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LAC_2/LAC106
Auguste LACAUSSADE
Poèmes et Paysages
1852
POÈMES ET PAYSAGES
LXXV
L'Arbre Fougère
In alta solitudine.
Je sais, dans ma forêt natale, 8 a
Un arbuste, enfant des hauts lieux : 8 b
Fière est sa tige orientale, 8 a
Fier son feuillage harmonieux. 8 b
5 Verte et voisine des nuages, 8 a
Sa tête, dans le bleu des airs, 8 b
Fleurit sur les cimes sauvages 8 a
Comme la grâce des déserts. 8 b
Des rochers d'où sa flèche émerge, 8 a
10 Jusqu'au ciel il porte la voix 8 b
Du furtif oiseau de la Vierge 8 a
Et du merle ami des grands bois. 8 b
Les pleurs dont sa palme est mouillée, 8 a
Sont tombés du nuage errant ; 8 b
15 Jamais sa feuille n'est souillée 8 a
Par l'eau fangeuse du torrent. 8 b
Sur les pics, en pleine lumière, 8 a
Debout sur les gouffres béants, 8 b
Sa tige dans sa grâce altière 8 a
20 Croît au milieu d'arbres géants. 8 b
C'est le roi svelte des arbustes. 8 a
Couronné de grappes de fleurs, 8 b
Son front, du sein des bois robustes, 8 a
Monte et flotte au niveau des leurs. 8 b
25 Près de ces arbres centenaires 8 a
A le voir fleurir, on dirait 8 b
Un frère auprès de ses grands frères, 8 a
Le Benjamin de la forêt. 8 b
L'air est tranquille et sans nuages 8 a
30 Sur ses beaux rameaux éployés. 8 b
Loin sous lui roulent les orages ; 8 a
Leur voix ne passe qu'à ses pieds. 8 b
A ses pieds la brise légère, 8 a
Douce habitante du rocher, 8 b
35 Fait monter la senteur amère 8 a
De l'ambaville et du pêcher. 8 b
A ses pieds où les palmes douces 8 a
Balancent l'ombre et la fraîcheur, 8 b
L'herbe jeune, les tendres mousses 8 a
40 Font un lit vierge au voyageur. 8 b
A ses pieds l'arôme des plaines, 8 a
L'éclat mol et tiède des cieux, 8 b
Le bruit des chutes d'eau lointaines, 8 a
Tout repose l'âme et les yeux. 8 b
45 Et l'on s'oublie a son ombrage ; 8 a
Et, levant un front plus léger, 8 b
On part, bénissant le feuillage 8 a
De l'arbre ami de l'étranger. 8 b
Envoi
(A Daniel Stern.)
Cet arbre à la flèche élancée 8 a
50 Qui croît sur le mont paternel, 8 b
Comme une sereine pensée 8 a
Qui de la terre monte au ciel ; 8 b
Ce bel arbre au vert diadème, 8 a
L'orgueil et l'amour de nos bois, 8 b
55 C'est un symbole et votre emblème : 8 a
Je pense à lui quand je vous vois. 8 b
Vous aussi, des cités poudreuses 8 a
Vous fuyez les bruits indiscrets : 8 b
Vous aimez les cimes ombreuses, 8 a
60 Le grand silence des forêts. 8 b
Dans une haute solitude 8 a
Abritant vos jours éprouvés, 8 b
Pour l'art sévère et pour l'étude 8 a
Avec la Muse vous vivez. 8 b
65 Dans votre retraite choisie, 8 a
Sur vos lauriers aux rameaux verts, 8 b
L'oiseau bleu de la poésie 8 a
Descend et vous chante des vers. 8 b
Vous lisez Shakspeare et Virgile, 8 a
70 Goethe et Dante au verbe d'airain. 4+5 b
Tacite à votre main virile 8 a
Parfois a prêté son burin. 8 b
Ouverte à toute œuvre sentie, 8 a
Votre âme, à qui rien n'est voilé, 8 b
75 Sait accueillir comme Hypatie 4+5 a
La Science au front étoilé. 8 b
Votre muse patricienne 8 a
Du peuple a compris la grandeur ; 8 b
Votre foi, poète, est la sienne, 8 a
80 Et votre cœur entend son cœur. 8 b
Gardant la chaleur, non les flammes 8 a
D'une époque aux songes épais, 8 b
L'orage qui gronde en nos âmes 8 a
Ne vient plus troubler votre paix. 8 b
85 Sans fiel, sans passion farouche, 8 a
Vous enseignez la Liberté ; 8 b
Pour convaincre, sur votre bouche 8 a
Dieu mit la sereine équité. 8 b
Vous sondez d'un regard paisible 8 a
90 Les noirs problèmes du présent, 8 b
Et votre esprit juge, impassible, 8 a
Les cris d'un monde agonisant. 8 b
Voyant par delà les années 8 a
Ce que l'homme un jour doit bénir, 8 b
95 Vous saluez les destinées 8 a
Que porte en ses flancs l'avenir. 8 b
Eh ! qu'importent ces clameurs sombres 8 a
D'un siècle aveugle et furieux ! 8 b
Des temps nouveaux sur nos décombres 8 a
100 Blanchit le jour mystérieux. 8 b
Qu'importe, c'est victoires vaines, 8 a
Succès d'un jour ! fruit avorté ! 8 b
Il n'est de conquêtes certaines 8 a
Que dans tes rangs, ô Vérité ! 8 b
105 Qu'importe en ces temps d'aventure 8 a
Si le fait trahit la raison ! 8 b
Partout de la moisson future 8 a
Le bon grain lève à l'horizon. 8 b
Et vous comptez sur les années, 8 a
110 Et du vrai méditant la loi, 8 b
Fidèle aux causes ajournées, 8 a
Dans l'avenir vous avez foi. 8 b
Et, calme en cette solitude, 8 a
Abri de vos jours éprouvés, 8 b
115 Des hauts espoirs faisant étude, 8 a
Avec la Muse vous vivez ! 8 b
mètre profils métriques : 8, 4+5
forme globale type : suite périodique
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