Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LAC_3/LAC234
Auguste LACAUSSADE
Les Épaves
1876
LES AUTOMNALES
VI
Les Soleils de Novembre
Un beau ciel de novembre aux clartés automnales 6+6 a
Baignait de ses tiédeurs les vallons vaporeux ; 6+6 b
Les feux du jour buvaient les gouttes matinales 6+6 a
Qui scintillaient dans l'herbe au bord des champs pierreux. 6+6 b
5 Les coteaux de Lormont, où s'effeuillaient les vignes, 6+6 a
Étageaient leurs versants jaunis sous le ciel clair ; 6+6 b
Vers l'orient fuyaient et se perdaient leurs lignes 6+6 a
En des lointains profonds et bleus comme la mer. 6+6 b
Lente et faible, la brise avait des plaintes douces 6+6 a
10 En passant sous les bois à demi dépouillés ; 6+6 b
L'une après l'une au vent tombaient les feuilles rousses, 6+6 a
Elles tombaient sans bruit sur les gazons mouillés. 6+6 b
Hélas ! plus d'hirondelle au toit brun des chaumières, 6+6 a
Plus de vol printanier égayant l'horizon ; 6+6 b
15 Dans l'air pâle, émanant ses tranquilles lumières, 6+6 a
Rayonnait l'astre d'or de l'arrière-saison. 6+6 b
La terre pacifique, aux rêveuses mollesses, 6+6 a
Après l'âpre labeur des étés florissants, 6+6 b
Semblait goûter, pareille aux sereines vieillesses, 6+6 a
20 Les tièdes voluptés des soleils finissants. 6+6 b
Avant les froids prochains, antique Nourricière, 6+6 a
Repose-toi, souris à tes champs moissonnés ! 6+6 b
Heureux qui, l'âme en paix au bout de sa carrière, 6+6 a
Peut comme toi sourire à ses jours terminés ! 6+6 b
25 Mais nous, rimeurs chétifs, aux pauvretés superbes, 6+6 a
De nos vertes saisons, hélas ! qu'avons-nous fait ? 6+6 b
Qui peut dire entre nous, pesant ses lourdes gerbes : 6+6 a
« Mourons ! mon œuvre est mûre et mon cœur satisfait ! » 6+6 b
Jouets du rythme, esprits sans boussole et sans force, 6+6 a
30 Dans ses néants la forme égara nos ferveurs ; 6+6 b
Du vrai, du grand, du beau nous n'aimions que l'écorce ; 6+6 a
Nous avons tout du fruit, tout, hormis les saveurs ! 6+6 b
En nombres d'or rimant l'amour et ses délires, 6+6 a
Nous n'avons rien senti, nous avons tout chanté. 6+6 b
35 Vides sont les accords qu'ont exhalé nos lyres ! 6+6 a
Vide est le fruit d'orgueil que notre arbre a porté ! 6+6 b
Tombez, tombez, tombez, feuilles silencieuses, 6+6 a
Fleurs séniles, rameaux aux espoirs avortés ! 6+6 b
Fermez-vous sans écho, lèvres mélodieuses ! 6+6 a
40 Endormons-nous muets dans nos stérilités ! 6+6 b
Plus de retours amers ! trêve aux jactantes vaines !… 6+6 a
Oui, la Muse eût voulu des astres plus cléments ! 6+6 b
Un sang pauvre et le doute, hélas ! glaçaient nos veines : 6+6 a
Nous sommes de moitié dans nos avortements. 6+6 b
45 Il faisait froid au ciel quand nous vînmes au monde, 6+6 a
La sève était tarie où puisaient les aïeux. 6+6 b
Résignons-nous, enfants d'une époque inféconde : 6+6 a
Nous mourons tout entiers, nous qui vivons sans dieux ! 6+6 b
O dureté des temps ! ô têtes condamnées ! 6+6 a
50 Fiers espoirs d'où la nuit et l'oubli seuls naîtront ! 6+6 b
Eh bien, soit ! — Acceptons, amis, nos destinées : 6+6 a
Sans haine effaçons-nous devant ceux qui viendront ! 6+6 b
Succédez-nous, croissez, races neuves et fortes ! 6+6 a
Mais nous, dont vous vivrez, nous voulons vous bénir. 6+6 b
55 Plongez vos pieds d'airain dans nos racines mortes ! 6+6 a
D'un feuillage splendide ombragez l'avenir ! 6+6 b
Et vous, ferments sacrés des époques prospères, 6+6 a
Foi, liberté, soleil, trésors inépuisés, 6+6 b
Donnez à nos vainqueurs, oublieux de leurs pères, 6+6 a
60 Tous les biens qu'aux vaincus la vie a refusés ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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