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LAC_2/LAC95
Auguste LACAUSSADE
Poèmes et Paysages
1852
POÈMES ET PAYSAGES
LXIV
Les Jours de Juin
A Eugène L…
Eugène, puisque Juin, le plus feuillu des mois, 6+6 a
Est de retour, veux-tu tous deux aller au bois ? 6+6 a
Ensemble et seuls, veux-tu, sous l'épaisse ramure, 6+6 a
Prendre un long bain de calme, et d'ombre, et de verdure ? 6+6 a
5 Viens-t-en sous la forêt de Meudon ou d'Auteuil 6+6 a
Ouïr gaîment siffler le merle et le bouvreuil. 6+6 a
Vois, ami, le beau ciel ! la belle matinée ! 6+6 a
Tout nous promet sur l'herbe une bonne journée. 6+6 a
Qui te retient ? Partons, amis au cœur joyeux, 6+6 a
10 Allons vivre ! fermons nos livres ennuyeux ! 6+6 a
Oublions nos travaux, nos soucis, notre prose ! 6+6 a
Sur sa tige allons voir s'épanouir la rose ! 6+6 a
Dans la mousse odorante où croît le serpolet, 6+6 a
Quel bonheur d'égrener des fraises dans du lait, 6+6 a
15 Et, d'un tabac ambré fumant des cigarettes, 6+6 a
Assis sur le gazon jonché de pâquerettes, 6+6 a
De discourir de tout, de demain, d'aujourd'hui, 6+6 a
Et du passé d'hier, bel âge évanoui, 6+6 a
Jours si vite envolés de collège et d'études, 6+6 a
20 Et de nos froids pédants aux doctes habitudes, 6+6 a
Et des maîtres aimés, nos bons vieux professeurs, 6+6 a
Les Ménard, les Duguet, aux sévères douceurs ! 6+6 a
Nous nous rappellerons nos longues promenades 6+6 a
Au Pont du Sens, nos bains l'été, nos camarades, 6+6 a
25 Chers enfants dispersés à tous les vents du sort, 6+6 a
Ceux-là pris par le monde, et ceux-ci par la mort, 6+6 a
Hélas ! Et le silence aux molles rêveries 6+6 a
Alors remplacera nos vives causeries ; 6+6 a
Et des dômes ombreux qu'attiédit le soleil, 6+6 a
30 Descendra sur nos fronts un transparent sommeil, 6+6 a
Sommeil fait de lumière et de vague pensée ; 6+6 a
Et, comme une onde errante et d'un doux vent bercée, 6+6 a
Abandonnant notre âme à ses songes flottants, 6+6 a
Les yeux à demi clos nous rêverons longtemps… 6+6 a
35 Puis, renouant le fil des longues confidences, 6+6 a
Nous dirons nos travaux, nos vœux, nos espérances ; 6+6 a
Et, tels que dans l'églogue aux couplets alternés, 6+6 a
Deux pasteurs devisant sur leurs vers nouveau-nés, 6+6 a
Nous nous réciterons, toi ta chère Vendée, 6+6 a
40 Beau livre où ton esprit couve une grande idée ; 6+6 a
Moi, mes chants sur mon île aux palmiers toujours verts, 6+6 a
Éclose au sein des eaux comme une fleur des mers. 6+6 a
Et tu verras passer dans ces vers sans culture 6+6 a
Un monde jeune et fort, une vierge nature, 6+6 a
45 Des savanes, des monts pleins de mâles beautés, 6+6 a
Et, creusés dans leurs flancs, ces vallons veloutés 6+6 a
Où, près des froids torrents bordés de mousse fraîche, 6+6 a
Mûrissent pour l'oiseau le jam-rose et la pêche ; 6+6 a
Un soleil merveilleux, un ciel profond et clair, 6+6 a
50 Des bengalis, des fleurs, joie et parfums de l'air, 6+6 a
Tout un Éden baigné de splendeur et d'arôme 6+6 a
Où tout est poétique et grand, excepté l'homme ! 6+6 a
Puis les oiseaux viendront, gazouillant leurs amours, 6+6 a
A mes lointains pensers donner un autre cours. 6+6 a
55 Ils diront leurs amours, et moi, sous la ramée, 6+6 a
Comme eux, je te dirai ma pâle bien-aimée, 6+6 a
Aux longs cheveux plus noirs que l'aile du corbeau, 6+6 a
Aux yeux d'ébène, au front intelligent et beau, 6+6 a
Sa bouche jeune et mûre, et sur ses dents nacrées 6+6 a
60 Le rire éblouissant de ses lèvres pourprées, 6+6 a
Et sa belle indolence et sa belle fierté, 6+6 a
Et sa grâce plus douce encor que sa beauté ! 6+6 a
Alors, adieu mon île et les vertes savanes, 6+6 a
Et les ravins abrupts tapissés de lianes, 6+6 a
65 Les mimosas en fleur, le chant des bengalis ! 6+6 a
Adieu travaux et vers, la Muse et mon pays ! 6+6 a
J'aurai tout oublié, radieux et fidèle, 6+6 a
Pour ne me souvenir et ne parler que d'elle ! 6+6 a
Je te raconterai — souvenir embaumé ! — 6+6 a
70 Comment, un soir d'avril, je la vis et l'aimai ; 6+6 b
Comment de simples fleurs, de douces violettes, 6+6 c
Furent de notre amour les chastes interprètes ; 6+6 c
Comment, un autre soir, à son front j'ai posé 6+6 b
Des lèvres où mon cœur palpitait embrasé ; 6+6 a
75 Comment dans un éclair de volupté suprême, 6+6 a
Pressant contre mon sein le sein brisé qui m'aime, 6+6 a
Foudroyé de bonheur et me sentant mourir, 6+6 a
J'ai crié : « Maintenant, ô mort ! tu peux venir ! » 6+6 a
Mais, vois ! le ciel serein ! la belle matinée ! 6+6 a
80 Tout nous promet sur l'herbe une bonne journée. 6+6 a
Viens-t'en ! fuyons la ville ! Amis au cœur joyeux, 6+6 a
Allons vivre ! fermons nos livres ennuyeux ! 6+6 a
Ensemble et seuls, allons sous l'épaisse ramure 6+6 a
Prendre un long bain d'oubli, de calme et de verdure. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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