Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAC_2/LAC77
Auguste LACAUSSADE
Poèmes et Paysages
1852
POÈMES ET PAYSAGES
XLVI
Souvenirs d'enfance
O frère, ô jeune ami, dernier fils de ma mère, 6+6 a
O toi qui devanças, dans le val regretté, 6+6 b
Cette enfant, notre sœur, une rose éphémère, 6+6 a
Qui ne vécut qu'un jour d'été ; 8 b
5 Que fais-tu, cher absent, ô mon frère ! à cette heure 6+6 a
Où mon cœur et mes yeux se retournent vers toi ? 6+6 b
Ta pensée, évoquant les beaux jours que je pleure, 6+6 a
Revole-t-elle aussi vers moi ? 8 b
Souvent dans mon exil, je rêve à notre enfance, 6+6 a
10 A nos matins si purs écoulés sous les bois, 6+6 b
Et sur mon front le vent des souvenirs balance 6+6 a
Les molles ombres d'autrefois. 8 b
Pour tromper les ennuis d'un présent bien aride 6+6 a
Pour rafraîchir mon pied que la route a lassé, 6+6 b
15 Je remonte, songeur, à la source limpide 6+6 a
Qui gazouille dans mon passé. 8 b
De nos beaux jours c'était le matin et le rêve : 6+6 a
Tout était joie et chants, fleurs et félicités ! 6+6 b
O bonheurs des enfants que le temps nous enlève, 6+6 a
20 Pourquoi nous avez-vous quittés ? 8 b
Nous étions trois alors. Éveillés dès l'aurore, 6+6 a
Sortant du nid à l'heure où l'aube sort du ciel, 6+6 b
Nous allions dans les fleurs qu'elle avait fait éclore 6+6 a
Boire la rosée et le miel. 8 b
25 Elle et toi, de concert à ma voix indociles, 6+6 a
Vous braviez du soleil les torrides chaleurs. 6+6 b
Quand ma mère accourait, l'arbre aux ombres mobiles 6+6 a
Voilait nos plaisirs querelleurs. 8 b
Mais elle avait tout vu. Quittant le frais ombrage, 6+6 a
30 Nous lisions notre faute à son front rembruni. 6+6 b
Moi — j'étais votre aîné — bien qu'étant le plus sage, 6+6 a
Je n'étais pas le moins puni. 8 b
Nous la suivions. Bientôt, trompant sa vigilance, 6+6 a
Nous revolions aux champs, au grand air, au soleil, 6+6 b
35 Et des bois assoupis, tiède abri du silence, 6+6 a
Nous allions troubler le sommeil. 8 b
Alors, malheur à l'arbre à la grappe embaumée, 6+6 a
Au fruit d'or rayonnant à travers les rameaux ! 6+6 b
Nous brisions branche et fruits, la grappe et la ramée, 6+6 a
40 Et jusqu'aux nids des tourtereaux. 8 b
Et puis nous descendions la pente des ravines, 6+6 a
Où l'onde et les oiseaux confondaient leurs chansons, 6+6 b
Nous heurtant aux cailloux, nous blessant aux épines 6+6 a
Des framboisiers et des buissons. 8 b
45 Un lac était au bas, large, aux eaux peu profondes. 6+6 a
Sur ses bords qu'ombrageait le dais mouvant des bois, 6+6 b
Avec les beaux oiseaux furtifs amis des ondes, 6+6 a
Enfants, nous jouions tous les trois. 8 b
Pour suivre sur les flots leur caprice sauvage, 6+6 a
50 Des troncs du bananier nous faisions un radeau, 6+6 b
Et sur ce frêle esquif, glissant près du rivage, 6+6 a
Nous poursuivions les poules d'eau. 8 b
Ma sœur, trempant ses pieds dans l'onde claire et belle, 6+6 a
Comme la fée-enfant de ces bords enchanteurs, 6+6 b
55 Jetait aux bleus oiseaux qui nageaient devant elle 6+6 a
Des fruits, des baisers et des fleurs. 8 b
Et puis nous revenions. Notre mère, inquiète, 6+6 a
Pour nous punir s'armant de sévères froideurs, 6+6 b
Nous attendait au seuil de l'humble maisonnette, 6+6 a
60 Heureuse, avec des mots grondeurs. 8 b
O chagrin des enfants, qu'aisément tu désarmes 6+6 a
Les mères ! Nous donnant et des fruits et du lait, 6+6 b
Elle mêlait aux mots qui nous coûtaient des larmes 6+6 a
Le baiser qui nous consolait. 8 b
65 Ainsi coulaient nos jours. — O radieuse aurore ! 6+6 a
O mes doux compagnons, je crois vous voir encore ! 6+6 a
Bonheurs évanouis des printemps révolus, 6+6 a
Soleils des gais matins qui ne m'éclairez plus, 6+6 a
A vos jeunes chaleurs rajeunissant mon être, 6+6 a
70 Je sens mon cœur revivre et mon passé renaître ! 6+6 a
Je vous retrouve enfin ! Je vois là, sous mes yeux, 6+6 a
Courir sur les gazons mes souvenirs joyeux. 6+6 a
Je vois, de notre mère oubliant la défense, 6+6 a
Par les grands champs de riz voltiger notre enfance. 6+6 a
75 Chassons le papillon, l'insecte, les oiseaux, 6+6 a
Glanons un fruit tombé sur le cristal des eaux ; 6+6 a
C'est le ravin, le lac aux vagues argentines, 6+6 a
Le vieil arbre ombrageant nos têtes enfantines ; 6+6 a
C'est toi, c'est notre mère aux yeux pleins de douceur ! 6+6 a
80 C'est moi, c'est… ô mon frère ! où donc est notre sœur ? 6+6 a
Un tertre vert, voilà ce qui nous reste d'elle ! 6+6 a
Quand une âme est si blanche, à lui Dieu la rappelle. 6+6 a
Tige, orgueil de nos champs et que la brise aimait, 6+6 a
Tout en elle brillait, fleurissait, embaumait. 6+6 a
85 Lys sans tache, à la vie elle venait d'éclore, 6+6 a
Douce comme un parfum, blonde comme une aurore ! 6+6 a
Le soleil à ses jours mesurait les chaleurs ; 6+6 a
Des roses du Bengale elle avait les pâleurs. 6+6 a
Oh ! les fins cheveux d'or ! Les nouvelles épouses 6+6 a
90 Du bonheur de ma mère, hélas ! étaient jalouses. 6+6 a
Toutes lui faisaient fête et, des mains et des yeux 6+6 a
Caressant de son front l'ovale harmonieux, 6+6 a
Demandaient au Seigneur, d'une lèvre muette, 6+6 a
Un blond enfant semblable à cette blonde tête ! 6+6 a
95 Nos Noirs, comme ils l'aimaient ! Dans leur langue de feu 6+6 a
Ils la disaient l'étoile et la fille de Dieu. 6+6 a
Naïfs, ils comparaient cette fleur des savanes 6+6 a
Aux fraîches visions qui hantent les cabanes : 6+6 a
C'était un bon génie, une âme douce aux Noirs ; 6+6 a
100 Et, lorsque du labour ils revenaient, les soirs, 6+6 a
Tous, ils lui rapportaient des nids et des jam-roses, 6+6 a
Ou le bleu papillon, amant ailé des roses. 6+6 a
Hélas ! que vous dirais-je encor de notre sœur ? 6+6 a
Elle était tout pour nous, grâce et fée, astre et fleur ; 6+6 a
105 L'ange de la maison au nimbe d'innocence ; 6+6 a
La tige virginale, et le palmier d'enfance 6+6 a
Qui, croissant avec nous sous les yeux maternels, 6+6 a
Mêlait à nos rameaux ses rameaux fraternels. 6+6 a
C'est ma nourrice aussi qui l'avait élevée : 6+6 a
110 Nous étions presque enfants d'une même couvée ; 6+6 a
Oiseaux à qui le ciel faisait des jours pareils, 6+6 a
Un même nid le soir berçait nos longs sommeils. 6+6 a
Temps heureux ! Et la mort ! ô deuil ! ma pauvre mère !… 6+6 a
Elle vint après nous et s'en fut la première. 6+6 a
115 Sous un souffle glacé j'ai vu ployer son corps ; 6+6 a
L'ange froid des tombeaux éteignit sa prunelle, 6+6 b
Et, loin d'un sol en pleurs l'emportant sur son aile, 6+6 b
Ensemble ils sont partis pour le pays des morts. 6+6 a
Sa tombe ?… Elle est au pied de la haute colline 6+6 a
120 Dont le front large et nu sur l'Océan s'incline ; 6+6 a
Où la vague aux soupirs des mornes filaos 6+6 a
Vient mêler jour et nuit ses lugubres sanglots, 6+6 a
Et semble pour les morts, d'une voix solennelle, 6+6 a
Chanter le Requiem de sa plainte éternelle. 6+6 a
mètre profils métriques : 8, 6+6
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