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12 longueur métrique
6-6 mètre
LAC_3/LAC243
Auguste LACAUSSADE
Les Épaves
1876
POÈMES NATIONAUX
III
Une Victime de Sedan
A LA MÉMOIRE DE MON AMI D'ENFANCE
HYACINTHE ROLLAND
lieutenant-colonel d'artillerie, né à l'île Bourbon,
mortellement blessé à la bataille de Sedan.
I
Tu dors sous la terre étrangère, 8 a
Frappé par l'obus ennemi, 8 b
De mon enfance toi le frère, 8 a
De ma jeunesse toi l'ami ! 8 b
5 Soldat au cœur stoïque et brave, 8 a
Voyant nos foyers envahis, 8 b
Quand vint ton heure, calme et grave, 8 a
Tu sus mourir pour ton pays. 8 b
Du sein des tempêtes trtresses 8 a
10 la France allait s'engloutir, 8 b
J'entends encor de tes détresses 8 a
Le cri dans mon cœur retentir : 8 b
« Surpris ! perdus ! — L'armée entière, 8 a
Fantassins, cavaliers, chevaux, 8 b
15 Gît sanglante dans la poussière, 8 a
Comme Rolland à Roncevaux. 8 b
« Revers sans nom ! sort lamentable ! 8 a
Le nombre et l'astuce ont vaincu ! 8 b
Rêve impossible et véritable ! 8 a
20 Et voir cela ! … J'ai trop vécu ! 8 b
« Aux armes ! La levée en masse ! 8 a
Devant ce flot de ravageurs 8 b
Qui nous submerge et vous enlace, 8 a
Levez-vous ! soyez nos vengeurs ! 8 b
25 « Fils de la ferme, enfants des villes, 8 a
Tous, tous, de l'un à l'autre bout 8 b
Du sol, sur ces meutes serviles 8 a
Ruez-vous en armes ! — debout ! 8 b
« Des francs-tireurs, des volontaires 8 a
30 Lancez sur eux les bataillons ! 8 b
Que ces bandits incendiaires 8 a
Trouvent la mort dans vos sillons ! 8 b
« Derrière vous faites le vide ! 8 a
Brûlez maisons, fourrage et grain ! 8 b
35 Que des pillards la horde avide 8 a
Autour de vous meure de faim ! 8 b
« Prenez la faux ! prenez la hache ! 8 a
Prenez la fourche et le bâton ! 8 b
Frappez sans trêve et sans relâche ! 8 a
40 Chassez du pays le Teuton ! 8 b
« Nous restons, nous, à la frontière 8 a
Pour la défendre et vous couvrir ! 8 b
Que la France se lève entière, 8 a
Jetant son cri : « Vaincre ou mourir ! » 8 b
45 Ainsi, le soir d'une bataille, 8 a
Tu m'écrivais. Le lendemain, 8 b
Tombant sur un lit de mitraille, 8 a
Tu t'affaissais, l'épée en main ; 8 b
Et couché dans ta froide bière, 8 a
50 Pour toujours tu t'es endormi, 8 b
Toi qui par le cœur fus mon frère ! 8 a
Toi de ma jeunesse l'ami ! 8 b
II
O guerre, exécrable furie, 8 a
Sois maudite sur son cercueil ! 8 b
55 De mon frère et de ma patrie 8 a
Je porte au cœur le double deuil ! 8 b
Sois maudite, horrible prêtresse 8 a
De l'horrible dieu des combats ! 8 b
Frappé dans ma double tendresse, 8 a
60 Désormais que faire ici-bas ? 8 b
Sois maudite, atroce Mégère, 8 a
Toi qui m'a pris ce que j'aimais ! 8 b
Il dort sous la terre étrangère : 8 a
Que faire ici-bas désormais ? 8 b
III
65 Hélas ! ma vie est orpheline. 8 a
Seul avec nos espoirs trahis, 8 b
Enfant de la même colline, 8 a
Pour te pleurer je te survis. 8 b
Tombez, tombez, larmes discrètes 8 a
70 Que n'essuîra plus l'amitié ! 8 b
Coulez, ô blessures secrètes, 8 a
Dans l'ombre je fuis la pitié ! 8 b
Et toi, Muse aux chastes caresses, 8 a
Du passé descends à ma voix ! 8 b
75 Endors mes présentes tristesses 8 a
Au chant des bonheurs d'autrefois. 8 b
IV
C'était un fils de nos savanes, 8 a
Une âme dont la loyauté 8 b
De nos cieux clairs et diaphanes 8 a
80 Reflétait la limpidité. 8 b
Il naquit dans mon île heureuse, 8 a
Aux pics neigeux, aux verts palmiers ; 8 b
Une même vallée ombreuse 8 a
Abrita nos songes premiers. 8 b
85 Il rêvait bataille et victoire, 8 a
Au temps de sa verte primeur ; 8 b
Les fiers récits de notre histoire 8 a
Charmaient sa belliqueuse humeur. 8 b
Un beau fait de chevalerie 8 a
90 Mettait l'éclair en son regard ; 8 b
Les preux hantaient sa rêverie, 8 a
Et son héros était Bayard. 8 b
Dans l'enfant l'homme se révèle, 8 a
Le fruit s'annonce dès la fleur : 8 b
95 Il fut dans une ère nouvelle 8 a
Un servant de l'antique honneur. 8 b
La gloire à son brûlant mirage, 8 a
Jeune encor, l'avait fasciné : 8 b
Chevalier perdu dans notre âge, 8 a
100 En d'autres jours que n'est-il né ! 8 b
Nature aimante autant que fière, 8 a
Cœur d'or sous l'armure d'acier, 8 b
Rude pour la fortune altière, 8 a
Pour le malheur hospitalier, 8 b
105 Il sut toujours vers l'humble peine, 8 a
Qui se dérobe en sa pudeur, 8 b
Venir discret et la main pleine 8 a
Des saintes aumônes du cœur. 8 b
Que de fois, dans la défaillance 8 a
110 Du rêveur sous le sort ployé, 8 b
J'ai repris sève et confiance, 8 a
Mon bras sur son bras appuyé ! 8 b
Ravivant mon âme alanguie, 8 a
Sa force employait la douceur : 8 b
115 Du frère il avait l'énergie 8 a
Et les tendresses de la sœur. 8 b
La franche équité du créole 8 a
Vibrait dans ses moindres accents ; 8 b
Et du succès jamais l'idole 8 a
120 N'a connu son loyal encens. 8 b
Brave et sûr comme son épée, 8 a
Au Droit vaincu gardant sa foi, 8 b
Jamais la victoire usurpée 8 a
Ne l'a vu plier sous la loi. 8 b
125 Comme l'eau qui sort de la roche 8 a
Dans nos montagnes de granit, 8 b
Âme limpide et sans reproche, 8 a
Loin de la source fut son nid, 8 b
Au milieu des camps et des villes, 8 a
130 Partout son flot l'a porté, 8 b
Il traversa nos mœurs serviles 8 a
Sans y souiller sa pureté. 8 b
Fuyant tout chemin qui dévie, 8 a
De la faveur n'acceptant rien, 8 b
135 Il mena droit sa noble vie : 8 a
Il vit le mal et crut au bien ; 8 b
Et, soldat au devoir fidèle, 8 a
Quand vint son jour, vaillant martyr, 8 b
Comme le héros, son modèle, 8 a
140 Pour son pays il sut mourir. 8 b
V
Et maintenant, loin de notre île 8 a
Aux pics neigeux, aux palmiers verts, 8 b
Il dort dans son dernier asile, 8 a
L'ami que je pleure en mes vers. 8 b
145 Il dort, et je ne sais pas même 8 a
Sous quel tertre, dans quel caveau, 8 b
Il a trouvé, tranquille et blême, 8 a
L'hospitalité du tombeau. 8 b
J'ignore en quels lieux il repose, 8 a
150 J'ignore prier et venir, 8 b
puisse poser son pied rose 8 a
La colombe du souvenir. 8 b
VI
Revole aux bois de notre enfance, 8 a
Revole, oiseau, vers nos grands bois ! 8 b
155 C'est là qu'en sa fleur d'innocence 8 a
Notre âme habitait autrefois. 8 b
C'est là qu'habite encor son ombre, 8 a
C'est là qu'elle erre au bord des mers, 8 b
Au pied du morne abrupt et sombre 8 a
160 Que blanchit l'onde aux flux amers. 8 b
Il aimait ce lieu solitaire, 8 a
la flèche des filaos 8 b
Mêle sans fin sa plainte austère 8 a
A la plainte sans fin des flots ; 8 b
165 le vent qui vient des ravines, 8 a
Sur la grève aux cailloux polis, 8 b
Porte imprégné d'odeurs divines 8 a
Le chant plaintif des bengalis. 8 b
Plage ombreuse la brise et l'onde, 8 a
170 Et l'oiseau, tout semble gémir : 8 b
C'est là, dans cette paix profonde, 8 a
Qu'il espérait un jour dormir. 8 b
C'est là, dans cette anse isolée, 8 a
Verdoyant Éden de la mort, 8 b
175 Qu'à son tour ma nef exilée 8 a
Viendra trouver l'abri du port. 8 b
C'est là qu'avant moi revenue, 8 a
Fidèle à son premier séjour, 8 b
Son âme, à ces beaux lieux connue, 8 a
180 M'attend, sûre de mon retour ; 8 b
Là que nos ombres fraternelles, 8 a
Dans la paix des nuits sans réveil, 8 b
Au bruit des vagues maternelles, 8 a
Dormiront leur dernier sommeil. 8 b
mètre profil métrique : 8
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