pour être, à son tour, 5 l
Dame d'atour 4 l
80 De Maïa ! 4 f
Alléluia ! 4 f
mètre profils métriques : 3, 6, 7, 4, 8, 2, 6=6, (5), (9)
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