Métrique en Ligne
LAC_2/LAC108
Auguste LACAUSSADE
Poèmes et Paysages
1852
POÈMES ET PAYSAGES
LXXVII
Le Passé
Ah ! Happy years ! Once more who would not be a boy ?
Byron.
Passé, matins riants, bienheureuses années, 6+6 a
Candeurs des jours éteints, illusions fanées, 6+6 a
Ah ! pour vous ressaisir, vous que nous pleurons tant, 6+6 b
Ah ! qui donc ne voudrait redevenir enfant ! 6+6 b
5 Comme ils sont loin déjà, les jours de mon enfance ! 6+6 a
La vie en moi s'ouvrait dans sa fleur d'innocence ; 6+6 a
De mon être imprégné d'odorante fraîcheur 6+6 b
Un parfum printanier montait vers le Seigneur ; 6+6 b
Et, tel qu'un arbre en fleur, mon esprit plein de sèves 6+6 a
10 Berçait au vent de Dieu la beauté de ses rêves ! 6+6 a
Du chant voilé des eaux, du bruit mourant des bois 6+6 b
J'enivrais mon oreille et j'emplissais ma voix ; 6+6 b
Ma Muse se baignait, blonde et jeune d'années, 6+6 a
Dans les moites senteurs des vertes matinées ; 6+6 a
15 Et l'inspiration au virginal essor 6+6 b
Se levait sur mon âme ainsi qu'une aube d'or. 6+6 b
Poète, oh ! je l'étais alors ! et mes pensées 6+6 a
S'épandaient dans les airs en ondes cadencées, 6+6 a
Et, comme un lac au fond des bois mystérieux, 6+6 b
20 Pures, réfléchissaient la pureté des cieux. 6+6 b
De la foi sur mes jours brillait encor l'étoile ; 6+6 a
Je trouvais Dieu partout sans mystère et sans voile : 6+6 a
Je l'entendais parler dans le bruit des roseaux, 6+6 b
Je l'entendais chanter dans la voix des oiseaux, 6+6 b
25 Je le sentais passer dans les larges haleines 6+6 a
Des brises ondoyant au sein profond des plaines ; 6+6 a
Je le voyais sourire et briller plus qu'ailleurs 6+6 b
Dans la splendeur de l'astre et la gloire des fleurs ! 6+6 b
Et de mon âme ouverte, effusion première, 6+6 a
30 Montait ma poésie en strophes de lumière ; 6+6 a
Et, tel que la colombe à l'harmonieux vol, 6+6 b
Mon esprit sans effort se détachait du sol 6+6 b
Et dans les feux de l'aube, aux voûtes éternelles, 6+6 a
N'avait pour s'élever qu'à déployer les ailes ! 6+6 a
35 Mais ces temps ne sont plus ! Sans flamme et sans accords, 6+6 b
Je languis désormais sous les chaînes du corps. 6+6 b
Mon luth n'a plus de corde où vibre l'espérance ; 6+6 a
Ma voix est un sanglot, mon chant, une souffrance ; 6+6 a
Et, comme cet arbuste aux larmes d'ambre et d'or, 6+6 b
40 A qui le fer cruel fait saigner son trésor, 6+6 b
Trahissant à mes flancs de secrètes morsures, 6+6 a
Mes vers ne coulent plus qu'à travers mes blessures ! 6+6 a
Et ces vers douloureux, cette amère liqueur, 6+6 b
Goutte à goutte, en secret, s'épanchant de mon cœur, 6+6 b
45 Me font plus douce encor la douce poésie 6+6 a
Dont s'abreuvait, enfant, ma jeune fantaisie. 6+6 a
Et je songe avec pleurs à mon enfance aux bois, 6+6 b
A ma lyre facile, à mes chants d'autrefois, 6+6 b
A ces jours où, pareils au lys de ma colline, 6+6 a
50 Essaim mélodieux à la voix cristalline, 6+6 a
Mes frais pensers, ouvrant leurs ailes de blancheur, 6+6 b
D'un naturel essor s'en allaient au Seigneur ! 6+6 b
Et je me dis alors, pris du mal de la vie, 6+6 a
Et vers mes jours éteints tournant des yeux d'envie : 6+6 a
55 Pour croire et pour aimer, pour prier et chanter, 6+6 b
Pour se sentir vers Dieu palpiter et monter, 6+6 b
Pour déborder de foi, de sève et de puissance, 6+6 a
Pour revêtir d'Abel la robe d'innocence, 6+6 a
Pour être fort et pur, candide et triomphant, 6+6 b
60 Ah ! qui donc ne voudrait redevenir enfant ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
schéma : 30((aa))
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