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LAC_1/LAC25
Auguste LACAUSSADE
Les Salaziennes
1839
XXV
Le Piton des neiges
A MON AMI A. LIONNET.
Océan, Océan, quand tes vagues fumantes 6+6 a
Lèvent en mugissant leurs têtes écumantes, 6+6 a
Un flot majestueux, se dressant dans les airs, 6+6 b
Semble toucher le ciel de sa crête sublime ; 6+6 c
5 Comme un vaste cratère on voit fumer sa cime ; 6+6 c
Et de sa masse énorme il domine les mers ! 6+6 b
Les ondulations que son volume écrase, 6+6 a
Viennent avec fureur se briser sur sa base ; 6+6 a
L'onde monte et bondit vers son front orgueilleux ; 6+6 b
10 Mais lui — voyez ! — semblable au Dieu de la tempête, 6+6 c
D'écume et de vapeurs il couronne sa tête 6+6 c
Et semble maîtriser l'élément furieux. 6+6 b
Tel, de ces lieux que tu domines, 8 a
Superbe mont Salazien, 8 b
15 Tel, de ces montagnes voisines 8 a
Jaillit ton front aérien ! 8 b
Immense, éternel, immobile, 8 c
Du centre élevé de mon île, 8 c
Ton sommet auguste et tranquille 8 c
20 Impose et commande aux regards ; 8 d
Un hiver éternel y siège, 8 e
Et ton front que le vent assiège, 8 e
Se couvre de glace et de neige 8 e
Comme la tête des vieillards. 8 d
25 L'œil qui du sein des mers profondes 8 a
Aperçoit ta mâle beauté, 8 b
Sur la verte fille des ondes 8 a
Aime ta noble vétusté. 8 b
Et tu sembles dans ton silence, 8 c
30 Du doux zéphyr qui se balance 8 c
Ou de l'aquilon qui s'élance, 8 c
Écouter le bruit dans les cieux ; 8 d
Ou comme un géant solitaire, 8 e
Sur les ondes et sur la terre 8 e
35 Fixant un regard centenaire, 8 e
Rêver grave et silencieux ! 8 d
Lorsque le jour expire et que l'ombre est venue, 6+6 a
Quand la lune se lève au-dessus de la nue, 6+6 a
L'océan à tes pieds brille comme un miroir ; 6+6 b
40 Des cieux, l'astre des nuits blanchit les vastes dômes 6+6 c
Et tu vois les vaisseaux comme de blancs fantômes, 6+6 c
Glisser à l'horizon sous les vapeurs du soir 6+6 b
Et le pauvre pécheur dont la barque rapide 6+6 a
Bondit légèrement sur la plaine liquide, 6+6 a
45 Et l'oiseau que la nuit a surpris sur les mers, 6+6 b
Dans un vague lointain apercevant ta cime, 6+6 c
Dirigent leur essor vers ton sommet sublime 6+6 c
Et s'avancent bercés par le souffle des airs. 6+6 b
Et de loin sur la mer immense, 8 a
50 L'œil étonné du voyageur 8 b
Te contemple dans le silence, 8 a
Aux rayons de l'astre rêveur. 8 b
Le nuage errant qui s'arrête, 8 c
Paraît s'agiter sur ta crête, 8 c
55 Comme on voit flotter sur leur tête 8 c
Les blancs panaches des héros ; 8 d
Et ta masse antique et profonde 8 e
Qu'une douce lumière inonde, 8 e
Semble le bleu spectre de l'onde 8 e
60 Debout sur l'abîme des flots ! 8 d
Ah ! devant ta face ridée 8 a
Combien de siècles ont passé ? 8 b
Mais sur ta cime saccadée 8 a
Le pas du temps s'est effacé. 8 b
65 Que de jours de calme et d'orage, 8 c
Et de soleil et de nuage, 8 c
Et de tourmente et de naufrage, 8 c
Pour ton œil séculaire ont lui ? 8 d
Tempête, ombre, aquilon lumière, 8 e
70 Tout rentra dans la nuit première ; 8 e
Mais toi, dans ta stature altière, 8 e
Tu fus alors comme aujourd'hui ! 8 d
Alors, comme aujourd'hui, la matinale aurore, 6+6 a
Et le rayon mourant du jour qui s'évapore, 6+6 a
75 Sur ta tête azurée ont répandu leurs feux ; 6+6 b
Et quand l'aube ou la nuit vint sourire à la terre, 6+6 c
Dans l'empire éthéré tu brillas solitaire, 6+6 c
Comme un phare aux reflets doux et silencieux. 6+6 b
Alors, comme aujourd'hui, de tes rochers arides 6+6 a
80 Tu versas dans nos champs les flots purs et limpides ; 6+6 a
Et, défiant toujours l'ouragan destructeur, 6+6 b
Et drapant tes flancs nus du manteau des nuages, 6+6 c
Comme un génie assis sur le trône des âges, 6+6 c
Tu levas dans les cieux ton front dominateur. 6+6 b
85 Pyramides de la nature, 8 a
Pitons, sommets, vaste hauteur, 8 b
Dont la gigantesque structure 8 a
Parle à l'homme de son auteur ; 8 b
Monts altiers, masse indéfinie, 8 c
90 Profondeurs et désharmonie, 8 c
Qu'un propice ou fatal génie 8 c
Sema dans ces lieux écartés ; 8 d
Éclairs sanglants, sombre nuage, 8 e
Nid aérien d'où l'orage 8 e
95 S'élance en bondissant de rage 8 e
Au sein des airs épouvantés ; 8 d
Gouffres, flots, océan, tempête, 8 a
Emportez-moi dans vos horreurs ! 8 b
Car j'aime à sentir sur ma tête 8 a
100 Passer le vent de vos fureurs ! 8 b
J'aime à contempler vos abîmes, 8 c
A mesurer vos hautes cimes, 8 c
A suivre vos ondes sublimes, 8 c
A me remplir de votre effroi ; 8 d
105 Aux vagues, aux vents, à la flamme, 8 e
Je veux toujours mêler mon âme, 8 e
Car mon cœur s'exalte et s'enflamme 8 e
Et tout alors grandit en moi !… 8 d
mètre profils métriques : 8, 6+6
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