Métrique en Ligne
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e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAC_1/LAC7
Auguste LACAUSSADE
Les Salaziennes
1839
VII
A Mr. N. R. de la Serve
(De l'île Bourbon)
I
Le Salaze a vu les orages 8 a
Cent fois, d'un vol impétueux 8 b
S'abattre du sein des nuages 8 a
Sur son sommet majestueux. 8 b
5 Vaine fureur ! rage inutile ! 8 a
Le Piton géant de mon île 8 a
Opposait sa face immobile 8 a
Aux coups des autans furieux ; 8 a
Vainqueur des vents et du tonnerre, 8 b
10 Il voyait passer leur colère, 8 b
Ses pieds forts toujours dans la terre, 8 b
Sa tête toujours dans les cieux ! 8 a
Et quand la sereine nature 8 a
Succédait aux vents irrités, 8 b
15 Il voyait flotter la verdure 8 a
Des monts qu'il avait abrités. 8 b
L'arbuste à la feuille éphémère, 8 a
L'arbre à la tige séculaire, 8 a
Du ciel défiant la colère, 8 a
20 Voilaient les rochers ombragés ; 8 a
Et l'onde de ses larges veines, 8 b
Tombant en cascades hautaines, 8 b
Allait abreuver dans les plaines 8 b
Les champs qu'il avait protégés. 8 a
25 Pour ce sommet sans chevelure, 8 a
Pour ce front haut et sans cimier, 8 b
Pas de panache de verdure, 8 a
Jamais de gracieux palmier. 8 b
Mais qu'importe, ô Piton sublime ! 8 a
30 Tes pieds dépassent toute cime : 8 a
De l'Éther franchissant l'abîme 8 a
Ton ombre au loin couvre les mers ! 8 a
Ta masse résiste aux orages, 8 b
Et des monts à qui tu surnages 8 b
35 Nul ne porte au sein des nuages 8 b
Plus haut la tête dans les airs ! 8 a
Que t'importe aussi qu'on t'oublie, 8 a
Homme loyal au cœur altier ? 8 b
Qu'importe à ta tête fléchie 8 a
40 De vieillir chauve de laurier ? 8 b
N'éclipses-tu pas de ton ombre 8 a
Ces envieux, au regard sombre, 8 a
Grêles rivaux, jaloux sans nombre, 8 a
Trop bas pour des yeux immortels ? 8 a
45 Des élus tu portes le signe, 8 b
Mais tu le sais, caprice insigne, 8 b
Ce n'est jamais qu'au plus indigne 8 b
Que nous élevons des autels ! 8 a
Aujourd'hui que l'océan gronde 8 a
50 Que la tourmente a commencé, 8 b
Qui doit, Français d'un autre monde, 8 a
Sauver votre esquif menacé ! 8 b
Sans guide, hélas ! sur l'onde il flotte ; 8 a
Où donc est-il votre pilote ! 8 a
55 Qu'il parle et que de sa voix haute 8 a
Il commande aux flots révoltés ! 8 a
Vaine attente ! leur lâche audace 8 b
Du mérite usurpe la place ; 8 b
Mais quand le péril est en face 8 b
60 A quoi servent ces nullités ! 8 a
La Serve, en nocher plus habile 8 a
Combattant le flot mutiné, 8 b
Oh ! qu'avec éclat pour ton île 8 a
Ta forte voix eût résonné ! 8 b
65 Libre organe d'une âme ardente, 8 a
Ta bouche austère, indépendante, 8 a
Cratère à la lave éloquente, 8 a
Pour nous eût enflammé les cœurs ! 8 a
Mais le mérite, on le rejette ; 8 b
70 Dans l'ombre inutile il végète, 8 b
Et c'est à sa tombe muette 8 b
Qu'on rend les éternels honneurs ! 8 a
II
Aussi, paisible et grave, auguste intelligence, 6+6 a
Tu ne t'en émeus pas, tu gardes le silence. 6+6 a
75 Tu sais que l'homme oublie : et calme et satisfait 6+6 a
Ton cœur dans le passé voit le bien qu'il a fait, 6+6 a
Et goûte, au sein des bois et de la solitude, 6+6 a
De tes devoirs remplis la douce quiétude. 6+6 a
Ta conscience heureuse, asile des vertus, 6+6 a
80 Se repose des jours mauvais et révolus ; 6+6 a
Comme la fleur s'endort dans sa dernière haleine 6+6 a
Après avoir donné ses parfums à la plaine. 6+6 a
Ton pays rend justice à ta haute équité. 6+6 a
De ta dette envers lui ton cœur s'est acquitté ; 6+6 a
Et cela te suffit.
85 Que ta voix généreuse 6+6 a
Se taise ou serve encor ta patrie oublieuse ! 6+6 a
Mais moi, je parlerai : car j'ai pour le malheur 6+6 a
Des accents qu'à mon âme a dictés le Seigneur. 6+6 a
J'irai, je chanterai ; ma jeune Poésie 6+6 a
90 Demandant ta chaumière aux bois de Salazie, 6+6 a
Sur ton front, à défaut de lauriers et de fleurs, 6+6 a
Répandra ses accords, son amour et ses pleurs. 6+6 a
III
C'est toi dont l'éloquence ardente et filiale 6+6 a
Rendit à ton pays sa voie coloniale, 6+6 a
95 Et pour ses intérêts, au conseil agités, 6+6 a
Fit parler dans ses fils ses hautes volontés 6+6 a
T'associant toujours à toute action bonne, 6+6 a
C'est toi que pour son bien ne devança personne ; 6+6 a
C'est toi qui, déplorant l'abus des vieilles mœurs 6+6 a
100 De pensers libéraux ensemençais les cœurs ; 6+6 a
Toi qui, des préjugés flétrissant l'existence, 6+6 a
Aux uns prêchais l'amour, à nous la patience ; 6+6 a
Et d'une oppression inique et sans pitié 6+6 a
Ne pouvant nous sauver, nous pris en amitié ! 6+6 a
105 Et moi, je me tairai ! jeune homme sans mémoire 6+6 a
Je resterai sans voix devant la noble histoire ! 6+6 a
Non ! l'on ne dira pas qu'oublieux du passé 6+6 a
Je n'aurai pas chanté le juste délaissé, 6+6 a
Et que mon luth, gardant un silence complice, 6+6 a
110 Se sera tu jamais devant une injustice ! 6+6 a
IV
Amassez-vous, vents des orages, 8 a
Soufflez du nord à l'occident, 8 b
Et du dais obscur des nuages 8 a
Voilez l'éclat du firmament ! 8 b
115 Jalouse des feux de l'aurore, 8 a
O nuit ! la dois-tu voir encore, 8 a
Du trône riant du matin, 8 a
Chasser par degrés tes ténèbres, 8 b
Et blanchir tes ombres funèbres 8 b
120 A son reflet doux et lointain. 8 a
Ouvrez-vous ! répandez vos ondes, 8 a
Vastes cataractes des cieux, 8 b
Éteignez les flammes fécondes 8 a
De l'astre aux rayons glorieux ! 8 b
125 Sur le firmament sans étoiles, 8 a
Obscurité, jette tes voiles, 8 a
Sur notre globe étends la main ; 8 a
De ténèbres couvre la terre, 8 b
Et que cette nuit sans lumière 8 b
130 Soit une nuit sans lendemain ! 8 a
Oh ! quelle nuit profonde et sombre ! 8 a
Des cieux désertant le séjour, 8 b
Soleil, astre vainqueur de l'ombre, 8 a
T'es-tu donc voilé pour toujours ? 8 b
135 La terre est morne et taciturne, 8 a
L'étoile à la voûte nocturne 8 a
N'a pas allumé son flambeau ; 8 a
Le ciel est comme une urne obscure, 8 b
Et tout semble dans la nature 8 b
140 Dormir du sommeil du tombeau. 8 a
Mais, regardez ! voici l'aurore 8 a
Qui lève ses rideaux d'azur ; 8 b
L'ombre blanchit et s'évapore 8 a
Aux bords de l'orient plus pur. 8 b
145 L'aube, ouvrant sa molle paupière, 8 a
Du faible éclat de sa lumière, 8 a
Sème les premiers feux du jour. 8 a
L'air est pur, l'horizon est rose, 8 b
Le ciel que la lumière arrose 8 b
150 Semble sourire avec amour. 8 a
Mais l'astre a fait pâlir l'aurore, 8 a
Tout cède à sa vaste clarté : 8 b
Il chasse, il aspire, il dévore 8 a
Les vapeurs de l'obscurité. 8 b
155 Repliant ses voiles funèbres, 8 a
La nuit, sur son char de ténèbres, 8 a
Fuit à son aspect glorieux 8 a
Et, s'élançant dans sa carrière, 8 b
Il monte éclatant de lumière 8 b
160 Sur le trône azuré des cieux. 8 a
V
Ainsi, monstre exécré, dont la serre homicide 6+6 a
Étouffe le talent dans son germe timide, 6+6 a
Reptile dont le souffle impur et venimeux 6+6 a
S'épanche incessamment sur tous les noms fameux ; 6+6 a
165 Toi, dont le dard caché brûle de sa piqûre 6+6 a
Tout ce qui, dans les cieux, lève une tête pure, 6+6 a
Toi que l'enfer pétrit d'un fétide levain, 6+6 a
Toi qu'enfin l'homme abhorre et que l'on nomme Envie, 6+6 b
Et que l'heureux mortel qu'attend une autre vie 6+6 b
170 Ne voit que des hauteurs d'un sublime dédain. 6+6 a
Ainsi tu veux ternir dans ta rage jalouse 6+6 a
Le talent qu'on admire et que la gloire épouse ; 6+6 a
Mais détestant l'éclat dont le mérite a lui, 6+6 a
Tu te places en vain entre la terre et lui ! 6+6 a
175 Rampe ! tu ne dois pas obscurcir la lumière ! 6+6 a
Rampe ! puisque c'est là ta nature première ! 6+6 a
Rampe ! et maudis toujours toute chose à bénir ! 6+6 a
Rampe ! et darde au génie un œil sanglant et sombre ! 6+6 b
Tu ne pourras jamais éclipser de ton ombre 6+6 b
180 Son astre éblouissant qui luit sur l'avenir ! 6+6 a
Et vous, ambitieux, rivaux aux mains débiles, 6+6 a
Dont la faiblesse aspire aux charges difficiles, 6+6 a
Pour des fardeaux si lourds vos bras sont chancelants 6+6 a
Imposez donc silence à des vœux insolents ! 6+6 a
185 Il faut la main géante à l'œuvre colossale ! 6+6 a
Faites place ! inclinez votre tête vassale, 6+6 a
Et ne disputez plus au noble élu des cieux 6+6 a
La place où veut siéger votre orgueil ridicule ; 6+6 b
Car il faut pour prétendre aux grands travaux d'Hercule 6+6 b
190 Sentir couler en soi le sang du roi des dieux ! 6+6 a
Amis, ouvrons les yeux au jour qui nous éclaire 6+6 a
A ces vils intrigants ne jetons pour salaire 6+6 a
Qu'un éloquent sourire et de justes mépris ! 6+6 a
Du talent méconnu reconnaissons le prix ! 6+6 a
195 Que l'avenir répare un oubli réparable, 6+6 a
Et ne croupissons plus dans une erreur coupable ! 6+6 a
Vous êtes abusés par un reflet vermeil ! 6+6 a
Ce nuage enflammé que la lumière dore, 6+6 b
C'est l'ombre et non le Dieu que la nature adore ; 6+6 b
200 Levez plus haut les yeux, c'est là qu'est le soleil !… 6+6 a
mètre profils métriques : 8, 6+6
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