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12 longueur métrique
6-6 mètre
LAC_2/LAC75
Auguste LACAUSSADE
Poèmes et Paysages
1852
POÈMES ET PAYSAGES
XLIV
Lettre à Hyacinthe H
Inter flumina nota.
Et fontes sacros, frigus captabis opacum.
Virgile.
Ainsi que l'hirondelleau retour des hivers, 6+6 a
Avide de soleil,de fleurs, de gazons verts, 6+6 a
Vous fuyez ces citésque la froidure assiège, 6+6 b
Ces climats les ventsont des ailes de neige ; 6+6 b
5 Et, prenant votre vol,vous allez au doux ciel 6+6 a
Qu'emplit de ses rayonsl'astre de Raphaël. 6+6 a
Dans ces lieux , baignéde rosée et de flammes, 6+6 b
Fleurit l'amour, ce lysqui parfume les âmes, 6+6 b
Vous boirez un air puret l'arôme léger 6+6 a
10 Que le vent du rivageenlève à l'oranger ; 6+6 a
Et, respirant partoutla vie et la lumière, 6+6 b
Vous reprendrez bientôtvotre verdeur première. 6+6 b
Jeune arbuste exiléde notre sol heureux, 6+6 a
Votre tige a languisous un ciel rigoureux ; 6+6 a
15 Mais à Naple, oubliantla ville aux brumes grises, 6+6 b
Vous croirez être encoreau doux pays des brises. 6+6 b
A l'heure le soleilmonte et remplit les airs, 6+6 a
Allez près d'Ischia,qui dans l'onde des mers 6+6 a
Baigne ses pieds de nymphe ;et, du haut des collines 6+6 b
20 flottent la lumièreet les senteurs marines, 6+6 b
Regardant les rameursqui chantent sur les flots, 6+6 a
Vous croirez voir nos portset nos bruns matelots, 6+6 a
Nos pirogues courantsur la vague profonde, 6+6 b
Et des brises de l'aubeenflant leur voile ronde ; 6+6 b
25 Les rapides esquifsqui bercent nos pêcheurs, 6+6 a
Comme un groupe au col blancde beaux oiseaux nageurs ; 6+6 a
Et plus loin, sur le dosde la mer océane, 6+6 b
Le vaisseau qui se meutcomme un aigle qui plane. 6+6 b
Heureux qui loin d'un cielmaussade et pluvieux, 6+6 a
30 A la terre du Nordayant fait ses adieux, 6+6 a
Peut contempler, aux piedsdu coteau qui s'incline, 6+6 b
La mer que le Vésuveou l'aurore illumine, 6+6 b
Et voir se dérouler,plein de flamme et d'accords, 6+6 a
Ce golfe le flot chanteet courtise ses bords ! 6+6 a
35 Nonchalamment couchésur la rive odorante 6+6 b
Que baise en murmurantla vague de Sorrente, 6+6 b
Heureux qui des hauteursdu plus beau firmament 6+6 a
Peut voir le disque d'ordescendre lentement ! 6+6 a
Et la mer bleue et tiède,et du sol amoureuse, 6+6 b
40 Ainsi qu'une Africaineardente et langoureuse, 6+6 b
Dans son lit de corailet de sable argenté, 6+6 a
Se bercer et mourir,lasse de volupté ! 6+6 a
Et vous, frileux enfantde nos îles aimées, 6+6 b
Vous allez visiterces rives embaumées ! 6+6 b
45 Et, plus heureux que moi,bientôt vous pourrez voir 6+6 a
Ces bords voluptueux je voudrais m'asseoir ; 6+6 a
, comme en nos paysdont l'azur est sans voiles, 6+6 b
Le sol est plein de fleurset l'air est plein d'étoiles ! 6+6 b
Fuyez ces ternes mursdu soleil délaissés, 6+6 a
50 Ces cités la terreet les cœurs sont glacés ; 6+6 a
le luxe à ses piedsvoit mourir l'indigence ; 6+6 b
le doute a taritoute antique croyance ; 6+6 b
l'artiste en mépris,du passant coudoyé, 6+6 a
S'en va, l'âme sans rêve,et de l'art ennuyé ; 6+6 a
55 le poète même,abjurant son délire, 6+6 b
A jeté le sarcasmeet l'insulte à sa lyre, 6+6 b
Et, disciple parjure,infidèle au saint lieu, 6+6 a
Avant le chant du coqa renié son Dieu ; 6+6 a
, remplacé par l'or,l'amour de la patrie 6+6 b
60 S'est retiré des cœurs ;, nation flétrie, 6+6 b
Oubliant notre orgueildans un lâche repos, 6+6 a
Nous souffrons que l'Anglaisinsulte à nos drapeaux ! 6+6 a
France ! on t'insulte, et toi,superbe en ta colère, 6+6 b
Quoi ! tu n'as point encorchâtié l'insulaire ! 6+6 b
65 Quoi ! tu n'as point encore,Anglais, Russe, Germain, 6+6 a
Levé sur l'étrangerta redoutable main ! 6+6 a
A quel abaissementes-tu donc descendue ! 6+6 b
Qui te rendra ta forceou ta fierté perdue ? 6+6 b
Oh ! rougis du présent,pleure et baisse les yeux ! 6+6 a
70 Pleure ces jours passés,ces combats radieux 6+6 a
tes fils, proclamantta grandeur militaire, 6+6 b
A trembler devant euxaccoutumaient la terre, 6+6 b
Et des rois conjurés,à ta perte acharnés, 6+6 a
Courbaient jusqu'à tes piedsles fronts découronnés ! 6+6 a
75 , ton char t'emportantde l'un à l'autre pôle, 6+6 b
Comme un manteau la gloireombrageait ton épaule ; 6+6 b
, fière, aux nationsqui rampaient sous ta loi 6+6 a
Tu laissais en passantquelque soldat pour roi ; 6+6 a
ton noble drapeauqu'épousa la victoire, 6+6 b
80 Déroulant dans les airston homérique histoire, 6+6 b
Sur l'univers conquispar tes guerriers vainqueurs, 6+6 a
Ainsi que l'arc-en-ciel,suspendait ses couleurs !… 6+6 a
Ah ! que ne puis-je aussifuir ces rives glacées 6+6 b
tout éveille en moide pénibles pensées ! 6+6 b
85 Que ne puis-je avec vous,poète au front serein, 6+6 a
Voir les champs régnale peuple souverain ! 6+6 a
Debout sur les tombeauxet la poudre de Rome, 6+6 b
L'homme en dépit des jourssent qu'il est beau d'être homme. 6+6 b
Son œil dans les débrisd'un empire effacé, 6+6 a
90 Dédaigneux du présent,contemple le passé ; 6+6 a
Et, se sentant grandirdevant l'ombre romaine, 6+6 b
Il n'a plus à rougirde la famille humaine. 6+6 b
Allez donc, ô rêveur !cœur pur, âme sans fiel, 6+6 a
Vous qui vivez d'espoir,cette manne du ciel, 6+6 a
95 Allez fouler au gréde votre fantaisie 6+6 b
La terre de la gloireet de la poésie. 6+6 b
Et d'abord, visitezces monts aux pics neigeux 6+6 a
Salvator rêvaitses brigands courageux, 6+6 a
, libre d'un vain monde,affranchi de ses règles, 6+6 b
100 Il vivait seul avecla tempête et les aigles ! 6+6 b
Et puis, comme un oiseaunoyé dans les brouillards, 6+6 a
Sur la chaude Italiearrêtant vos regards, 6+6 a
Hâtez-vous, descendezau sein des tièdes plaines, 6+6 b
les vents en passantembaument leurs haleines ; 6+6 b
105 Et, fils des cieux d'azuret des douces saisons, 6+6 a
Oubliez au soleilles brumeux horizons. 6+6 a
Votre voix, qui se taitpar la bise engourdie, 6+6 b
Retrouvera là-bassa frche mélodie ; 6+6 b
Sous un ciel pur et richeà notre ciel pareil, 6+6 a
110 Vous chanterez ! — La Museest fille du soleil ! 6+6 a
Pour moi, je dois resterdans la cité des brumes. 6+6 b
Oiseau d'un autre sol,je vais sécher mes plumes 6+6 b
Au foyer qui me voit,à mon culte attaché, 6+6 a
Méditer et pâlirsur mes livres penché. 6+6 a
115 Qui me rendra jamaisles pays sans froidure, 6+6 b
Et de mes beaux printempsla joie et la verdure ? 6+6 b
Hélas ! au vent du sortmes jours se sont fanés. 6+6 a
sont tous les bonheursque Dieu m'avait donnés ? 6+6 a
Mon enfance et mes bondsjoyeux par la campagne, 6+6 b
120 Et mon frère, et ma sœur,et l'austère montagne 6+6 b
Qui nous prêtait son ombre,et dont le front géant 6+6 a
Regarde à ses pieds battreet passer l'Oan ?… 6+6 a
Tout s'est évanoui !ma vie est orpheline ! 6+6 b
Sous le cyprès qui pleureau bas de la colline, 6+6 b
125 S'endormant pour toujoursd'un sommeil sans remord, 6+6 a
L'enfant qui fut ma sœurrepose dans la mort. 6+6 a
Et moi, je vogue et lutteen proie aux flots sauvages ; 6+6 b
Ma barque frêle encorea quitté nos rivages, 6+6 b
Sous les vents ennemisj'entends gémir ses mâts, 6+6 a
130 Et tristement je songeaux bords de la Dumas, 6+6 a
A mon enfance heureuse,à nos vertes allées 6+6 b
Pleines de papillons,ces belles fleurs ailées ! 6+6 b
Au vieux toit bien cachésous nos arbres chéris, 6+6 a
venaient tous les ansnicher les bengalis ; 6+6 a
135 , veuve de nos jeux,seule dans sa chaumière, 6+6 b
Pleure en pensant à nousma vieille et pauvre mère 6+6 b
O bonheurs de l'enfance !ô mes paisibles jours ! 6+6 a
M'auriez-vous donc aussidélaissé pour toujours ? 6+6 a
Je n'ai plus aujourd'huil'âme rieuse et gaie, 6+6 b
140 Je courbe sous le sortma tête fatiguée. 6+6 b
Je me dis, en pensantaux amis que j'aimais, 6+6 a
Que tout brille et s'éteintet nous quitte à jamais. 6+6 a
Et d'aimer, cependant,le besoin nous tourmente. 6+6 b
J'ai cherché dans la Museune humble et vraie amante ; 6+6 b
145 Mais que de fiel cachédans la coupe des fleurs ! 6+6 a
La lyre a ses dégtset l'art a ses douleurs. 6+6 a
La malveillance loucheà l'oblique manœuvre 6+6 b
Frappe à coups détournésma pensée et mon œuvre. 6+6 b
Âmes pleines de haine !esprits bas et jaloux ! 6+6 a
150 Menez-nous, ô mon Dieu !par des sentiers plus doux, 6+6 a
Ou donnez-nous, pareilleà l'étoile des mages, 6+6 b
La foi pour nous conduireet guider nos hommages ! 6+6 b
Car les temps sont mauvais,et par un ciel si noir 6+6 a
On ne sait plus s'il fautou marcher ou s'asseoir ; 6+6 a
155 L'avenir inquièteet le présent ennuie ; 6+6 b
Pour un jour de soleil,oh, que de jours de pluie !… 6+6 b
Mais adieu ! — Sur mon ciel,si sombre par instants, 6+6 a
J'ai peut-être arrêtévos regards trop longtemps ; 6+6 a
Pardonnez cette plainteà des lèvres mortelles, 6+6 b
160 Et vers des cieux plus douxlaissez monter vos ailes. 6+6 b
Que ne m'est-il donnéd'accompagner vos pas ! 6+6 a
Mais pour m'en consoler,— vous ne l'oublierez pas, 6+6 a
O mon poète ! ô vousdont la muse docile 6+6 b
Embellit ses beaux versd'une rime facile ; 6+6 b
165 Vous dont le rythme pleinde grâce et de clarté 6+6 a
Reproduit vos pensersdans leur limpidité ; 6+6 a
Vous qui savez toujours,sobre dans l'abondance, 6+6 b
Bercer vos rêves pursde nombre et de cadence ; — 6+6 b
Oui ! pour m'en consoler,vous me direz ces lieux 6+6 a
170 Qu'ont habités les arts,les héros et les dieux ; 6+6 a
la gloire a portéses rameaux jusqu'aux astres ; 6+6 b
désormais, hélas !tout est deuil et désastres ! 6+6 b
Ce ciel , s'éteignantavec la liberté, 6+6 a
Tout flambeau s'est couché,le soleil excepté ! 6+6 a
175 Dites-moi, dites-moil'éclat dont la nature 6+6 b
Revêt ces bords sacrésà toute créature ! 6+6 b
Mais, à l'heure s'éteintle jour silencieux, 6+6 a
Quand l'ombre est sur les monts,quand l'étoile est aux cieux, 6+6 a
Allez cueillir pour moiprès du golfe tranquille 6+6 b
180 Un rameau sur la tombe dort le doux Virgile ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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